Fabrication de systèmes nanostructurés
Une vaste gamme de structures multicouches, d’architecture à différentes échelles optimales pour les fonctions requises, sont présentes dans la nature et peuvent servir de modèle pour la création de nouveaux matériaux [1], [2]. Ces matériaux hiérarchisés présentent des propriétés uniques découlant de la combinaison d’effets multi-échelle (plusieurs mécanismes à différentes échelles), d’architecture des systèmes et d’effets interfaciaux [3]–[6]. Parmi les nombreux exemples on peut citer les ailes de papillons dont la couleur dépend de la structure des écailles [1], la nacre qui présente une forte rigidité [2], [4]–[6] ou encore le bois qui possède d’excellente propriétés mécanique [2], [5].
Un fort intérêt industriel est apparu récemment concernant l’élaboration de matériaux nanostructurés en se fondant sur des concepts similaires. Dans le domaine des matériaux polymères, le développement de telles structures présentant des propriétés améliorées résultant de la synergie entre deux ou plusieurs constituants, peut être traité via différentes approches [7]. De nombreuses tentatives ont été faites en synthétisant de nouvelles macromolécules ou en changeant leur composition chimique pour former des systèmes « auto-assemblés ». Les structures peuvent également être induites ou modifiées par des techniques de post-traitement. Cette approche est alors de type ascendant, ou « bottom-up ». Par ailleurs, les procédés de mise en œuvre et de mélange des polymères tels que la coextrusion apparaissent comme une autre voie afin d’obtenir des structures micro ou nanométrique à partir de l’échelle macroscopique [8]. Cette approche est alors de type descendant, dite « top-down ».
Approche ascendante
Dès les années 30, la technique de Langmuir-Blodgett (LB) permet la fabrication de couches minces de polymères [9], [10]. Le principe consiste à dissoudre une molécule amphiphile dans un solvant volatile puis à l’étaler sur une interface eau/air pour former une monocouche dite de Langmuir. Le film de LB est ensuite obtenu en plongeant un substrat à travers l’interface un certain nombre de fois. A chaque passage à travers l’interface, une nouvelle couche vient s’ajouter sur la précédente, du fait du caractère amphiphile de la molécule. Il est ainsi possible d’obtenir des systèmes multicouches et structurés de 3 à 7 couches de taille nanométrique [11].
Cette technique présente cependant un certain nombre d’inconvénients (produits amphiphiles uniquement, matériel coûteux, peu adaptée pour une production à grande échelle). C’est pourquoi s’est développée au début des années 90 la technique couche-par couche (LbL pour layer-by-layer) moins coûteuse et plus versatile [12]–[14]. Le principe réside en l’adsorption successive, en solution, de couches de polymères grâce à l’attraction électrostatique entre molécules chargées. La construction de la structure multicouche, de 35 à plus de 100 couches d’épaisseur nanométrique, s’effectue en immergeant un substrat fonctionnalisé dans une solution ionique et cationique, alternativement. Via cette technique, il est possible d’obtenir des structures versatiles constituées de plus de deux molécules différentes (A, B et C par exemple) et de nature différentes (bipolaires, polyélectrolytes, …). Cette méthode présente un fort intérêt dans le domaine des membranes, des systèmes transporteurs de médicaments ou des capteurs ultrasensibles [15]; mais elle reste néanmoins peu adaptée à une production à grande échelle.
Approche descendante
Il est également possible de fabriquer des systèmes structurés via les procédés de mélange, de transformation et de mise en forme des polymères, donc une approche descendante, ou « top-down ». L’intérêt de cette approche, par rapport à l’approche ascendante, réside dans la non-utilisation de solvants, dans la capacité à pouvoir en théorie utiliser un très grand nombre de polymères thermoplastiques, ainsi que la possibilité d’une industrialisation à grande échelle. Parmi ces procédés, il est possible de citer le procédé d’extrusion bivis (permettant d’obtenir un très grand nombre de morphologies de mélange [16]), le procédé d’extrusion-couchage (consistant à appliquer en continu une couche de polymère fondu sur un substrat [17], [18]) ou le procédé de coextrusion (formant une structure en couches alternées constitué de deux ou plusieurs polymères).
