Exploration de concept de metacognition : de la definition a l’operationnalisation

Exploration de concept de métacognition : de la définition à l’opérationnalisation

Origine du concept de métacognition

La majorité des auteurs s’entend pour distinguer trois sources théoriques qui traitent toutes des processus à l’origine des acquisitions cognitives [7], et ont ainsi participé à l’apparition du concept de métacognition : la théorie de Vygotsky et l’origine sociale des processus cognitifs [8, 9], la théorie de Piaget et le développement de la prise de conscience [10], et les modèles du traitement de l’information en psychologie cognitive [11].

Théorie de Vygotsky (1978) 

De manière simplifiée, la théorie de Vygotsky [8, 9] repose sur l’idée que l’intelligence se développerait grâce à certains outils psychologiques que l’enfant trouverait dans son environnement parmi lesquels le langage. Ainsi, l’activité pratique serait intériorisée en activités mentales de plus en plus complexes grâce aux mots, source de la formation des concepts. Ainsi, Vygosky porte déjà une attention particulière pour les connaissances que le sujet a de ses propres processus cognitifs, et insiste sur l’origine sociale, via le langage, de ces processus. La compréhension de ses propres processus internes par un individu doit en effet nécessairement passer par une interaction sociale médiatisée le plus souvent par le langage .

Théorie de Piaget (1974) 

Piaget s’intéresse à la notion de prise de conscience de ses propres processus cognitifs à travers le développement de l’enfant [10]. Il distingue « réussir » et « comprendre » : « réussir c’est comprendre en action une situation donnée à un degré suffisant pour atteindre les buts proposés, et comprendre c’est réussir à dominer en pensée les mêmes situations jusqu’à pouvoir résoudre les problèmes qu’elles posent quant au pourquoi et au comment des liaisons constatées et par ailleurs utilisées en action » [13]. Il faut préciser que les travaux de Piaget concernent le développement de la connaissance de l’enfant, et non le développement de la connaissance de l’enfant sur sa propre connaissance. L’auteur suppose cependant que l’acquisition de la pensée, à partir des expériences, ne peut s’effectuer que par l’intermédiaire d’une prise de conscience, et donc d’une réflexion sur son propre fonctionnement cognitif. Ainsi, la prise de conscience consiste en une conceptualisation des actions matérielles, c’est à dire « une transformation des schèmes d’action en notions et opérations ». Piaget distingue trois étapes dans cette conceptualisation, qui se succèdent ainsi au cours du développement de l’enfant : le stade pré opératoire, le stade des opérations concrètes et le stade des opérations formelles. La première étape est « l’action matérielle sans conceptualisation », il n’y a à ce stade aucune connaissance consciente. L’enfant réussit des tâches matérielles, mais n’est pas capable de donner les raisons de ses actions. La deuxième étape est la conceptualisation à partir de la prise de conscience. L’enfant est alors capable de se représenter et décrire l’événement, et également d’en expliquer le pourquoi et le comment. Lors de la troisième étape, la prise de conscience se développe en une réflexion de la pensée sur elle même, ou abstraction réfléchissante. Celle ci permet à l’enfant de comparer des démarches différentes, y compris celles qu’il n’a pas effectuées réellement, et d’envisager différentes hypothèses causales. Ce n’est alors plus l’action qui est à l’origine de la compréhension d’une situation, mais la compréhension qui dirige l’action [14].

Théorie du traitement de l’information

Le concept de métacognition prend également ses racines dans les travaux inscrits dans le champ de recherche du traitement de l’information. Tout problème peut en effet être analysé en terme de situation de départ, de situation d’arrivée et de procédures transformant les informations de départ en informations finales [11]. Le travail du sujet consiste à transformer. Une transformation des éléments de départ en fonction des connaissances et des stratégies disponibles et en fonction des buts finaux représentés est effectuée par le sujet. Celui ci va essayer d’atteindre son objectif. Il réussit ou échoue, et évalue l’écart entre le but représenté et l’opération effectuée. Ainsi, le sujet s’implique lui même, porte une réflexion sur le traitement de l’information et le régule. Pour cela, trois grands niveaux de connaissances sont nécessaires : la capacité à se représenter le déroulement des actions, à analyser ces actions et à contrôler la régulation de ces actions [15]. Ces trois niveaux de capacités correspondent aux processus métacognitifs.

