Expérimentation d’un dispositif de justice restaurative pour mineurs

De 2012 à 2014, j’ai participé en Côte d’Ivoire à un projet de mise en œuvre de la justice restaurative dénommé « Faire Justice Autrement » au sein de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) . Conduit par l’organisation non gouvernementale « Renaître » soutenue par l’Association nationale d’aide aux prisonniers (ANAP), il s’appliquait aussi bien aux mineurs qu’aux majeurs. J’ai découvert les pratiques de la justice restaurative grâce à ce projet dans lequel je suis intervenu en tant qu’animateur des séances de rencontres entre les protagonistes. Il m’a servi de cadre d’étude pour mon mémoire de Master2 dans lequel j’ai confronté les pratiques de justice restaurative aux pratiques classiques de résolution de conflit (arbitrage, conciliation, médiation). J’avais observé des changements dans le comportement des détenus entre les séances d’informations et la session de justice restaurative dans laquelle ils étaient impliqués. Mais le fait que ce changement ait perduré au-delà, que ces détenus soient libérés ou encore à la MACA, m’a questionné : que s’était-il passé dans la vie de ces personnes devenues plus courtoises et qui renouaient avec leur milieu de vie ? Cela m’a amené à faire le lien avec le travail de justice restaurative et à m’interroger sur sa pertinence.

De l’introduction de la justice restaurative dans la lutte contre la délinquance

La justice restaurative est une pratique de résolution de conflits qui se développe dans divers milieux judiciaires et sociaux pour faire face à la délinquance, un phénomène qui affecte toutes les couches sociales. Ce phénomène met en péril la vie de ces jeunes qui passent à l’acte. Ainsi nombreux sont les pays du monde qui se sont assignés comme mission la prévention de la délinquance dans le respect et la dignité de l’enfant.

Comme être en construction, vulnérable et incapable de se défendre contre les abus et la maltraitance, dont il est objet selon les situations, l’enfant a besoin d’une protection spéciale et particulière. Pour ce faire, il lui a été conféré des droits spécifiques qui demandent qu’il soit protégé étant physiquement fragile et incapable de mener seul et librement sa vie. Plusieurs textes internationaux, conventionnels ou déclaratifs, invitent les États à intégrer dans leur système de justice des mesures éducatives et de protection en faveur des mineurs en lien avec les textes à valeur universelle comme la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et, plus particulièrement, la Déclaration internationale des droits de l’enfant adoptée par les Nations unies le 20 novembre 1959 et la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989. Cette dernière est l’instrument juridique le plus considérable en matière de justice pour mineurs du fait de la contrainte qu’elle exerce sur tous les états membres des Nations-Unis . Ces différents textes fixent des règles pour un cadre assurant la protection des enfants. Les états membres sont invités à employer des mesures alternatives pour les mineurs en conflit avec la loi. Les règles de Beijing (résolution 40/33), adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1985, exposent les règles minimales qui incombent aux états membres dans l’administration de leur justice des mineurs. L’intérêt du mineur a été largement défendu par le biais du recours à un règlement extrajudiciaire des conflits les impliquant ainsi que la priorité accordée à l’éducation sur la répression dans le cadre d’un procès pénal. Les mesures éducatives doivent primer sur la privation, la détention provisoire ou préventive et le placement en établissement. Les règles de Beijing soulignent la nécessité d’un traitement équitable et protecteur des mineurs dans les institutions. Elles invitent à la spécialisation des autorités judiciaires au procès pénal, à la participation de la famille et à l’aide d’un conseil durant le processus judiciaire. La Convention des Droits de l’Enfant proclame les droits des enfants et notamment le droit à la liberté d’expression, le droit à un accompagnement, le droit d’être entendu et d’être défendu dans toute procédure qui le concerne.

Le VIIIe Congrès des Nations unies à La Havane (Cuba) tenu du 27 août au 7 septembre 1990 avait pour objectif de protéger l’enfant des effets nuisibles de la privation de liberté en lui garantissant ses droits fondamentaux. Parmi les résolutions (ONU, 1991) relatives au traitement des délinquants, certaines concernent l’administration de la justice des mineurs et encouragent les communautés et les collectivités à participer aussi au processus de la justice pénale et spécifiquement au traitement des délinquants afin de développer chez eux le sens de la responsabilité envers la société. En outre, les principes directeurs de l’ONU pour la prévention de la délinquance juvénile, dénommés principes de Riyad, adoptés et proclamés par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990, mettent non seulement l’accent sur la protection précoce et les mesures de prévention à l’endroit des mineurs en situation de risque et difficultés sociales, mais insistent également sur l’importance de la famille dans le processus judiciaire.

En France, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en 1945, l’État a mis en place un dispositif juridique pour assurer la prise en charge du mineur délinquant, définie par l’ordonnance du 2 février 1945 par des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation du mineur en conflit avec la loi.

