Facteur de recomposition des interactions agriculture – territoire
Multifonctionnalitรฉ et services environnementaux, des concepts concurrents ?
De nombreux auteurs รฉvoquent la disparition de la multifonctionnalitรฉ des arรจnes politiques et des dรฉbats internationaux (Bonnal, 2010). Le sommet de Johannesburg, en 2002, est considรฉrรฉ comme un marqueur de cette disparition, les pays en dรฉveloppement y ayant rejetรฉ ce concept, jugรฉ comme un prรฉtexte au service du soutien des agricultures des pays dรฉveloppรฉs. Bertrand Hervieu, investi dรจs les premiรจres heures dans les rรฉflexions sur la multifonctionnalitรฉ, a รฉvoquรฉ en 201034 ce changement de ton dans les dรฉbats, remarquant que lโยซ on est passรฉ dโune prise en compte de la ยซ multifonctionnalitรฉ ยป ร la reconnaissance de la production de ยซ biens publics ยป ยป (Hervieu, 2010). Pour dโautres auteurs, cโest le concept de ยซ service environnemental ยป qui a pris de lโimportance avec lโaffaiblissement de celui de multifonctionnalitรฉ (Aznar et al., 2009 ; Bonnal, 2010).
Cependant, le constat de cette รฉviction peut รชtre nuancรฉ. La notion de ยซ service ยป รฉtait dรฉjร utilisรฉe
dans les analyses portant sur la multifonctionnalitรฉ, avant la consรฉcration du service รฉcosystรฉmique par le MEA (Laurent, 1994). Certaines dรฉfinitions de la multifonctionnalitรฉ y font explicitement rรฉfรฉrence : ยซ multifunctionality refers to the fact that, besides the production of food and fibre, agriculture provides multiple services to our societiesยป (Caron et al., 2008b). Dans son document de rรฉfรฉrence visant ร รฉlaborer une cadre analytique autour de la multifonctionnalitรฉ, lโOCDE fait รฉgalement dรฉjร largement rรฉfรฉrence au terme de service : ยซ biens et services produits par lโagriculture ยป, ยซ service รฉcologique ยป, ยซ service environnemental ยป (OCDE, 2001). Bertrand Hervieu รฉvoque, au sujet de l’entretien du paysage, de la gestion du sol et du sous-sol, de la prรฉservation de la biodiversitรฉ, les ยซ services que les agriculteurs – ร titre individuel ou collectif – peuvent offrir ร la collectivitรฉ ยป (Hervieu, 2002). Plus rรฉcemment, des publications continuent dโemployer sans distinction les termes de services et de fonctions (Fleskens et al., 2009 ; Van Huylenbroeck et al., 2007). Les gรฉographes travaillant sur ces questions semblent de faรงon gรฉnรฉrale accorder une attention moindre ร la distinction entre les deux termes que les รฉconomistes, qui en ont รฉlaborรฉ des dรฉfinitions plus prรฉcises (Aznar, 2002 ; Mollard, 2003).
A lโinverse, le concept de multifonctionnalitรฉ conserve quant ร lui une importance dans le milieu scientifique. Elle continue de faire lโobjet de publications, et reste notamment le fondement de lโรฉlaboration de cadres dโanalyse de lโactivitรฉ agricole (Caron et al., 2008b ; Renting et al., 2009 ; Van Cauwenbergh et al., 2007 ; Wilson, 2009). Dans les milieux politiques รฉgalement, le terme de multifonctionnalitรฉ reste employรฉ. Lโavis du Parlement Europรฉen dans le cadre de la rรฉforme de la PAC aprรจs 2013 par exemple, fait plus rรฉfรฉrence ร la multifonctionnalitรฉ quโau ยซ service ยป, quโil rattache uniquement au ยซ service รฉcosystรฉmique ยป et non au ยซ service environnemental ยป (Parlement Europรฉen, 2010). La multifonctionnalitรฉ reste pour la Commission Europรฉenne un รฉlรฉment fondamental de lโargumentation pour la justification des soutiens au revenu des agriculteurs de lโUE :
lโagriculture conserve ยซ un rรดle essentiel dans le faรงonnage du paysage rural et dans le maintien de
communautรฉs rurales viables. Il est nรฉcessaire d’aider les agriculteurs europรฉens ร assumer leur rรดle multifonctionnel comme gardiens de la campagne et producteurs axรฉs sur le marchรฉ dans l’ensemble de l’UE, y compris dans les zones dรฉfavorisรฉes et les rรฉgions รฉloignรฉes ยป (Commission Europรฉenne, 2006).
