Exploration théorique des concepts de « scénario d’apprentissage action » et de « motivation en contexte scolaire »
Ainsi, nous avons choisi une thématique de recherche mêlant un des thèmes classiques des sciences de l’éducation, celui de la motivation de l’apprenant, avec une approche didactique disciplinaire, l’approche actionnelle en langues-cultures, et plus spécifiquement le scénario d’apprentissage-action. Avant de tester sur le terrain la validité de notre hypothèse selon laquelle la mise en œuvre d’un scénario d’apprentissage actionnel permet de nourrir la motivation des élèves, il convient d’effectuer une recherche documentaire pour mieux cerner les définitions et enjeux de ces concepts. Nous allons par conséquent présenter et préciser ci-après les éléments saillants du cadre théorique afférent aux concepts « d’approche actionnelle », de « scénario d’apprentissage action » et de « motivation ».
La perspective actionnelle
Nous nous attacherons d’abord à décrire la perspective actionnelle en termes d’origine et de composantes significatives avant de présenter la proposition pédagogique du scénario d’apprentissage action tel que formalisé par Claire Bourguignon.
Le CECRL : origine et ambitions de l’approche actionnelle
La perspective ou approche dite « actionnelle » est sur le devant de la scène didactique, particulièrement depuis l’adoption du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues.
Ce document a été conçu à partir de l’année 1991 (CECRL, note préliminaire p.3), et publié par le Conseil de l’Europe en 2001. En 2005, les préconisations du CECRL ont été intégrées au système éducatif français dans le cadre d’un plan de rénovation des langues, fixant des objectifs communs à toutes les langues et mis en place par le Ministère de l’Education Nationale. C’est donc désormais à partir de ce Cadre Européen Commun que l’apprentissage, l’enseignement et l’évaluation des langues vivantes, adossés à des programmes culturels, est appréhendé au niveau national.
L’approche actionnelle (« action-oriented approach» dans la version anglophone du CECRL) est une approche d’enseignement des langues qui s’inscrit dans la lignée des évolutions en didactique des langues et intervient chronologiquement après l’approche communicative, amorcée dès les années 70/80. Elle résulte d’une« idée simple qui est de permettre aux apprenants d’utiliser la langue ». (Pluskwa & Willis,2007, cités par Lacan, Liria et al., 2010, p.2).
Nous l’avons dit, l’approche actionnelle est d’abord intrinsèquement liée à la diffusion du CECRL. L’objectif-phare dudit CECRL, tel que défini par son chapitre inaugural, est la promotion du plurilinguisme, sésame indispensable pour permettre aux citoyens européens d’évoluer harmonieusement au sein de la diversité linguistique et culturelle européenne. Il est en effet nécessaire de faciliter les échanges et l’action commune par une communication efficace dans de nombreux domaines d’activité. La promotion de la tolérance et du respect des différences est un enjeu indispensable au sein d’une Europe multiculturelle. L’approche actionnelle est celle du « faire ensemble »et témoigne d’un projet collectif fort. Puren (2013, Conférence à Lima) affirme que l’objectif du CECRL est de « huiler les rapports sociaux »et d’œuvrer pour que chaque citoyen « fasse société avec l’autre »,ce qui pose une ambition forte qui dépasse même l’ambition du vivre ensemble car il s’agit ici bien de « co-agir.» (Puren, 2013 ibid.)
Le chapitre 2 du CECRL développe l’approche retenue pour mener à bien ces objectifs ambitieux : « La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des actions langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. » (CECRL,2001 p.15).
Ainsi le CECRL invite à repenser les objectifs et les méthodes d’enseignement des langues et préconise de privilégier une perspective « actionnelle. » Le CECRL présente une analyse de l’usage de la langue en termes de stratégies utilisées par les apprenants pour mettre en œuvre leurs compétences générales et communicatives afin de mener des activités de réception et de production langagières. Ainsi, ces activités de réception et de production entrent dans le cadre de l’accomplissement de tâches auxquelles les apprenants se trouvent confrontés dans les domaines variés de la vie sociale.
Cela nous amène à évoquer les deux caractéristiques majeures de l’approche actionnelle que sont le nouveau statut de l’élève et les notions de tâches et d’action.
