Point de vue de l’enfant sur la violence
Le point de vue de l’enfant sur les conflits conjugaux auxquels il est exposé a fait l’objet d’une série d’études. Grych et Fincham (1990) proposent dans leur modèle cognitif-contextuel (Cognitive-Contextual Framework) que l’enfant interprète les conflits qui surviennent entre ses parents. Il s’interroge sur le rôle qu’il peut y jouer et sur la menace que la situation constitue pour lui. L’interprétation de l’enfant guide ses réactions et influence son adaptation à court et long terme (Grych & Fincharn, 1993).
Des auteurs jugent pertinent d’utiliser ce modèle pour mieux comprendre les difficultés d’adaptation de l’enfant exposé à la violence conjugale (Fortin, 2005 ; Grych et al., 2000; Jouriles, Spiller, Stephens, McDonald, & Swank, 2000; Kerig, 1998). Ils constatent que les enfants qui se sentent menacés par cette violence développent davantage de difficultés d’ adaptation intériorisées (Grych et al. , 2000; Jouriles et al., 2000; Kerig, 1998). La perception de blâme est, quant à elle, liée aux problèmes extériorisés (Jouriles et al., 2000) et intériorisés (Fortin, 2005 ; Grych et al. , 2000; Kerig, 1998). Il faut noter que d’après une étude de Jouriles et al. (2000), beaucoup de mères rencontrées
considèrent que les comportements de leur enfant sont à l’origine des conflits conjugaux et le blâment ouvertement à ce sujet. Face à ces résultats, les auteurs postulent que de fortes perceptions de menace et de blâme chez l’enfant pourraient être liées à des difficultés au niveau de la relation parent-enfant.
Qualité de la relation mère-enfant
L’influence de la qualité de la relation mère-enfant sur le lien entre l’exposition à la violence conjugale et les difficultés d’adaptation est un thème qui suscite actuellement beaucoup d’intérêt (Doucet & Fortin, 2014; Racicot, Fortin, & Dagenais, 2010). En effet, la mère joue un rôle de premier plan dans le développement de l’enfant (Racicot et al., 2010). Les études recensées traitent de la relation mère-enfant telle qu’observée par les chercheurs en laboratoire ou encore telle que décrite par la mère à travers un questionnaire. Globalement, on constate que les conduites parentales inadéquates (pratiques disciplinaires incohérentes ou trop restrictives) de la part de la mère sont liées à davantage de problèmes intériorisés et extériorisés chez les enfants exposés à la violence (Fortin, Cyr, & Lachance, 2000; Huth-Bocks & Hugues, 2008; Johnson & Lieberman, 2007). À l’inverse, les conduites parentales chaleureuses et cohérentes sont associées à moins de difficultés d’ adaptation (Fortin et al., 2000).
À notre connaissance, une seule étude porte sur la perception que les enfants exposés à la violence conjugale ont de leurs parents (Sternberg et al. , 1994). Des enfants israéliens exposés à la violence conjugale (79 enfants) et non-exposés à cette problématique (31 enfants) ont complété le Family Relation Test (Anthony & Bene,1957).
Relations d’objet et figures parentales
Les relations d’objet sont des relations intériorisées que l’on retrouve dans le monde interne de la personne. Ces objets internes sont influencés à la fois par des facteurs intrapsychiques, mais également par les relations réelles que la personne entretient avec son environnement (Winnicott, 1971). Les relations d’objet sous-tendent le fonctionnement interpersonnel (Ornduff & Kelsey, 1996), ce qui a une incidence directe sur la capacité d’ adaptation de la personne.
Le rôle des parents est primordial dans le développement de l’enfant, particulièrement celui de la mère. Trois fonctions essentielles auprès de l’enfant lui sont attribuées: elle lui procure soins et protection, lui fait prendre graduellement conscience de son propre corps grâce aux contacts physiques et lui fait découvrir le monde en lui présentant différents objets au moment adéquat. Le père, quant à lui, fournit une sécurité à l’enfant de par son union avec la mère. Il la soutient dans son autorité et accompagne l’enfant dans sa découverte du monde extérieur (Winnicott, 1957). Chaque parent exerce un rôle distinct et important auprès de l’enfant. Ces premières relations humaines sont déterminantes pour la construction de la personnalité de l’enfant. En effet, il doit développer avec ses parents une relation sécurisante qui lui permettra d’explorer le monde et de se développer adéquatement (Bowlby, 1969). Les relations significatives de l’enfant seront intériorisées et teinteront ses interactions avec l’ environnement tout au long de sa vie (Laplanche & Pontalis, 1967).
IMPACT DE LA VIOLENCE CONJUGALE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
Le développement normal de l’enfant est le fruit d’un processus de maturation interne et d’une accumulation d’expériences vécues. Le rôle des deux parents est primordial.
Généralement, la mère donne plus souvent les soins de base au bébé. Le père, de par son union avec la mère, fournit une sécurité à l’enfant. En effet, ce dernier est très affecté par la qualité de la relation entre ses parents. Le père soutient également la mère dans son autorité et permet à l’enfant de découvrir le monde extérieur à la famille (Winnicott, 1957). Les premières relations humaines de l’enfant seront déterminantes pour la construction de sa personnalité (Bowlby, 1969). En effet, les personnes significatives sont intériorisées par l’enfant et teintent le contact qu’il a avec son environnement (Laplanche & Pontalis, 1967; Winnicott, 1971).