Il nous semblait donc important dโรฉvaluer comment les deux termes รฉtaient employรฉs dans les discussions et dรฉbats autour de la politique agricole : qui les emploie, et pour faire rรฉfรฉrences ร quels ยซ objets ยป ? Les documents produits dans le cadre des dรฉbats sur les รฉvolutions de la PAC dans la prochaine programmation (2014-2020) donnent des รฉlรฉments de rรฉponse ร ces questions.
Multifonctionnalitรฉ et services environnementaux dans le dรฉbat sur la future PAC
Pour prรฉparer la mise en place de la prochaine programmation PAC, un dรฉbat a รฉtรฉ organisรฉ au sein de lโUnion Europรฉenne sur les objectifs et la mise en ลuvre de la politique agricole commune. Ce dรฉbat fait suite au Bilan de Santรฉ de la PAC (2008), et sโest conclu par la communication de la Commission Europรฉenne en novembre 2010. Au-delร du dรฉbat public organisรฉ par la Commission, lโenjeu de cette rรฉforme ร venir a รฉtรฉ lโoccasion pour un certains nombre dโorganisations (institutions nationales et europรฉennes, syndicats agricoles, ONG, think tanks, <) de communiquer leur avis sur lโavenir de la politique agricole. Ces documents peuvent รชtre considรฉrรฉs comme des indicateurs (dans une approche qui reste gรฉnรฉrale) de lโutilisation des concepts qui nous intรฉressent dans la sphรจre politique. Nous avons donc analysรฉ dans neuf de ces documents la faรงon dont ces concepts รฉtaient employรฉs. Les rรฉsultats bruts de cette analyse sont prรฉsentรฉs en annexe). Ils permettent de distinguer trois grands types de positions vis-ร -vis de la politique agricole) .Enfin, on note une disjonction en cours (utilisรฉe par les institutions gouvernementales et communautaires agricoles, elle nโest pas partagรฉe par lโensemble des acteurs intervenus dans le dรฉbat) dans lโemploi des termes de ยซ multifonctionnalitรฉ ยป et de ยซ service environnemental ยป. Les institutions europรฉennes insistent sur la forme contractuelle, additionnelle et volontaire des dispositifs relevant du service environnemental, tandis que la multifonctionnalitรฉ reste un principe plus gรฉnรฉrique justifiant le soutien aux agricultures europรฉennes. Le service environnemental sโinscrit de ce point de vue dans une tendance qui sโaffirme ร une rรฉfรฉrence accrue aux mรฉcanismes de marchรฉ en matiรจre de gestion environnementale. La dissociation dโun service bien dรฉfini, soutenu dans le cadre dโun dispositif indรฉpendant des formes de soutiens plus anciens aux productions et aux exploitations, si elle reste aujourdโhui le fait des pouvoirs publiques, traduit un glissement vers des modes de rรฉgulations inspirรฉs des paiements pour services environnementaux (Wunder, 2005), outils phares de ยซ l’รฉconomie verte ยป. Cette ouverture vers de nouveaux modes dโ ยซ internalisation รฉconomique ยป de lโenvironnement est un facteur explicatif du succรจs du concept (Bonnal, 2010 ; Mollard, 2003).
