Facteurs de risque comportementaux associés à la variation de l’incidence de l’ulcère de Buruli

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Saisonnalité de la transmission

L’interprétation des fluctuations saisonnières de l’incidence de l’UB est compliquée à cause de nombreux facteurs pouvant l’expliquer, y compris la période d’incubation de l’infection et le manque de connaissances sur le mode de transmission. Par conséquent, le moment de l’infection, à moins que le patient n’ait visité une zone endémique seulement une fois et pendant une courte période, est très complexe à déterminer avec précision. L’une des approches plus crédibles d’estimer le temps d’exposition et par ricochet la période d’incubation serait de bien documenter les cas d’UB parmi les visiteurs à court terme aux zones endémiques représentant ainsi une source unique pour son estimation. Lors d’une étude réalisée dans le Sud-Est de l’Australie, à Victoria, cette approche a été utilisée par l’identification systématique des patients atteints d’UB ayant fait une seule visite d’exposition à l’une des zones endémiques bien connues. Les résultats de cette étude révèlent que la période d’incubation moyenne déterminée pour les patients infectés à Victoria était de 4,5 mois avec une grande variation de 32 à 264 jours [91, 92]. A Daintree, dans la région de l’extrême nord du Queensland où le climat est un climat tropical, un pic important de cas d’UB a été observé en septembre et octobre 2011. Ce pic est survenu, 7 à 8 mois après une saison des pluies exceptionnellement longue et très humide avec des précipitations de février 2011 qui étaient soupçonnées d’être liées à l’occurrence de l’infection [93]. De 2009 à 2015, la plupart des cas d’UB dans le Queensland ont été diagnostiqués pendant la saison sèche de juillet à novembre, ce qui s’expliquerait probablement par une augmentation de la transmission pendant la saison humide [93]. On remarque ainsi que la période d’incubation est plus longue en Queensland par rapport à Victoria. Dans le camp de réfugiés de Kinyara en Ouganda, la période entre les courts séjours des visiteurs et le développement d’UB a été estimée entre 1 et 3 mois [94]. Ces différences apparentes pour la période de l’incubation moyenne peuvent être dues au mode de transmission et la dose d’inoculation de Mu. En Guyane Française par exemple, Mu s’est avéré être en corrélation avec les régimes de précipitations à court terme (6 mois) et à long terme (une décennie). Au Japon, environ 80 % des cas d’UB signalés ont été diagnostiqués au cours de l’automne et l’hiver, indiquant la contraction de l’infection pendant ou peu de temps après la saison chaude et pluvieuse en été [95].
L’analyse des tendances saisonnières de l’infection à Mu est particulièrement difficile pour les régions endémiques en Afrique, où de très longs retards dans la notification des cas aux programmes nationaux de lutte contre l’UB doivent être également pris en compte. En plus de ces problèmes rencontrés, plusieurs études évaluant les tendances saisonnières de l’UB en Afrique ont utilisé des données nationales, en ignorant les différences locales dans les régimes de précipitations [1].
Au Cameroun par exemple, dans une étude évaluant les tendances saisonnières de l’UB dans une zone d’endémie, le nombre de cas entre 2002 et 2012 a culminé en mars. En supposant un délai entre l’infection et le diagnostic de 5 à 6 mois, cela suggère que le risque de l’infection est le plus élevé pendant la haute saison des pluies des mois d’Août à Octobre [96]. Des résultats similaires ont été rapportés pour la transmission dans le camp de réfugiés de Kinyara qui a été plus grande de juillet à septembre [94].
Toutes ces études ont montré que l’intervalle de temps entre l’exposition, le début des symptômes et le diagnostic d’UB peuvent varier considérablement d’un pays à un autre, d’une région à une autre et d’un individu à l’autre dans un même pays ou région, ce qui pourrait masquer des variations saisonnières distinctes dans l’intensité de transmission.
Les variations saisonnières de l’incidence d’UB peuvent ainsi résulter de différences dans la présence de l’agent pathogène ou vecteurs potentiels, ainsi que des comportements associés aux variations dans l’exposition des populations à Mu. Ces variations peuvent être déclenchées par les conditions climatiques et la dynamique des paysages, ainsi que par les changements saisonniers dans les activités agricoles et autres liées aux usages de l’eau qui intensifient l’exposition [1].
