Exploration analytique de la microchimie fine de l’otolithe

LES ENJEUX DE L’OTOLITHOMETRIE A LA REUNION 

Dans un monde en pleine croissance démographique, la gestion des ressources alimentaires est un enjeu majeur. Il est alors essentiel de maintenir un équilibre entre le renouvellement des ressources et leur exploitation. Dans ce but, les paramètres qui interviennent dans la régénération des stocks sont nombreux. Chez les populations ichtyologiques, ils se situent principalement lors des phases dispersives des espèces. Il est cependant rare que ces paramètres soient connus pour chacune des espèces, seules les tendances générales des cycles de vie des organismes marins le sont. Ainsi, localement, certaines questions pourtant essentielles pour la connaissance de la régénération des populations restent en suspens : d’où proviennent les poissons exploités ? Où vont-t-ils ? Ont-ils tous la même histoire ? Quelles connexions peuvent-ils entretenir avec des populations voisines ?

Chez les poissons associés aux récifs coralliens, la phase pélagique est une étape de dispersion importante dans l’écologie d’une espèce (Doherty et al. 1985; Shulman & Bermingham 1995) : elle va permettre à une espèce d’être ou non connectée avec d’autres populations (Roughgarden et al. 1988; Caley et al. 1996). Comprendre les mécanismes de la phase larvaire est alors un élément essentiel à la construction de la dynamique des populations pour mettre en place une gestion adaptée (Cowen & Sponaugle 2009; Sale et al. 2010). Comment alors les mesures de gestion pourraient évoluer avec des connaissances plus fines sur l’histoire de vie des populations ichtyologiques locales ?

Travailler sur les histoires de vie des poissons des récifs coralliens est particulièrement délicat étant donné leur petitesse et la difficulté à les suivre pendant la phase pélagique ainsi qu’à identifier des zones d’intérêt comme les zones de pontes (Campana et al. 2000). Pour mieux cerner la vie des poissons, il existe un outil biologique adapté : des pièces calcifiées d’aragonite situées dans leur oreille interne, les otolithes. Connu chez les téléostéens depuis les années 1970, l’otolithe possède des propriétés remarquables :
• Les otolithes sont présents dès la naissance du poisson (Campana 1999).
• Leur croissance est continue tout au long de la vie de l’individu à un rythme journalier chez la plupart des espèces (Campana 1999).
• Ils ne subissent pas de résorption sauf en cas de stress extrême (Campana & Neilson 1985).
• Certains éléments chimiques du milieu peuvent être incorporés à la matrice otolithique (Campana 1999).

