L’ésotropie précoce, ou plutôt le « syndrome d’ésotropie précoce », se définit comme un dérèglement oculomoteur et sensoriel qui apparaît avant l’âge de 6mois. Certaines caractéristiques sont spécifiques à ce syndrome et ont un lien étroit avec l’origine de ce dernier.
Au niveau moteur, on observera principalement :
-Une fixation en adduction et un nystagmus manifeste latent (battant du côté de l’œil fixateur) qui sont pathognomoniques du syndrome de strabisme précoce.
-Une déviation verticale dissociée (DVD), qui est quasi pathognomonique du syndrome de strabisme précoce.
-Une hypoexcitabilité optocinétique naso-temporale en monoculaire : L’aspect du nystagmus optocinétique est pathognomonique des syndromes de strabisme précoce. On observe, en fixation monoculaire, une hypoexcitabilité optocinétique dans le sens naso-temporal, alors que celui-ci est normal quand la cible se déplace dans le sens temporo-nasal. Le phénomène s’inverse selon l’œil fixateur.
-Une hyperaction de l’oblique inférieur, non spécifique mais fréquente chez l’enfant présentant un syndrome de strabisme précoce, est responsable d’une élévation en adduction franche, plus ou moins intense et symétrique.
-Un syndrome alphabétique, qui chez l’enfant, est plutôt en « V » (Mais il peut s’inverser avec le temps et devenir en « A »).
-Une déviation en adduction de l’œil non fixateur (souvent de grand angle) .
Au niveau sensoriel, on retrouve une correspondance rétinienne anormale, une neutralisation de l’œil dévié, ainsi que l’absence de fusion binoculaire et de stéréoscopie (au mieux, la stéréoscopie peut-être de mauvaise qualité en cas de microstrabisme).
Comme le strabisme n’est pas toujours visible ou présent à la naissance, le terme de « strabisme précoce » paraît plus approprié que celui de « strabisme congénital ». Cependant, l’origine des dérèglements sensoriels et oculomoteurs se situe toujours dans les 6 premiers mois de vie (qui est une étape essentielle dans la création des liens binoculaires). Quelques soient la qualité de la prise en charge, les conséquences de ces dérèglements dureront toute la vie. Ce syndrome est assez fréquent, il concernerait 2 % à 5 % de la population générale, et représenterait 30 % à 50 % des désordres oculomoteurs. Si l’étiopathogénie de ce syndrome reste mal connue, nous allons en découvrir les différents facteurs de risques.
L’HEREDITE
La génétique est l’étude de la transmission des caractères héréditaires chez les êtres vivants. Elle vise à déterminer les modes de transmissions et à documenter les variations dans les gènes entre les individus d’une même personne. Elle vise aussi à réaliser l’étude de la fonction des gènes. L’hérédité est la transmission des caractéristiques d’une génération à la suivante. C’est lors de la reproduction que se transmet l’information héréditaire des parents aux enfants.
Hérédité mendélienne : On définit pour les maladies mendéliennes quatre modes de transmission, autosomique ou lié à X, selon que le gène impliqué est localisé sur un autosome ou sur le chromosome X ; dominant ou récessif.
Cas particuliers: on dit qu’une maladie mendélienne présente :
-une pénétrance incomplète quand on peut avoir le génotype à risque sans être atteint de la maladie,
-une expressivité variable quand, pour un même génotype à risque, la maladie peut prendre différentes formes,
-une empreinte parentale quand la maladie dépend du fait que la mutation responsable a été transmise par le père ou par la mère.
Hérédité mitochondriale : Les cellules possèdent, outre le génome nucléaire, un deuxième système génétique constitué par les génomes mitochondriaux. Lors de la fécondation, le spermatozoïde apporte un noyau d’origine paternelle qui va fusionner avec le noyau de l’ovule, d’origine maternelle, mais le cytoplasme de l’œuf ainsi réalisé est exclusivement d’origine maternelle. Par conséquent les maladies mitochondriales sont des maladies à transmission maternelle exclusive (mode de transmission non mendélien).
Hérédité multifactorielle : Une maladie multifactorielle n’est pas mendélienne parce qu’elle dépend à la fois de plusieurs gènes simultanément et de facteurs de l’environnement. De plus, contrairement aux maladies mendéliennes où il y a dysfonctionnement d’un gène, il n’y a pas, à proprement parler de dysfonctionnement des gènes impliqués dans une maladie multifactorielle (il n’y a pas de mutation délétère ou pathologique). Dans une maladie multifactorielle, c’est la combinaison particulière d’allèles « normaux » de certains gènes qui est pathologique (comme peut être pathologique l’association de plusieurs médicaments, sans danger pris isolément).
