Existe t-il des limites à l’atelier individuel autonome ? 

Problématique

Nos différentes recherches nous ont permis d’identifier les éléments-clés à considérer dans la mise en place d’ateliers individuels autonomes afin de garantir un apprentissage riche et varié pour chaque élève.
Outre la nécessité de proposer une variété d’ateliers diversifiés, progressifs et en phase avec les programmes, nous nous sommes vite interrogés sur le rôle que nous devions avoir en tant qu’enseignant pour garantir le développement de compétences des élèves via ces ateliers autonomes.
En effet, devons-nous nous tendre vers l’approche traditionnelle montessorienne, favorisant une présentation individuelle de chaque atelier, limitant le rôle de l’adulte à l’observation et à l’orientation vers de nouvelles activités avec du matériel autocorrectif ?
Ou devons-nous au contraire être présent avant, pendant et après la pratique autonome des élèves comme le recommande la séquence issue de la BSD ?
Comment concilier notre contrainte de ne pas être dérangés lors de nos ateliers dirigés mais néanmoins de pouvoir nous assurer que les élèves soient bien dans une démarche d’apprentissage ?
Comment, en amont, poser un cadre propice à l’activité autonome de l’élève ?
Comment mettre en place les principes d’étayage et désétayage, durant l’activité, sans interférer sur son autonomie ? Comment contribuer au développement de la métacognition de l’élève à la suite de son activité ?
Ainsi, notre problématique sera de définir le rôle de l’enseignant dans les ateliers individuels autonomes d’inspiration Montessori pour lui garantir une position d’apprenant. Il va devoir guider l’élève vers cette autonomie nécessaire à son développement. Mais quelles vont être la nature de ces différentes interventions ? Quels sont les outils dont il dispose ? Quel est la « bonne » posture à acquérir ?

Méthode d’investigation

Notre étude est basée sur l’observation de l’activité réelle de deux classes de maternelle, où les enseignantes ont mis en place des ateliers autonomes d’inspiration Montessori.
Nous avons pour ce faire choisi deux enseignantes qui nous paraissent complémentaires dans leur pratique et approche de ces ateliers :
✓ Valérie Viviani, enseignante de petite et grande section à l’école Jacques Prévert (Agde), maître-formateur qui a plus de 20 ans de pratique dans l’enseignement et qui a mis en place ces ateliers dans sa classe de PS/GS depuis 8 ans environ,
✓ Sandy Colas, enseignante de moyenne et grande section dans l’école REP+ Marie Pape-Carpantier (Montpellier), maître-formateur ayant mis en place ces ateliers pour la première année mais ayant déjà une dizaine d’années d’expérience dans le métier.

Cadre théorique

Afin d’appréhender le rôle de l’enseignant dans les ateliers autonomes d’inspiration montessorienne, nous avons donc analysé des professeurs des écoles ayant mis en place ce type d’ateliers.
Notre méthode d’analyse de leurs pratiques sera basée sur la théorie du cours d’action par Theureau (2004). Le cours d’action est défini comme « l’activité d’un acteur déterminé, engagé dans un environnement physique et social déterminé et appartenant à une culture déterminée, activité qui est significative pour ce dernier, c’est-à-dire montrable, racontable et commentable par lui à tout instant de son déroulement à un observateur-interlocuteur » (2004, p.48).
Ainsi, l’analyse du cours d’action permet d’avoir accès à des détails de l’activité du sujet et participe à la compréhension de ses actes. Cette méthode de recherche peut donc être qualifiée d’empirique car elle est ancrée dans l’activité réelle d’une classe et ne répond pas de grands principes et théories a priori.
Elle est donc particulièrement pertinente dans l’étude du fonctionnement d’enseignants car elle considère à la fois les actions mais aussi les préoccupations, connaissances, intentions mobilisées lors des prises de décision et actions du sujet étudié.
Deux hypothèses énoncées par Theureau (2010) sont significatives pour illustrer les composantes de l’activité humaine : l’énaction et la conscience préréflexive.
L’énaction représente le processus d’interaction asymétrique entre les acteurs et leur environnement. Ainsi, l’activité cognitive d’un acteur est la résultante de son environnement et des différentes interactions avec celui-ci. Ces interactions sont asymétriques car les réponses et actions de l’acteur évoluent à chaque instant en fonction des perturbations anticipées ou vécues de par son environnement. Suite à cette énaction, Theureau (2010) émet l’hypothèse qu’un « acteur humain peut à chaque instant, moyennant la réunion de conditions favorables, montrer, mimer, simuler, raconter et commenter son activité – ses éléments comme son organisation temporelle complexe – à un observateur-interlocuteur » : c’est ce qu’il appelle la conscience préréflexive.
Ainsi, l’accès à cette conscience préréflexive permet à l’observateur-interlocuteur d’accéder à la subjectivité de l’expérience vécue par l’acteur.
Pour investiguer ces deux hypothèses au travers de notre travail de recherche, nous avons donc recueillis deux types de données :
✓ des données d’observation et d’enregistrement vidéo des activités réelles de chacune des enseignantes en classe,
✓ des données « d’auto-confrontation » issues d’entretiens consécutifs à l’activité filmée : les enseignantes visionneront des extraits de vidéos que nous aurons sélectionné et commenteront le déroulement de leurs activités en prenant en compte leurs actions, perceptions et émotions. Le rôle de l’observateur sera d’éviter toute interprétation ou généralisation. Nous nous attacherons donc à analyser leurs postures, pratiques langagières en amont, en cours et en aval des ateliers réalisés par les élèves.