Métacognition en sciences de l’éducation

Le premier ouvrage de Flavell s’intitule « The Developmental Psychology of Jean Piaget » [16] . Dans une perspective post-Piagétienne, Flavell [17] a initié une approche développementale de la métacognition, d’abord restreinte au domaine de la métamémoire [17]. Son intérêt pour le concept de métamémoire est né du constat, au travers de ses études, de l’incapacité de jeunes enfants à correctement détecter leur mémorisation d’un ensemble d’items, dont le rappel était alors erroné [18]. Flavell [19] a donc poursuivi ses réflexions sur la nature et le développement des connaissances et des stratégies mnésiques, ainsi que leurs effets sur les performances à des tâches de mémoire [2]. En élargissant le rôle important joué par « ces connaissances et cognitions » à d’autres phénomènes cognitifs, le terme de métacognition a alors émergé [2, 19].

Définitions

La définition princeps suivante de la métacognition a été proposée par Flavell : la métacognition se définit comme la « connaissance que l’on a de ses propres processus cognitifs, de leurs produits, et de tout ce qui y touche. La métacognition se rapporte entre autres choses à la surveillance active, à la régulation et à l’orchestration de ces processus en fonction des objets cognitifs ou des données sur lesquels ils portent habituellement pour servir un but ou un objectif concret » [2].

A l’intérieur de la métacognition, l’auteur distingue d’une part les expériences métacognitives, c’est à dire le sentiment d’avoir (ou ne pas avoir) acquis un certain niveau de connaissance (ces expériences métacognitives sont le résultat du sentiment d’effort ressenti lors d’une tâche cognitive), d’autre part les connaissances métacognitives (ou connaissances qu’un sujet a de ses propres processus cognitifs ou métaconnaissances). Les connaissances métacognitives se divisent elles mêmes en trois catégories. La première catégorie concerne les connaissances relatives aux personnes (c’est à dire sur les propriétés de fonctionnement cognitif chez l’être humain et sur les variations entre les individus). La deuxième catégorie concerne les connaissances relatives aux tâches (c’est à dire en lien avec la difficulté que représente une tâche cognitive donnée pour un individu). Cette deuxième catégorie de connaissances relatives aux tâches peut elle même être divisée en métaconnaissances sur la nature de l’information (selon la complexité de l’encodage de l’information), et en métaconnaissances sur la nature des exigences de la tâche (selon le niveau de complexité de travail cognitif de la tâche). Enfin, la troisième catégorie, celle des connaissances métacognitives porte sur les stratégies efficaces pour réaliser la tâche, permettant au préalable de choisir la stratégie la plus pertinente en termes d’efficacité et d’effort quant au but à réaliser. La métacognition permet ainsi aux activités cognitives d’être « plus efficaces » grâce à l’expérience et à l’élaboration de métaconnaissances [20].

Cette définition, très large, a été source de confusion [21]. De ce fait, Noël propose de distinguer différents types de métacognition selon l’objet sur lequel vont porter les processus métacognitifs [21]. La définition proposée par Flavell nous permet d’ores et déjà de souligner le fait que la métacognition est avant tout un concept composite. Une première dichotomie peut être établie entre la composante « connaissances » de la métacognition, et l’aspect régulation et contrôle de la tâche en cours [22]. Gombert reprend cette dichotomie : « Métacognition : domaine qui regroupe ; 1 – les connaissances introspectives conscientes qu’un individu particulier a de ses propres états et processus cognitifs, 2 – les capacités que cet individu a de délibérément contrôler et planifier ses propres processus cognitifs en vue de la réalisation d’un but ou d’un objectif déterminé. » [23, 24]. Le concept de métacognition se divise donc en trois composantes : les connaissances métacognitives, le monitoring métacognitif et le contrôle métacognitif, ces deux dernières dimensions permettant d’effectuer la régulation de la cognition. Dunlosky et Metcalfe proposent une synthèse résumant ces notions .

