Selon l’Organisation mondiale de la santé, environ 300 millions de personnes dans le
monde seraient asthmatiques (1). En France, la prévalence de l’asthme actuel (sifflements dans l’année écoulée chez un enfant ayant déjà eu une crise d’asthme ou traitement pour asthme dans l’année écoulée; chez l’adulte, crise d’asthme dans l’année écoulée ou traitement actuel pour asthme) est de près de 9 % chez l’enfant (1). Selon une étude entre 2005 et 2012 en France, près de 12 % des enfants scolarisés en grande section de maternelle avaient eu des sifflements dans les 12 derniers mois et 11 % avaient déjà eu de l’asthme (2). La prévalence ne diminue pas en France, contrairement à ce qui a été observé ces dernières années dans certains pays (2). Il y a de nombreux dispositifs d’inhalation avec des techniques différentes, à adapter selon l’âge de l’enfant (chambre d’inhalation avec ou sans masque couplée à l’aérosol doseur, Turbuhaler, Autohaler, Diskus) pouvant conduire à de fréquentes erreurs de techniques d’inhalation. Dans la bibliographie, on remarque qu’il y a 70 à 90% d’erreurs de manipulation des inhalateurs chez les enfants asthmatiques (3) et la plupart des travaux notent une observance d’à peu près 50% du traitement de fond inhalé, en particulier dues à ces erreurs de manipulation (4,5). Du fait de ces erreurs concernant la technique d’inhalation et de leurs outils, une partie importante du produit inhalé est gaspillée. Il est à noter que l’inhalateur est la forme médicamenteuse la plus prescrite dans le monde après la forme sous pilule (1), toutes maladies confondues.
Une étude estime qu’aux Etats Unis, sur 25 milliards dépensés par an concernant un traitement par voie inhalé, entre 5 et 7 milliards de dollars en traitement inhalé sont “gâchés ou perdus” du fait d’une mauvaise technique d’inhalation ou d’une mauvaise utilisation de l’outil d’inhalation (5). De nombreuses études ont été réalisées concerant la technique d’inhalation chez les enfants asthmatiques, leur entourage et l’observance de ceux-ci par rapport au traitement, mais un des biais souvent rapporté dans ces études était de savoir l’état des connaissances des techniques d’inhalation et de leur outils par les médecins généralistes qui prescrivaient ces traitements inhalés, étant donné que les médecins généralistes se trouvent en général en première ligne dans la prise en charge de l’asthme de l’enfant (6,7). Etant donné le faible nombre d’étude se focalisant sur cette question, c’est pourquoi nous avons choisi de réaliser cette étude avec pour objectif principal d’étudier les habitudes de pratiques et l’éducation par les médecins généralistes dans les techniques d’inhalation dans l’asthme de l’enfant, tout en les comparant aux recommandations de bonne pratique (8). Dans un second temps, nous avons cherché à comprendre les difficultés des médecins généralistes dans cette éducation des techniques d’inhalation dans l’asthme de l’enfant.
EXPOSITION DES OUTILS D’INHALATION ET DE LEURS TECHNIQUES
La chambre d’inhalation couplée à l’aérosol doseur (Avec et sans masque facial)
Ce système est recommandé pour les patients entre 0 et 8 ans, voire plus si les autres systèmes d’inhalation ne sont pas acceptés ou bien maitrisés par le patient et/ou son entourage (8,9,10). Il existe différentes marques et espèces de chambres d’inhalations mais globalement, on retiendra qu’il ne faut associer une chambre et un traitement inhalé d’un même laboratoire que dans le cadre d’un traitement de fond (corticoides inhalés, Béta mimétique de longue durée d’action) bien que cela ne soit pas toujours simple à appliquer dans la pratique. Il n’y a pas de restriction pour le traitement inhalé dans le cadre d’une exacerbation d’asthme par beta 2 mimétique de courte durée d’action. Les aérosols doseurs les plus courants sont la Ventoline, Beta 2 mimétique de courte durée d’action, pour les exacerbations d’asthme, et Flixotide, corticoide inhalé pour le traitment de fond de l’asthme. La déposition pulmonaire des traitements inhalés avec des chambres statiques (Ex : able spacer) est de 2 % chez le nourrisson calme (0.35 % si l’enfant pleure) et 6 % chez le jeune enfant. L’utilisation de chambre non statiques (ex : Vortex), avec des parois empêchant le phénomène d’électrostatisme et la capture sur les parois d’une partie du traitement inhalé permet d’améliorer la déposition pulmonaire (28% pour un enfant entre 4 et 8 ans, 41 % pour un enfant entre 8 et 12 ans (11,12). Le passage sans le masque facial peut s’envisager et est recommandé s’il est bien toléré par le patient et l’entourage à partir de 4 ans (8,11).