Certains enfants vivent dans un environnement familial pouvant faire obstacle à leur développement. La mère victime de violence conjugale est aux prises avec une détresse importante qui peut entraver sa capacité à exercer ses fonctions parentales (Fortin, 2009;Lapierre, 2010). Pour sa part, le père violent est peu enclin à soutenir l’autorité de la mère. Dans un tel contexte, il est difficile pour l’enfant d’intérioriser des figures parentales rassurantes et stables, ce qui est pourtant essentiel à son développement (Shamir, Du Rocher Schudlich, & Cummings, 2001). Notre étude vise à explorer les figures parentales d’enfants exposés à la violence conjugale, objets internes de première importance dans le développement affectif de l’enfant.
FIGURES PARENTALES
À notre connaissance, très peu d’auteurs se sont intéressés aux figures parentales des enfants exposés à la violence conjugale. Deux études sont recensées. Dans la première recherche, 46 enfants âgés entre 3 et 7 ans exposés et non-exposés à la violence conjugale ont complété le MacArthur Story-Stem Battery (MSSB)1 (Grych, Wachsmuth-Schlaefer, & Klockow, 2002). Les enfants exposés à la violence conjugale produisent des récits dans lesquels la mère est moins autoritaire et affectueuse que celle des enfants non-exposés. Toutefois, ces enfants ne présentent pas une mère plus agressive ou négligente dans leurs récits que les enfants ne vivant pas cette problématique. La seconde étude porte sur les représentations d’attachement d’enfants exposés à la violence conjugale (Savard & Zaouche Gaudron, 2014). Les enfants (38 participants âgés de 5 et 6 ans) ont complété l’Attachement Story Completion Tasli.
L’analyse qualitative des récits obtenus permet de constater que le personnage de l’enfant est souvent impuissant, seul et endosse un rôle parental. De plus, les enfants font rarement intervenir les figures parentales dans leurs récits, surtout en ce qui a trait à la figure paternelle. En ce qui concerne les études de cas répertoriées, elles portent sur l’évolution psychique d’enfants exposés à la violence conjugale bénéficiant d’une thérapie individuelle d’orientation psychanalytique. Les enfants faisant l’objet de ces cas cliniques sont une fille âgée de 11 ans (Petot, 2008), un garçon de 3 ans (Radford, 1995) et deux garçons de 5 ans (Keogh, 2008; Sim, 2008). En début de consultation, les garçons montrent tous une agressivité importante alors que la fille commet de petits vols.
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Point de vue de l’enfant sur la violence
Qualité de la relation mère-enfant
Relations d’objet et figures parentales
Méthode
Première étude
Participants
Instruments de mesure
Deuxième étude
Participants
Instruments de mesure
Déroulement général
Groupe d’enfants exposés à la violence conjugale
Groupe d’enfants non-exposés à la violence conjugale
Chapitre I. Exposition des enfants à la violence conjugale: qualité des relations d’objet et difficultés d’adaptation
Résumé
Abstract
Exposition à la violence conjugale et difficultés d’adaptation
Relations d’objet chez l’ enfant et difficultés d’adaptation
Objectifs de l’étude et hypothèses
Méthode
Participants
Instruments de mesure
Résultats
Analyses préliminaires
Résultats
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques
Chapitre II. Analyse des figures parentales chez quatre enfants exposés à la violence conjugale
Résumé
Abstract
Impact de la violence conjugale sur le développement de l’enfant
Figures parentales
Méthode
Participants
Instrument de mesure
Cas cliniques
Premier cas clinique : Marie, 10 ans et Il mois
Anamnèse
Planche 1 : Les soins à l’enfant dans un contexte d’oralité
Planche 3 : La puissance phallique
Planche 10 : Relation agressive parent-enfant
Résumé
Deuxième cas clinique: Louis, 8 ans et 9 mois
Anamnèse
Planche 1 : Les soins à l’enfant dans un contexte d’oralité
Planche 3 : La puissance phallique
Planche 10 : La relation agressive parent-enfant
Résumé
Troisième cas clinique: Stéphanie, 7 ans et 3 mois
Anamnèse
Planche 1 : Les soins à l’enfant dans un contexte d’oralité
Planche 3 : La puissance phallique
Planche 10 : La relation agressive parent-enfant
Résumé
Quatrième cas clinique: Antoine, 5 ans et 1 mois
Anamnèse
Planche 1 : Les soins à l’enfant dans un contexte d’oralité
Planche 3 : La puissance phallique
Planche 10 : Relation agressive parent-enfant
Résumé
Résultats
Discussion
Conclusion
Références
Discussion générale
Objectifs et hypothèses des études
Liens entre les études
Exposition à la violence conjugale et difficultés d’ adaptation
Qualité des relations d’objet
Relations d’objet et difficultés d’adaptation
Forces et limites
Recherches futures et implications cliniques
Conclusion
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