Cadre méthodologique

La théorie du « cours d’action » décrite précédemment nous a conduit à mettre en place une sorte de recueil de données de l’activité de classe : l’entretien d’autoconfrontation, mené parallèlement avec les deux enseignantes.

L’auto-confrontation

Comme précédemment exposé dans la théorie du cours d’action de Theureau, une des composantes essentielles pour comprendre l’activité effective de l’enseignante est d’accéder à sa conscience préréflexive.
Or, comme l’expose Theureau (2010) l’entretien d’auto-confrontation représente une « expression différée de la conscience préréflexive, en interaction avec son contrôle par le chercheur, grâce à une remise en situation de l’acteur par l’intermédiaire d’une observation ou d’un enregistrement du comportement de ce dernier ».
Afin d’obtenir un recueil de données qualitatif, un contrat doit être préalablement rempli avec l’acteur : pour accéder à sa conscience préréflexive, ce dernier doit se contenter d’expliciter son activité, nous donner accès à l’implicite de ses actions mais il ne doit pas chercher à analyser son activité. Il est aussi nécessaire d’éviter que l’acteur ne documente son activité par des généralités.
Ainsi, le rôle de l’interlocuteur-observateur pourra être d’orienter ou de réorienter les propos. Le contenu des interventions pourra contenir d’après Leblanc (2013) :
✓ le déroulement de la situation
✓ ses préoccupations
✓ ses attentes
✓ ses interprétations (le sens des évènements produits)
✓ ses actions
✓ ses sentiments du moment
✓ ses apprentissages éventuels ou potentiels
Afin de mettre l’acteur dans de bonnes conditions d’auto-confrontation, l’observateur-interlocuteur devra prendre soin de bien préciser les règles inhérentes à cette méthode de recherche mais également exposer les conditions éthiques pour rassurer le sujet et établir une relation de confiance entre eux.
Ainsi, la méthodologie utilisée a consisté à filmer une séquence de classe de 60 min, correspondant à un regroupement et à une séance où les élèves travaillent en atelier autonome. Notre vidéo était alors exclusivement orientée sur les actions de l’enseignante au cours de cette séance, qui, équipée d’un micro, nous a donc donné accès à ses actions et interventions avec ses élèves. Nous avons pris soin de nous faire les plus discrets possibles pour ne pas interférer avec l’activité de classe et retranscrire une activité réelle de l’enseignante et des élèves la plus naturelle possible.