Christian Deverre souligne ainsi que ce type dโapproche relรจve fondamentalement de la poursuite de ยซ lโextension du domaine de la production marchande ยป aux biens environnementaux (Deverre, 2004). De nombreux auteurs ont toutefois rappelรฉ lโimportance des cadres institutionnels, juridiques, et de lโintervention publique pour mettre en ลuvre et encadrer ces mรฉcanismes (Laurans et Aoubid, 2012 ; Muradian et al., 2010).
Une rรฉfรฉrence accrue aux รฉcosystรจmes et ร la biodiversitรฉ
Lโenvironnement, de faรงon gรฉnรฉrale, sโest dรฉsormais imposรฉ dans le dรฉbat sur le futur de la politique agricole. Si toutes les propositions ne lui accordent pas la mรชme importance, il devient dรฉsormais un critรจre de positionnement fondamental des diffรฉrentes propositions (Gravey, 2011). Lโintervention du MEEDM, saluรฉe par le secteur de lโenvironnement malgrรฉ les remous quโelle a provoquรฉs au sein du secteur agricole, en tรฉmoigne. Lโintervention dโautres acteurs de lโenvironnement dans le dรฉbat, aux รฉchelles franรงaise (parcs naturels rรฉgionaux, associations de protection de lโenvironnement, etc.) mais aussi communautaire, traduisent le fait que la politique agricole nโest plus dรฉsormais considรฉrรฉe comme du seul ressort du secteur agricole, et que certains acteurs travaillent ร la mise en place dโune gouvernance รฉlargie qui serait ร mรชme de mieux intรฉgrer les questions dโenvironnement.
La biodiversitรฉ occupe une place de choix parmi ces enjeux environnementaux. Le rapport de la FAO sur les services environnementaux rendus par lโagriculture estime quโร lโรฉchelle mondiale, les trois principaux services sont la contribution ร la rรฉgulation du climat (enjeu ยซ carbone ยป), la prรฉservation de la ressource en eau (enjeu ยซ eau ยป), et la contribution ร la conservation de la diversitรฉ biologique (enjeu ยซ biodiversitรฉ ยป) (FAO, 2007). La proximitรฉ conceptuelle entre les cadres thรฉoriques sur les services รฉcosystรฉmiques et les services environnementaux a en outre favorisรฉ la permรฉabilisation de lโinterface entre les enjeux biodiversitรฉ et les questions de politique agricole. Le Millenium Ecosystem Assessment (Millennium Ecosystem Assessment, 2005), en entraรฎnant une mรฉdiatisation forte du terme de service รฉcosystรฉmique, a tissรฉ des liens entre les deux concepts dans les sphรจres tant politiques que scientifiques (Antona et Bonin, 2010 ; Mรฉral, 2010), et a ainsi contribuรฉ ร faire percoler les rรฉflexions sur la gestion de la biodiversitรฉ dans les problรฉmatiques agricoles. La rรฉfรฉrence ร la typologie des services รฉcosystรฉmiques, issue du MEA, dans certaines publications sur les services fournis par lโagriculture, confirme cette tendance.
Lโimportance donnรฉe dรฉsormais aux services environnementaux ou รฉcosystรฉmiques issus de lโactivitรฉ agricole change en outre lโangle dโanalyse de lโactivitรฉ agricole, en particulier par rapport aux รฉtudes sur la multifonctionnalitรฉ. Pour celle-ci, lโanalyse se focalise sur les interactions entre agriculture et sociรฉtรฉ, ou entre agriculture et territoire pour les gรฉographes. Dans les รฉtudes sur les SE, lโinterface principale qui est รฉtudiรฉe est lโinterface entre les รฉcosystรจmes et les socio-systรจmes (via lโรฉtude des pratiques des agriculteurs, ou les caractรฉristiques des รฉcosystรจmes cultivรฉs).
