Existence de frontières dans la répartition de la population

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Existence de frontières dans la répartition de la population

Il existe des frontières que l’on peut voir à l’oeil nu dans le paysage urbain du XVIIème mais il existe également des limites dans la répartition sociale. Le schéma historique d’un Ouest bourgeois et d’un Est populaire est depuis quelques années remis en question.
Par ailleurs le XVIIème est un arrondissement périphérique ce qui entraine également des différences sociales suivant l’axe Nord/Sud.
Pour expliquer cela je vais m’appuyer sur les interviews effectuées, l’évolution du prix du m² par la Chambre des Notaires de Pairs, ainsi que sur des excursions dans l’espace public pour essayer de révéler ces frontières.
Comme nous l’avons vu précédemment la formation du XVIIème laisse présager un contraste important de part et d’autre de la voie ferrée qui ne fit que se confirmer par la suite. On parle du beau XVIIème pour qualifier les quartiers aisés des Ternes et de la Plaine Monceau et de mauvais XVIIème les Batignolles et les Epinettes.
Les habitants des Batignolles et des Epinettes étaient plus populaires que ceux de la Plaine Monceau et des Ternes.

DE : Et le quartier, c’était quel type de population ?

Mme A : C’étaient des gens plus simples qu’ici, moins bourgeois. Mais bon. Je n’y trainais pas, je prenais le 31 je m‘arrêtais à la station près d’elle [une de ses amies qui habitait aux Batignolles], je montais dans son appartement mais ça ne me déplaisait pas comme quartier. Ce n’était pas mal fréquenté, pas du tout. Il y avait des commerces, y avait des opticiens. Il y avait, dans cette avenue, pleins de commerces, il y avait la mairie du XVIIème. C’était moins bourgeois, mais bien !
Mme H : Ah oui ça c’est sûr ! Ah oui oui oui. Il y a davantage d’artisans de l’autre côté, c’est-à-dire aux Batignolles que dans notre quartier. Ici il y a davantage de professions libérales. C’est un peu ça.
Les habitants des quartiers aisés n’allaient pas de l’autre côté du pont, ne le connaissaient pas, c’était un autre monde que ce soit il y a 30 ans quand Mme Max était enfant ou durant la jeunesse de Mme Hua il y a 70 ans.

DE : Et le quartier des Epinettes, quand tu étais enfant c’était comment ?