Recueil des données

Analyse globale de Valérie Viviani

Récit réduit

Tout d’abord, nous avons pris le parti de construire un récit réduit de l’activité du point de vue de l’enseignante. A partir des 47 minutes de vidéo où nous avons filmé l’activité effective de classe, nous avons discrédité le flux d’action de l’enseignante en 274 unités significatives élémentaires (annexe I). Chacune de ces unités d’expérience nous permettent d’identifier précisément l’action et la/les préoccupations de l’enseignante.
Nous avons ainsi pu rassembler les préoccupations récurrentes de l’enseignante et donc reconstruire le flux d’action en unités significatives de rang supérieurs : les macro-préoccupations.
Ainsi, voici les 8 macro-préoccupations qui reflètent le flux d’action de l’enseignante lors des ateliers autonomes mis en place dans sa classe, identifiés à partir des 47 minutes de vidéo :
1. Rappeler les règles de fonctionnement des ateliers autonomes
2. Développer un climat de confiance où l’erreur fait partie de l’apprentissage
3. Apporter un étayage pour stimuler ou relancer le travail de l’ élève
4. Mettre à jour le matériel pour permettre à un élève de continuer son activité
5. Faire patienter un élève qui la sollicite
6. Evaluer le travail réalisé par un élève
7. Valoriser l’investissement ou la réussite d’un élève
8. Inciter les élèves à valider l’atelier autonome effectué

Analyse affinée de chaque macro-préoccupation

A partir de ces macro-préoccupations, il est intéressant de les analyser individuellement pour voir leur poids et donc leur importance dans l’activité de l’enseignante. Ainsi, le tableau ci-joint identifie en orange le pourcentage d’occurrences de chaque macro-préoccupation ainsi que le pourcentage qu’elles représentent. Dans les colonnes rouges, est identifié le nombre d’unités d’action effectuées durant la phase d’AVANT pour chaque macro-préoccupation, ainsi que le pourcentage qu’elles représentent au sein de la macro-préoccupation, en opposition à celles réalisées durant la phase du PENDANT.

Analyses locales de Sandy Colas

Elle est réalisée à partir de l’entretien d’auto-confrontation et d’une grille d’analyse tétradique (Theureau, 2004) comportant quatre entrées : les préoccupations, ce qui fait signe, les actions/émotions et les connaissances mobilisées.
À ce stade, il est intéressant de noter que ce qui préoccupe le plus l’enseignante et qui est ressorti durant l’entretien concerne les macro-préoccupations « Gérer le matériel et l’organisation de la classe/élève » et « Apporter une aide à l’élève » alors qu’elles n’arrivent, respectivement qu’en 5 et 7ème position en nombre d’unités d’action. Le tableau suivant reprend le nombre d’interventions concernant les différentes macro-préoccupations de l’enseignante.

Analyse croisée des deux enseignantes

Nous avons volontairement choisi deux enseignantes ayant une expertise dans leur métier (toutes deux PEMF et ayant plus de 10 ans d’ancienneté) mais avec une expérience différente des ateliers individuels autonomes : Valérie Viviani utilise ce fonctionnement depuis plus de 8 ans dans sa classe de PS/GS, alors que Sandy Colas a débuté activement leur mise en place depuis cette année dans sa classe de MS/GS. D’une manière générale, les deux points significatifs de leur gestion des ateliers autonomes sont le fait qu’elles sont présentes à 100% pour les élèves durantce temps et ne sont pas en train de mener en parallèle un atelier dirigé. Comme le rappelle Valérie Viviani dans son entretien d’auto-confrontation, cette implication est intense car l’enseignant a de nombreux rôles à assumer et doit être sur tous les fronts : « Donc du coup, je me rends compte que je commence à être un peu submergée, lui machin, lui qui évalué ça, lui qui a coché, tamponné dans son cahier d’autonomie, lui là, là ça commence à speeder un peu. »
L’autre point important due à leur expérience d’enseignantes est qu’elles connaissent parfaitement leurs élèves. Ainsi, cela leur permet d’adapter leurs étayages en fonction du tempérament et des possibilités de leurs élèves. Leurs interventions en sont d’autant plus pertinentes. Valérie Viviani l’illustre très bien lors d’une intervention de son entretien d’auto-confrontation : « Alors le fait qu’effectivement je travaille comme ça, et que j’ai passé mon cafipemf m’a permis d’avoir une lecture un petit peu, d’être observatrice de ma propre classe. Ca c’est pas donné à tout le monde. Voilà. On arrive avec l’expérience à prendre du recul et ne plus avoir la tête comme ça et pouvoir dire tiens il faut être capable d’observer ses élèves pour justement revenir sur. » (intervention 37)
En plus de ces deux points généraux, les analyses globales du cours d’action que nous avons menées ont mis en exergue que 5 macro-préoccupations issues de l’analyse de la pratique de classe sont identiques pour les deux enseignantes :
✓ elles consacrent toutes les deux du temps à rappeler les règles de fonctionnement des ateliers autonomes et à faire respecter ce cadre,
✓ elles fournissent toutes les deux un étayage aux élèves qui ont besoin d’aide ou d’être relancés dans leur travail,
✓ elles réorganisent le matériel des ateliers qui ont besoin d’être mis à jour pour permettre le travail effectif des élèves,
✓ elles sont attentives à une mise au travail efficace de leurs élèves,
✓ elles mettent un point d’honneur à encourager et valoriser les réussites de leurs élèves.
Nous pouvons donc en conclure que la mise au travail, le cadre, l’étayage, l’organisation matérielle et la valorisation sont des préoccupations communes qui sont significatives dans le rôle qu’un enseignant doit adopter lors de ce type d’ateliers.
En nous attachant à analyser leurs pratiques dans un grain plus fin, soit au niveau de l’unité d’action, nous constatons d’autres convergences.
Leur méthode d’étayage est assez similaire : elles cherchent majoritairement à donner la parole à l’enfant, en lui posant successivement différentes questions pour l’amener à réfléchir sur son activité et sa pratique.Comme l’illustre ce passage où Sandy Colas pose des questions à Myriam.