Du fait de ce basculement de lโangle dโanalyse, il nous semble quโune partie des fonctions รฉtudiรฉes
dans le cadre de la multifonctionnalitรฉ sont oubliรฉes, car ces fonctions nโont pas toutes les รฉcosystรจmes pour support (que ce soient les รฉcosystรจmes agricoles ou les รฉcosystรจmes non agricoles modifiรฉs par lโagriculture). Certaines fonctions peuvent par exemple รชtre liรฉes ร la structure du secteur agricole, ainsi quโa dโautres facteurs sociaux, non directement liรฉs ร lโรฉtat des รฉcosystรจmes (Casini et al., 2004).
Pour employer des termes รฉconomiques, puisque cโest lโune des disciplines les plus investies sur le
concept, tandis que les services รฉcosystรฉmiques se fondent sur le capital naturel, et donc sur lโรฉtude des milieux agricoles en tant quโรฉcosystรจmes, les fonctions de lโagriculture intรจgrent des รฉlรฉments qui รฉchappent ร la notion de SE, en sโappuyant, au-delร du capital naturel, sur diffรฉrentes formes de capital social. (Fleskens et al., 2009) font remarquer quโil faut distinguer les fonctions des รฉcosystรจmes (agricoles en lโoccurrence) de celles qui ne sont pas produites par les รฉcosystรจmes mais par des caractรฉristiques du secteur agricole : ยซ functions defined taking a broader, human-centred perspective including types of capital other than natural capital ยป. Ces fonctions peuvent รชtre le fait de processus sociaux et non รฉcologiques, liรฉs par exemple ร lโorganisation du secteur agricole (Casini et al., 2004), aux systรจmes dโactivitรฉ des producteurs (Fleskens et al., 2009), aux lieux et modes dโinteraction entre secteurs agricoles et non agricoles (Carneiro, 2004), etc. Ce point sera important dans notre mise en perspective des concepts de multifonctionnalitรฉ et de service environnemental.
Biodiversitรฉ : รฉmergence dโun concept et dโun enjeu mondialisรฉ
La protection de la nature nโa pas attendu la naissance du concept de biodiversitรฉ pour รชtre intรฉgrรฉe dans les politiques des Etats, ni faire lโobjet de nรฉgociations et de dรฉbats internationaux, comme en attestent, entre autres, la crรฉation du premier parc national dans le monde, le parc amรฉricain de Yellowstone (1872) ou la crรฉation de lโUnion Internationale pour la Protection de la Nature (UIPN) en 1948 ร Fontainebleau37. A lโรฉchelle franรงaise, la traduction politique des enjeux de protection de la nature sโinitiera un peu plus tardivement, avec la crรฉation en 1946 du Conseil National de Protection de la Nature, la promulgation en 1960 de la loi sur les Parcs Nationaux, et la crรฉation en 1971 du Ministรจre de la Protection de la Nature et de lโEnvironnement.
Lโagriculture, un ยซ objet territorial ยป que les parcs nationaux ne peuvent ignorer
Si en cลur de parc, les interactions entre les acteurs agricoles et les agents du parc se fondent ร minima sur les diffรฉrents textes rรฉglementaires323 qui encadrent lโactivitรฉ agricole, en aire dโadhรฉsion, la question est plus complexe, et lโagriculture ne rentre pas explicitement dans les prรฉrogatives dโun parc national. Cependant, lโagriculture ne peut ร lโinverse pas รชtre ignorรฉe dans la politique que lโรฉtablissement ร vocation ร coordonner en aire dโadhรฉsion depuis la loi de 2006. Dโune part, le nouveau statut de lโaire dโadhรฉsion et son mode de gouvernance rรฉaffirment les missions des parcs nationaux dans ces territoires attenants au cลur ; dโautre part en introduisant le ยซ patrimoine culturel ยป dans les statuts lรฉgislatifs des parcs nationaux, elle les invite ร sโinterroger sur ce qui, dans lโactivitรฉ agricole, est susceptible de ยซ faire patrimoine ยป.