La question de l’hérédité du strabisme est une préoccupation parentale légitimée par le bon sens populaire qui depuis Hippocrate admet qu’il existe une prédisposition familiale au strabisme : « les loucheurs sont engendrés par les loucheurs ». S’il n’existe pas encore de localisation ni de détermination d’un gène pour le strabisme, les travaux sur le caractère héréditaire sont nombreux.
Etude sur les antécédents familiaux
Etude par Mohney BG, Erie JC, Hodge DO, Jacobsen SJ
Cette étude américaine publiée en 1998 cherche d’une part à définir les facteurs de risques de l’ésotropie précoce, et, d’autre part à connaître la prévalence à la naissance de cette ésotropie. Afin de réaliser cette étude, les dossiers médicaux de 47 sujets atteints d’ésotropie ont été étudiés. Ces sujets ont été identifiés parmi 17 536 naissances vivantes. La prévalence à la naissance de l’ésotropie congénitale dans cette étude est donc de 0,27%. La prévalence de l’ésotropie précoce était 3,5 fois plus importante chez les nouveau-nés ayant des antécédents familiaux de strabisme, par rapport aux nouveau-nés ne présentant pas d’antécédents familiaux de strabisme. Cette étude confirme que la prévalence de l’ésotropie précoce est plus importante chez les enfants ayant des antécédents familiaux de strabisme que chez les enfants sans antécédents familiaux.
Etude par Ziakas NG, Woodruff G, Smith LK, Thompson JR
L’objectif de cette étude anglaise publiée en 2002, est d’étudier le rôle de l’hérédité dans l’apparition des différents strabismes. L’arbre généalogique complet sur 3 générations de 96 personnes présentant un strabisme a été étudié. Parmi ces personnes, 26 avaient une ésotropie précoce, 49 une ésotropie accommodative, 15 une ésotropie anisométropique et 6 une exotropie. Les résultats montrent que 26,1% des personnes ayant une ésotropie accomodative ont un parent au premier degré avec un strabisme, contre 14,9% des personnes ayant une ésotropie précoce, 12,1% des personnes ayant une ésotropie anisométropique et 4% des personnes atteintes d’exotropie. Cette équipe conclut que l’hérédité du strabisme semble plus marquée dans l’ésotropie accommodative que dans les autres strabismes, du fait du caractère héréditaire de l’amétropie (hypermétropie). Cependant, un strabisme a été retrouvé dans la famille au premier degré de 14,9% des personnes avec une ésotropie précoce.
Etude par Maumenee IH, Alston A, Mets MB, Flynn JT, Mitchell TN, Beaty TH
En partant du fait que, dans la littérature, de nombreuses recherches portent sur l’hérédité du strabisme, cette équipe américaine publie en 1986 cette étude, dans laquelle elle souhaite déterminer le mode de transmission du strabisme. Pour cela, les arbres généalogiques de 173 sujets (soit 1589 personnes au total) atteints d’ésotropie précoce ont été étudiés. Les arbres généalogiques comprenaient des informations sur le sujet atteint d’ésotropie précoce, ses frères et sœurs, ses parents, les frères et sœurs de ses parents et ses grands-parents. Tous les parents du deuxième degré étaient ainsi inclus. Toutes les personnes étudiées avaient une ésotropie avant l’âge de 6 mois. De plus, aucun ne présentait d’amétropie supérieure à +1.50 dioptries. Les résultats de cette analyse de 173 familles suggèrent qu’il pourrait exister différentes étiologies pour l’ésotropie précoce. Ainsi, il y aurait une majorité de cas autosomiques récessifs, quelques cas dominants et une très faible proportion de cas non génétiques. Il ressort de cette étude que plusieurs modes de transmission pourraient être possible pour l’ésotropie précoce.