A la lumière de toutes les études épidémiologiques et environnementales réalisées, associant l’endémicité de l’ulcère de Buruli avec les écosystèmes aquatiques, l’un des principaux facteurs de transmission accrue pourrait être les inondations et l’apparition saisonnière de masses d’eau temporaires stagnantes et marécages, fournissant un terrain fertile pour les réservoirs / vecteurs potentiels et / ou agent pathogène lui-même.

Mécanisme éthiopathogénique de l’infection à Mycobacterium ulcerans

Lorsque Mu se retrouve dans le derme ou le tissu sous cutané, il y a une période de latence pendant laquelle le germe pousse lentement, prolifère graduellement, suffisamment pour élaborer une toxine qui détruit les tissus. La nécrose en l’occurrence des tissus gras doit fournir un milieu favorable pour la prolifération rapide de Mu accélérant ainsi la nécrose et éventuellement produisant un nodule cliniquement apparent, entraînant un effondrement de l’immunité à médiation cellulaire. Le test à la buruline à ce stade est négatif [12, 36]. A la guérison, en l’absence de preuves d’anticorps circulants dirigés contre l’exotoxine, la multiplication des bactéries pourrait cesser soit faute de nutriment, soit par action immunitaire cellulaire. En ce moment, les tests cutanés sont positifs et suggèrent ainsi une réponse immunologique de l’hôte aux composantes antigéniques de la mycobactérie [12, 36].

Facteurs de risque et prévention de l’ulcère de Buruli

D’après la littérature, les facteurs de risque de la maladie sont multiples et pas tous documentés à ce jour. L’existence d’au moins un point d’eau à proximité du village et fréquenté par les habitants, semble être le principal facteur de risque de la maladie. Ainsi, les foyers endémiques sont plus souvent situés en milieu rural, près de rivières, de lacs ou de marécages. Elle semble également émerger dans les zones où ont été créés des aménagements de territoire, tels que des barrages hydroélectriques (par exemple le cas du lac de Kossou dans le centre de la Côte d’Ivoire) servant à la production d’électricité et à l’exploitation agricole [97].
• Facteurs de risque comportementaux
Il ressort des résultats de ces recherches, que le défaut de ne pas porter des vêtements de protection [7, 98] et les activités à proximité de certaines sources d’eau non protégées [7-9, 12, 99-102] constituent des facteurs de risques comportementaux de contracter l’UB. Par contre, le fait de porter des vêtements de protection [7, 8, 103, 104], de prendre soin des plaies [7, 8, 103, 104] et une bonne hygiène [99, 104] ont été identifiés comme facteurs conférant un certain degré de protection. Dans le sud-est de l’Australie, où une implication des moustiques dans la transmission des infections à Mu comme des vecteurs biologiques ou purement mécaniques de l’agent pathogène a été suggérée, les piqûres de moustiques ont été identifiées comme un facteur de risque. En plus d’utiliser des insecticides répulsifs, le nettoyage immédiat des plaies a également été associé à une diminution de risque de contracter cette infection [103]. En Afrique, les piqûres d’insectes, mais aussi des coupures et des éraflures près des plans d’eau ont été associées à une augmentation du risque d’infection [99]. De plus, une des études cas-témoins est arrivée à la conclusion qu’une bonne connaissance de l’UB et des facteurs de risque d’infection avait un effet protecteur [100].
• Prévention
Il n’existe pour l’instant aucune mesure de prévention primaire pouvant être appliquée à cause du mode de transmission inconnu. La prévention repose alors sur l’utilisation des moustiquaires, le lavage fréquent des vêtements et les soins des plaies avec des solutions antiseptiques [105]. Les résultats de recherche montrent que l’incidence de la maladie diminue chez les enfants vaccinés par le BCG. L’efficacité de la vaccination BCG a aussi été démontrée dans la prévention des complications osseuses. Un autre outil de prévention est l’éducation sanitaire qui vise à la mise en garde des populations rurales au risque de contamination par le milieu hydro-tellurique lors de la fréquentation des points d’eau [105]. Enfin, les résultats d’une étude récente sur l’accès et l’utilisation de l’eau de forage pour les activités quotidiennes montrent clairement une diminution de l’incidence de l’UB ouvrant de nouvelles possibilités pour développer une stratégie efficace de prévention contre l’UB [2].
La question de la prévention reste ainsi largement ouverte et représente l’une des priorités de recherche sur le plan mondial et ce sera l’un des axes de ce travail de thèse.