Discussion

Quelle(s) posture(s) à adopter ?

Le coeur de notre travail de recherche est le rôle de l’enseignant autour des ateliers individuels autonomes. Comment ce dernier doit-il se positionner face aux élèves ?
Quels comportements doit-il adopter ? À ce stade de notre mémoire, nous allons croiser les informations apprises grâce à l’état de l’art et les informations que nous avons pu extraire des deux observations effectuées.
Dans leur recherche sur les différentes postures des enseignants et des élèves, Bucheton et Soulé (ibid.) partent d’un constat : les élèves ne changent que très peu « le cours de leur activité et la nature de leur engagement » face à des gestes isolés comme un « chut » ou une remarque positive. En revanche, ils sont beaucoup plus sensibles aux évolutions de positionnement de leur enseignant. Ces différentes attitudes sont nommées par ces chercheurs comme des « postures d’étayage ». Ils en donnent la définition suivante : « ce sont des organisations récurrentes de gestes faisant système, orientant et pilotant l’action des élèves de façon spécifique ». Ils repèrent six postures d’étayage différentes avec des gestes professionnels spécifiques à chacune d’elle (cf tableau dans la partie « qu’en disent les chercheurs ? » p.10). Àpartir de ces différentes définitions, nous allons essayer de nommer la posture principale adoptée par les enseignantes observées durant les ateliers individuels autonomes. Nous précisons que cette posture n’est ni linéaire durant toute la séance ni forcément révélatrice de la personnalité de l’enseignante.
Nous allons principalement nous appuyer sur la récurrence de certaines unités d’action, sur l’importance accordée à chaque macro-préoccupation, sur des exemples observés et sur l’entretien d’auto-confrontation.
La posture principale de Valérie Viviani, telle que définie par Bucheton et Soulé (ibid.), est une « posture de contrôle ». En effet, le pilotage de cette dernière est serré avec un fort cadrage. Sa deuxième macro-préoccupation est « rappeler les règles de fonctionnement des ateliers autonomes » avec 54 unités d’action. De plus, c’est aussi sur cela qu’elle revient très souvent dans l’entretien d’auto-confrontation, à neuf reprises. Elle précise même « mon rôle c’est de faire respecter le cadre » (cf UE3, p. 31).
Les gestes d’évaluation sont omniprésents avec 50 et 46 unités d’action respectivement pour les macro-préoccupations « évaluer le travail réalisé par un élève » et « inciter les élèves à valider l’atelier autonome effectué ». Elle se positionne comme une « tour de contrôle », effectuant de très nombreux tours de classe pour aller voir les élèves plusieurs fois dans la séance.
En revanche, nous ne pouvons pas dire que l’atmosphère de sa classe est tendue.
Les élèves circulent librement, parlent, discutent, sont tous actifs dans le respect des autres. Ils sont dans le « faire ».
La posture principale de Sandy Colas est une « posture d’accompagnement ». Elle se positionne aux côtés de ses élèves. Le pilotage de la classe est souple et ouvert.
Ce soutien est individualisé en fonction de l’avancé de chacun et des difficultés rencontrées. Cela se traduit par une omniprésence d’unités d’action (58) regroupées dans la macro-préoccupation « amener l’élève à s’interroger ». Elle ne donne qu’en dernier recours la réponse à l’élève. Ceci à pour but d’obliger ce dernier à avoir une attitude réflexive sur ce qu’il est en train de faire. Meirieu (ibid.) parle de métacognition comme une activité indispensable à la structuration des savoirs.
L’enseignante a aussi une volonté d’« apporter une aide aux élèves » (19 unités d’action) en leur proposant des outils référents qui pourraient leur facilité la tâche entreprise. Ceci peut s’illustrer par l’exemple suivant : elle propose à un élève de prendre les chiffres rugueux puis dans l’auto-confrontation elle dit : « je rappelle l’utilité des chiffres rugueux, quand on a à écrire des chiffres en l’occurrence, ils s’en servent beaucoup et je continue à aiguiller constamment sur l’utilité que ça peut avoir pour eux ».
L’atmosphère est détendue et collaborative. Les élèves se déplacent librement, échangent et discutent. Ils ont aussi le souci d’aider les autres. Ceci peut être une conséquence du double niveau mais pas seulement. C’est une chose sur laquelle l’enseignante insiste beaucoup et valorise. Elle demande par exemple à Shaïma de venir aider Soheib sur son activité du Katamino.
Il existe donc plusieurs postures possibles pour l’enseignant face aux ateliers individuels autonomes. Toutefois, nous pouvons nous demander laquelle est à privilégier ? Quelle est celle qui permet à l’élève d’être un réel acteur de son apprentissage ? Celle qui le met dans une « posture réflexive » et non de simple exécutant.