Modélisation du concept de métacognition

Depuis sa création dans les années soixante-dix, le concept de métacognition a suscité un vif intérêt dans les domaines de l’éducation et du développement [26]. Noël explique cet intérêt par l’évolution des recherches en sciences de l’éducation et l’inscription de celles ci dans le cadre de la psychologie cognitive [21]. L’activité mentale de l’apprenant est alors considérée comme un objet de recherche en soi. La recherche sur le concept de métacognition a également bénéficié des changements observés dans les pratiques éducatives, et l’importance accordée à l’auto-évaluation et son rôle actif dans le processus d’évaluation (une meilleure connaissance de ses points forts et points faibles constituant un apport essentiel à l’autoévaluation). Un autre parallélisme peut selon Noël être repéré entre l’apparition et l’évolution du concept de métacognition et le mouvement général des idées en matière d’explication possible de la performance scolaire [21]. Ainsi, au début du siècle, les aptitudes individuelles représentaient l’élément nécessaire à la réussite scolaire. Dans les années soixante, l’accent est alors mis sur l’environnement social, alors que dans les années quatrevingt, l’apprenant est considéré comme acteur et co-responsable de son apprentissage. Les différentes définitions du concept de métacognition en sciences de l’éducation s’appuient sur ces considérations historiques.

Plusieurs modèles définissant le concept de métacognition ont été proposés par différents auteurs en sciences de l’éducation, le terme n’ayant pas toujours exactement le même sens. Ce paragraphe tentera de résumer succinctement les modèles développés afin de synthétiser le concept de métacognition, et d’en clarifier l’utilisation dans notre travail.