• La co-infection entre l’ulcère de Buruli et le VIH
La co-infection entre l’UB et le VIH n’est pas rare en raison de la prévalence élevée du VIH dans de nombreuses zones endémiques (Cameroun, Côte d’Ivoire, RDC par exemple). Il n’est donc pas rare de retrouver des cas de co-infection VIH-UB. Mais jusqu’à aujourd’hui, les informations sur les données épidémiologiques et les relations cliniques entre les deux infections sont assez rares. Au Bénin par exemple, les résultats d’une étude cas-témoins ont permis de constater que la prévalence du VIH chez les patients atteints d’UB (2,6%) était significativement plus élevée (P = 0,003) que celui de la population témoin locale (0,3%) [106]. Ces résultats confirmeraient ainsi l’hypothèse selon laquelle le VIH augmente le risque de contracter l’UB. Des résultats similaires ont été rapportés dans une autre étude cas-témoins réalisée au Ghana, avec 5% des patients atteints d’UB et 0,9% des témoins des personnes séropositives pour le VIH, même si cette association n’était pas statistiquement significative en raison du faible nombre de participants à l’étude [104]. De plus, la prévalence du VIH chez les patients atteints d’UB était significativement supérieure à celle de la prévalence d’autres patients ou femmes enceintes fréquentant les mêmes établissements de santé [107]. Selon certaines études, l’infection à VIH affaiblit le système immunitaire et semble également affecter la présentation clinique de l’UB. Les patients coinfectés ont ainsi tendance à avoir des lésions plus sévères et plus souvent des lésions multifocales que les patients à VIH négatifs [107, 108]. Ces résultats sont similaires à d’autres études qui rapportent également un certain nombre de cas de co-infection UB-VIH avec une progression agressive et multifocale des lésions de l’UB [109-114]. La gestion de la co-infection UB-VIH est difficile [115]. Il est recommandé que tous les patients atteints d’UB fassent l’objet d’un test de dépistage pour le VIH et qu’on administre un traitement antirétroviral précoce pour réduire le taux de mortalité chez les sujets atteints de la co-infection [12, 107-109, 111].
Il ressort de l’analyse des données disponibles dans la littérature sur la co-infection UB-VIH, que le VIH serait un facteur de risque pour l’UB et aggraverait les lésions de l’UB (lésions plus larges, lésions multifocales). L’OMS a donc publié sept recommandations clés visant à harmoniser la prise en charge de la co-infection UB-VIH :
➢ un test de dépistage pour le VIH devrait être pratiqué chez tous les patients atteints d’UB,
➢ une prophylaxie au cotrimoxazole devrait être immédiatement débutée chez tous les patients infectés par le VIH,
➢ un traitement antibiotique pour l’UB doit être introduit avant le début du traitement antirétroviral (ARV) et donné pendant 8 semaines.
➢ les ARV doivent être initiés chez tous les patients coinfectés UB-VIH avec une infection symptomatique indépendamment de la numération des CD4 ou chez les patients asymptomatiques avec des CD4 ≤ 500,
➢ le traitement ARV devrait être introduit dès que possible dans les 8 semaines suivant le début du traitement de l’UB,
➢ tous les patients coinfectés UB-VIH devraient être examinés activement pour la tuberculose avant de commencer le traitement UB et le traitement ARV,
➢ un système de suivi et de monitoring devrait être mis en œuvre pour surveiller et évaluer les résultats des interventions UB-VIH.
• Facteurs socio-économiques de l’UB pour les patients et leurs familles
Dans les pays développés à l’instar de l’Australie, le Japon et la Guyane Française, le diagnostic et la prise en charge des patients atteints d’UB sont assurés par des systèmes de santé universels bien dotés en ressources. Par contre, dans les pays en voie de développement et qui sont les plus endémiques, les ressources des systèmes de santé ne sont pas assez suffisantes pour les pathologies de première envergure comme le paludisme, le sida et la tuberculose [12]. Ainsi, très peu de ressources sont allouées aux maladies tropicales négligées dont la prise en charge dépend en grande partie des fonds alloués par les organisations internationales et les organisations non gouvernementales et fondations dont la Fondation Raoul Follereau [2, 12]. Bien que dans de nombreux pays endémiques, le traitement antibiotique de l’UB soit gratuit, d’autres dépenses et les efforts nécessaires peuvent empêcher les patients à recourir aux centres de traitement spécialisés en UB [12, 116]. Le plus gros fardeau économique auquel sont confrontés les patients est lié au transport, l’hébergement et la nourriture pour les patients et les garde-malades. Lorsque les patients doivent être hospitalisés pour de longs moments et qu’ils doivent également se faire accompagner par un garde-malade, cela entraîne une énorme perte de revenus et peut être trop contraignant pour les familles touchées surtout lorsqu’il s’agit de la mère au foyer [117, 118]. Ce qui aggrave davantage la situation sont les croyances culturelles, les perceptions concernant l’efficacité du traitement antibiotique de l’UB et la stigmatisation dérivée de l’origine mystique perçue de la maladie [119, 120]. Dans la plupart des zones d’endémie, les patients préfèrent consulter d’abord les guérisseurs traditionnels et ne faire recours aux centres de traitement spécialisés qu’en dernier recours lorsqu’il y a des complications osseuses [117]. Bien que l’UB soit une maladie à progression lente, les délais M pour recevoir un traitement adéquat sont préjudiciables au résultat du traitement. La prise en charge tardive des cas compliqués de l’UB peut également conduire à des séquelles invalidantes malgré la guérison.
