Substance blanche
La substance blanche est située dans la partie interne du cerveau, en dessous de la substance grise, et se prolonge jusqu’à la moelle épinière. Faisant partie du système nerveux central, la première fonction de la substance blanche est de permettre la communication entre les différentes aires de substance grise. La substance blanche est composée d’axones, des fibres nerveuses myélinisées servant au transport des impulsions électriques entre les neurones de la substance grise. Selon Barnea-Goraly et al. (2005), une gaine de myéline plus épaisse, un diamètre des axones plus important et une meilleure organisation de la substance blanche sont des facteurs qui peuvent améliorer significativement le transport des impulsions électriques entre les aires de substance grise, ce qui pourrait aussi avec un impact important sur le développement cognitif.
La substance blanche se présente en faisceaux d’axones pouvant être délimités à l’aide l’imagerie du tenseur de diffusion (voir la section 1.2.1). En effet, quelques études citées dans cette revue de littérature utilisent l’imagerie du tenseur de diffusion pour analyser le développement de plusieurs faisceaux de substance blanche. Parmi les faisceaux étudiés, le corps calleux est le plus important et le plus gros faisceau d’axones de la substance blanche. Sa fonction principale est de relier les deux hémisphères du cerveau. Une description plus détaillée du corps calleux est effectuée dans le chapitre 1.1.2.1. Le fornix est une commissure inter-hémisphérique située sous le corps calleux, et qui relie l’hippocampe aux corps mamillaires. Le fornix fait partie du système limbique et est notamment impliqué dans le traitement de la mémoire. Entourant la partie supérieure du corps calleux, le cingulum est impliqué dans la communication du système limbique et est associé, entre autres, à l’hippocampe. Le faisceau longitudinal inférieur, qui unit les lobes temporal et occipital, est entre autres impliqué dans le traitement de la vision, tandis que le faisceau longitudinal supérieur associe les quatre lobes et est notamment impliqué dans le traitement du langage et dans la mémoire de travail, surtout visuelle. Le faisceau corticospinal relie principalement la moelle épinière au cortex moteur et traverse la capsule interne. Finalement, le faisceau unciné associe les lobes frontal et temporal, et est impliqué notamment dans le traitement de la mémoire et des émotions.
Imagerie par transfert d’aimantation
L’imagerie par transfert d’aimantation est une technique d’imagerie par résonance magnétique découverte dans les années 80 et qui s’est beaucoup développée dans les années 90. Celle-ci utilise les principes physiques des protons afin de détecter les baisses de signal dans les tissus biologiques. Le processus débute par l’envoi d’une impulsion radiofréquence (RF) afin de saturer l’aimantation des protons fixes liés aux macromolécules des tissus. Puisque les protons fixes ont un temps de relaxation plus court que les protons libres et que leur spectre d’absorption est inversement proportionnel à leur temps de relaxation, les protons libres ne sont pas affectés par ce signal RF. La saturation des protons fixes va se transférer dans les protons libres environnants par un processus d’échange, occasionnant une baisse de signal dans les protons fixes (Henkelman et al., 2001).
Puisque la vitesse de transfert du spin (saturation) entre les protons fixes et les protons mobiles est relative au type de matière et à son état, il suffit de détecter les baisses de signal pour détecter la matière et les détails de la microstructure de celle-ci (Grossman et al., 1994). Finalement, il est possible de calculer l’amplitude de cette baisse de signal dans la matière en effectuant deux acquisitions IRM, avec et sans impulsion RF, qu’on soustrait ensuite pour en déduire les changements relatifs. Le résultat de ce calcul est appelé « taux de transfert d’aimantation » (MTR). 13 0 0 sat = – M MTR M M tiré de Henkelman (2000) (1.5) Selon Henkelman (2000), le MTR est sensible aux changements dans la microstructure de la substance blanche et est un bon indicateur « de la présence de la myéline dans le cerveau » (Van Buchem et al., 2001).