Les Autohalers
Ce système permet une délivrance automatique du médicament lors de l’inspiration lente. Une apnée en fin d’inspiration de quelques secondes est requise. Leur utilisation est recommandée à partir de 8 ans, à condition que la synchronisation soit bonne chez l’enfant (8,13), bien qu’en pratique cela soit possible avant 8 ans selon les capacités et la synchronisation de l’enfant. Avant 8 ans le débit inspiratoire risque de ne pas être pas suffisant pour déclencher le dispositif et permettre la distribution du produit inhalé (13). Le système de l’Autohaler est représenté principalement par l Airomir (beta 2 mimétique de courte durée d’action) et le QVAR (corticoide inhalé seul). Le dépôt pulmonaire est assez important également : 37 % entre 4 et 8 ans, 47 % entre 8 et 12 ans, 54 % entre 12 et 14 ans (11,14). Une étude a montré que les enfants asthmatiques entre 0 et 12 ans avec un Autohaler ont moins de prescription de corticoides oraux, moins de prescription/utilisation de Béta mimétique de courte durée qu’avec ceux ayant un aérosol doseur seul, avec moins de consultations concernant l’asthme chez le médecin généraliste (15). Une autre étude a montré que les médecins généralistes faisaient moins de surestimation de bonne prise du traitement inhalé par l’enfant asthmatique avec le système d’autohaler qu’avec le système de Turbuhaler (7). Enfin, il a été démontré que son apprentissage d’utilisation est relativement aisé par rapport à d’autre systèmes .
Les IPS (inhalateurs de poudre sèche)
Sans gaz propulseur, équipés de compteur de doses, les inhalateurs de poudre sèche sont classés en inhalateurs monodose (inhalateurs de Foradil et Méflasone, Spinhaler) ou multidose (Diskhaler : 8 doses ; Diskus : 60 doses ; Turbuhaler : 200 doses). Leur principe repose sur une délivrance du produit lors d’une inspiration rapide et profonde qui permet la séparation du médicament et du vecteur (lactose par exemple). Ce type d’inspiration explique l’importante impaction oropharyngée obtenue avec ces outils d’inhalation. Il existe de nombreux dispositifs, nous ne parlerons ici que des deux plus fréquents recensés dans notre étude, le Turbuhaler et le Diskus.
Turbuhaler
Leur utilisation est recommandée à partir de 8 ans (8, 13) mais en pratique cela est possible à partir de 4 ans si la coordination et la comprehénsion de l’enfant est bonne et s’il y a eu une répétition de l’explication orale et de la démonstration de la technique d’inhalation (17,18). Le dispositif peut être utilisé pour un traitement inhalé d’exacerbation d’asthme (Bricanyl) ou pour un traitement inhalé de fond de l’asthme (Symbicort, association de corticoide et de béta 2 mimétique de longue durée d’action, Pulmicort, corticoide inhalé seul). La déposition pulmonaire est entre 15 et 30 % chez les enfants entre 8 et 14 ans .
Diskus
Leur utilisation est recommandée à partir de 8 ans (8, 13). Le dispositif peut être utilisé uniquement en France pour un traitement inhalé de fond de l’asthme (Seretide, association de corticoide et de béta 2 mimétique de longue durée d’action, Flixotide, corticoide inhalé seul). La déposition pulmonaire est de 8 % en moyenne (21). Son apprentissage est relativement aisé et ce système fait partie de ceux pour lesquels il y a le moins d’erreurs de manipulation de la part de patients asthmatiques (6) Une autre étude a montré que les médecins généralistes faisaient moins de surestimation de bonne prise du traitement inhalé par l’enfant asthmatique avec le système de Diskus qu’avec le système de Turbuhaler ou de l’aérosol doseur.
Les aérosols doseurs seuls et les nébuliseurs
Concernant les aérosols doseurs seuls, malgré une grande prescription dans la pratique courante et décrit dans la littérature (22,23), ceux-ci ne sont pas recommandés en usage seul quelque soit l’age du patient (8,9,10) et n’ont pas été abordés dans cette étude. Il existe un grand nombre d’erreur de manipulation chez les enfants asthmatiques concernant du fait du manque de coordination, entre 70 à 90 % selon la littérature (6,7). Concernant les nébuliseurs, leur prescription est peu courante et ont pour inconvénient d’être couteux et encombrant, leur mode de délivrance est long et moins de 2 % du produit délivré se fixe sur les poumons (10);ils n’ont pas donc été abordés dans cette thèse La déposition pulmonaire est selon la littérature de 2 % en moyenne chez lenourrisson .
Justification du choix du type d’étude et de la méthodologie
Le but de notre étude était d’étudier l’éducation et les habitudes de pratique par les médecins généralistes dans les techniques d’inhalation dans l’asthme de l’enfant, comparées aux recommandations de bonne pratique. Dans un second temps, nous avons cherché à comprendre les difficultés des médecins généralistes dans cette éducation des techniques d’inhalations dans l’asthme de l’enfant. L’approche qualitative par entretien nous a semblé la méthode la plus appropriée pour répondre à l’objectif, l’entretien permettant la création d’un discours, et d’une interaction entre les 2 participants, contrairement au questionnaire. De même, il est fort probable que les réponses diffèrent selon la méthode d’investigation faite au cabinet plutôt que par mail ou par téléphone, améliorant la fiabilité des réponses, dans un souci de qualité de l’étude. Quant au type d’entretien retenu, nous avions au départ le choix entre l’entretien libre, le focus group et l’entretien semi dirigé. Nous avons donc choisi l’entretien semi dirigé (ou semi directif) qui permet de guider la discussion selon des axes définis à l’avance, constituant le guide d’entretien, tout en laissant la parole à la personne interrogée qui peut ainsi s’exprimer plus librement que lors d’une enquête par mail ou téléphone .