Les résultats de nombreuses études réalisées dans les pays africains endémiques de l’UB ont révélé qu’il peut rendre les ménages pauvres, surtout lorsque les patients sont hospitalisés. L’isolement social des patients hospitalisés a été mentionné comme la principale cause d’abandon du traitement biomédical [120]. Dans une étude réalisée au Ghana, pour les patients de l’UB non hospitalisés, le transport et les autres coûts représentent 45% du revenu annuel des ménages. Pour ces patients non hospitalisés, l’isolement social était également un problème, en particulier pour les enfants, qui étaient souvent non accompagnés pour le traitement [121]. Au Nigéria, les résultats d’une récente étude révélèrent que les coûts avant qu’un diagnostic précis d’UB ne soit établi (y compris les coûts de médicaments, soins des plaies, hospitalisation, transport, nourriture et autres), représente le gros des coûts totaux du traitement de l’UB. Les coûts étaient catastrophiques pour 50% de tous les ménages touchés [122]. Face à ces constats, de nouvelles stratégies d’intervention socialement plus compatibles basées sur des faits issus d’études épidémiologiques de terrain sont cruciales et urgentes. Pour réduire par exemple, le retard aux soins tardifs, un système de diagnostic et de soins plus décentralisé, ainsi que l’amélioration de la mobilisation de la communauté et l’éducation des populations concernant l’UB sont nécessaires. Les résultats d’une récente campagne pilote de sensibilisation dans l’une des communes les plus endémiques du Bénin ont démontré l’utilité de telles interventions, reflétée par un fort soutien de la communauté et une augmentation spectaculaire de la détection de cas d’UB ayant été pris en charge immédiatement [116]. Cependant, le défi majeur de cette stratégie intégrée de lutte, sera la mobilisation de ressources à la fois financière et humaine (organisation, formation, personnel de santé, etc.) pour mettre en œuvre et maintenir des soins décentralisés à plus grande échelle et sur le long terme.

Diagnostic de l’ulcère de Buruli

L’UB est caractérisé par une nécrose étendue du tissu sous-cutané qui, si elle n’est pas traitée, entraîne des séquelles invalidantes [34]. Elle est une infection cutanée humaine due à une mycobactérie présente dans l’environnement. C’est la mycobactériose la plus fréquemment rencontrée actuellement après la tuberculose et devant la lèpre dans un grand nombre de pays de la zone intertropicale [12, 34, 123]. L’infection à Mu conduit souvent à une destruction étendue de la peau et des tissus mous, avec formation d’ulcérations importantes. Malgré que l’infection n’entraîne que peu de décès, l’UB est à l’origine d’importantes incapacités fonctionnelles [12]. Dans les pays d’endémie, le diagnostic est clinique. L’infection à Mu doit être suspectée devant tout nodule ou ulcère évolutif à bords décollés avec une hyperpigmentation périphérique [105]. Dans la plupart des cas, les professionnels de santé expérimentés des zones d’endémie, établissent un diagnostic clinique fiable. Il est, par contre, plus délicat sur les formes précoces, car d’autres pathologies présentent des symptômes similaires. Ainsi, selon l’âge du patient, le lieu où il vit, la localisation des lésions, la douleur et la zone géographique, il convient d’exclure du diagnostic d’autres affections, comme les ulcères phagédéniques tropicaux, les ulcères chroniques des membres inférieurs dus à une insuffisance artérielle ou veineuse (souvent dans les populations vieillissantes) [124]. Des travaux réalisés en Australie, révèlent qu’il arrive de confondre les lésions papuleuses initiales avec des piqûres d’insectes. L’inflammation du tissu cellulaire sous-cutané peut ressembler à un œdème dû à l’infection à Mu, mais dans ce cas, les lésions sont douloureuses et le patient est malade et fébrile [1]. L’affaiblissement du système immunitaire rend l’évolution clinique de l’ulcère de Buruli plus agressive et les résultats du traitement sont médiocres. De plus, en raison des voyages internationaux, des cas peuvent apparaître dans des zones où la maladie n’est pas endémique [1]. Il est donc important que les agents de santé connaissent l’ulcère de Buruli et son tableau clinique. L’OMS recommande la confirmation du diagnostic par des examens paracliniques [125]. La confirmation peut être obtenue en laboratoire à partir de différents échantillons selon les lésions :
– l’écouvillon : il est recommandé dans le cas de lésions ouvertes. Un minimum de 2 ou 3 prélèvements par écouvillonnage pour chaque lésion est recommandé. Les prélèvements doivent être réalisés sous les bords décollés et en profondeur de l’ulcère, lieu où les bacilles se trouvent en grande quantité (Photo 2 A).