Ces propriétés leurs confèrent de nombreuses applications qui évoluent au fur et à mesure que les techniques progressent (Campana 2005b).
• Estimation de l’âge et de la croissance. La lecture optique ou automatique des marques de croissances journalières (Morales-Nin et al. 2005) ou saisonnières (Panfili 1993; Arneri et al. 2001) permet d’estimer l’âge des individus afin de remonter à leur date de naissance. On estime ainsi la durée de vie larvaire, l’âge à la métamorphose, à la reproduction ou lors du passage d’un habitat à un autre ou d’une saison à une autre (Arai et al. 2000; De Casamajor et al. 2001; Taillebois et al. 2012). De plus, la mesure de la distance entre chaque marque de croissance permet d’estimer une vitesse de croissance à chaque instant de la vie du poisson.
• Discrimination des stocks. Elle peut être approchée par deux techniques analytiques. La forme globale de l’otolithe, résultante des aléas environnementaux et individuels, est une signature propre à chaque individu d’une même espèce. L’analyse des paramètres de cette forme (Russ 1990) permet de comparer l’origine géographique de plusieurs groupes d’individus et de discriminer un ensemble d’individus (Begg & Brown 2000; Tuset et al. 2003a; Tuset et al. 2003b). L’autre approche réside dans l’analyse de la composition élémentaire et/ou isotopique de l’otolithe. Elle peut se concentrer soit sur la zone natale pour déterminer l’origine géographique (Thresher 1999; Rooker et al. 2008; Correia et al. 2011; Thorisson et al. 2011), soit sur la phase pélagique pour déterminer les chemins de migrations des individus (Secor et al. 1995; Tsunagawa et al. 2010). Cette analyse peut se faire de façon relative avec la composition chimique comparée d’un individu à l’autre ou bien de façon absolue en mettant en relation les mesures chimiques avec celles mesurées dans l’environnement. Cette dernière permet alors de rattacher les individus à une localité (Gillanders & Kingsford 1996; Campana et al. 1999a; Thorrold et al. 2001).
• Traceurs de l’environnement. Le dosage des éléments chimiques peut apporter différentes informations sur l’environnement du poisson. Le rapport isotopique Sr:Ca peut être utilisé pour reconstruire l’histoire de la température (Townsend et al. 1995; Gallahar & Kingsford 1996; Elsdon & Gillanders 2002), tout comme ce rapport est le reflet indirect de la salinité du milieu (Secor et al. 1995; Edmonds et al. 1999; Elsdon & Gillanders 2002; Tsunagawa et al. 2010). Les analyses des éléments traces issus de l’activité anthropique peuvent également retracer les pollutions aquatiques (Gillanders & Kingsford 2003; Hamer et al. 2003; Halden & Friedrich 2008; Friedrich & Halden 2011; Limburg et al. 2011).
• Marquage d’individus. C’est une technique largement utilisée afin de suivre des mouvements migratoires ou de discriminer des animaux issus de l’élevage. Elle consiste à marquer un ensemble d’individus par des substances colorées ou par une très haute concentration d’éléments naturels qui se fixent sur l’otolithe. Lors d’une recapture, il est alors possible de visualiser ou mesurer cette marque sur l’otolithe (Munro et al. 2009; Lochet et al. 2011; Woodcock et al. 2011).

Ainsi, lors de leur phase de dispersion, les larves peuvent traverser des habitats hétérogènes dus à des conditions environnementales changeantes (température, salinité, composition chimique de l’eau) dont les origines sont variées. Ces périodes, plus ou moins longues, peuvent influencer leur phénotype ainsi que la composition chimique élémentaire des otolithes. C’est la mise en évidence et l’interprétation de ces différences de compositions élémentaires qui permettent de mieux cerner l’histoire de vie des poissons.

Sur l’île de La Réunion, territoire français d’Outre-Mer du Sud-Ouest de l’océan Indien, les seuls travaux disponibles utilisant l’analyse de pièces calcifiées comme les otolithes (sclérochronologie) ont été initiés par Pothin (2005). Ces travaux, qui portaient sur l’analyse de la dispersion larvaire des poissons récifaux, ont révélé l’intérêt des otolithes dans l’identification de stocks de poissons via l’étude de la forme de l’otolithe et de leur composition chimique globale. Les conclusions de ces travaux menés sur le mérou Epinephelus merra, espèce emblématique de la réserve naturelle marine de La Réunion, suggèrent un autorecrutement majoritaire de l’espèce. Mais beaucoup restait à faire pour mieux comprendre l’histoire des larves qui colonisent les récifs de l’île et ainsi, améliorer la gestion de cette espèce très exploitée par les pêcheurs traditionnels de l’aire marine protégée (AMP).

Sites d’étude

La présente étude se déroule dans l’océan Indien, sur différentes échelles spatiales. Principalement centrée sur La Réunion, l’étude implique également d’autres sites dans la région Ouest de l’océan Indien de l’Ouest.

Océan Indien

L’océan Indien est délimité par le continent asiatique au Nord, par l’Océanie à l’Est et par le continent africain à l’Ouest. Il communique directement avec l’océan Antarctique au Sud, avec l’océan Atlantique par le cap des Aiguilles d’Afrique du Sud et avec l’océan Pacifique par le cap South West de Tasmanie et à travers l’Océanie .

Au Nord, la présence du continent asiatique est à l’origine d’un basculement annuel des vents, c’est le régime des moussons. Ce régime spécifique est marqué par deux périodes distinctes qui ont pour conséquences de balancer les courants dominants d’Est en Ouest puis d’Ouest en Est au niveau de l’équateur. De décembre à avril, les vents de terre participent au développement du courant marin Nord équatorial (courant d’Est en Ouest vers le continent africain). De juin à octobre, le courant de mousson du sud-ouest domine dans la région équatoriale .