Existe t-il des limites à l’atelier individuel autonome ?

La mise en place d’ateliers individuels autonomes apporte sans conteste de nombreux avantages pour les enseignants comme pour les élèves : développement de l’autonomie, liberté de choix, différenciation, motivation, etc.
Néanmoins, lors de nos pratiques de classe, nous avions identifié certaines limites au dispositif d’ateliers individuels autonomes, confortées par l’analyse des situations de classe que nous avons réalisé lors de notre recherche.

Le bruit

En effet, nous avons tout d’abord constaté que le niveau sonore avait tendance à augmenter pendant ces moments-là : comme les élèves circulent librement dans la classe, ils ont tendance à bavarder mais ces discussions permettent aussi des échanges constructifs, des moments d’entraide avec leurs camarades. Cette configuration peut représenter un frein et une fatigue à la fois pour l’élève et pour l’enseignante. Nous constatons en effet que le bruit représente une préoccupation pour nos enseignantes qui en parle toutes les deux dans leur entretien, comme l’illustre Sandy Colas dans ce passage : « je pense que d’une manière générale, ça peut être une préoccupation, parce que c’est mon bien être à moi, ou celui des enfants je ne sais pas, mais déjà le mien, et puis voilà, j’ai tendance à penser qu’on travaille mieux, que c’est plus facile d’être concentré quand il y a un environnement sonore un peu, enfin pas trop élevé quoi »

La préparation matérielle

Afin de renouveler, faire progresser et rendre attractif les ateliers, l’enseignant doit régulièrement consacrer du temps à modifier/ajouter de nouvelles activités. Les ateliers pratiqués nécessitent également régulièrement des mises à jour, et l’activité réelle des enseignantes montre qu’elles y consacrent entre 5 et 9% de leur temps pendant les ateliers. À la question posée à Sandy Colas après l’entretien « quelles sont les prochaines étapes ? », elle revient, encore, sur ce problème : « C’est consolider vraiment l’organisation matérielle pour faire en sorte qu’ils soient encore plus autonomes, encore plus efficaces ». Enfin, ce dispositif nécessite un aménagement spécifique de la classe et la mise en place d’un espace dédié.