La perspective actionnelle et le statut de l’élève : un apprenant, acteur social et usager de la langue
Nous l’avons vu, la perspective actionnelle pose une ambition forte pour les peuples Européens :celle d’agir ensemble. Ainsi, dans l’approche actionnelle, la vision de la langue, son statut, est différent de ceux de l’approche communicative. Il ne s’agit plus seulement de communiquer pour parler avec l’autrecomme le proposait l’approche communicative à partir des années 70/80 mais de communiquer pour agir avec l’autre. Le cadre est donc un agir social au sens large et non plus seulement une situation « touristique » comme dans l’approche communicative. (Puren, 2006, p.38) L’élève est considéré en tant qu’acteur social, susceptible d’être impliqué dans la réalisation concrète d’une action sociale. Pour Puren (2006), l’élément le plus novateur et fondateur de l’approche actionnelle est cette action avec Autrui. A ce titre, il introduit la conception « d’une approche co-actionnelle, co-culturelle » (Puren, 2006, p.39)
En effet, tout locuteur, est d’abord un acteur social qui évolue dans un environnement au sein duquel il réalise des actes, y compris de parole. Cette perspective met en évidence le lien naturel entre l’acte de parole et sa finalité, entre « le dire et le faire »comme le philosophe anglais John Langshaw Austin, le synthétise de manière percutante dans le titre d’un de ses ouvrages intitulé « Quand dire, c’est faire »(Bourguignon, 2005, p.32).La langue est donc un instrument de communication qui a pour but des actions et des interactions.
Ainsi, pour le professeur, si l’apprentissage de la langue reste l’objectif final, la question centrale dans la perspective actionnelle est de savoir ce qu’il veut que ses élèves soient capables de faire en utilisant cette langue.
La motivation en contexte scolaire et ses liens théoriques avec le scénario d’apprentissage-action
La question de la motivation de l’apprenant est une thématique cruciale qui fait l’objet d’une littérature conséquente. On recense en effet de très nombreuses théories motivationnelles, mettant en lumière des facteurs de motivation parfois d’ordres cognitifs, affectifs, ou encore psychologiques. Pour notre étude, il convient plus modestement de donner une définition de la motivation avant de détailler les modèles et apports théoriques qui semblent les plus pertinents au regard de notre problématique.
Eléments de définition du concept de motivation
Nous abordons l’explicitation du cadre conceptuel par une entreprise de définition générale de la motivation.
Fenouillet (2012, p.7) rappelle l’étymologie latine du terme « motivation » qui est issu du verbe “moveo“, signifiant “mouvoir“, “bouger“. Ainsi, la motivation est la compréhension de cette idée de mouvement et amène Fenouillet à proposer la définition simplifiée suivante. « La motivation est ce qui explique le dynamisme du comportement » humain même si elle n’en est pas « l’unique facteur explicatif. »(Fenouillet, 2012, p.7)
Pour Lieury et Fenouillet, la motivation exprime « les forces qui impulsent notre activité » et le concept générique de motivation regroupe « les notions de besoin, d’envie, d’intérêt, de curiosité, de volonté, de projet, de but. » (1996, p.1)
Fenouillet décrit un processus motivationnel qui comprend le déclenchement d’un comportement, la mobilisation volontaire, intense et persistante d’une force pour atteindre une finalité, une direction. « La motivation est donc l’ensemble des mécanismes biologiques et psychologiques qui permettent le déclenchement de l’action (…) et [son] intensité et [sa] persistance » (Lieury & Fenouillet, 1996, p.2)
Signalons de plus que la motivation est un phénomène complexe qui se situe à l’échelle individuelle. Ainsi, Fenouillet précise qu’« appréhender la motivation d’un groupe », comme nous proposons de le faire, « veut dire comprendre la ou les forces qui animent chaque membre du groupe et donc essentiellement celle(s) de l’individu en groupe. »(Fenouillet, 2012, p.9)
Par ailleurs, Fenouillet clarifie le périmètre de la motivation en précisant qu’il est « nécessaire de distinguer la motivation (…), un hypothétique phénomène interne, de ses déterminants, qui peuvent être internes mais aussi externes. »(Fenouillet, 2012, p.9)
Etre motivé, c’est donc se mettre en action, persister dans cette action pour atteindre un but. D’ores et déjà, nous pouvons souligner que l’essence même de la motivation, cette mise en action individuelle semble cadrer avec le trait fondamental de l’approche actionnelle.