Pour ces raisons, l’imagerie par transfert d’aimantation a été utilisée dans un bon nombre d’études sur des maladies affectant la substance blanche cérébrale, dont l’autisme (Gozzi et al., 2012), la leucémie aiguë lymphoblastique (Yamamoto et al., 2006) et la sclérose en plaques (Van Buchem, 1999). Les 3 principales métriques utilisées pour analyser le MTR dans la substance blanche sont la moyenne et les deux propriétés du pic de son histogramme, à savoir la position et la hauteur. Ces métriques sont utilisées dans différentes applications, dont l’étude de Van Buchem et al. (2001) qui analyse la maturation du cerveau et obtient des corrélations entre l’âge des sujets et ces métriques. L’étude sur la sclérose en plaques du même auteur (1999) obtient des moyennes moins élevées et des hauteurs du pic des histogrammes plus basses chez les sujets malades. Finalement, l’étude de Yamamoto et al. (2006) obtient des métriques d’histogramme moins élevées dans la substance blanche chez les sujets malades après des traitements de chimiothérapie.
Quoique le MTR et les indices de l’imagerie de diffusion, telle que l’anisotropie fractionnelle, proviennent de techniques différentes, toutes deux peuvent être utilisées pour évaluer l’état de la microstructure de la myéline (Lebel et Beaulieu, 2011; Mori, 2007; Van Buchem et al., 2001; Henkelman, 2000). L’étude de Gozzi et al. (2012) discute toutefois des différences entre les deux techniques et spécifie qu’il existe maintenant des preuves que le MTR donne une mesure plus juste de la présence de myéline que l’imagerie de diffusion. En effet, selon la revue effectuée par cette étude, les indices de diffusion mesurent plusieurs propriétés de la substance blanche à la fois, et non seulement l’état de la myéline, ce qui pourrait laisser croire que ces deux techniques ne produisent pas tout à fait le même type d’information.
Développement de la substance blanche
L’imagerie du tenseur de diffusion permet de capter diffusion des molécules d’eau dans les tissus de la substance blanche. Une des métriques principales de cette technique d’imagerie est l’anisotropie fractionnelle, car elle permet de déterminer le degré de myélinisation des axones, leur cohérence et leur densité (Barnea-Goraly et al., 2005; Lebel et Beaulieu, 2011). Selon Lebel et al. (2012), les variations dans la diffusion axiale et la diffusion radiale dans les fibres provoquent aussi des changements dans l’anisotropie fractionnelle – une diminution de la diffusion radiale implique donc une meilleure myélinisation ou une plus grande densité de fibres. Une plus grande myélinisation des fibres permet d’augmenter la vitesse des signaux transmis par celles-ci, ce qui pourrait avoir une grande incidence dans le développement cognitif, comportemental et émotionnel (Barnea-Goraly et al., 2005). Selon Luders et al. (2010), il n’y a pas que la myélinisation des fibres qui améliore la diffusion radiale dans la substance blanche. En effet, d’autres facteurs, comme la cohérence des fibres et leur densité, peuvent affecter la qualité de la diffusion. Par ailleurs, une plus grande myélinisation des fibres implique aussi un plus grand diamètre de celles-ci, cela pouvant avoir un effet sur leur volume et leur densité.
Finalement, l’étude de Barnea-Goraly et al. (2005) effectue une observation intéressante : la plupart des régions où l’anisotropie augmente, mais pas la densité, sont en périphérie des faisceaux, près de frontière entre les substances blanches et grises. Selon les auteurs, cela suggère une meilleure organisation et cohérence des axones, augmentant l’anisotropie fractionnelle dans ces régions. Selon les études de Lebel et al., (2012), Lebel et Beaulieu (2011) et McLaughlin et al. (2007), le développement de la microstructure de la substance blanche n’est pas linéaire et est spécifique pour chacun des faisceaux. Les premiers faisceaux à se développer sont le fornix, le corps calleux et le faisceau longitudinal inférieur, probablement parce que ceux-ci sont impliqués dans des fonctions essentielles, telles que la vision, les communications inter15 hémisphériques et la mémoire (Lebel et al., 2012). Ensuite vient le développement de la capsule interne et du faisceau cortico-spinal, celui reliant la moelle épinière au cortex moteur. Finalement, les connexions fronto-temporales, dont le faisceau supérieur longitudinal, le faisceau unciné et le cingulum, se développent en dernier, et « indiquant une combinaison de développement prolongé et de déclin tardif » (Lebel et al. 2012). Durant le développement de la substance blanche, les plus grands changements ont lieu dans les faisceaux qui prennent plus de temps à atteindre leur degré maximal de maturation ou à décliner.