Lโagriculture, une composante du projet de territoire de lโaire dโadhรฉsion
Les effets de la rรฉforme de 2006:
La rรฉforme de 2006, qui remplace les anciennes zones pรฉriphรฉriques par les aires dโadhรฉsion (Encadrรฉ 6), rรฉaffirme dโune part les objectifs de dรฉveloppement socio-รฉconomique sur ces territoires attenant aux cลurs, et modifie dโautre part leur mode de gouvernance, en instituant un nouvel outil, la charte. Inspirรฉe de lโexpรฉrience des parcs naturels rรฉgionaux, la charte est un รฉlรฉment central de lโaction du Parc en aire dโadhรฉsion. Elle doit dรฉfinir ยซ un projet de territoire traduisant la solidaritรฉ รฉcologique entre le cลur du parc et ses espaces environnants ยป, et pour lโaire dโadhรฉsion, ce projet doit plus particuliรจrement dรฉfinir ยซ les orientations de protection, de mise en valeur et de dรฉveloppement durable et indique[r] les moyens de les mettre en ลuvre ยป ; pour cela, la charte doit dรฉfinir diffรฉrentes zones dont les vocations doivent รชtre dรฉfinies notamment ยซ ร partir dโun inventaire du patrimoine naturel, paysager et culturel ยป .
Ainsi, cette entrรฉe territoriale entรฉrinรฉe en 2006325 implique pour les parcs nationaux de se prรฉoccuper de lโactivitรฉ agricole prรฉsente au sein de leurs diffรฉrents pรฉrimรจtres, comme cela a รฉtรฉ soulignรฉ lors des rencontres des Parcs nationaux de France en 2007 :
ยซ Si la nouvelle loi sur les parcs nationaux ne cite jamais le mot ยซ agriculture ยป, sa prise en considรฉration est implicite par lโentrรฉe ยซ territoire ยป dans les notions de protection territoriale. (โฆ)
Un parc national cโest avant tout un territoire, une zone circonscrite avec son histoire, ses paysages, sa nature. Cette entrรฉe dans un parc par la porte du territoire, et plus seulement par la porte de la nature qui y est protรฉgรฉe, nous incite ร envisager le parc national dans son ensemble.
(โฆ) Lorsque lโon envisage ces espaces comme des territoires, le devenir de lโagriculture est une question naturelle ยป (PNF, 2006, Actes des rencontres des parcs nationaux de France, compte rendu de lโatelier agriculture)
La loi de 2006 se fonde en outre sur le concept de ยซ solidaritรฉ รฉcologique ยป pour penser les interactions entre le cลur et lโaire dโadhรฉsion. Aux racines de ce concept, il y a la volontรฉ de dรฉpasser la logique de la ยซ zone tampon ยป considรฉrรฉe du seul point de vue du cลur ou des effets sur le cลur, et dโaller audelร des approches induites uniquement en termes de menaces et de contraintes (Barthod, 2009).
Pendant le processus de rรฉforme, le terme de solidaritรฉ รฉcologique รฉtait frรฉquemment associรฉ ร la solidaritรฉ รฉconomique, sociale, et culturelle entre le cลur et lโaire dโadhรฉsion (ibid.) ; celles-ci ont cependant finalement disparu dans le texte de loi. La mise en ลuvre de ce concept invite aujourdโhui les parcs ร sโinterroger sur les activitรฉs humaines qui sโexercent au sein de leurs aires dโadhรฉsion, en particulier lโactivitรฉ agricole. Dans la cadre de la mission du parc de construire un projet de territoire, il apparait difficile de se limiter ร une application du concept qui se bornerait au seul objectif de prรฉservation des fonctionnalitรฉs รฉcologiques. La recherche de points dโaccroche et dโarticulation avec les dimensions รฉconomiques, sociales et culturelles apparait comme une condition incontournable pour susciter leur adhรฉsion, comme le souligne Christian Barthod : ยซ lorsque lโon parle de biodiversitรฉ et de territoire, on parle inextricablement de ยซ choses objectivables ยป et de regards sur ces choses, de visions, de passรฉ et dโavenir, dโhรฉritage et de projets, dโidentitรฉs et de rรชves, et donc dโhommes et de sociรฉtรฉs. Les approches de la biodiversitรฉ qui sous-estimeraient cette dimension humaine et culturelle sโexposeraient ร de grandes difficultรฉs ยป (ibid.). Dans ce contexte, la question que se posent (De Sainte Marie et al., 2011), ยซ peut-on ยซ รฉcologiser ยป les agriculteurs sans ยซ agricoliser ยป les naturalistes ? ยป prend tout son sens, et les parcs se retrouvent dรจs lors face ร la tรขche complexe de trouver les ressorts et les outils qui leur permettent de construire une collaboration avec le secteur agricole.
