La tuberculose est une maladie infectieuse, endémo-épidémique à transmission interhumaine par voie essentiellement respiratoire. Elle demeure, de par son ampleur et de par sa gravité un problème majeur de santé publique malgré plusieurs plans stratégiques de lutte. Elle est due au complexe Mycobacterium tuberculosis et sévit dans toutes les régions du monde particulièrement là où les populations vivent dans des conditions socio-économiques défavorables auxquelles s’est ajoutée depuis 1983 la pandémie de l’infection à VIH. En 2015, l’organisation mondiale de la santé (OMS) estimait à 10,4 millions le nombre de nouveaux cas de tuberculose dont 5,9 millions (56 %) chez les hommes, 3,5 millions (34 %) chez les femmes et 1 million (10 %) chez les enfants. Le nombre de décès liés à la tuberculose était estimé à 1,8 millions [1]. Depuis quelques années une nouvelle problématique s’est ajoutée à la difficulté de la lutte ; il s’agit de l’émergence de la tuberculose multirésistante et de la tuberculose ultrarésistante qui se traduit par la mise en évidence de souches résistantes aux antituberculeux majeures que sont l’isoniazide et la rifampicine. Cependant des avancées appréciables ont été enregistrées. Il s’agit entre autres, d’une baisse de l’incidence de la tuberculose depuis plus d’une décennie, et d’une baisse du taux la mortalité de plus de 45% depuis 1990 [1]. Les formes pulmonaires à bacilloscopie positive sont contagieuses et sont responsables de la dissémination de la maladie. Des progrès significatifs ont été notés dans le domaine de la confirmation des cas avec l’avènement de nouveaux tests de diagnostic très sensibles qui ont permis de réduire considérablement les délais d’obtention des résultats. C’est le cas des tests de biologie moléculaire comme le test Xpert/MTB et des tests immunologiques et enzymatiques. De plus, l’OMS estime que le Gen-Xpert peut être considéré comme examen de seconde intention après la microscopie dans les zones de faible prévalence pour la tuberculose multirésistante et le VIH et particulièrement sur les prélèvements à frottis négatif [2].
DEFINITION DE LA TUBERCULOSE
La tuberculose est une maladie infectieuse et contagieuse. Elle se transmet essentiellement par voie respiratoire par l’inhalation de gouttelettes de Pflügge ou gouttelettes respiratoires aérosolisées contenant le bacille de KOCH (BK) du nom de son découvreur Robert KOCH. C’est un germe aérobie strict appartenant au complexe Mycobacterium tuberculosis (M. tuberculosis) qui comprend : Mycobacterium tuberculosis hominis, Mycobacterium bovis et Mycobacterium africanum [3]. Elle peut devenir résistante aux antituberculeux usuelles que sont l’isoniaside et la rifampicine ; on parle alors de tuberculose multirésistante (TB-MR) ou ultrarésistante (TB-UR) si elle résiste au antituberculeux de première et de deuxième ligne. C’est une maladie curable qui constitue une cause importante de morbidité et de mortalité dans monde surtout dans les pays pauvres où sévit la pandémie de l’infection à VIH [4, 5]. La forme pulmonaire, de loin la plus fréquente est responsable de la dissémination interhumaine essentiellement par voie aérienne à travers les gouttelettes de Pflügge. Toutefois, la tuberculose peut intéresser tous les organes du corps humain.
HISTORIQUE
Les origines de la tuberculose remonteraient à plusieurs milliers d’années ; grâce à la paléopathologie, Mycobacterium tuberculosis a pu être isolé par analyse ADN à partir de squelettes datant du néolithique (7000ans av. JC) porteur de lésions tuberculeuses rachidiennes et endoméningées ; d’autres lésions évocatrices ont été retrouvées aussi sur des momies égyptiennes. Hippocrate la décrivait déjà en 460 av. JC par le terme grec «phtisie» en rapport avec un dépérissement progressif, cependant la découverte du germe responsable n’a été faite qu’en 1882 par Robert Koch et Ehrlich prouva son caractère acido-alcoolorésistant ce qui aboutit dès 1883 à la coloration de Ziehl et Neelsen toujours utilisée de nos jours. Forlanini réalisa les premières radiographies pulmonaires une année seulement après la découverte des rayons X par Roentgen en 1895. Le mode de transmission de l’infection par les gouttelettes sous forme d’aérosol fut évoqué par Pflügge en 1897. Les tests cutanés tuberculiniques furent possibles grâce aux travaux de Von Piequet en 1907 et Mantoux en 1909. Albert Calmette et Camille Guérin permirent d’atténuer des souches virulentes de Mycobacterium bovis par ensemencements répétés sur milieu fait de pomme de terre, de bile de bœuf et de glycérine ce qui fut à l’origine de la vaccination antituberculeuse par le bacille de Calmette et Guérin (BCG).