Au-delà de cette apparente convergence entre les deux concepts-clés de notre étude, il convient de creuser la question des sources de la motivation pour les relier plus précisément. Pour ce faire, nous présenterons ci-après différentes modélisations de la motivation en contexte scolaire que nous estimons intéressantes au regard de notre problématique de recherche, car faisant écho à l’approche actionnelle, et plus particulièrement au scénario d’apprentissage-action.
Motivation et représentations du but poursuivi : désirabilité, faisabilité et décomposition
Selon Cosnefroy, Dessus & Nurra, (2016, p.5) « la mise en action d’un individu (et donc sa motivation) dépend de l’évaluation que l’individu fait du but qu’il poursuit. Plus précisément, cette mise en action dépend de l’évaluation de la désirabilité et de la faisabilité du but qu’il poursuit. »Pour Locke et Latham (2002, cités par Cosnefroy, Dessus & Nurra, 2016 p.5), ces deux pôles de désirabilité et de faisabilité se nourrissent mutuellement car une tâche qui parait faisable à l’élève parait aussi plus désirable.
La représentation que les élèves ont du but à atteindre, donc pour notre recherche, de la tâche finale à réaliser est de nature à impacter leur motivation. Vallacher et Wegner, (1989, cités par Cosnefroy, Dessus, & Nurra ,2016, p.5) considèrent qu’il existe deux types de but, les buts de haut niveau, plus abstraits et les buts de plus bas niveau, qu’ils appellent « des sous-buts » qui guident plus précisément l’action vers la réalisation du but de haut niveau. Ainsi les buts de haut niveau présenteraient le pour-quoi de l’action, tandis que les sous-buts proposeraient des étapes et des stratégies nécessaires pour atteindre le but (le comment de l’agir.) « Atteindre un but de haut niveau nécessite donc d’atteindre les sous-buts qui le composent. »(2016, p.6) Cette existence de buts de haut niveau et de bas niveau peut influencer la motivation des individus dans des directions opposées. D’une part, « les buts de haut niveau sont bien souvent plus désirables(Simons, Vansteenkiste, Lens & Lacante, 2004 cités par Cosnefroy, Dessus, & Nurra (2016) p.6) et peuvent paraître plus faciles à atteindre car les différents obstacles qui peuvent survenir ne sont pas saillants» (Austin & Vancouver, 1996, Gilovich, Kerr & Medvec, 1993, cités par Cosnefroy, Dessus, & Nurra, 2016, p.6). Toutefois, ces buts de haut niveau peuvent également paraître plus difficiles à atteindre car, sans stratégies associées, les étapes nécessaires n’apparaissent pas clairement à l’individu.
Nous pouvons ainsi relier cette théorie au scénario actionnel qui de son côté, propose les deux types de buts en posant une mission finale suffisamment ambitieuse pour motiver les élèves mais également un cheminement vers la réalisation de cette tâche et un « parcours » rassurant de micro-tâches.
Peut-être que si l’architecture de la séquence repose sur un scénario d’action, alors chaque tâche et activité fera sens pour l’élève car tout ce que le professeur proposera aura un intérêt par rapport à la tâche finale et l’élève pourra donc graduellement l’intégrer à sa sphère.
Ainsi, l’ancrage théorique des notions de scénario d’apprentissage actionnel et de motivation des élèves que nous venons d’explorer, conforte notre hypothèse d’une corrélation possible entre conception d’une tâche finale « ciment » du scénario d’apprentissage et motivation accrue des élèves, se traduisant par une implication forte et soutenue. Il semble en effet, d’un point de vue théorique, que la proposition didactique de Bourguignon d’un scénario d’action est de nature à impliquer les élèves dans un processus dont ils envisagent non seulement la finalité mais au-delà, qu’ils construisent cours après cours. En effet, le scénario d’action permet aux élèves de se saisir de l’objectif final pour bâtir la démarche pragmatique permettant sa bonne réalisation.
Cette démarche fait donc écho aux ressorts, naissance et persistance, de la dynamique motivationnelle que nous avons décrite. Nous nous sommes donc saisie de cette hypothèse pour concevoir un protocole de recherche destiné à en évaluer la pertinence.