La coextrusion d’un film de quelques couches…
Le procédé de coextrusion multicouche est un procédé continu qui permet en une seule étape de combiner 2 à 5 matériaux différents dans une filière ou bloc de répartition afin d’obtenir des films constitués de plusieurs couches alternées. Il est ainsi possible d’obtenir un film micrométrique constitué de 2 à 11 couches (de taille millimétrique ou d’une centaine de microns) et qui possède les propriétés de chacun des polymères utilisés [19], [20]. Dans le cas des applications packaging et d’emballages, par exemple, il est possible d’obtenir des films flexibles ou semi rigides thermosoudables présentant d’excellentes propriétés en termes de résistance chimique, dureté, propriétés barrières, mise en forme et esthétique. Ce procédé évite les coûts importants et les complexités de réalisation rencontrés lors de la réalisation d’un film obtenu via le procédé de lamination, où les plis sont obtenus individuellement, apprêtés, enduits et laminés. La coextrusion multicouche est une technique versatile permettant un certain degré de liberté dans le design des structures ainsi qu’un contrôle sur les épaisseurs de couches et la localisation des différents polymères. Cependant, ce procédé « traditionnel » ne permet d’obtenir que des structures à l’échelle milli- ou micrométrique et n’est pas adapté à l’obtention de systèmes structurés à l’échelle submicro- et nanométrique.
…à plus d’une centaine de couches alternées
A partir des années 60, des innovations technologiques du procédé de coextrusion ont permis d’obtenir une structure composée de plusieurs centaines voire milliers de couches alternées dont l’épaisseur des couches est contrôlée et à des échelles submicro- et nanométrique. Schrenk [8] a tout d’abord développé une nouvelle génération de blocs de répartition (feedblock) qui permet d’obtenir directement la structure multicouche. Dans cet outil, montré sur la Figure 1-1, deux flux de polymères A et B à l’état fondu rentrent en opposition. Chacun des flux est subdivisé en plusieurs sous-flux par deux peignes imbriqués. Les peignes distribuent les flux dans une cavité centrale de manière à créer directement la structure multicouche. En plus d’obtenir des structures avec des couches uniformes, la géométrie de ce type de bloc d’alimentation permet une modification facile des épaisseurs de couches. La géométrie du peigne d’assemblage peut également être modifiée afin de créer un gradient d’épaisseur de couches discrétisé le long du peigne [21] et ainsi avoir un gradient de propriétés dans notre structure multicouche.
Cependant, ces blocs de répartition sont généralement complexes, difficiles à fabriquer, extrêmement onéreux et peu versatiles. A partir des années 70, un certain nombre de brevets [22]–[25], présentent une nouvelle voie, plus versatile, pour coextruder un nombre élevé de couches basé sur le couplage entre le procédé de coextrusion « classique » et la combinaison en série d’éléments de mélange (type mélangeur statique). Ces éléments sont plus simples à utiliser et moins coûteux que les systèmes présentés précédemment. Les premiers designs de mélangeurs statique ont été décrits par Sluijters (1962) [24] et Tollar (1966) [23].
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Étude bibliographique
1 Fabrication de systèmes nanostructurés
2 Phénomènes de rupture et instabilités de couches dans le procédé de coextrusion
multicouche
3 Autres études sur les instabilités interfaciales de polymères
4 Conclusion
Références
Chapitre 2 Élaboration et caractérisation de films multinanocouches obtenus à partir de polymères amorphes
1 Présentation des matériaux de l’étude
2 Le procédé de coextrusion multinanocouche
3 Caractérisation morphologique et structurale des films multinanocouches
4 Conclusion
Références
Chapitre 3 Effet des paramètres matériaux et procédés sur l’homogénéité des couches de films multicouches
Article 1: Effect of material and processing parameters on the regularity and
homogeneity of microlayered films
1 Introduction
2 Experimental methods
3 Results and discussion
4 Conclusion
Références
Chapitre 4 Échantillonnage et évaluation de la morphologie des structures polymères multinanocouches
1 Évaluation de la taille d’échantillon morphologique représentatif pour des
structures polymères multinanocouches
Article 2: Evaluation of morphological representative sample sizes for nanolayered
polymer blends
2 Caractérisation morphologique des instabilités
3 Évaluation de la morphologie dans la direction longitudinale
Chapitre 5 Existence d’une épaisseur critique dans les films coextrudés multinanocouches
1 Existence d’une épaisseur de couche critique dans les films coextrudés
multinanocouches PS-PMMA
Article 3: Existence of a critical layer thickness in PS-PMMA coextruded nanolayered
films
2 Étude du couple PS-PMMA sur une seconde ligne de coextrusion
3 Étude du couple PC-PMMA
Chapitre 6 Compréhension des phénomènes via des expériences modèles
1 Étude du démouillage de films minces
2 Expérience d’étirage
3 Expérience de retrait
4 Conclusion
Références
Conclusion générale
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