C’est sur ce dispositif et au regard des textes internationaux particuliers que la Côte d’Ivoire fonde aussi sa politique en faveur des mineurs en situation de délinquance. En effet la Constitution ivoirienne du 23 juillet 2000 reconnaît en son article 2 l’égalité d’existence pour tous dans la dignité humaine et le respect d’autrui. Le Code pénal et le Code de procédure pénale, quant à eux, stipulent respectivement dans les articles 116 et 756 et suivants, la punissabilité du mineur en conflit avec la loi en fonction de l’âge. Celui-ci ne peut faire l’objet que de « mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation qui semblent appropriées ». Cependant, dans les cas exceptionnels du fait des circonstances et de sa personnalité, du caractère pervers de l’acte et de son âge (16-18 ans), celui ci peut être justiciable, mais uniquement devant un TPE ou la cour d’assises des mineurs.

Expérience ivoirienne de la justice restaurative 

Historique du projet 

La crise postélectorale qu’a connue la Côte d’Ivoire en 2011 a vu se développer une nouvelle forme de délinquance qui a fait beaucoup de victimes au sein de la population. Les auteurs d’infractions ont été arrêtés et incarcérés : certains déjà jugés et condamnés, d’autres en détention préventive. L’État ivoirien, dans sa quête de solutions pour réconcilier les ivoiriens, a lancé un processus de réconciliation à travers la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR). Dans ce contexte l’ONG « Renaitre » a pu installer un processus de justice restaurative au sein de la MACA par le biais des RDV. Cette ONG œuvre dans le domaine de la justice restaurative, de la réinsertion des détenus, des personnes en difficultés sociales et des victimes de la crise postélectorale ainsi que de la cohésion sociale, des droits humains et de la citoyenneté par ses actions en milieu carcéral (visites aux détenus, séances éducation des mineurs, mise en place d’une bibliothèque…), d’écoute et de prise en charge des victimes et de réconciliation en recréant les liens brisés.

En initiant cette modalité de justice restaurative qui mettait en interactions les détenus et les victimes d’infractions en travaillant sur la réparation des préjudices, il s’agissait pour l’ONG, d’une part, de permettre aux détenus de verbaliser leurs sentiments et de les aider à prendre conscience de la gravité de leurs actes par la reconnaissance de leur responsabilité en présence de victimes semblables aux leurs par les infractions commises afin de changer de comportement pour éviter la récidive et, d’autre part, de permettre aux victimes de la crise postélectorale de se libérer de leurs émotions négatives pouvant les conduire à la vengeance. En offrant aux victimes un espace de parole et d’échanges, on les invitait à dépasser les différents obstacles qui entravaient leur restauration. En découvrant l’histoire personnelle de certains infracteurs, les victimes pouvaient aussi appréhender les éléments ayant favorisé la commission de l’acte et prendre la mesure de la souffrance des détenus. C’était également une occasion, d’une part, de ré humaniser l’infracteur et de se libérer de certaines émotions et, d’autre part, d’exprimer leur souffrance dans un environnement neutre et bienveillant et, cela, en présence d’autres personnes en souffrance. Quant aux détenus, il s’agissait de les responsabiliser relativement aux conséquences de l’infraction. Ils bénéficiaient ainsi d’un espace pour prendre la mesure des conséquences de l’acte commis et de la souffrance des victimes tout en réfléchissant aux évènements ayant conduit au passage à l’acte.

Le projet contenait plusieurs actions, à savoir une période d’informations des partenaires pour les mobiliser et les encourager à participer, des sessions de recrutement, une période de signature des contrats, des sessions de formation, une période de mise en œuvre et des sessions d’évaluation.