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Table des matières
INTRODUCTION
I/ L’HEREDITE
A/ Etude sur les antécédents familiaux
1) Etude par Mohney BG, Erie JC, Hodge DO, Jacobsen SJ
2) Etude par Ziakas NG, Woodruff G, Smith LK, Thompson JR
3) Etude par Maumenee IH, Alston A, Mets MB, Flynn JT, Mitchell TN, Beaty TH
4) Etude par Paul O, Hardage L
B/ Etude sur l’hérédité parents-enfants
1) Etude par Tychsen L
2) Etude par Mark H. Scott, A. Gwendolyn Noble, William R. Raymond IV et MarshallM. Parks
C/ Etude sur les fratries
1) E. Chimonidou, G. Palimeris, J. Kolioupoulos, P. Velissaropoulos
2) Wilmer JB et Backus BT
3) Podgor MJ, Remaley NA, Chew E
4) Etude par Sanfilippo, P. G.; Hammond, C. J.; Staffieri, S. E.; Kearns, L. S.; Liew, S. H. M.; Barbour,
J. M.; Hewitt, A. W.; Ge, D. L.; Snieder, H.; MacKinnon, J. R
D/ Etude sur le génome
1) Etude par Sherin Shaaban, Toshihiko Matsuo, Konstantin Strauch, Hiroshi Ohtsuki
2) Etude par Sherin Shaaban, Toshihiko Matsuo, Hirotake Fujiwara, Emi Itoshima, Takashi Furuse, Satoshi Hasebe, Quingrun Zhang, Jurg Ott, Hiroshi Ohtsuki
3) Etude par Jingjing Zhang, Toshihiko Matsuo
4) Etude par Dayane Cristine Issaho, Fábio Ramos de Souza Carvalho, Geraldo de Barros Ribeiro, Marcia Keiko Uyeno Tabuse, Linda Christian Carrijo-Carvalho et Denise de Freitas
E/ Etude sur la consanguinité
1) Etude par Mansooreh Bagheri, Majid Farvardin, et Mostafa Saadat
F/ Conclusion sur l’hérédité
II/ LA PREMATURITE
A) L’âge
1) Etude par Treffers WF, Eingel J, Cats BP
2) Etude par Pennefather PM, Clarke MP, Strong NP, Cottrell DG, Dutton J, Tin W
B) Poids de naissance
1) Etude par Pott JW, Sprunger DT, Helveston EM
2) Etude par Tychsen L
3) Etude par Mohney BG, Erie JC, Hodge DO, Jacobsen SJ
C) Rétinopathie du prématuré
1) Etude par Bremier DL, Palmer EA, Fellows RR, Baker JD, Hardy RJ, Tung B, Rogers GL
2) Etude par Laws D, Shaw DE, Robinson J, Jones HS, Fielder AR
3) Etude par Muna al Oum, simone Donati, luigi Cerri, Massimo agosti, Claudio azzolini
D) Hémorragies intraventriculaires
1) Etude par Christiansen SP, Fray KJ, Spencer T
2) Etude par John Phillips, Stephen P. Christiansen, Gerald Ware, Susan Landers, Russell S. Kirby
E) Conclusion sur la prématurité
III/ Les facteurs de risques prénataux
A) Alcool pendant la grossesse
1) Etude par Stromland K
2) Etude par IM Ribeiro, PJ Vale, PA Tenedorio, PA Rodrigues, MA Bilhoto, HC Pereira
B) Tabac pendant la grossesse
1) Etude par Rosemarie B. Hakim; James M. Tielsch
2) Etude par Yudi Yang , Chao Wang, Yong Gan , Heng Jiang , Wenning Fu , Shiyi Cao, Zuxun Lu
3) Etude par Fernandes M, Yang X, Li JY, Cheikh Ismail L
4) Etude par Tobias Torp-Pedersen, Heather A. Boyd, Gry Poulsen, Birgitte Haargaard, Jan Wohlfahrt, Jonathan M. Holmes, Mads Melbye
C/ Drogues et grossesses
1) Etude par Gill AC, Oei J, Lewis NL, Younan N, Kennedy I, Lui K
2) Etude par Auger N, Rhéaume MA, Low N, Lee GE, Ayoub A, Luu TM
3) Etude par Kurt Spiteri Cornish, Monica Hrabovsky, Neil W.Scott, Elizabeth Myerscough, Aravind R.Reddy
4) Etude par Leonard B. Nelson, Saundra Ehrlich, Joseph H. Calhoun, Theresa Matteucci, Loretta
P. Finnegan
5) Etude par Deborah Gaye Morrison
D) Exposition au plomb lors de la grossesse
1) Etude par Hakim RB, Stewart WF, Canner JK, Tielsch JM
E) Diabète maternel et strabisme
1) Etude par Maria Nice Araujo Moraes Rocha, Aline Sanches, Flávia Fernandes, Pessoa, Gladsonda Silva Braz, Larah Pereira Rego, Luíza Jácomo Auad, Pâmela de Castro Araujo Ribeiro
F) Influence de l’âge maternel
1) Etude par Emily Chew, Nancy A. Remaley, Ashlesha Tamboli, Jialiang Zhao, Marvin
J. Podgor, Mark Klebanoff
G) Accouchement et strabisme
1) Etude par Sophia Pathai, Phillippa M. Cumberland, Jugnoo S. Rahi
2) Etude par Matsuo T, Yamane T, Ohtsuki H
H) Conclusion sur les facteurs prénataux
CONCLUSION