Mme M : Dans mon idée, mais c’est vrai que nous n’y allions pas vraiment. C’était plus populaire. C’était plus populaire donc du coup pour nous ça paraissait un peu plus folklorique, tu vois.
DE : C’était populaire parce que c’était des ouvriers ?
Mme M : Oui je pense que c’était plus ça.
DE : c’était une population étrangère ?
Mme M : Je pense qu’il y avait déjà des étrangers. Et en effet plus étrangers, ouvriers. Oui.
Ils ne s’y déplaçaient vraiment que pour des raisons importantes, ils n’y allaient pas s’y balader comme ça. Mme Audry allait aux Batignolles pour voir son amie ou aux Epinettes durant son trajet vers le marché Saint Pierre. Pour les habitants du « bon XVIIème », passer le pont ne se faisait pas sans raison valable, car ils ne connaissaient presque personne, les populations ne se mélangeaient pas. Selon certains la frontière n’était pas le Pont Cardinet mais la rue de Tocqueville : la frontière à la fois administrative entre les Batignolles et la Plaine Monceau et entre les paroisses parisiennes, entre l’Eglise Sainte Marie des Batignolles et Saint François de Sales, une des églises de la Plaine Monceau.
M. VDE : Il y a d’abord deux XVIIème [ …] Mais disons que le XVIIème, je vous répète une chose qui est peut-être un peu fausse : on considère que le XVIIème qui se termine ici, il s’arrête là, à la rue de Tocqueville. […] Jusqu’à rue de Tocqueville c’est très bien. Pourtant il y a quand même la mairie qui est un édifice très important, c’est la ville sur le plan historique.
Cette frontière était plus que virtuelle pour certains et marquaient la limite géographique de leurs relations ainsi que celles de leurs familles.
AI : Jusqu’à il y a peut-être 40 ans il y avait une frontière virtuelle dans le 17ème qui était la rue de Tocqueville. Bon c’était la frontière à ne pas dépasser. Les bourgeois habitaient d’un côté de la rue de Tocqueville et dès qu’on habitait du côté pair de la rue de Tocqueville c’était déjà moins bien. […]
DE : Mais il y avait vraiment des différences dans la rue de Tocqueville entre les côtés impair et pair?
AI : Oui, oui. Habiter du côté pair de la rue de Tocqueville ce n’était pas bourgeois, ce n’était pas acceptable pour certaines familles très bourgeoisies.
DE : Parce que c’était.. ?
AI : Parce que c’était déjà trop près, me semble-t-il des Epinettes.
C’était les Epinettes quasiment. Enfin il y a quarante, cinquante ans. Je n’ai pas connu cela évidemment, ce sont des propos de dames d’un certain âge que je connais et qui habitent le quartier depuis toujours.
Elles m’ont raconté cela, oui. Il y avait comme ça une frontière : les enfants qui habitaient d’un côté ne jouaient jamais avec les enfants d’en face. C’était impossible ! Enfin en général, après…
DE : Heureusement je suis arrivée plus tard !
AI : Oui, on ne pouvait pas jouer avec les enfants de l’autre bord. Il y avait interdiction totale. Enfin chez certaines familles.
Certains allaient même jusqu’à changer l’identité de leur rue afin de se Fig 29 à 34. (Fig 29 – 31) Hôtels particuliers rue Fortuny, (Fig 32-34) immeuble aux Batignolles dissocier des autres habitants, plus populaires qu’eux.
AI : Et la rue Legendre autrefois vous le savez sans doute s’appelait rue Legendre jusqu’au grille du parc Monceau. Elle a été débaptisée à la fin du siècle dernier, au début du 20ème siècle pour prendre le nom de rue Georges Berger parce que les gens n’en pouvaient plus d’habiter rue Legendre. Les bourgeois qui habitaient dans cette portion de la rue Legendre ont fait une pétition et ont obtenu un changement de nom de la rue Legendre pour qu’elle s’appelle rue Georges Berger.
DE : Parce que justement en l’étudiant je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de caractéristiques de cette rue qui n’étaient pas ailleurs. Par exemple, les arbres c’est la seule portion de la rue Legendre où il y a des arbres alors qu’il n’y en a pas ailleurs. Du coup c’était vraiment comme si c’était une zone totalement à part.
AI : Complètement.
DE : Même les rues sont beaucoup plus larges.
AI : Beaucoup plus larges, etc… Oui, oui. Ça commence à la place Lévis, en face de l’Eglise, etc.. Et sociologiquement, les habitants ne sont pas du tout les mêmes effectivement. Ça n’a pas varié. Mais au début du siècle, enfin je ne sais pas il faudrait vérifier la date exacte, il y a eu ce changement de nom à cause des habitants qui ne voulaient plus habiter rue Legendre. C’était un déclassement total. C’est dire ce qu’il y avait de l’autre côté. Mais on ne voulait pas être assimilé à un ouvrier, un artisan j’imagine.
La rupture sociale entre les habitants des deux rives étaient impressionnantes. Il existait également des divergences entre les Ternes, plus internationales et commerciales, et la Plaine Monceau, plus résidentielle. Mais, en comparaison avec les deux autres quartiers, leurs populations semblaient homogènes entre elles.
Il y a également des distinctions dans les bâtiments entre les deux côtés de l’arrondissement comme on peut le voir sur les photos d’époque (figures 25 à 28). L’Ouest s’est davantage construit avec des bâtiments Haussmanniens et des hôtels particuliers où des gens célèbres vécurent tels que Marcel Pagnol, Sarah Bernard, Claude Debussy ou encore Sara Diba lors de ses visites à Paris. On en trouve notamment rue Fortuny comme sur les photos des figures 29,30 & 31. A l’Est on retrouve des belles constructions mais leur nombre est nettement moindre.
Mme A : Le 17ème c’était des petits hôtels particuliers finalement ce coin-là. D’ailleurs en face on a trois petits immeubles c’était des petits hôtels particuliers ça.
DE : Maintenant ce sont des immeubles ?
Mme A : Maintenant certains sont restés. Sur la rue de Prony qui amène au Parc Monceau il reste encore de jolis hôtels particuliers.
Alors quelque fois c’était des femmes entretenues qui habitaient ces hôtels. On avait une personne qui venait servir des diners à la maison.
Elle connaissait tout le quartier. Elle, elle vous en aurait raconté en long et en large. Alors elle connaissait cette vie-là bourgeoise et d’actrices, de gens qui avaient des hôtels particuliers. […]
DE : Vers la rue Fortuni aussi.
Mme A : Oui peut-être.
La différence est également notable au niveau des jardins publics, notamment entre le Parc Monceau et le Square des Batignolles. Bien que le Parc Monceau appartienne géographiquement au VIIIème arrondissement, nombre de ses usagers sont des habitants du XVIIème.
Tout d’abord on peut noter la distinction par leur appellation.
Parc : Terrain clos, en partie boisé, ménagé pour la promenade, l’agrément.
Square : Petit jardin public, généralement clôturé.
Pour certaines personnes un parc est simplement plus grand qu’un square mais semble également plus fourni et travaillé.
Mme H : Le parc Monceau c’est plus léché si vous voulez. Le parc Monceau est au VIIIème
Leur création diverge aussi. Le Parc Monceau est le vestige des folies de la famille d’Orléans, entouré d’hôtels particuliers et de constructions Haussmanniennes. Le jardin des Batignolles a été construit le long de la ligne Paris – Saint Germain.
Mme A : On arrive dans le parc Monceau entouré de ces hôtels particuliers prolongés parfois par des jardins. C’était des petits hôtels particuliers. Comme de l’autre côté du Parc Monceau, tout un côté du Parc Monceau c’était des hôtels particuliers qui avaient une petite porte qui donnait dans le parc. Vous avez vu ça. Je suis allée une fois visité Camondo. Le premier là. […]

DE : Et le Parc Monceau il a changé dans sa configuration ou c’est toujours pareil ?