L’évaluation

La correction immédiate et individuelle prend beaucoup de temps. Cela demande une grande disponibilité de l’enseignant, comme l’illustre Valérie Viviani, qui se qualifie de « submergée » vers la fin du temps d’ateliers autonomes. Ainsi, une des solutions serait de tendre vers plus d’auto-correction, pour permettre à l’enseignant d’être disponible pour les élèves en difficulté, les stimuler, rappeler les consignes…
Mais la mise en place d’ateliers auto-correctifs (comme le préconise la pédagogie Montessori) nécessite beaucoup de recherches et de préparation, et parfois impliquerait l’achat d’un matériel couteux et spécifique.

L’organisation dans le temps

Il est difficile d’effectuer ce fonctionnement toute la semaine : malgré une implication énorme des enseignantes, prenant soin de couvrir tous les domaines d’apprentissage et garantissant une progressivité et une différenciation des apprentissages, les enseignantes ont conservé un fonctionnement mixte composé d’ateliers dirigés. Valérie Viviani confirme, lors d’un entretien explicatif, qu’elle ne pratique pas les ateliers autonomes sur tous les créneaux car ce fonctionnement est extrêmement prenant et énergivore.
De plus, ce dispositif, même s’il propose parfois des situations de recherche, vise principalement des situations de réinvestissement. Comme l’expose Valérie Viviani dans l’entretien post auto-confrontation, elle introduit régulièrement en cours d’année de nouveaux ateliers autonomes qui réinvestissent un apprentissage déjà abordé en atelier dirigé ou collectif. Sandy Colas, même s’il elle nous confirme qu’elle effectue de moins en moins d’ateliers dirigés, maintient néanmoins des ateliers dirigés pour pratiquer du langage oral, difficilement réalisable et évaluable en atelier autonome.

La gestion des élèves face à l’autonomie

Certains élèves peuvent être déstabilisés par l’autonomie : les plus lents, les rêveurs en font moins, les élèves peu persévérants peuvent abandonner leur atelier sans l’avoir achevé par incompréhension ou difficultés, certains élèves semblent avoir besoin d’un cadre plus rigide où l’adulte les guide.
Nous avons pu observer dans la classe de Valérie Viviani le cas d’Ilyes, qui est déconcerté par l’atelier qu’il a choisi et dit : « mais ça va durer longtemps ? ».
Comme l’explique l’enseignante, le choix de cet atelier met en difficulté cet élève qui n’en est pas à ce stade des apprentissages : « Déjà il est difficile pour lui, donc il a passé un cap, il est assis déjà c’est pas mal, mais en plus je pense que une feuille ça suffit. Parce que ça fait trop, après ça fait trop d’information, trop de petites étiquettes à positionner devant, il faut vraiment avoir une méthode de travail qui soit bien acquise. En tout cas bien assise si je peux me permettre ».
Dans la classe de Sandy Colas, le jeune Jahid ne sait pas choisir seul son atelier et son enseignante a en tête la nécessité de l’accompagner sur chaque temps autonome dans ce choix pour qu’il se mette au travail.
Cela fait écho à l’analyse que fait Joigneaux (ibid.), à savoir que la forme de travail en autonomie ne convient pas forcément à toutes les personnalités d’enfants. A partir de l’observation et l’analyse d’une trentaine de classes de maternelle pendant un an, il fait le constat que « l’observation fine de ce que font certains élèves en situation d’autonomie, sans que cela leur soit enseigné, permet de penser que tous les élèves de maternelle ne sont pas également prédisposés à être autonomes dans le sens attendu et valorisé par l’institution. »
A travers l’illustration d’une élève de Grande Section, marginalisée dans sa classe, il démontre que certains élèves, déjà en difficulté, peuvent pâtir de ce mode de fonctionnement qui les exclut encore plus, montre leur incapacité à travailler en autonomie et donc leur différence par rapport aux autres enfants.
En effet, dans le cas où le comportement de l’enseignante témoigne d’une reconnaissance inégale de l’autonomie de chacun de ces élèves, ceux qui se sentent le moins reconnus finissent par intérioriser cet « ordre des choses ». Ainsi, comme l’explique Joigneaux (ibid.) « se sentant alors incapables (dès la maternelle) de toute activité intellectuelle « autonome », ils s’en remettent au bon vouloir des élèves beaucoup mieux reconnus qu’eux, dont ils cherchent parfois à s’attacher les faveurs (par exemple en leur réservant une place auprès d’eux) pour qu’ils les aident, voire fassent à leur place le travail demandé. »
Ainsi, comment accompagner au plus juste ces élèves qui se sentent exclus par ce système ? Comment favoriser la coopération entre élèves sans forcément que les plus faibles deviennent dépendants de l’aide des élèves les plus à l’aise ?
Ce genre de questions, pour lesquelles nous n’avons pas encore de réponses, nécessitera d’y accorder une attention particulière dans nos pratiques de classe pour ne pas renforcer les inégalités entre nos élèves.