– la biopsie : elle est pratiquée sur des lésions ouvertes ou fermées, principalement lors d’un acte chirurgical visant à retirer des tissus lésés [126].
– l’aspiration à l’aiguille fine : rapide, peu invasive et ne nécessitant pas de bloc opératoire, cette méthode est recommandée dans le cas de lésions fermées (Photo 2 B) [127, 128].
Quatre examens paracliniques sont proposés par l’OMS pour un diagnostic positif. Il faut au moins deux examens positifs pour affirmer le diagnostic.
– Examen direct au microscope en zone périphérique nécrotique ou coloration de Ziehl-Neelsen: la méthode met en évidence tous les bacilles du genre Mycobacterium (Figure 3 A). Elle n’est pas différentielle et reste peu sensible (40%). Mais elle a l’avantage d’être à la fois peu coûteuse et facile à mettre en place, sa réalisation pouvant être confiée aux structures déjà existantes de lutte et de surveillance de la tuberculose ou de la lèpre.
– Culture de Mu sur milieu de Loewenstein-Jensen ou de Coletsos : la culture est difficile, avec une croissance lente et une positivité faible avec une sensibilité de 20 à 60 %. Mu forme des colonies jaunes et rugueuses facilement reconnaissables sur milieu de Löwenstein-Jensen (Photo 3 C). Mais la durée d’incubation est très longue (plusieurs semaines à plusieurs mois) et les contaminations par d’autres microorganismes sont courantes. C’est donc une méthode peu utile pour le clinicien. Par contre, elle reste indispensable pour les recherches en épidémiologie moléculaire et pour la détermination de la sensibilité aux antibiotiques lors de rechutes éventuelles.
– Examen anatomo-pathologique qui requiert des biopsies, permet d’observer les traits caractéristiques des lésions dues à Mu, c’est-à-dire une nécrose des tissus contenant des BAAR extracellulaires et un infiltrat inflammatoire faible en périphérie de la nécrose (Photo 3). Sa sensibilité est de 90 % et la préparation des tissus exige un équipement important et coûteux et leur analyse demande une formation spécifique.
– Technique d’amplification d’ADN (PCR) : cette méthode d’amplification génique est très spécifique, plus rapide et plus sensible. Elle donne des résultats en deux jours et sa sensibilité est de 98 %. Le diagnostic de confirmation repose donc actuellement sur la PCR qui est la méthode courante du diagnostic. Mais elle est très peu utilisée en zone endémique en raison d’un matériel coûteux et non adapté au terrain. Actuellement, des méthodes de PCR alternatives sont en cours de développement sans toutefois donner entière satisfaction [129, 130]. Une nouvelle méthode de chromatographie en couche mince encore en investigation et qui met en évidence la mycolactone par fluorescence est une méthode de diagnostic rapide sur le lieu des soins. Cette méthode si elle est développée et commercialisée serait très utile sur le terrain.
