EXPERIENCE D’UNE ACTIVITE DE PHARMACIE CLINIQUE AU SEIN D’UN CENTRE D’ESSAIS CLINIQUES

Réglementation de la recherche clinique et son historique

   Les premières réglementations dans la recherche clinique ont fait suite aux nombreuses expérimentations menées sur l’homme durant la seconde guerre mondiale qui ont amené les différents pays à réfléchir sur les principes d’éthique. Ces derniers ont été entérinés dans le Code de Nuremberg de 1947 et constituent une base pour les nombreux textes de loi régissant actuellement la recherche clinique. Ils ont notamment donné naissance aux déclarations d’Helsinki de 1964 qui introduisent la notion de comité d’éthique et sont encore citées de nos jours dans les protocoles de recherche clinique. La France s’est rapidement dotée d’une législation spécifique dans le domaine de la recherche clinique dans le but de protéger les personnes qui se prêtent à une recherche clinique avec la loi dite « Loi Huriet » du 20 décembre 1988 relative à la protection de la personne(8). Pour cela, cette loi oblige à la constitution d’un dossier soumis à un comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale. Elle introduit également les devoirs d’information et de consentement écrit du patient ainsi que la couverture des risques par la souscription d’une assurance spécifique par le promoteur. Cette loi a été révisée par la loi de santé publique du 9 aout 2004 (n°2004-806)(9) ayant pour but de transposer la directive européenne du 4 avril 2001 (2001/20/CE)(10) devant standardiser le cadre de la recherche clinique sur le médicament dans les différents pays de l’UE. Cette loi mise en application par le décret 2006-477 du 26 avril 2006(11) intègre les bases de la loi Huriet, et encadre ce sujet de façon plus globale en élargissant son champ d’action à tous les produits de santé. Elle transforme notamment l’obtention d’un avis favorable, initialement consultatif par les Comités de Protection des Personnes (CPP) en obligation, et ajoute la nécessité d’autorisation par les autorités nationales de santé (ANSM anciennement AFSSAPS). Cette évolution redéfinit également la notion controversée de « bénéfice individuel direct », par celle de « bénéfice/risque ». Devant l’absence d’harmonisation européenne et la lourdeur des démarches notamment pour les recherches cliniques ne concernant pas un nouveau médicament expérimental, la France a décidé de mettre en place une nouvelle législation avec la Loi Jardé n°2012-300 du 5 mars 2012(12). Cette règlementation actuellement en vigueur est vouée à être remplacée, pour les médicaments définis comme expérimentaux, par le règlement européen n°536/2014(13) qui remplace la directive européenne de 2001. L’application en l’état de ce RE, prévue initialement en mai 2016, puis décalée pour mai 2020, n’est toujours pas d’actualité tant que le portail européen unique n’est pas mis à disposition. La loi Jardé n’a été mise en application que suite à son décret d’application du 16 novembre 2016 n°2016-1537(14), en raison d’une révision de celle-ci ayant pour but de préparer la mise en application du RE par l’ordonnance du 16 juin 2016 n°2016-800(15). Cette nouvelle législation redéfinit la recherche biomédicale comme la Recherche Impliquant la Personne Humaine catégorisée en 3 parties selon le niveau de risque encouru par les participants et intégrant notamment la recherche non interventionnelle (hors-champs de la législation précédente). Elle élargit également les prérogatives du CPP aux recherches noninterventionnelles avec un avis sur la protection des données personnelles, et instaure la notion de tirage au sort dans l’attribution des dossiers aux différents CPP. Elle impose également l’existence d’un registre unique d’information concernant les essais cliniques, passage d’un fichier national à européen pour respecter le RE 536/2014.