Conclusion

Une des questions qui nous a animé tout au long de notre recherche est : devons nous tendre vers l’approche traditionnelle montessorienne, favorisant une présentation individuelle de chaque atelier, limitant le rôle de l’adulte à l’observation et à l’orientation vers de nouvelles activités avec du matériel autocorrectif ? La réponse est : pas forcément ! La preuve en est avec les deux enseignantes qui nous ont ouvert leur classe. Elles obtiennent d’excellents résultats avec leurs élèves en combinant la philosophie montessorienne et une approche plus « classique ». A cette question posée à la suite de l’auto-confrontation, « penses-tu que tes élèves ne seraient pas arrivés si rapidement vers ces apprentissages avec un enseignement dit classique ? », Sandy Colas, qui n’a mis en place ces ateliers que depuis la rentrée 2016, répond : « j’ai un peu cette conviction-là, oui, j’ai pas de certitude […]. Je pense que ça dépend des enfants mais pour pas mal d’entre eux, ça va plus vite. Après je ne suis pas chercheuse donc je ne peux pas évaluer ».
Dans tous les cas, ce travail de recherche nous a permis de prendre énormément de recul sur notre pratique de classe et de modifier plusieurs de nos agissements.
Nous avons pris d’abord conscience du rôle essentiel de l’enseignant pour permettre aux élèves d’aboutir à des apprentissages lors des ateliers autonomes.
Ainsi, il ne suffit pas de mettre en place un matériel progressif et pertinent, il est primordial que l’enseignant soit disponible à 100% auprès de ces élèves pour assurer différents rôles qui permettront à ces derniers de progresser : rappel des consignes, étayage, remise au travail, mise à jour du matériel, valorisation des efforts et des réussites, validation des ateliers effectués.
De plus, nous avons également mesuré la nécessité de proposer des ateliers proposant à la fois des situations de recherche mais aussi des situations de réinvestissement de notions présentées en atelier dirigé. Ainsi, ce fonctionnement mixte d’ateliers dirigés ou semi-dirigés et d’ateliers autonomes nous permet de proposer différentes configurations de travail correspondant aux besoins d’une majorité d’élèves.
Nous avons également pris conscience que comme tout système scolaire, certains élèves pourraient ne pas se sentir à l’aise ou valorisés par le mode de travail autonome et nous serons vigilants à ne pas laisser pour compte les élèves moins autonomes que d’autres.
Nous n’avons pas pu statuer sur la posture optimale de l’enseignant à adopter dans le cadre des ateliers individuels autonomes. Nous avons tendance à penser que cela dépend aussi de la personnalité de chacun, tout en ayant en tête les dérives que ces différentes postures peuvent amener.
Pour conclure, ce fonctionnement d’ateliers individuels autonomes nécessite une remise en question permanente de la part de l’enseignant qui les pratique : l’observation du comportement et du progrès des élèves sont des indicateurs essentiels à considérer pour modifier ou faire évoluer le matériel, les procédures de présentation ou d’étayage ou encore la posture de l’enseignant pour aboutir à de lamotivation, du plaisir et donc la réussite de tous les élèves.

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Table des matières
Résumé 
Table des matières
Introduction 
Qu’en disent les chercheurs ?
I. Vers une autonomie de l’élève
II. Accompagné par l’enseignant
Problématique 
Méthode d’investigation 
I. Cadre théorique
II. Cadre méthodologique
1.L’auto-confrontation
2.Le traitement des données
III. Recueil des données
1.Analyse globale de Valérie Viviani
2.Analyses locales de Valérie Viviani
3.Analyse globale de Sandy Colas
4.Analyses locales de Sandy Colas
5.Analyse croisée des deux enseignantes
Discussion
I. Quelle(s) posture(s) à adopter ?
II. Existe t-il des limites à l’atelier individuel autonome ?
Conclusion 
Remerciements
Bibliographie
Annexes

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