L’amplitude des changements en anisotropie fractionnelle et en diffusion moyenne dans les différents faisceaux est de l’ordre 3 % à 20 % (Lebel et al. 2012). Selon le même auteur, l’augmentation en anisotropie fractionnelle est de 3 % à 15 % avant de diminuer de 3 % à 11 %, tandis que la diminution en diffusion moyenne est de 6 % à 14 % avant d’augmenter de 4 % à 20 %. Ces changements dans la microstructure de la substance blanche impliquent donc des changements dans le volume de celle-ci. En effet, tout comme le volume de la substance grise et de fluide cérébro-spinal, le volume de substance blanche varie sur toute la durée de vie selon une courbe non linéaire. La courbe de développement de substance blanche a la forme d’une cloche, où son expansion atteint son maximum vers l’âge de 37 ans (Lebel et al., 2012) et puis diminue pour le reste de la vie. Contrairement au volume de fluide cérébrospinal qui reste stable jusque vers l’âge de 40 ans avant d’entamer sa croissance, le volume de substance grise diminue toute la vie et ce, à partir de l’enfance. Quoique les hommes aient des volumes généralement plus élevés, on ne distingue pas de différence significative dans les volumes normalisés de ces trois substances entre les hommes et les femmes (Lebel et al., 2012). Les études analysant le développement de la substance blanche à partir d’imagerie par transfert d’aimantation sont moins fréquentes. Cependant, l’étude d’Hofman et al. (1999) rapporte une corrélation négative entre le MTR et l’âge chez l’adulte. En effet, tel que discuté plus tôt, le même patron de développement peut être trouvé dans les études utilisant l’imagerie de diffusion.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Le cerveau humain
1.1.1 Anatomie
1.1.2 Substance blanche
1.1.2.1 Corps calleux
1.1.2.2 Parcellisation du corps calleux
1.2 Imagerie par résonance magnétique
1.2.1 Imagerie du tenseur de diffusion
1.2.2 Imagerie par transfert d’aimantation
1.3 Développement de la substance blanche
1.3.1 Développement du corps calleux
1.3.2 Développement sexospécifique du corps calleux
1.3.3 Associations avec les habiletés intellectuelles
1.3.4 Effet de la prévalence manuelle sur le développement
1.4 La leucémie lymphoblastique aiguë pédiatrique
1.4.1 Facteurs de risque par rapport aux effets neurocognitifs à long terme
1.4.1.1 Le sexe
1.4.1.2 L’âge au diagnostic
1.4.1.3 Le type de traitement
1.5 Mesures du corps calleux
1.5.1 Mesure de la longueur
1.5.2 Mesure de l’épaisseur
1.5.3 Mesure de la courbure
1.5.4 Mesure de la surface et du volume
1.6 Segmentation des images IRM
1.6.1 Approches basées sur les contours actifs
1.6.1.1 Flux de vecteurs gradients
1.6.1.2 Modèles à formes actives
1.6.1.3 Modèles actifs d’apparence
1.6.2 Méthodes basées sur l’utilisation d’atlas
1.6.3 Méthode basée sur les champs aléatoires de Markov
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE
2.1 Production des données d’analyse
2.1.1 L’étude PETALE
2.1.2 Importation des données IRM
2.1.3 Production des masques de segmentation
2.1.3.1 La suite logicielle FreeSurfer
2.1.3.2 Création d’un masque de cerveau
2.1.3.3 Importation d’un volume de données pondérées T1
2.1.3.4 Normalisation du volume de données
2.1.3.5 Normalisation de l’intensité du volume de données
2.1.3.6 Segmentation du masque de cerveau
2.1.3.7 Création des masques de segmentation
2.1.3.8 Création du volume de référence pondéré en T1
2.1.3.9 Création de la version préliminaire des masques
2.1.3.10 Segmentation du volume de substance blanche
2.1.3.11 Création des surfaces du cortex cérébral et de la substance blanche
2.1.3.12 Création des masques finaux
2.1.3.13 Correction des masques de segmentation
2.1.3.14 Recalage des masques de segmentation