Gestion du circuit du ME

– L’approvisionnement : La gestion du stock et les commandes des ME sont réalisées selon les modalités définies lors de la mise en place. L’une des missions principales du pharmacien du centre, est de s’assurer d’avoir un stock suffisant à la prise en charge des patients inclus dans l’étude. Cette gestion peut, dans certains cas être sous la responsabilité du promoteur par le biais de système automatisé de gestion de stock (IXRS).
– La réception : La réception d’unités de traitement (UT) destinées à l’utilisation dans le cadre de l’EC, doit être réalisée dans une zone dédiée. Le pharmacien doit s’assurer de la conformité des UT reçues et de leurs conditions de transport (température), de leur intégrité physique, et de la traçabilité de l’entrée en stock. Il doit également s’assurer de la conformité de l’étiquetage et du certificat de libération de lot de médicament expérimental.
– La détention : Les ME doivent être conservés dans des zones distinctes des médicaments classiques, dont l’accès est réservé aux personnels du secteur essais cliniques de la PUI selon les exigences de conservation et la nature du produit. La température de ces zones doit être contrôlée et suivie à l’aide d’un système d’enregistrement. Des stockages spécifiques peuvent également être nécessaires comme par exemple, la présence d’un coffre pour les ME classés comme stupéfiants, ou une zone liée au risque biologique pour les médicaments de thérapie innovante (MTI) expérimentaux.
NB : Toutes excursions de température durant le transport ou la détention à la PUI doivent être notifiées au promoteur et entraîner une mise en quarantaine des traitements dans l’attente du retour du promoteur quant à la conduite à tenir. Une traçabilité dans le dossier de l’étude et un étiquetage des produits concernés sont également nécessaires.
– La dispensation : L’acte de dispensation des ME doit être effectué conformément au protocole de recherche clinique en veillant au respect des BPC. Comme pour tous les médicaments, il associe à la délivrance du ME, l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance, la préparation éventuelle des doses à administrer, et la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament (Article R4235-48 du CSP). Dans la majorité des cas, la dispensation est réalisée sur une ordonnance nominative (fournie par le promoteur ou rédigée par la PUI du centre) comprenant les mentions légales définies à l’article R5132-3 du CSP ainsi que les informations requises par le protocole. Il incombe donc au pharmacien de vérifier sur cette ordonnance, l’identité du patient, son inclusion dans le protocole ainsi que le numéro et le bras de traitement (le cas échéant), la date de prescription, le numéro de visite, les paramètres physiologiques et biologiques nécessaires (poids, taille, fonction rénale…), le nom et la signature de l’investigateur ainsi que son habilitation à prescrire dans le cadre du protocole. Il s’assure, ensuite, de la conformité de la prescription (DCI, forme, dose, posologie, durée de traitement, modalités de prise, intercure, risque d’interactions) en regard du protocole et des prescriptions antérieures et associées (si possible). Il délivre ensuite les ME expérimentaux prescrits (DCI, dose, nombre d’UT), correspondant le cas échéant aux documents d’attribution, en assurant la traçabilité de ceux-ci sur l’ordonnance originale et sur l’ordonnancier. Cette délivrance doit être, si possible, réalisée directement au patient et associée à un conseil pharmaceutique adapté (modalités de prise, de conservation et conduite à tenir). Dans le cas contraire, elle doit être faite, en fonction du protocole, par l’intermédiaire d’une personne habilitée et selon une procédure assurant la sécurisation de cette étape.
– La préparation : La préparation des ME nécessite une autorisation spécifique de l’ARS, à renouveler tous les 5 ans, car elle est considérée comme une « activité à risque » par le décret PUI de mai 2019(2). La réalisation de ces préparations peut être demandée au pharmacien par le promoteur pour plusieurs raisons : la mise en aveugle des traitements, la préparation de médicaments toxiques, la réalisation de préparations stériles, les préparations complexes ne relevant pas de la simple reconstitution, ainsi que le conditionnement, l’étiquetage ou le réétiquetage des ME. Toutes ces activités doivent être réalisées selon les Bonnes Pratiques de Préparation(22).
– Le retour à la pharmacie des ME dispensés : La pharmacie doit disposer d’une zone dédiée au stockage des traitements expérimentaux retournés par le patient. Tous les traitements dispensés lors d’une visite doivent être rendus par les patients à la PUI après utilisation. Cela comprend les comprimés ou autres formes de médicaments ainsi que leurs conditionnements primaires et secondaires. Les traitements retournés feront l’objet d’un contrôle permettant leur identification et la vérification de l’adhésion du patient au traitement. Une traçabilité informatique ou papier de ces retours devra être effectuée, et ils seront conservés jusqu’au contrôle par le promoteur lors d’un monitoring autorisant la destruction de ceux-ci selon la procédure définie lors de la mise en place.
– La destruction des ME retournés et/ou non utilisés Il existe deux cas de figure pour la destruction des ME non utilisés et/ou retournés par les patients. Dans le premier cas, la destruction est effectuée par le promoteur. Dans ce cas lors du monitoring, après vérification de la comptabilité des traitements réalisés par la pharmacie, l’ARC promoteur organise leur retour au promoteur/dépôt pour destruction. La responsabilité du pharmacien s’arrête ici à la traçabilité de l’enlèvement du ou des colis. Dans le second cas, la mise en destruction est réalisée par le pharmacien. L’ARC promoteur autorise la pharmacie à procéder à celle-ci après vérification lors d’une visite de monitoring. Le pharmacien doit ensuite prendre en charge la destruction des ME ainsi que sa traçabilité via l’établissement d’un certificat de destruction mentionnant l’étude, les UT détruites de façon détaillée et exhaustive ainsi que la date, la méthode, la raison et le personnel procédant à la destruction.
– La traçabilité : Les BPC exigent que le pharmacien et l’investigateur mettent en place un système permettant de s’assurer qu’un inventaire de médicaments stockés, dispensés, utilisés et retournés puisse être établi pour chaque étude clinique. Celui-ci doit être validé par le promoteur. L’archivage « des dossiers pharmacie » de recherche clinique est également une des missions du pharmacien. Après la fin de chaque étude clinique définie par la visite de clôture de l’ARC promoteur, un courrier de clôture est adressé à la DRCI et à la PUI. Ce document à ranger dans le dossier de l’étude permet l’archivage de documents relatifs à la recherche clinique concernée. L’archivage doitse faire dans une pièce dédiée dont l’accès est restreint et un inventaire des dossiers archivés doit être tenu à jour afin de pouvoir les retrouver en cas d’audit ou d’inspection. Les dossiers relatifs à un EC doivent être conservés pendant une durée minimale de 15 ans (qui sera portée à 25 ans lors de la mise en application du RE n° 536/2014) hormis lorsqu’il concerne un MTI (30 ans) ou un Médicament dérivé du sang (40 ans).

