Exploration des voies lacrymales
La stomie :
Nous prรฉfรฉrons la technique de Striker, elle-mรชme dรฉrivant de la technique de Dupuy-Dutemps. Le sac est repรฉrรฉ grรขce ร une sonde canaliculaire, puis ouvert, le plus en arriรจre possible, selon une incision en U, en mรฉnageant un lambeau ร charniรจre postรฉrieure. Le sac est ouvert en regard de lโabouchement du canal dโunion pour รฉviter les trajets en baรฏonnette. La muqueuse nasale est incisรฉe, le plus en avant possible, en suivant les bords antรฉrieur, infรฉrieur et postรฉrieur de lโostรฉotomie, libรฉrant ainsi un lambeau ร charniรจre antรฉrieure (Figure 6) [11]. Si les lambeaux sont trop amples, la rรฉsection se fera aux dรฉpens du lambeau nasal. Une anastomose des muqueuses nasale et lacrymale en un seul plan antรฉrieur a รฉtรฉ rรฉalisรฉe puis suspendue aux plans sous cutanรฉs par suture (figure 7) [11, 28, 29, 30].Lโintubation bi-canaliculo-nasale est systรฉmatique. Elle permet de calibrer la cicatrisation. Les sondes sont fixรฉes et laissรฉes en place 10 ร 12 semaines [31,32]. La peau a รฉtรฉ suturรฉe en points sรฉparรฉs au vicryl 7/0.
DISCUSSION
Les modalitรฉs anesthรฉsiques de la DCRS par voie externe ont suivi plusieurs phases, ร l’origine, il y a prรจs d’un siรจcle, l’anesthรฉsie locale รฉtait une nรฉcessitรฉ, l’anesthรฉsie gรฉnรฉrale s’est ensuite imposรฉe avec les progrรจs mรฉdicaux, puis l’anesthรฉsie loco-rรฉgionale plus subtile associant ou non une neuroleptanalgรฉsie s’est developpรฉe. Notre รฉtude entre dans le cadre de cette troisiรจme phase avec deux facteurs clรฉs : le premier est le vieillissement de la population qui doit nous amener ร รฉlargir les indications opรฉratoires pour des patients de grands รขges ; le deuxiรจme est bien entendu la rigueur socioรฉconomique qui doit nous amener ร allรฉger les procรฉdures. Cette รฉvolution ne peut, toutefois, se faire au dรฉtriment du confort et de la sรฉcuritรฉ anesthรฉsique et/ou d’un taux de succรจs des opรฉrations moindre. La rรฉalisation d’une anesthรฉsie locale associรฉe d’une neuroleptanalgรฉsie dans le cadre de la chirurgie de DCRS par voie externe a dรฉjร รฉtรฉ dรฉcrite notamment par Hurwitz en 1996 [10]. Cependant, peu de travaux ont รฉtรฉ publiรฉs depuis et cette technique mรฉrite d’รชtre revisitรฉe. Nous nous sommes donc ici intรฉressรฉs ร lโapprรฉciation du patient et de l’opรฉrateur.
Sexe: Dans notre travail, nous avons notรฉ une prรฉdominance fรฉminine avec un sex ratio F/H de 3, ce qui est en accord avec ce qui a รฉtรฉ rapportรฉ dans dโautres sรฉries (tableau IV, figure 17). En 2004, en Australie, Caesar et collaborateurs [33] ont rรฉalisรฉ une sรฉrie de vingt dacryocystorhinostomies par voie externe sous anesthรฉsie locale. Leur sรฉrie a inclus 75% de patients de sexe fรฉminin et 25% dโhommes, soit un sex ratio F /H de 3. En 2010, Chaume [34] a opรฉrรฉ sous anesthรฉsie locale trente quatre patients dont vingt et une femme soit un sex ratio F/H de 3 /2. Les auteurs ont notรฉ que l’obstruction du canal lacrymonasal est beaucoup plus frรฉquente chez la femme que chez l’homme (rapport de 5 ร 1) [35]; cette diffรฉrence est probablement due ร des configurations osseuses diffรฉrentes entre les deux sexes, le canal lacrymonasal osseux รฉtant plus petit et plus angulรฉ chez les femmes avec un orifice supรฉrieur ovalaire[35].