Mme A : C’est toujours pareil. Mais ce qui a c’est que quand nos enfants envoyaient un ballon sur une pelouse on se disait faut aller le chercher quand même. Et alors on voyait des cerbères qui venaient.
On envoyait un enfant chercher le ballon. Mais c’était une permission tolérée ! On n’avait pas le droit d’aller sur les pelouses !
Mais les habitants qui affirment la différence entre les deux parties de l’arrondissement ne fréquentent pas seulement que le Parc Monceau. Le square des Batignolles a un côté plus naturel et les chemins de fer représentent une attraction pour les enfants.
M. VDE : Vous connaissez très bien puisque vous habité à côté, moi je vais toujours dans le charmant petit jardin qui est à côté de nous, celui des… Je ne crache pas sur le Parc Monceau […] C’est très chic c’est très bien c’est un peu snob et puis un peu nouveau riche. Enfin perpétuellement riche. Mais celui-là il est beaucoup plus charmant !
DE : Les Batignolles ?
M. VDE : Oui ! C’est remarquable ! Alors il n’y a personne à voir. Alors les gens viennent c’est plus que moche les gens traversent mais c’est un endroit charmant j’y vais tout le temps, au moins deux fois par jour. C’est à quoi je dirai 800m. […] Plutôt que d’aller dans le Parc Monceau je préfère beaucoup plus aller dans le mien parce que le mien est beaucoup plus simple, il me fait penser à la campagne où j’ai vécue quand j’étais enfant enfin quand les enfants adorent beaucoup plus la campagne que Paris, ça c’est archi connu.

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Table des matières

Introduction
Présentation des personnes interviewées
PARTIE I : XVIIème – Importance du phénomène de frontière
I – Frontières, établies lors de la création du XIIème ou dues à la geographie
« Pour bien comprendre ce quarter qu’est le XVIIème, il faut évoquer les enceintes de Paris.»
« De l’autre côté des ponts»
«Mais c’est psychologique. Ça existe dans toutes les villes, quand il y a des grands boulevards ça fait une barrière.»
«Ceux qui sont en bas dans la rue des Moines ne vont pas forcément remonter en haut faire leurs courses.»
II – Existence de frontières dans la répartition de la population
« Mademoiselle vous savez qu’il y a le bon XVIIème et le mauvais XVIIème.»
« Je dirai que c’est la jeune population qui a franchi le pont»
« Il y a une différence parce que tu es moins dans le coeur. Tu es plus en périphérie du quartier.»
« Ça s’agrandit très vite. Regardez les dates sur les immeubles. Mais bon du coup les gens changent.»
«Promenez-vous dans les rues, vous allez vous apercevoir qu’elles changent entre les quartiers.»
PARTIE II : XVIIème – Peut-on parler d’uniformité entre les frontières ?
I – Présence de zones hétérogènes
« Y a quand même une grande hétérogénéité sociale mais très fortement localisée avec une ségrégation sociale. »
« Pour le coup ce qui est vraiment révélateur c’est l’école. »
« Le XVIIème ou la nouvelle terre promise »
« Je dirai qu’il y a plus que quatre quartiers »
II – La disparition des villages tient du changement du rez-de-chaussée
« Si vous voulez on avait des relations avec les commerçants qui étaient presque familiales »
«Les gens sont moins fidèles maintenant qu’il y a 20 ou 30 ans où les gens avaient leurs commerçants un peu attitrés.»
« Y a quinze ans en arrière il n’y avait que des commerces de bouche. »
PARTIE III : XVIIème – Etude de cas
I – Gentrification des Batignolles
« Le quartier est devenu, je dirai, presque dans le haut de gamme. »
« Je ne sais pas pourquoi le quartier s’est transformé »
« Ça commence à ressembler un peu au Marais vous voyez »
« Maintenant dans le temps est-ce que ça va être bien ? »
II – La mixité artificielle de la ZAC Clichy Batignolles
« C’est mixte de chez mixte là-bas »
« Il y a 50% de logements à peu près c’est ce qu’on m’a dit. Donc c’est ça aussi qui fait fuir les bourgeois du quartier. »
« C’est du neuf mais par contre dans le temps je ne sais pas ce que cela donnera. »
Conclusion
Médiagraphie
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