Son cadre conventionnel a impliqué différents acteurs dans la mise en œuvre du processus, aussi bien, sur le plan du soutien, de l’appui et de l’accompagnement que sur le plan de l’exécution. Le comité de pilotage était composé des membres de l’ONG « Renaitre » et de l’ANAP. Alors que « Renaitre » qui a conçu le projet, était chargée de sa mise en œuvre, de son suivi et de son évaluation, l’ANAP était chargée de sa gestion financière. Les autres partenaires relevaient de l’Administration pénitentiaire qui a offert le cadre pour l’exécution du projet, ainsi que de la Coopération allemande GIZ et de l’Ambassade de France pour le financement.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 : PRÉSENTATION DU PROJET DE RECHERCHE
I. CONTEXTE
I.1. De l’introduction de la justice restaurative dans la lutte contre la délinquance
I.2. Expérience ivoirienne de la justice restaurative
I.2.1. Historique du projet
I.2.2. Les RDV
I.2.3. Évaluation des effets
II. RAISONS DE L’ÉTUDE
Chapitre 2 : L’APPROCHE GLOBALE DE LA JUSTICE RESTAURATIVE
I. HISTORIQUE ET DÉFINITIONS
II. DÉBAT TERMINOLOGIQUE ET ÉVOLUTION DU PARADIGME
III. OBJECTIFS ET CARACTÉRISTIQUES
IV. VALEURS ET PRINCIPES
IV.1. L’implication des personnes ayant un intérêt légitime
IV.2. La mise en œuvre des procédures de collaboration
IV.3. La réparation des torts causés
V. FONDEMENTS THÉORIQUES, PROCÉDURES ET MODÈLES
V.1. Les fondements théoriques
V.2. Les procédures et la place de l’État
V.3. Les modèles
VI. LES ACTEURS IMPLIQUÉS DANS LE PROCESSUS RESTAURATIF ET LES MODALITÉS OU MODÈLES DE JUSTICE RESTAURATIVE
VI.1. Les acteurs directs
VI.1. 1. Le médiateur
VI.1. 2. La victime
VI.1.3. L’auteur d’infraction
VI.2. Les acteurs indirects
VI.2.1. La famille ou les proches
VI.2.2. Les autorités judiciaires
VI.3. Les modalités ou modèles de justice restaurative
VII. LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET ÉTHIQUES
VIII. QUALITÉ, ENJEUX ET PROMESSES
VIII.1. Qualité du processus
VIII.2. Les avantages pour les bénéficiaires
VIII.2.1. Les bénéfices pour les infracteurs
VIII.2.2. Les bénéfices pour les victimes
VIII.2.3. Les bénéfices pour la communauté
VIII.3. Les promesses
VIII.3.1. La satisfaction et l’équité
VIII.3.2. La réalisation des accords
VIII.3.3. La récidive
Chapitre 3 : LA JUSTICE DES MINEURS EN FRANCE, ENTRE RÉFORMES ET PRATIQUES RESTAURATIVES
I. LES ÉVOLUTIONS AU SEIN DE LA JUSTICE DES MINEURS
II. PRÉSENTATION DU PROCESSUS PÉNAL
II.1. La procédure pénale
II.1.1. Les services de police et de gendarmerie mineur
II.1.2. La saisine du parquet
II.2. Les acteurs de la justice des mineurs
II.2.1. Les acteurs judiciaires
II.2.2. Les auxiliaires de justice
II.2.3. Les acteurs non judiciaires
III. LES MESURES D’AIDE À LA DÉCISION
III.1. Les mesures d’investigations : les mesures d’aide à la décision judiciaire
III.2. Le RRSE
III.3. La MJIE
IV. LES MESURES JUDICIAIRES A CARACTÈRE RESTAURATIF
IV.1. La mesure de réparation ou réparation pénale
IV.1.1. Histoire et émergence
IV.1.2. Spécificité de la mesure de réparation
IV.1.3. Les étapes du prononcé et faisabilité de la mesure de réparation
IV.1.4. La mise en œuvre
IV.2. Les mesures de probation et les peines
IV.2.1. Le contrôle judiciaire
IV.2.2. Le SME
IV.2.3. Le TIG
IV.3. Les sanctions éducatives
IV.4. Les mesures d’aménagement de peine
Chapitre 4 : PRÉSENTATION DU PROJET EXPÉRIMENTAL DE JUSTICE RESTAURATIVE
I. LE TERRAIN D’ACCUEIL : LE STEMO
II. LE PROJET DE JUSTICE RESTAURATIVE
II.1. Le contexte du projet de justice restaurative : Faits à l’origine du projet
II.2. Objectifs et intérêt du projet
II.3. Le dispositif de mise en œuvre
II.4. Les types d’affaires
II.5. Les différents stades de mise en œuvre dans la procédure pénale
II.5.1. Avant le jugement
II.5.2. Après le jugement
II.6. Les protagonistes visés
II.6.1. L’auteur
II.6.2. La victime
II.7. L’information des parties au conflit
II.8. La logique de mise en œuvre
I.8.1. La reconnaissance des faits par les auteurs
II.8.2. La participation volontaire ou le libre consentement
II.9. La mise en œuvre
II.9.1. Préparation de la rencontre
II.9.2. La rencontre des parties
II.9.3. Le suivi du respect de l’accord restauratif et l’évaluation post rencontre
III. LES CARACTÉRISTIQUES DU PROJET : NOUVEAUTÉ ET MULTI-ACTION
Chapitre 5: CADRE DE RÉFÉRENCE THÉORIQUE ET PROBLÉMATIQUE
I. LE CHOIX DU CADRE THÉORIQUE
I.1. La théorie de l’acteur-réseau ou la sociologie de la traduction
I.1.1. La contextualisation ou l’analyse du contexte
I.1.2. La problématisation et le traducteur
I.1.3. Le point de passage obligé et la convergence
I.1.4. Les porte-paroles
I.1.5. Les investissements de forme
I.1.6. Les intermédiaires
I.1.7. La mobilisation et enrôlement
I.1.8. Le rallongement et l’irréversibilité
I.1.9. La vigilance
I.1.10. La transparence
I.2. La théorie des agencements organisationnels
I.3. La théorie des économies de la grandeur
I.3.1. Le monde inspiré
I.3.2. Le monde domestique
I.3.3. Le monde civique
I.3.4. Le monde de l’opinion
I.3.5. Le monde marchand
I.3.6. Le monde industriel
I.4. La théorie de l’ordre de l’interaction
I.4.1. La sommation
I.4.2. L’offre
I.4.3. L’acceptation
I.4.4. Le remerciement
II. ÉLABORATION DE LA PROBLÉMATIQUE
CONCLUSION

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