Age: La plupart des patients prรฉsentant des obstructions lacrymonasales dans notre รฉtude sont d’รขge avancรฉ (41,80 ans, avec des extrรชmes allant de 21 ร 70 ans). Nos critรจres de sรฉlection (lโรขge avancรฉ des patients, les malades prรฉsentant des tares cardiovasculaires et pulmonaires ou des affections chroniques notamment le diabรจte et lโhypertension artรฉrielle et enfin les patients dรฉsirant se faire opรฉrer sous anesthรฉsie locale) ont orientรฉ les patients fragiles vers l’anesthรฉsie locale associรฉe ร la neuroleptanalgรฉsie. La majoritรฉ des รฉtudes rรฉalisรฉes auparavant ont portรฉ sur des sujets รขgรฉs [33, 34, 36] (Tableau V , figure 18). Mc Nab et collaborateurs ont effectuรฉ depuis 1997 ร 2000, cent quatre vingt trois dacryorhinostomies par voie externe dont 147 soit 76,5% sous anesthรฉsie locale et sรฉdation, les patients รฉtaient รขgรฉs entre 24 et 84 ans avec une moyenne dโรขge de 64 ans [36]. Caesar et al ont rapportรฉ leur expรฉrience sur une sรฉrie de 20 patients รขgรฉs en moyenne de 57 ans (extrรชmes de 48 ร 76 ans) et tous opรฉrรฉs par DCRS externe sous anesthรฉsie locale [33].
Derniรจrement, en 2010, a Nancy, Chaume et al ont rรฉalisรฉ 46 interventions sous AL et sรฉdation chez des patients รขgรฉs en moyenne de 71,5% +/- 8,3 ans (extrรชmes de 56,5 ร 87,4 ans) [34]. Dans cette รฉtude, les critรจres de choix de ce type dโanesthรฉsie ont รฉtรฉ la prรฉsence dโun ou plusieurs antรฉcรฉdents gรฉnรฉraux tels que lโhypertension artรฉrielle, les problรจmes cardiovasculaires (infarctus du myocarde, troubles du rythme, embolie pulmonaire, accident ischรฉmique transitoire, stents, coronaropathies, valvulopathies cardiaques), les pathologies pulmonaires (asthme, dyspnรฉe, bronchopathie chronique obstructive) et le diabรจte insulino et non insulinodรฉpendant. Les auteurs ont รฉcartรฉ les reprises chirurgicales complexes, les traumatismes, les conditions cicatricielles ou inflammatoires locales (dacryocystite, ectasie du sac lacrymal), qui sont des facteurs limitants de lโanesthรฉsie locale. Un protocole d’anesthรฉsie locale a รฉgalement รฉtรฉ utilisรฉ dans une population de jeunes patients [37]. Dans cette รฉtude, les patients, tous de jeunes militaires รขgรฉs de 22.6 +/- 1,7 ans, รฉtaient rรฉpartis en deux groupes. Le premier groupe bรฉnรฉficiait d’une anesthรฉsie gรฉnรฉrale et le second groupe d’une anesthรฉsie locale et dont le but รฉtait dโรฉvaluer si la chirurgie de DCRS par voie externe pouvait รชtre aussi bien rรฉalisรฉe chez des patients plus jeunes avec les mรชmes bรฉnรฉfices que pour les patients รขgรฉs par rapport ร l’anesthรฉsie gรฉnรฉrale.
La sรฉdation : Tous nos patients ont eu une sรฉdation par administration intraveineuse de deus produits anesthรฉsiques :
– Sufentanil (Sufenta ยฎ) : ร ladose de 1-1,5 pg/kg.
-Midazolam (l’Hypnovelยฎ) : administrรฉ ร la dose de 0,015-0,05 rng/kg.