En 1944, Waksman, Bugie, Schatz, Feldman et Hinshaux ouvrirent l’ère de la chimiothérapie antituberculeuse grâce à leurs découvertes de l’action de la streptomycine sur l’évolution du bacille tuberculeux qui devint ainsi le premier antibiotique utilisé dans la lutte contre la tuberculose. S’ensuivirent l’acide paraamino-salicylique (PAS) en 1949, l’isoniazide en 1952, la pyrazinamide en 1954, l’éthionamide et la prothionamide qui furent mis sur le marché en1956, l’éthambutol en 1962 et la rifampicine en 1963. Le séquençage du génome du bacille tuberculeux fut complet en 1998.
EPIDEMIOLOGIE
Dans le monde
Malgré plusieurs stratégies de lutte contre la tuberculose, cette dernière demeure un problème majeur de santé prioritaire. L’OMS estimait qu’en 2015, 10,4 millions de personnes auraient contracté la tuberculose : soit 5,9 millions (56 %) d’hommes, 3,5 millions (34 %) de femmes, et les enfants représentaient 10% des cas. Parmi cela les personnes coinfectées TB-VIH représentaient 1,2 million (11 %) sur l’ensemble des nouveaux cas de tuberculose. L’Afrique et l’Asie demeurent les continents les plus touchés en supportant 60% de ses nouveaux cas et six pays en payent le lourd tribu ; il s’agit de l’Inde, de l’Indonésie, de la Chine, du Nigéria, du Pakistan et de l’Afrique du sud. On note une augmentation de ces nouveaux cas qui serait due à une augmentation de 34% dans les notifications en Inde. Cependant, on note une légère diminution de l’incidence, 1,5% entre 2014 et 2015, l’objectif étant de franchir la barre des 4% à 5% à l’horizon 2020. Le nombre de décès par tuberculose en 2015 était évalué à 1,8 million de personnes, elle constitue ainsi, la cinquième cause de décès par maladie contagieuse, la deuxième cause de décès dû à un seul agent infectieux et est à l’origine de 26% des décès évitables dans les pays en voie de développement. Bien que le nombre de décès par tuberculose ait baissé de 22 % entre 2000 et 2015, la tuberculose demeure l’une des 10 principales causes de décès dans le monde en 2015. Concernant la TB-MR elle était notée chez 480 000 personnes à travers le monde. De plus, environ 100 000 personnes ont développé une résistance à la rifampicine et ont eu besoin d’un traitement pour la TB-MR. En 2015, près de 9,5 % des cas de TB-MR avaient en fait une TB-UR.
Au Sénégal
La tuberculose reste encore un problème de santé prioritaire au Sénégal. Selon le dernier rapport de l’OMS, l’incidence estimée est de 139 [90-198] cas de tuberculose toutes formes pour 100 000 habitants (environ 21 000 cas) avec un taux de détection des tuberculoses toutes formes de 63% (44-98) (Tableau I). Les cas attendus de co-infection TB-VIH sont estimés à 1700 [1400–2100] soit 14 [11–16] cas pour 100 000 habitants. L’analyse des données épidémiologiques sur la TB montre une augmentation du nombre de nouveaux cas notifiés de 2003 à 2015. Le taux de notification des cas de TB toutes formes (nouveaux cas TPM+, rechute, TPM-, TEP) est resté stationnaire depuis 10 ans autour de 87 cas pour 100 000 habitants avec un pic à 94 en 2013 (Figure 2). En 2015, 13 559 cas ont été déclarés. Les données de notification indiquent que la tuberculose affecte significativement les tranches d’âge jeune de la population (15 – 44 ans) avec 80% des cas notifiés qui étaient âgés de moins de 45 ans. L’accès au traitement de la tuberculose a été amélioré de 2003 à 2015. Le taux de succès thérapeutique est passé de 53% à 88% en 10 ans (Figure 2). La proportion de cas de tuberculose chez les jeunes de 15 à 34 ans est en constante augmentation. Ce qui évoque une transmission toujours intense de cette maladie dans la population sénégalaise. Concernant la mortalité de la tuberculose, elle était estimée à plus de 3.000 décès pour la même année, soit un taux de mortalité de 23 décès pour 100.000 habitants .
❖ Situation de la co-infection TB /VIH au Sénégal
La TB est la première infection opportuniste chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Si on considère que la prévalence de l’infection VIH dans la population générale est de 0,7% et que le risque de tuberculose est au moins 20 fois plus élevé chez les individus infectés par le VIH que chez ceux qui ne le sont pas, 12% de la charge de morbidité de la tuberculose dans la population serait lié à l’infection VIH. La recherche du VIH chez les tuberculeux et celle de la tuberculose chez les PVVIH sont les axes majeurs de la gestion de l’association morbide TB-VIH au Sénégal. La proportion de tuberculeux dont la sérologie VIH est connue est passée de 51% en 2008 à 83% en 2015 et la proportion de l’infection à VIH chez les tuberculeux testés est de 7%. La proportion de malades coinfectés recevant un traitement ARV est passée de 34% en 2008 à 95% en 2015.