En résumé, les méthodes de confirmation du diagnostic clinique ne sont pas assez sensibles : 40 à 80% pour la coloration de Ziehl-Neelsen, 20 à 60% pour la culture sur milieu de Loewenstein-Jensen, ou pas adaptées aux régions d’endémie [131]. La méthode la plus sensible (98%) et spécifique (100% en l’absence de contamination du matériel par des échantillons antérieurs), mais souvent difficile d’accès dans les zones d’endémie, est la PCR amplifiant la séquence d’insertion IS2404 [125, 131]. Il faut cependant remarquer que cette méthode ne permet pas un suivi du traitement, puisqu’elle reste positive par amplification de débris microbiens, bien après la guérison clinique. Face à cette situation, la recherche de développement d’un nouvel outil diagnostique simple et réalisable dans les zones endémiques est nécessaire.

Problématique

Enoncé du problème

Les problèmes posés par l’ulcère de Buruli sont multiples et plusieurs questions touchant à l’écologie de Mu et son mode de transmission subsistent encore.
• L’écologie de Mu est assez complexe et son mode de transmission n’est pas encore élucidé
L’UB est une maladie infectieuse causée par Mu qui sévit dans les régions intertropicales humides. Dans les années 1980, l’augmentation du nombre de cas en Afrique de l’Ouest était telle que l’ulcère de Buruli était considéré comme une maladie émergente [133, 150]. Le traitement est fait actuellement de huit semaines d’antibiothérapie, de soins des plaies, de chirurgie et de prévention des incapacités par la rééducation fonctionnelle [151, 152]. Les techniques standards au laboratoire pour confirmer l’ulcère de Buruli sont l’amplification génique (PCR), la culture, l’histopathologie, la recherche des bacilles acido-alcoolorésistants (BAAR) au microscope [153]. En 1997, l’OMS a mis en place l’Initiative Mondiale de lutte contre l’UB (IMUB). Depuis lors, beaucoup de recherches ont été menées, et d’autres sont en cours, afin de mieux comprendre le mode de transmission de la maladie, développer des outils de diagnostic, puis mettre à la disposition des pays endémiques des moyens de traitement adéquats.
Les études épidémiologiques ont fourni les preuves que le principal réservoir du bacille Mu est l’environnement aquatique. Cependant, l’échec de l’isolement du bacille dans l’environnement limite la compréhension de son écologie et de son mode de transmission. En effet, l’isolement de Mu dans des prélèvements environnementaux était rendu difficile par la lenteur de développement du bacille et par une température de croissance de 30°C favorable au développement de nombreux autres microorganismes. Il n’y avait pas de milieu sélectif, ni de méthode de concentration du bacille, ni même de connaissances sur ses exigences métaboliques favorables à sa croissance. C’est par le développement de la PCR que Mu a été détecté dans l’environnement aquatique, à la fin des années 90. L’élaboration des modèles expérimentaux en laboratoire a également participé à une meilleure compréhension des relations entre le bacille et certains acteurs de la chaîne trophique aquatique [3, 77]. Plusieurs études épidémiologiques montrent que les bouleversements environnementaux (déforestations, création de Zones humides) favorisent l’expansion de la maladie [143, 154, 155]. Elles montrent également qu’il n’y a pas de transmission inter humaine et l’homme se contaminerait au contact de l’environnement aquatique [58, 144, 156] où il y aurait inoculation du bacille dans le tissu cutané [132]. Les résultats de toutes les études réalisées jusqu’à ce jour (rôle des punaises aquatiques, moustiques, mollusques, plantes aquatiques, etc.) n’aboutissent pas à un consensus quant au mode de transmission exact de Mu. Cette méconnaissance retarde la mise en place de mesures préventives, voire protectrices.
Quels sont les zones précises et le mode de contamination de l’UB ? Quelles stratégies de prévention primaire peut-on implémenter ?
• Les modifications anthropiques et environnementales qui pourraient influencer l’incidence de l’infection ne sont pas bien documentées
Les premières descriptions de patients atteints de l’ulcère de Buruli à travers le monde sont liées à une perturbation de l’environnement aquatique. Plusieurs articles suggèrent que l’augmentation de l’incidence serait liée aux inondations. En ce qui concerne cette maladie, la majorité des études épidémiologiques sont systématiquement rétrospectives (cas/témoins) et le nombre de patients, dont le diagnostic est certain (diagnostic moléculaire) est faible. L’accès à une large cohorte de patients associé à des données de qualité et exhaustives reste délicat et complexe, limitant les explorations épidémiologiques fines. A titre d’exemple, ces explorations ont montré dès les années 1970 que la fréquentation des zones humides était le facteur de risque le plus important. Ces résultats sont d’ailleurs confirmés régulièrement lors de micro-études épidémiologiques [12] en Nouvelle Guinée [157], au Nigéria, au Libéria et au Cameroun [12]. Les résultats de ces différents travaux confirment que les bouleversements environnementaux associés à des changements du mode de vie des populations contribuent à l’émergence ou à la réémergence de l’UB. Ces bouleversements favorisent un environnement adéquat au développement de Mu, permettent l’augmentation d’hôtes et de vecteurs de Mu s’ils existent. Ils augmentent enfin la densité humaine autour d’un environnement contaminé, facilitant le contact de l’homme et de Mu. L’ensemble de ces observations montre que Mu est une mycobactérie environnementale issue d’un réservoir hydro-tellurique.