Dans la littรฉrature, des diffรฉrences sur I’association d’une neuroleptanalgรฉsie en complรฉment de l’anesthรฉsie locale ont รฉgalement รฉtรฉ retrouvรฉes [37]. Seule l’รฉquipe de Ciftci et al. [37] n’a jamais rรฉalisรฉ de neuroleptanalgรฉsie. Sur une pรฉriode de 8ans (1996-2004), les auteurs ont rรฉalisรฉ, sur de jeunes soldats, 182 DCRS par voie externe sous anesthรฉsie gรฉnรฉrale (AG) soit 37,9% et 298 DCRS par voie externe sous anesthรฉsie locale (AL) sans sรฉdation soit 62,1% de lโensemble des sujets opรฉrรฉs. Dans le second groupe opรฉrรฉ sous anesthรฉsie locale, seulement deux patients ont nรฉcรฉssitรฉ une infiltration supplรฉmentaire dโanesthรฉsiques locaux ร cause de la douleur, le reste des patients ont ressenti une douleur minime au moment de lโinjection et le mรฉchage nasal mais ont trouvรฉ la douleur supportable et aucun patient nโa prรฉfรฉrรฉ se faire opรฉrer sous anesthรฉsie gรฉnรฉrale si une autre DCRS serait envisagรฉe. Malgrรฉ ces rรฉsultats satisfaisants dans la littรฉrature, nous considรฉrons peu envisageable de ne pas sรฉdater les patients car cela semble apporter un meilleur confort durant l’intervention (une intervention chirurgicale รฉtant toujours vรฉcue comme un stress).
Par ailleurs, les autres รฉquipes ont toujours sรฉdatรฉ leurs patients lorsqu’elles rรฉalisaient une anesthรฉsie locale [33, 34, 36, 39, 40, 42]. Nous avons รฉgalement remarquรฉ que cette sรฉdation potentialisait l’anesthรฉsie locale par ses effets anxiolytiques et par ses effets sรฉdatifs grรขce aux dรฉrivรฉs morphiniques. Produits anesthรฉsiques : Nous avons utilisรฉ la xylocaine (lidocaine 2%) avec 1 :100 000 epinephrine pour lโinfiltration nerveuse avec mรฉchage de la narine ร la lidocaรฏne 5 % naphazolinรฉe. Nos rรฉsultats sur le plan analgรฉsique et hรฉmostatique รฉtaient excellents. Meyer a comparรฉ la tamponade nasale par cocaine ร la lidocaine avec oxymetazoline en spray nasal, le niveau de confort des patients รฉtait similaire avec plus dโeffets secondaires chez le groupe avec cocaine (รฉpistaxis) ce qui suggรจre de prรฉfรฉrer lโutilisation dโune tamponnade nasale par lidocaine [43].
En effet, plusieurs auteurs ont rapportรฉ des problรจmes avec lโusage de la cocaine. Meyers EF [44], a rapportรฉ le cas dโun patient de 32 ans qui a reรงu 5 ml de cocaine 10% en spray nasal, sa tension arterielle en peropรฉratoire est passรฉe de 120/80 ร 149/90, la frรฉquence cardiaque de 72 ร 150 bpm. Une administration de propanolol a permis de poursuivre le geste chirurgical jusquโร la fin. Le deuxiรจme cas est celui dโun enfant de 8 ans chez qui une dose de cocaine ร 10% additionnรฉe de 5ml de phenylephrine 2,5% en nasal a entrainรฉ une hypertension artรฉrielle sรฉvรจre, tachycardie et fibrillation ventriculaire. Le patient a pu รชtre sauvรฉ. El-Din and Mostapha [45], ont rapportรฉ le cas dโune hypertension arterielle sรฉvรจre chez une femme de 82 ans, 42 Kg, opรฉrรฉe sous anesthรฉsie gรฉnรฉrale. La dose maximale de cocaine est estimรฉe ร 3mg/kg soit 200 mg pour un adulte de 70 Kg mais des effets secondaires systรฉmiques peuvent รชtre observรฉs avec de petites doses [44]. A la lumiรจre de ces rรฉsultats, McNab et Caesar ont utilisรฉ la lidocaine et la bupivacaine avec tamponade nasale par la cocaine. La dose utilisรฉe รฉtait de 2ml de cocaine ร 5% , avec essorage de la compresse avant la tamponnade, permettant ainsi de rรฉduire la dose de moitiรฉ. Aucun effet secondaire nโa รฉtรฉ notรฉ.