Enquête auprès des élèves
Objectifs, contexte et mise en œuvre du recueil de données destiné aux élèves
Le ciblage de ces pratiques pédagogiques et donc de ces deux professeurs-témoins a été réalisé afin de tester les liens entre leurs pratiques pédagogiques et la motivation de leurs élèves respectifs via un second recueil de données. Ces données nous permettrons de mesurer si les écarts dans la pédagogie employée ont un impact mesurable sur la motivation des élèves. Nous adopterons une approche comparative pour mettre en relief pédagogie et motivation.
Dans ce but, nous avons conçu un questionnaire destiné à deux classes d’élèves de première. Nous avons sélectionné deux classes d’une même série, en l’occurrence d’une série scientifique, pour éviter le biais qui aurait été induit par la comparaison entre deux classes de séries différentes. La classe C2 (composée de 22 élèves, 12 garçons, 10 filles) est celle du professeur P2, dont la pratique s’approche le plus du scénario d’action, et la classe C3 (composée de 23 élèves, onze garçons et douze filles), celle du professeur P3, qui propose un enseignement plutôt de type communicatif. L’échantillon ciblé est donc constitué d’élèves qui nous sont inconnus de façon à éviter les biais.
En fonction de nos objectifs, nous avons conçu un outil de recueil d’informations unique pour les deux classes.(Cf. Annexe 3 Questionnaire destiné aux élèves). La question d’une différenciation des questionnaires, selon les classes, s’est posée lors de la conception. Toutefois, il ne nous a pas paru pertinent de proposer un questionnaire différent car cette démarche n’aurait pas permis de valider notre ciblage et aurait compliqué notre analyse comparative.L’enquête a été présentée aux élèves comme un travail de recherche par leurs professeurs d’anglais respectifs. Ces derniers ont ensuite remis les questionnaires aux élèves qui les ont complétés en fin de cours, mi-février 2017. A notre demande, les professeurs ont précisé que l’étude ne leur était pas destinée et qu’ils remettraient les questionnaires dans les enveloppes scellées. Nous avions ainsi cherché à diminuer le biais de désirabilité sociale que les élèves pouvaient ressentir. Nous ne souhaitions pas que le questionnaire soit perçu comme un moyen, même anonyme de plaire à l’enquêteur.
Les élèves ont globalement répondu sérieusement aux questionnaires. Parfois certains ont omis des questions, ou renseigné plusieurs réponses (par exemple, « je ne sais pas trop » et « rarement ») sans que cela ne mette en cause la validité de leurs réponses. Dans ce cas, nous avons retenu « je ne sais pas trop ».
Il convient à présent de livrer notre analyse des données recueillies auprès des élèves.
Analyse des données collectées auprès des élèves
Pour analyser les données, nous avons conçu et renseigné une grille pour chacune des classes puis nous avons compilé ces données dans une grille comparative.
Avant de recueillir des données sur la motivation des élèves, nous souhaitions d’abord dans la première partie du questionnaire, croiser les regards professeurs/ élèves sur les pratiques pédagogiques mises en place. En d’autres termes, nous souhaitions savoir si le regard que les élèves portent sur les méthodes pédagogiques de leurs professeurs est convergent ou divergent par rapport aux pratiques pédagogiques que leurs professeurs estiment mettre en œuvre. Dans cette optique, la plupart des questions posées aux élèves sont la transposition du questionnaire destiné aux professeurs.
La question était ainsi : « Cette année, à la fin de chaque chapitre/ thème étudié en cours d’anglais, votre objectif final est le plus souvent de : » L’élève pouvait sélectionner comme réponse soit une « mission finale », soit une production écrite ou orale mais non liée à une mission soit une évaluation de type bac. Les réponses des élèves à cette question sont cohérentes avec les déclarations des professeurs. 19 des 22 élèves du Professeur 2, le plus « actionnel » annoncent une mission finale comme objectif final de séquence. 20 des 23 élèves du Professeur 3 mentionnent une évaluation de type baccalauréat.