Les études réalisées ont permis d’identifier des éléments clefs dans l’épidémiologie de l’infection à Mu. Toutefois, ces études ne permettent pas de mettre en exergue les évolutions anthropiques et environnementales pouvant influencer l’incidence de l’infection. Quelles sont alors les modifications anthropiques et environnementales qui influencent l’incidence de l’UB ?
• Evolution différentielle de l’incidence de l’ulcère de Buruli dans les départements de l’Ouémé et du Plateau couverts par le même CDTLUB
En Afrique, le Bénin a été l’un des pays impliqués dans la lutte contre l’ulcère de Buruli. Ainsi, avec l’aide d’ONGs, des centres spécialisés dans le diagnostic et le traitement de l’ulcère de Buruli ont été construits dès le début des années 2000 tel que le Centre de Diagnostic et de Traitement de la Lèpre et de l’Ulcère de Buruli de Pobè (CDTLUB-Pobè). Ce centre couvre deux départements du Bénin, le Plateau et l’Ouémé. Ils se différencient principalement par des cours d’eau qui n’appartiennent pas au même versant, des modes d’exploitation et d’occupation des sols différents, des origines ethniques différentes, et la présence d’un fleuve dans l’Ouémé (fleuve Ouémé).
Après une importante augmentation de 2003 à 2006, le nombre de nouveaux cas diminue considérablement dans l’Ouémé les années suivantes. A titre d’exemple, 228 cas ont été diagnostiqués en 2003 contre 75 en 2014, soit une diminution de 67%. Dans le Plateau, le nombre de cas (effectif plus petit que dans l’Ouémé) en 2016 est sensiblement le même qu’en 2005 même s’il existe des fluctuations durant cette période. Dans ces deux zones, on observe une évolution différenciée de l’incidence de la maladie alors qu’elles bénéficient d’un accès aux soins comparable et la lutte contre l’ulcère de Buruli (en termes de campagne d’information, de dépistage actif de traitement et de suivi) qui est assurée par la même équipe médicale du CDTLUB de Pobè [158]. Cette observation suggèrerait l’intervention d’un ou de facteur(s) environnemental (aux) ou anthropiques sur l’incidence de la maladie, tout particulièrement dans la zone de l’Ouémé. Dans ce contexte, l’antibiothérapie ou l’accès au soin de façon plus générale ne pourraient être la cause unique de la diminution du nombre de cas dans l’Ouémé. Les résultats de plusieurs études de terrain (études écologiques, suivi de cohorte, suivi des patients, dépistage actif) réalisées dans la même zone [3, 67, 68, 127, 159-161] révèlent l’augmentation continue du nombre de forage facilitant l’accès à de l’eau protégée tout particulièrement dans les zones endémiques de l’Ouémé.
Il est donc nécessaire de vérifier les autres facteurs potentiels qui pourraient expliquer cette variation afin de proposer des mesures préventives efficaces. Quels facteurs pourraient expliquer cette diminution de l’incidence de l’ulcère de Buruli ? Y a-t-il des habitudes de vie, des rapports à l’eau qui sont à risques ? Sont-ils les mêmes dans le Plateau et l’Ouémé? Ces variations peuvent-elles expliquer l’évolution de l’incidence de la maladie ?