Ce protocole anesthรฉsique, associรฉ ร des moyens hรฉmostatiques adรฉquats, ont permis de rรฉduire considรฉrablement le taux de saignement (4,5 ml) et dโamรฉliorer le confort des patients [33]. Kratky et al ont dรฉcrit leur expรฉrience avec lโanesthรฉsie locorรฉgionale utilisant la lidocaine 2% avec epinephrine 1 : 1OO OOO et sans cocaine, ils nโont rapportรฉ aucune complication post-opรฉratoire ni saignement per-opรฉratoire excessif [40]. Lโutilisation de ces produits anesthรฉsiques semble donner de bons rรฉsultats, leur effet dรฉbute aprรจs 5 min du moment de lโinjection et dure une heure environ [7]. Hostal et al suggรจrent que lโutilisation dโune tamponnade par la lidocaine 3% et oxymetazoline, procurerait une bonne analgรฉsie et vasoconstriction [46]. Ciftci et al ont utilisรฉ une tamponnade nasale par de le lidocaine 3% avec 1 :100 000 epinephrine chez tous les patients, aussi bien ceux opรฉrรฉs sous anesthรฉsie gรฉnรฉrale que sous locale. Le niveau dโanalgรฉsie des malades รฉtait bon, et le taux de saignement en per et post opรฉratoire รฉtait rรฉduit [37]. Rรฉcemment, Chaume et al ont utilisรฉ un mรฉlange de lidocaรฏne 2% non adrรฉnalinรฉe (XylocaรฏneB 2% non adrรฉnalinรฉe) et de bupivacaine pour lโinjection au niveau des sites infratrochlรฉaire, supratrochlรฉaire et orbitaire avec un mรฉchage de la narine ร la lidocaรฏne 5 % naphazolinรฉe. Seulement 3 patients sur 34 ont nรฉcessitรฉ une anesthรฉsie supplรฉmentaire pour maitriser la douleur per-opรฉratoire [34].
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I. PATIENTS
II. METHODES
1. Exploration des voies lacrymales
2. Protocole anesthรฉsique
2.1. Sรฉdation
2.2. Anesthรฉsie locale
3. Technique chirurgicale de la DCR par voie externe
4. Fiche de recueil d’information
III. ANALYSE STATISTIQUE
RESULTATS
I. CARACTรRISTIQUES DEMOGRAPHIQUES ET CLINIQUES DES PATIENTS
1. Sexe
2. Age
3. Antรฉcรฉdents
4. Signes cliniques dโappel
5. Exploration des voies lacrymales
6. Examen ORL
II. EVALUATION DE LโANESTHESIE LOCALE PAR LE PATIENT
1. Douleur per-opรฉratoire
2. Confort per-opรฉratoire
3. Douleur postopรฉratoire
4. Confort postopรฉratoire
5. Nausรฉes et vomissements post opรฉratoire
III. EVALUATION DE LโANESTHESIE LOCALE PAR LE CHIRURGIEN
1. Durรฉe de lโintervention
2. Quantitรฉ du saignement per-opรฉratoire
3. Saignement postopรฉratoire
4. Durรฉe dโhospitalisation
DISCUSSION
I. Epidรฉmiologie
1. Sexe
2. Age
II. Protocole anesthรฉsique
III. Evaluation de la douleur et le confort en per-opรฉratoire
IV. Quantitรฉ du saignement en per et post-opรฉratoire
1. Saignement per-opรฉratoire
2. Epistaxis post-opรฉratoire
V. Evaluation de la durรฉe de lโintervention
VI. Complications et effets indรฉsirables
1. Douleur en postopรฉratoire
2. Nausรฉes et vomissements postopรฉratoires
VII. Durรฉe dโhospitalisation
CONCLUSION
ANNEXES
I. ANATOMIE PHYSIOLOGIQUE ET TOPOGRAPHIQUE DES VOIES LACRYMALES
1. Les points lacrymaux
2. Les canalicules palpรฉbraux et le canalicule commun
3. Le sac lacrymal
4. Le canal ou conduit Iacrymonasal
II. INNERVATION DES VOIES LACRYMALES EXCRETRICES
1. Le nerf trijumeau
2. Le nerf ophtalmique de Willis
3. Lโinnervation des voies lacrymales
3.1. Le nerf infratrochlรฉaire
a. Trajet du nerf nasociliaire
b. Trajet du nerf infratrochlรฉaire
3.2. Le nerf ethmoรฏdal antรฉrieur
3.3. Le nerf supra trochlรฉaire
a. Trajet du nerf frontal
b. Trajet du nerf supratrochlรฉaire
3.4. Le nerf infra orbitaire
a. Trajet du nerf maxillaire supรฉrieur
b. Trajet du nerf infraorbitaire
III. PRODUITS UTILISES EN ANESTHESIE LOCOREGIONALE
1. Mรฉcanisme dโaction gรฉnรฉral
2. Molรฉcules principales
3. Prรฉcisions sur la lidocaine
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE
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