2.1.4 Extraction des données MTR
2.1.4.1 Normalisation des volumes de données 3D
2.1.4.2 Recalage des volumes de données 3D
2.1.4.3 Création des volumes de données MTR
2.1.4.4 Extraction du corps calleux à partir d’un volume de données MTR
2.2 Analyse statistique du corps calleux
2.2.1 Analyse quantitative des données pondérées en T1
2.2.2 Analyse quantitative des données MTR
2.2.2.1 Analyse de la moyenne de MTR
2.2.2.2 Analyse de l’histogramme de MTR
2.3 Classification du corps calleux
2.3.1 Prétraitement des données
2.3.1.1 Création des groupes pour l’apprentissage et la classification
2.3.1.2 Production des données GLCM à partir des données MTR
2.3.2 Apprentissage supervisé d’un classificateur
2.3.3 Évaluation de la performance du classificateur
2.3.3.1 Classification avec validation croisée à k-plis
2.3.3.2 Indicateurs de performance et courbe ROC
CHAPITRE 3 RÉSULTATS ET DISCUSSION
3.1 Analyse de la moyenne de T1 dans le corps calleux
3.2 Analyse de la moyenne de MTR dans le corps calleux
3.2.1 Analyse du MTR dans les structures du corps calleux
3.2.2 Analyse du MTR en fonction des traitements reçus
3.2.2.1 Analyse du MTR en fonction du sexe et des traitements reçus
3.2.2.2 Analyse du MTR en fonction des agents utilisés en chimiothérapie
3.2.2.3 Analyse du MTR dans les différentes structures du corps calleux en fonction des traitements reçus
3.2.2.4 Analyse du MTR en fonction de l’âge au diagnostic de la LAL et des traitements reçus
3.2.2.5 Analyse du MTR en fonction du sexe et des traitements reçus
3.2.3 Analyse du MTR en fonction de la performance cognitive
3.2.3.1 Analyse du MTR en fonction du QI global
3.2.3.2 Analyse du MTR en fonction de l’indice de vitesse de traitement
3.2.3.3 Analyse du MTR en fonction de l’indice de mémoire de travail
3.2.3.4 Analyse du MTR en fonction l’indice de compréhension verbale
3.2.3.5 Analyse du MTR en fonction de l’indice de raisonnement perceptif
3.3 Analyse des histogrammes de MTR
3.3.1 Analyse des histogrammes de MTR dans les structures du corps calleux
3.3.2 Analyse des histogrammes de MTR en fonction des traitements reçus
3.3.2.1 Analyse des histogrammes de MTR en fonction du sexe et des traitements reçus
3.3.2.2 Analyse des histogrammes de MTR en fonction des agents utilisés en chimiothérapie
3.3.3 Analyse des histogrammes de MTR en fonction de la performance cognitive
3.3.3.1 Analyse des histogrammes de MTR en fonction du QI global
3.3.3.2 Analyse des histogrammes de MTR en fonction de l’indice de vitesse de traitement
3.3.3.3 Analyse des histogrammes de MTR en fonction de l’indice de mémoire de travail
3.3.3.4 Analyse des histogrammes de MTR en fonction de l’indice de compréhension verbale
3.3.3.5 Analyse des histogrammes de MTR en fonction de l’indice de raisonnement perceptif
3.4 Classification à partir des données MTR
3.4.1 Classification du groupe des participants
3.4.2 Classification des doses cumulées de méthotrexate intrathécales
3.4.3 Classification de la performance cognitive
3.5 Discussion
3.5.1 Le MTR et le sexe comme facteur de risque
3.5.2 Le MTR et l’âge au diagnostic comme facteur de risque
3.5.3 Le MTR et les traitements reçus comme facteurs de risque
3.5.4 Le MTR et les séquelles neurocognitives
3.5.5 Utilisation de la moyenne et de l’histogramme de MTR
CONCLUSION
ANNEXE I ANALYSE DU MTR EN FONCTION DU RISQUE DE RÉCIDIVE
ANNEXE II PERFORMANCE DES FORÊTS ALÉATOIRES DANS LA CLASSIFICATION DES GROUPES
ANNEXE III PERFORMANCE DES FORÊTS ALÉATOIRES DANS LA CLASSIFICATION DES GROUPES BASÉS SUR LES DOSES CUMULÉES DE MÉTHOTREXATE
ANNEXE IV PERFORMANCE DES FORÊTS ALÉATOIRES DANS LA CLASSIFICATION DES GROUPES BASÉS SUR LE QI GLOBAL
BIBLIOGRAPHIE
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