Méthodologie de l’étude : objectif principal
Sélection des médecins interrogés
L’échantillon en recherche qualitative ne recherche pas la représentativité statistique (24). La taille de l’échantillon a été déterminée pendant l’étude selon le principe de saturation des données, c’est-à-dire que les nouveaux entretiens n’apportent aucune donnée nouvelle. 18 entretiens ont mené à la saturation des données, 3 entretiens supplémentaires ont confirmé cette saturation des données. Les médecins interrogés ont été choisis de façon à avoir un panel de réponse le plus diversifié possible (âge, sexe, méthode d’exercice) dans l’annuaire des pages jaunes, doctolib.fr et mon docteur.fr, titulaires d’un doctorat de médecin généraliste dans le Var, entre le Beausset et Toulon, exerçant la médecine générale. Un 1 er contact téléphonique était pris, au cours duquel on ne dévoilait à notre interlocuteur que le thème de notre travail « les techniques d’inhalation dans l’asthme de l’enfant », afin de ne pas guider nos réponses lors de l’entretien. Les médecins étaient avertis que l’entretien serait enregistré et que les données seraient utilisées de manière anonyme, et que l’entretien ne commencerait qu’après accord oral et écrit de l’interviewé.
A l’issue de cet entretien, en cas d’accord du médecin, une date était convenue pour réaliser l’interview au cabinet du médecin, dans un souci de meilleure fiabilité des réponses et de l’étude. Les données ont été enregistrées avec accord oral et écrit des médecins généralistes et utilisés de manière anonyme.
Elaboration du guide d’entretien
Un guide d’entretien semi-directif a été élaboré avec 12 questions principales. Ces grands thèmes portaient sur les habitudes de pratiques d’outils et de techniques d’inhalation aux différents âges dans l’asthme de l’enfant par les médecins généralistes, ainsi que sur les difficultés rencontrées par les médecins généralistes dans l’éducation thérapeutique concernant ces techniques d’inhalation ; Nous leur avons posé également des questions de connaissance concernant la manipulation des outils d’inhalations ;
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. EXPOSITION DES OUTILS D’INHALATION ET DE LEUR TECHNIQUE
2.1. La chambre d’inhalation + aérosol doseur (Avec et sans masque facial)
2.2. Les autohalers
2.3. Les IPS (inhalateurs de poudre sèche)
2.3.1. Turbuhaler
2.3.2. Diskus
2.4. Les aérosols doseurs seuls et les nébuliseurs
III. MATERIEL ET METHODE
3.1. Présentation de l’étude
3.1.1. Type d’étude
3.1.2. Justification du choix du type d’étude et de la méthodologie
3.2. Méthodologie de l’étude : objectif principal
3.2.1. Sélection des médecins interrogés
3.2.2. Elaboration du guide d’entretien
3.2.3. Réalisation des entretiens
3.2.3.1. L’interviewer
3.2.3.2. Date et lieu des entretiens
3.2.3.3. Durée des entretiens
3.2.3.4. Matériel utilisé
3.2.3.5. Déroulement de l’entretien
3.2.4. Méthodologie d’analyse des entretiens
3.2.4.1. Retranscription des entretiens
3.2.4.2. Données statistiques
3.2.4.3. Analyse des entretiens
3.3. Méthodologie de la recherche bibliographique
IV. RESULTATS
4.1. Résultats principaux
4.1.1. Données statistiques
4.1.1.1. Sélection des participants
4.1.1.2. Caractéristiques sociodémographiques des médecins interrogés
4.1.1.2.1. Caractéristiques démographiques
4.1.1.2.2. Caractéristiques socioprofessionnelles
4.1.1.3. Données statistiques à propos des entretiens réalisés
4.1.2. Analyse du discours
4.1.2.1. Habitudes de pratiques d’outils et de techniques d’inhalation des médecins généralistes et comparaison aux recommandations
4.1.2.2. Difficultés rencontrées dans l’éducation des techniques d’inhalation dans l’asthme de l’enfant par les médecins généralistes
V. DISCUSSION
5.1. Le thème de la recherche : intérêt du sujet
5.2. Méthodologie utilisée
5.2.1. Justification du choix de la méthode
5.2.2. Les difficultés rencontrées
5.2.3. Les limites de l’étude
5.2.3.1. Biais internes
5.2.3.2. Biais externes
5.2.3.3. Biais d’investigation
5.2.3.4. Biais d’interprétation
5.3. Discussion concernant les habitudes de pratique et l’éducation des médecins généralistes dans les techniques d’inhalation dans l’asthme de l’enfant et comparaisons par rapport aux recommandations et à la littérature
5.4. Discussion concernant les difficultés rencontrées par les médecins généralistes face à l’éducation des techniques d’inhalation dans l’asthme de l’enfant
VI.CONCLUSION