Dans la partie équatoriale et tropicale du bassin océanique indien, les courants marins de surface sont poussés par les alizées qui créent une dynamique globale d’Est en Ouest (Wyrtki 1973). De part et d’autre du tropique du Capricorne, ces courants convergent du Nord et du Sud pour créer le courant sud équatorial. Ce flux de surface d’Est en Ouest se sépare au Nord du Canal du Mozambique (Tomczak & Godfrey 1994):

1) le courant du Mozambique longe la pointe Nord de Madagascar au niveau du Cap d’Ambre pour arriver aux Comores puis remonte vers le long des côtes africaines pour se transformer en courant Est africain. Dans le canal du Mozambique, le courant dominant résultant du Nord au Sud se décline par plusieurs gires tourbillonnantes.

2). Le courant Est malgache descend vers le Sud de Madagascar pour rejoindre le courant des Aiguilles où il se mêle au courant circumpolaire, entraînant une grande partie de ses eaux vers l’Est .

Ce régime général peut être localement perturbé par les cyclones qui surviennent entre novembre et avril. Ces phénomènes peuvent dévier les courants de surface sur une zone dont l’étendue dépend de l’intensité du cyclone (Crochelet 2010). La présence de nombreuses îles (Mascareignes, Comores, Seychelles, Iles Eparses) affecte également localement la courantologie par « effet d’île » qui selon l’intensité de la courantologie générale et le relief de l’île, peut concentrer les organismes marins dans la zone abritée du courant par l’île ou, si le courant est fort, peut entraîner l’effet inverse.

Dans sa partie occidentale, l’océan Indien regroupe de nombreuses îles, depuis les Maldives au Nord jusqu’à l’archipel des Mascareignes au Sud. Ces îles, regroupées le plus souvent en archipel, sont réparties sur 6 états : Maldives, Comores, Seychelles, Maurice (avec Rodrigues), Madagascar et la France avec Mayotte, les îles Eparses et l’île de La Réunion.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I METHODOLOGIE GENERALE
I.1 Sites d’étude
I.1.1 Océan Indien
I.1.2 Île de La Réunion
I.1.3 Madagascar, Maldives et Iles Eparses
I.2 Espèces cibles
I.2.1 Acanthurus triostegus
I.2.2 Epinephelus merra
I.2.3 Plectroglyphidodon imparipennis
I.3 Paramètres biologiques
I.3.1 Biométrie
I.3.2 Otolithes
I.3.3 Analyse de l’environnement
I.3.4 Analyse des données
CHAPITRE II VARIATIONS DE LA COMPOSITION CHIMIQUE DES OTOLITHES A LA REUNION
II.1 Utilité de la chimie des otolithes pour déterminer les histoires de vie d’Epinephelus merra à La Réunion
II.2 Synthèse
CHAPITRE III SPECIFICITE ET TEMPORALITE DE LA COMPOSITION CHIMIQUE DES OTOLITHES
III.1 Programme POLARUN
III.1.1 Méthodologie
III.1.2 Caractérisation des flux larvaires
III.2 Etude spatiale et temporelle de la composition microchimique des otolithes d’Acanthurus triostegus et Plectroglyphidodon imparipennis à La Réunion
III.3 Synthèse
CHAPITRE IV PERTINENCE DU BARYUM DANS LA MICROCHIMIE DES OTOLITHES
IV.1 A La Réunion
IV.1.1 Histoire des larves d’Epinephelus merra lors d’un recrutement exceptionnel dans la baie de Saint-Paul (Ile de La Reunion)
IV.1.2 Synthèse
IV.2 Dans l’océan Indien
IV.2.1 Diversité de la microchimie des otolithes d’Epinephelus merra à Madagascar, aux Maldives et Iles Eparses
IV.2.2 Synthèse
CHAPITRE V LA MICROCHIMIE DES OTOLITHES, UN OUTIL D’AIDE A LA GESTION ?
CONCLUSION GENERALE
RÉFÉRENCES
RESUME

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