La question portait sur des exemples concrets d’objectifs finaux. Les élèves ont ainsi cité des réalisations finales que nous avons rattachées aux trois catégories précédemment évoquées. La réponse des élèves du Professeur 2 est intéressante car ils sont 19 à citer des exemples de type mission actionnelle mais aussi 20 à citer des productions de type baccalauréat. Rappelons que cet élément nous avait interpellé dans la réponse du Professeur 2. Dans la classe C3, aucune des réponses n’appartient à la catégorie de scénario d’action mais 20 élèves citent une production orale ou écrite non rattachée à un scénario et 22 répondent une évaluation de type baccalauréat.
La question concernait l’énonciation de l’objectif final par le professeur en début de séquence et proposait aux élèves une échelle de Likert pour y répondre. Les élèves de la classe C2 du Professeur 2 le plus actionnel, ont validé l’énonciation de l’objectif final qui est « toujours » (pour 15 élèves) ou « le plus souvent »(pour 6 élèves) réalisée. Les réponses des élèves du Professeur 3 sont difficilement interprétables car 6 estiment que l’objectif est « toujours » annoncé alors que 7 ne le perçoivent que « rarement » annoncé et que 8 ne « savent pas trop ».
Bilan et enseignements du travail de recherche
A ce stade de notre travail, il convient de rassembler et d’articuler les différentes zones de convergence et d’achoppement entre nos hypothèses et les conclusions de notre recherche tant théorique qu’empirique.
Nous présenterons donc le bilan de notre recherche en examinant d’abord les éléments collectés au sujet de notre première hypothèse de départ qui concernait l’existence de pratiques pédagogiques très diverses se présentant comme actionnelles. Ensuite, nous présenterons les éléments de réponse à notre postulat initial supposant la motivation accrue des élèves auxquels est proposée une séquence d’apprentissage sous forme de scénario actionnel.
L’hétérogénéité des pratiques dites actionnelles
Nous avions émis l’hypothèse que sous le vocable d’ « actionnelles » se cachent des pratiques pédagogiques diverses dont certaines ne nous semblaient pas s’inscrire dans cette approche telle qu’elle nous a été présentée en cours de didactique.Effectivement, au-delà de l’étonnement et du trouble initial ressenti lors de la confrontation entre les apports de nos cours de didactique et nos échanges informels avec les collègues, notre recherche établit les confusions qui entourent la perspective actionnelle.
Ainsi, comme le travail documentaire l’a précisé, il existe, parmi les enseignants de langue, une méconnaissance des concepts du CECRL et de la signification réelle des termes « d’action » et de « tâche ». Cette méconnaissance a conduit à l’adoption de pratiques variées, présentées comme actionnelles. Cette « étiquette actionnelle » est donc bien protéiforme et a été comprise et intégrée à leur pratique de différentes manières par les professeurs d’anglais. Les propositions didactiques dites « actionnelles » sont très hétérogènes et peuvent, comme notre étude terrain l’a montré, n’être in fine que l’intégration de termes tels que « tâche finale » à des séquences de type communicatif. Nous avons donc constaté, via le questionnaire, que rares sont les professeurs qui mettent en œuvre une proposition didactique relevant bien de l’approche actionnelle. Notre enquête exploratoire a effectivement occasionné une prise de conscience éclairante : la perspective actionnelle reste largement méconnue dans l’établissement témoin. Cette méconnaissance des propositions didactiques concrètes relevant de la perspective actionnelle a parfois amené les professeurs à envisager « l’actionnel » comme synonyme de « mise en activité » et ainsi à considérer à tort leur pratique comme actionnelle. Notre étude permet ainsi de valider notre intuition d’un flou dans les esprits et les pratiques et en ce sens rejoint le constat de Bourguignon.
Elle rejoint également des données sur la plus grande imperméabilité du lycée aux changements de paradigme pédagogique. Les méthodes et pratiques pédagogiques pour l’apprentissage des langues y restent pour partie largement tributaires de traditions éducatives. Il semble que nombre de professeurs ait choisi d’inscrire leur action pédagogique dans une continuité. La tradition de l’étude documentaire semble bien vivace au lycée. Est-ce en raison de la forme relativement peu évolutive de l’examen certificatif du baccalauréat ? Puren déplore en effet que « les épreuves actuelles de langue au baccalauréat français relèvent encore des méthodologies directe et active, alors même que les toutes dernières instructions officielles préconisent la mise en œuvre de la configuration actionnelle »(Puren, 2006, p.40)
Toutefois, nous souhaitons relativiser la portée de notre recherche terrain car la taille restreinte de notre enquête, le type d’établissement qu’est le lycée et le nombre d’années d’expérience des sondés ne permettent peut-être pas de tirer des conclusions générales. En effet, peut-être que des professeurs moins expérimentés et exerçant dans un collège auraient une meilleure connaissance et une pratique véritablement actionnelle.