• Relation entre la fréquentation des zones endémiques, activités humaines et taux de contamination environnementale par Mu
Les principales études sur le réservoir de Mu convergent vers la conclusion que l’environnement aquatique est le principal réservoir de Mu. De plus, de nombreuses études environnementales, dont certaines réalisées au Bénin dans le département de l’Ouémé, ont démontré la présence d’ADN de Mu dans des vertébrés et invertébrés aquatiques [3, 63, 64, 72, 74, 76, 77, 90, 126, 160, 162, 163] et particulièrement chez les punaises aquatiques. Au Cameroun, des travaux réalisés ont montré qu’il y avait des variations saisonnières au niveau du taux de colonisation des insectes aquatiques par Mu [162] pouvant expliquer une saisonnalité dans l’apparition des cas humains [96]. Une étude réalisée au Bénin dans plusieurs départements, dont celui de l’Ouémé, a montré qu’il existe un lien entre la présence de Mu (taux de détection de Mu) dans l’environnement aquatique et l’incidence de l’infection à Mu. Cependant, ces études n’ont pas analysé en profondeur les relations entre la fréquentation des différentes zones, activités humaines, et taux de « contamination environnementale ». Quels liens existent entre la fréquentation des zones endémiques, les activités humaines et le taux de contamination environnementale par Mu ?
En résumé, malgré les efforts de recherche consentis contre cette maladie tropicale négligée dans les zones endémiques, plusieurs questionnements subsistent jusqu’à ce jour. Les différentes études menées dans le cadre de ce travail de thèse vont permettre de répondre aux questions suivantes soulevées dans l’énoncé du problème :
➢ Quels sont les facteurs anthropiques et environnementaux favorisant une diminution de l’incidence de l’ulcère de Buruli ?
o Quels liens existent entre la fréquentation des zones endémiques, les activités humaines et le taux de contamination environnementale par Mu ?
➢ Quelles stratégies préventives adaptées aux zones endémiques et aux modes de vie des populations touchées pourrait-on développer et implémenter ?
Notre thèse de doctorat s’inscrit dans une tentative de réponses à ces différents questionnements à l’aide d’une approche multidisciplinaire présentée dans le cadre conceptuel suivant.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Synthèse bibliographique et fondements théoriques
1.1 Etat des connaissances sur l’ulcère de Buruli
1.1.1 Définition
1.1.2 Histoire d’une maladie cutanée mystérieuse
1.1.3 Epidémiologie descriptive
1.1.3.1 Ampleur
1.1.3.2 Répartition géographique
1.1.3.3 Hôte, répartition par âge et sexe
1.1.4 Epidémiologie analytique
1.1.4.1 Agent pathogène
1.1.4.2 La mycolactone et l’ulcère de Buruli
1.1.4.3 Ecologie et mode de transmission
1.1.4.4 Saisonnalité de la transmission
1.1.4.5 Mécanisme éthiopathogénique de l’infection à Mycobacterium ulcerans
1.1.4.6 Facteurs de risque et prévention de l’ulcère de Buruli
1.1.5 Diagnostic de l’ulcère de Buruli
1.1.6 Aspects cliniques
1.1.6.1 Les trois stades cliniques de l’ulcère de Buruli
1.1.6.2 L’ostéite
1.1.6.3 Les atteintes multifocales
1.1.7 Traitement et réactions paradoxales
1.2 Problématique
1.2.1 Enoncé du problème
1.2.3 Hypothèses
1.2.4 Objectifs
Chapitre 2. Buruli ulcer in Africa : Benin and Cameroon Cases
Chapitre 3. Cadre et méthodes
3. Cadre et méthodes
3.1 Cadre d’étude
3.1.1 Présentation du cadre d’étude
3.1.2 Présentation du CDTLUB de Pobè
3.1.3 Les sites d’étude
3.2 Méthodes
3.2.1 Facteurs de risque comportementaux associés à la variation de l’incidence de l’ulcère de Buruli
3.2.2 La répartition spatiale de Mu dans l’environnement par la réalisation d’étude écologique
3.2.3 Interaction entre l’environnement, le mode de vie des patients et l’écologie de Mu
3.2.4 Considérations éthiques et consentement éclairé
Chapitre 4. Effect of well drilling on Buruli ulcer incidence in Benin : a case-control, quantitative survey
Chapitre 5. A combined field study of Buruli ulcer disease in southeast Benin using epidemiological, geographical, behavioral and environmental analysis to propose preventative strategies
Chapitre 6 : Discussion générale
6.1 Impact de l’accès et l’utilisation de l’eau du forage sur la variation de l’incidence de l’ulcère de Buruli au Bénin
6.2 Etude de terrain dans le Sud-Est du Bénin, combinant des analyses épidémiologiques, environnementales et géographiques pour proposer des stratégies préventives contre l’ulcère de Buruli
6.3 Le développement d’un modèle de prévention primaire : un outil d’interventions en santé publique au sein des communautés endémiques
Conclusion
Bibliographie

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