❖ Situation de la tuberculose multirésistante (TB-MR)
Selon la dernière enquête de prévalence de la pharmacorésistance menée en 2015 au Sénégal, il y a une proportion de 0,9% chez les nouveaux cas et 19% chez les cas déjà traités pour une tuberculose. Il est attendu chaque année plus de 250 cas de TB-MR/RR. Selon les données de notification, entre 2009 et 2015 un nombre total de 337 malades présentant une TB résistante ont été diagnostiqués dont 219 mis sous traitement de deuxième intention. De 2010 à Juin 2015, le schéma de 24 mois de l’OMS a été utilisé sur toute l’étendue du territoire. A partir de Juillet 2015 une étude observationnelle sur la faisabilité du traitement de deuxième ligne avec le schéma de 9 mois a été mise en œuvre dans les régions de Dakar et Thiès.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. DEFINITION DE LA TUBERCULOSE
2. HISTORIQUE
3. EPIDEMIOLOGIE
3.1. Dans le monde
3.2. Au Sénégal
4. PATHOGENIE
4.1. Germe
4.2. Transmission
4.3. Histoire naturelle et lésions induites
5. FORMES CLINIQUES
5.1. Types de description : la tuberculose pulmonaire commune
5.1.1. La primo-infection tuberculeuse
5.1.2. La tuberculose pulmonaire commune
5.1.2.1. Les signes cliniques
5.1.2.2. Les signes paracliniques
5.2. Autres formes cliniques
5.2.1. La miliaire tuberculeuse
5.2.2. Les formes extrapulmonaires
5.2.2.1. La tuberculose ganglionnaire
5.2.2.2. La tuberculose des séreuses
5.2.2.3. La tuberculose ostéoarticulaire
5.2.2.4. La tuberculose neuroméningée
5.2.2.5. La tuberculose urogénitale
5.2.2.6. Autres localisations de la tuberculose
5.2.3. Les formes selon le terrain
5.2.3.1. La tuberculose chez le nourrisson et l’enfant
5.2.3.2. La tuberculose chez la personne immunodéprimée
6. DIAGNOSTIC AU LABORATOIRE DE LA TUBERCULOSE
6.1. Les techniques de prélèvement
6.2. La microscopie
6.3. La culture
6.3.1. Les milieux solides
6.3.1.1. Lowenstein-Jensen
6.3.1.2. Coletsos
6.3.1.3. Middelebrook 7H10 et 7H11
6.3.2. Les milieux liquides
6.3.2.1. La méthode BACT/Alert3D
6.3.2.2. La méthode MGIT (Mycobacterial Growth Indicator Tube)
6.3.2.3. La méthode Versa Trek
6.3.3. Les autres techniques
6.3.3.1. La technique MODS (Microscopic Observation Drug Suceptibility)
6.3.3.2. Le Test à la nitrate-réductase
6.3.3.3. La méthode colorimétrique (Colorimetric Redox Indicateur [CRI])
6.4. Les techniques de biologie moléculaire
6.4.1. Le test d’hybridation sur bandelettes ou line probe assay (LPA)
6.4.2. Le test XpertMTB/RIF
6.5. L’anatomie pathologie
6.6. Les nouveaux tests biologiques
6.6.1. Les tests IGRAs
6.6.2. Le dosage de l’ADA
6.6.3. Les tests antigéniques
6.6.3.1. La Détection de l’antigène MPT64
6.6.3.2. La Détection de lipoarabinomannane
7. LE TRAITEMENT
7.1. Traitement curatif
7.1.1. But
7.1.2. Moyens
7.1.2.1. Les moyens hygiéno-diététiques
7.1.2.2. Les moyens étiologiques
7.1.2.3. Les moyens adjuvants
7.1.3. La conduite du traitement
7.1.3.1. Le bilan préthérapeutique
7.1.3.2. Les principes du traitement
7.1.3.3. Les protocoles thérapeutiques
7.1.3.4. La surveillance du traitement
7.2. Le traitement préventif
7.2.1. La prévention primaire
7.2.2. La prévention secondaire
8. PROGRAMME NATIONAL DE LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE AU SENEGAL : RECOMMANDATIONS ET DIRECTIVES
8.1. Historique/Organisation
8.2. Missions
8.3. Objectifs
8.4. Directives de dépistage de la tuberculose
8.4.1. Cas suspect de tuberculose
8.4.2. Diagnostic de la tuberculose
8.4.3. Définition des cas de tuberculose
8.5. Concepts de prise en charge de la tuberculose
8.6. Issues de traitement des cas de tuberculose
CONCLUSION