La question de la corrélation entre scénario d’apprentissage et motivation des élèves
Le cœur de notre recherche visait à tester notre hypothèse d’un lien corrélatif entre motivation accrue des élèves et scénario d’apprentissage. Sur ce point majeur, les résultats de notre exploration documentaire et de notre exploration terrain ne sont pas convergents.
Nous estimons que le travail de documentation a permis de mettre à jour les liens profonds entre la démarche didactique du scénario d’action et la motivation. L’un des objectifs du scénario d’action est bien de donner du sens à l’apprentissage de la langue. La réalisation progressive d’une tâche finale nécessite l’engagement de l’élève, sa réflexion et son action dans la durée et nous paraît rejoindre les facteurs de la dynamique motivationnelle. Le chaînage des tâches contribue à impliquer durablement les élèves. L’enseignement répond à un besoin identifié par l’élève pour réaliser cette tâche finale. Ce dernier peut même construire les étapes et outils permettant sa bonne réalisation. Le modèle motivationnel mettant en relief les notions de désirabilité, de faisabilité et de décomposition du but poursuivi atteste du bien-fondé de notre hypothèse initiale. Ainsi, à l’issue du travail de recherche théorique, les éléments recueillis nous permettaient de souligner le caractère motivant du scénario d’action.
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Table des matières
Introduction
I. Exploration théorique des concepts de « scénario d’apprentissage-action » et de « motivation en contexte scolaire »
1. La perspective actionnelle
a. Le CECRL : origine et ambitions de l’approche actionnelle
b. La perspective actionnelle et le statut de l’élève : un apprenant, acteur social et usager de la langue
c. La perspective actionnelle et les notions d’action et de tâche
2. La proposition de pratique pédagogique « communic’actionnelle » : le scénario d’apprentissage-action de Claire Bourguignon
a. Genèse de cette proposition pédagogique concrète : la volonté d’opérationnalisation de la « perspective actionnelle »
b. Caractéristiques et ambitions du scénario d’apprentissage-action
c. Scénario d’apprentissage-action et implication des élèves
d. Tâche finale actionnelle ou approche communicative « déguisée » ?
3. La motivation en contexte scolaire et ses liens théoriques avec le scénario d’apprentissageaction
a. Eléments de définition du concept de motivation
b. Pluralité des facteurs de motivation à l’école
c. Le modèle de dynamique motivationnelle de Viau : la motivation-compétence
d. Motivation et représentations du but poursuivi : désirabilité, faisabilité et décomposition
II. Exploration empirique d’une corrélation entre motivation des élèves et scénario d’apprentissage actionnel
1. Objectifs opérationnels et articulation du dispositif de recherche
2. Recueil de données préliminaire auprès des professeurs
a. Objectifs, contexte et mise en œuvre du recueil de données destiné aux professeurs d’anglais
b. Analyse des données collectées auprès des professeurs
3. Enquête auprès des élèves
a. Objectifs, contexte et mise en œuvre du recueil de données destiné aux élèves
b. Analyse des données collectées auprès des élèves
III. Bilan et enseignements du travail de recherche
1. L’hétérogénéité des pratiques dites actionnelles
2. La question de la corrélation entre scénario d’apprentissage et motivation des élèves
3. Evaluation critique de l’opérativité de notre protocole d’expérimentation et pistes mélioratives
a. Les écueils de notre protocole d’identification des pratiques pédagogique
b. La non opérativité de notre questionnaire auprès des élèves
c. Proposition de pistes mélioratives du protocole de recherche
4. Evolution de notre réflexion et de nos pratiques
a. L’adoption du scénario d’action
b. La nécessité de pratiquer une veille didactique
c. L’ouverture et l’expérimentation didactiques
d. Un plaidoyer pour la bienveillance éducative
Conclusion
Bibliographie
Engagement de non plagiat
Annexes
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