Déroulement d’un acte de dispensation pharmaceutique

   Un PPH, un interne en pharmacie ou un pharmacien du secteur, vérifie la conformité de l’ordonnance par rapport au protocole de l’étude clinique, et aux autres documents relatifs à la dispensation (attribution de traitement, historique du patient dans l’essai…).Ensuite, il prépare les traitements pour le patient en s’assurant de leur intégrité et de leur conformité aux modalités d’administration de l’étude pour la période de prescription (dosage et quantité cohérents à la posologie, date de péremption assez longue…). Il réalise également toute la traçabilité obligatoire liée à la délivrance de ME : l’identification du patient et de la visite sur le conditionnement, remplissage de l’ordonnancier, comptabilité. Avant la délivrance, l’ordonnance et les traitements préparés sont double-contrôlés par un pharmacien ou interne en pharmacie habilité. La délivrance des ME est effectuée par un personnel pharmaceutique habilité à un membre du service investigateur et il lui est remis en même temps une copie de l’ordonnance complétée à destination du patient. Celle-ci contient les modalités de prises et les conseils associés qui permettent d’assurer la transmission d’informations sur le bon usage du médicament au patient. Dans le cadre du sous processus de dispensation du ME, incluant la prescription et l’analyse pharmaceutique, la réalisation d’IP est fréquente (ex : mauvais protocole, mauvaise identification du patient, intercure de dispensation protocolaire non respecté, mauvaise posologie, investigateur non autorisé…). Elles sont déclarées par le personnel du secteur sous la forme de non-conformité, et font l’objet d’une analyse régulière du pharmacien « responsable qualité » du secteur permettant la mise en place de mesures d’amélioration.

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Table des matières

INTRODUCTION
I) NOTIONS ET GENERALITES
I.A) LA RECHERCHE IMPLIQUANT LA PERSONNE HUMAINE (RIPH)
I.A.1) Définition
I.A.2) Réglementation de la recherche clinique et son historique
I.A.1) Les différentes catégories de la RIPH
I.B) LES ESSAIS CLINIQUES CONCERNANT UN MEDICAMENT EXPERIMENTAL
I.B.1) Notions Générales
I.B.2) Les différents acteurs
I.B.3) Le parcours du patient inclus dans un essai clinique
I.B.4) Place du Pharmacien dans la RIPH
I.B.5) Organisation à l’hôpital de la Timone
I.C) LA PHARMACIE CLINIQUE EN FRANCE
I.C.1) Historique et définitions
I.C.2) Intérêt et pratique actuelle
I.D) PLACE DE LA PHARMACIE CLINIQUE DANS LES ESSAIS CLINIQUES 
I.D.1) Recommandations
I.D.2) Pratiques courantes
II) MISE EN PLACE D’ACTIVITE PHARMACIE CLINIQUE AU SEIN D’UN CENTRE D’ESSAI DE PHASE PRECOCE : RETOUR D’EXPERIENCE
II.A) ETATS DES LIEUX
II.A.1) Secteur EC de la PUI
II.A.2) Le CEPCM
II.B) PROJET INITIAL
II.C) MISE EN PLACE
III) RETOUR D’EXPERIENCE
INTERET DES ACTIVITES DE PHARMACIE CLINIQUE AU SEIN D’UN CENTRE D’ESSAIS CLINIQUES DE PHASE PRECOCE EN CANCEROLOGIE ET SATISFACTION DES PARTICIPANTS
IV) DISCUSSION
V) CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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