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Table des matières

1 INTRODUCTION
2 EXPLORATION DE CONCEPT DE METACOGNITION : DE LA DEFINITION A L’OPERATIONNALISATION
2.1 ORIGINE DU CONCEPT DE METACOGNITION
2.1.1.1 Théorie de Vygotsky (1978)
2.1.1.2 Théorie de Piaget (1974)
2.1.1.3 Théorie du traitement de l’information
2.2 METACOGNITION EN SCIENCES DE L’EDUCATION
2.2.1 Définitions
2.2.2 Modélisation du concept de métacognition
2.2.2.1 Modèle de Kluwe (1982)
2.2.2.2 Modèle de Brown (1988)
2.2.2.3 Modèle de Noël (1991)
2.2.2.4 Modèle de Kuhn (2000)
2.2.2.5 Modèle de Leclercq et Poumay (2004)
2.3 LE CONCEPT DE METACOGNITION EN SCIENCES COGNITIVES : PROTOCOLES EXPERIMENTAUX
2.3.1 Modèle de Nelson et Narens (1994)
2.3.2 Modèle d’Efklides (2010)
2.3.3 Exploration des caractéristiques de la métacognition en psychologie cognitive
2.3.3.1 Une amélioration de la performance cognitive entraîne parallèlement une amélioration de qualité de la surveillance métacognitive
2.3.3.2 Le sentiment d’être proche de la réponse
2.3.3.3 Mauvaise calibration de la surveillance métacognitive
2.3.4 Exploration de la métamémoire
2.3.4.1 Modèle de la métamémoire selon Flavell
2.3.4.2 Le modèle de la métamémoire selon Nelson et Narens
2.3.4.3 Le modèle de Koriat et Goldsmith
2.3.4.3.1 Quantité versus Qualité
2.3.4.3.2 Fonctionnement du monitoring et du contrôle
2.3.5 Exploration des liens entre métacognition et conscience
2.3.5.1 La conscience, définition
2.3.5.2 Conscience et mémoire, théorie de Tulving
2.3.5.3 Métacognition anoétique, noétique et autonoétique
2.4 LA METACOGNITION DANS LE DOMAINE DE LA PRATIQUE CLINIQUE
2.4.1 Utilisation du concept de métacognition en pratique clinique
2.4.2 Les pathologies étudiées sous l’angle de la métacognition
2.4.3 Caractéristiques et impact des altérations métacognitives dans la schizophrénie
2.4.3.1 Altérations cognitives et handicap psychique dans la schizophrénie
2.4.3.2 Intervention de la métacognition comme modérateur du lien entre altérations cognitives et handicap psychique dans la schizophrénie
2.4.3.3 C. Quiles, A. Prouteau, H. Verdoux. Caractéristiques et impact des altérations métacognitives dans la schizophrénie. L’Encéphale (2013) 39, 123-129
3 EVALUATION DE LA METACOGNITION : PERTINENCE D’UN OUTIL DE MESURE DE LA CONSCIENCE METACOGNITIVE
3.1 LES OUTILS DE MESURE DE LA METACOGNITION EXISTANTS
3.1.1 Outils de mesure des connaissances métacognitives
3.1.1.1 Les mesures indépendantes de la tâche cognitive (mesure des connaissances métacognitives)
3.1.1.1.1 Mesure des connaissances métacognitives portant sur les processus de pensée
3.1.1.1.2 Mesure des connaissances métacognitives portant sur des contenus de pensée
3.1.2 Outils de mesure de la conscience métacognitive
3.2 PERTINENCE ET VALIDITE D’UN OUTIL DE MESURE DE LA CONSCIENCE METACOGNITIVE « ON-LINE » ; ETUDE AUPRES D’UNE POPULATION NON CLINIQUE
3.2.1 Objectif du travail de recherche
3.2.2 Description de la méthodologie de l’étude
3.2.2.1 Procédure de réalisation de l’étude
3.2.2.2 Description de la population d’étude
3.2.2.3 Caractéristiques socio démographiques
3.2.2.4 Evaluations neuropsychologiques
3.2.2.4.1 Codes
3.2.2.4.2 Le Modified Card Sorting Test (MCST)
3.2.2.4.3 Mémoire des chiffres
3.2.2.4.4 Rappel libre rappel indicé 16 (RL/RI-16)
3.2.2.4.5 Facial Test
3.2.2.5 Evaluation de l’estime de soi, de la symptomatologie anxieuse et dépressive
3.2.2.5.1 Echelle d’estime de soi
3.2.2.5.2 Echelle d’anxiété
3.2.2.5.3 Echelle de dépression
3.2.2.6 Evaluation des connaissances métacognitives
3.2.2.7 Description de l’outil de mesure de la conscience métacognitive
3.2.2.7.1 Modalités de passation
3.2.2.7.2 Calcul des scores
3.2.2.7.3 Calculs pour chaque item de chaque test chez chaque sujet
3.2.2.7.3.1 Calcul de la variable « performance cognitive »
3.2.2.7.3.2 Calcul de la variable « confiance en sa réponse »
3.2.2.7.3.3 Calcul de la variable « validation de sa réponse »
3.2.2.7.3.4 Calcul du score de monitoring métacognitif
3.2.2.7.3.5 Calcul du score de contrôle métacognitif
3.2.2.7.4 Calcul des variables métacognitives par test pour chaque sujet
3.2.3 Première étude personnelle : impact de la mesure de la conscience métacognitive « on-line » sur les performances neuropsychologiques
3.2.3.1 Objectifs
3.2.3.2 Présentation générale
3.2.3.3 C. Quiles, H. Verdoux and A. Prouteau. Assessing Metacognition During a Cognitive Task: Impact of “On-line” Metacognitive Questions on Neuropsychological Performances in a Non-clinical Sample. Journal of the International Neuropsychological Society (2014), 20, 547-554
3.2.3.4 Principaux résultats
3.2.3.5 Limites méthodologiques
3.2.3.6 Discussion
3.2.4 Deuxième étude personnelle : Mesure de la conscience métacognitive « on-line » et « end-line » et impact de l’estime de soi, la symptomatologie anxieuse et dépressive sur les mesures de conscience et connaissances métacognitives
3.2.4.1 Objectifs
3.2.4.2 Présentation générale
3.2.4.3 Quiles C, Verdoux H, Prouteau A. Assessing metacognition during or after a cognitive task: a study in a non-clinical sample. Soumis
3.2.4.4 Principaux résultats
3.2.4.5 Limites méthodologiques
3.2.4.6 Discussion
4 DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES
4.3 DISCUSSION GENERALE
4.3.1 Partie théorique
4.3.2 Partie expérimentale
4.4 PERSPECTIVES
4.4.1 Altérations métacognitives dans la schizophrénie
4.4.2 Métacognition et programme de remédiation cognitive
4.4.2.1 Connaissances métacognitives
4.4.2.2 Conscience métacognitive : monitoring et contrôle métacognitifs
4.4.2.3 Distinguer les niveaux métacognitifs dans la schizophrénie
4.5 CONCLUSION
5 BIBLIOGRAPHIE
6 TABLE DES TABLEAUX
7 TABLES DES FIGURES
8 PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES EN RELATION AVEC LE THEME
9 ANNEXES

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