Le territoire, la clรฉ dโune collaboration ร construire entre acteurs agricoles et parcs nationaux?
En aire dโadhรฉsion, les modalitรฉs de lโaction dโun parc national seront dรฉsormais trรจs liรฉes au projet de territoire – la charte – qui aura รฉtรฉ รฉlaborรฉ avec ses acteurs. Cโest une tรขche complexe pour les parcs dโaffirmer leur rรดle sur ce territoire, oรน, avec un pouvoir rรจglementaire restreint, leur lรฉgitimitรฉ se construira progressivement, au regard notamment des partenariats et des collaborations quโils y
dรฉvelopperont progressivement. Ce ยซ dรฉfi ร relever ยป de la construction dโune lรฉgitimitรฉ non rรจglementaire pour une institution du secteur de lโenvironnement peut รชtre mis en perspective avec
celui posรฉ 40 ans plus tรดt aux parcs naturels rรฉgionaux. Sโappuyant sur un ยซ droit gazeux ยป, tel que
lโavait qualifiรฉ le prรฉsident de la Rรฉpublique ร lโoccasion de leur dรฉcret de crรฉation en 1967, les PNR nโen sont pas moins devenus un ยซ modรจle de politique territoriale ยป et un outil de dรฉveloppement suscitant un fort engouement politique (Lajarge, 2007 ; Lajarge et Baron, 2011). Les parcs nationaux doivent aujourdโhui trouver les ressorts pour construire leurs projets et leur lรฉgitimitรฉ en aire dโadhรฉsion, et le ยซ territoire ยป apparaรฎt comme un objet sur la base duquel ils peuvent construire leur collaboration avec les acteurs, en particulier avec les acteurs agricoles.
|
Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
Premiรจre partie
Etudier lโinscription territoriale de petites filiรจres agricoles dans un contexte a fort enjeu biodiversitรฉ: une dรฉmarche de recherche en gรฉographie sociale
Chapitre 1
Pourquoi le territoire comme prisme dโobservation des interactions entre agriculture et sociรฉtรฉ
1.1. Des demandes sociales qui renouvellent le statut de lโagriculture au sein des espaces ruraux
1.2. Multifonctionnalitรฉ et services environnementaux : des concepts qui accompagnent cette รฉvolution
1.3. Services et fonctions de lโactivitรฉ agricole : ร lโinterface entre agriculture et territoire
Chapitre 2.
Lโessor de lโenjeu biodiversitรฉ : facteur de recomposition des interactions agriculture – territoire
2.1. Politiques agricoles : une focale environnementale renforcรฉe ?
2.2. Interaction entre agriculture et biodiversitรฉ : place ร la complexitรฉ
2.3. Des รฉvolutions qui invitent ร repenser la place des systรจmes agricoles ยซ marginaux ยป
2.4. Une opportunitรฉ pour les parcs nationaux de sโimpliquer sur les questions agricoles ?
Chapitre 3.
Une posture en gรฉographie sociale pour รฉtudier lโinscription de petites filiรจres ยซpatrimoniales ยป
3.1. Dรฉmarche gรฉnรฉrale
3.2. Les reprรฉsentations des fonctions de lโagriculture, facteurs de recompositions agricoles
3.3. La filiรจre, objet gรฉographique analysรฉ ร travers la grille des formations socio-spatiales
Chapitre 4.
Dispositif dโรฉtude : les discours des acteurs collectรฉs sur deux territoires ultra-marins, la Rรฉunion et la Guadeloupe
4.1. Mise en perspective de deux terrains dโรฉtude ultra-marins
4.2. Une approche qualitative fondรฉe sur les discours des acteurs
Deuxiรจme partie
Des inscriptions territoriales complexes, entre marginalitรฉ รฉconomique, controverses
environnementales et importance socio-culturelle
Chapitre 5.
Des filiรจres ร la marge des secteurs agricoles rรฉunionnais et guadeloupรฉens
5.1. Ce que nous disent les statistiques agricoles : des filiรจres marginales
5.2. Ce que nous dit lโhistoire : des produits renommรฉs hรฉritรฉs dโun passรฉ florissant
5.3. Des filiรจres contrastรฉes, entre notoriรฉtรฉ et fragilitรฉ
5.4. Les stratรฉgies des producteurs, reflets de ce contexte complexe
Chapitre 6.
Fonctions environnementales : des reprรฉsentations plurielles et des controverses nourries par lโessor de lโenjeu biodiversitรฉ
6.1. Les termes du dรฉbat : de multiples objectifs de gestion au sein des sous-bois vanilliers
6.2. Un enjeu biodiversitรฉ qui fait รฉvoluer les compromis entre gestion forestiรจre et production de vanille
6.3. Une approche ร nuancer : des configurations multiples ร la parcelle
Chapitre 7.
Fonctions sociales : une composante essentielle du lien entre ces filiรจres et leurs territoires
7.1. Des reprรฉsentations partagรฉes sur une fonction de cohรฉsion sociale
7.2. Une fonction culturelle dรฉclinรฉe ร diffรฉrentes รฉchelles
7.3. Des fonctions sociales qui sโarticulent avec les fonctions environnementales dans les reprรฉsentations
Chapitre 8.
Une inscription territoriale recomposรฉe par lโintรฉgration des dimensions environnementales,
sociales et culturelles de lโactivitรฉ agricole
8.1. Des soutiens politiques ร lโยซamรฉnagementยป de la place de lโagriculture
8.2. Des dispositifs de soutien รฉconomique valorisant les fonctions sociales et environnementales
8.3. Des fonctions mobilisรฉes ร diffรฉrents degrรฉs dans les stratรฉgies de spรฉcification
8.4. Une ยซ consistance territoriale ยป recomposรฉe
8.5. Les parcs nationaux, des atouts pour ces filiรจres ?
Troisiรจme partie
Retisser des liens entre agriculture et territoire : quels outils, quels acteurs ? Discussion sur le concept de service environnemental et retour sur le rรดle dโun Parc national
Chapitre 9.
Le service environnemental, un outil pour retisser les liens entre agriculture et territoire ?
9.1. Le service environnemental, des fondements qui ouvrent de nouvelles perspectives ?
9.2. Un champ dโopรฉrationnalisation trop รฉtroit pour refonder les interactions entre agriculture et territoire
9.3. La requalification des produits, un autre scรฉnario pour valoriser les services environnementaux?
Chapitre 10.
Les parcs nationaux, acteurs des recompositions territoriales de lโactivitรฉ agricole, ยซ tisseurs de liens ยป
entre le ยซ naturel ยป et le ยซ culturel ยป ?
10.1. Lโagriculture, un ยซ objet territorial ยป que les parcs nationaux ne peuvent ignorer
10.2. Le territoire, la clรฉ dโune collaboration ร construire entre acteurs agricoles et parcs nationaux?
10.3. Les territoires, des objets singuliers, des compromis ร construire au cas par cas
Conclusion gรฉnรฉrale
Tรฉlรฉcharger le rapport complet