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Notre pratique de recherche (protocole de lโรcole de Paris du management)
Nous nous appuyons pour nos recherches sur notre activitรฉ au sein de lโรcole de Paris du management (EdP). Celle-ci fonctionne comme un cercle de rรฉflexion et dโรฉchange dรฉdiรฉ aux pratiques managรฉriales et entrepreneuriales. Elle est coanimรฉe par une รฉquipe de chercheurs1 en sciences de gestion. LโEdP est organisรฉe en thรฉmatiques aussi appelรฉes sรฉminaires. Chaque sรฉminaire est animรฉ par un chercheur qui a des activitรฉs de recherche et un rรฉseau relationnel important dans le domaine รฉtudiรฉ. Les sรฉminaires sont notamment : ยซ management de lโinnovation, crรฉation (management des mรฉtiers de la crรฉation), transformations numรฉriquesโฆ ยป Chaque sรฉminaire organise une dizaine de dรฉbats par an autour dโun retour dโexpรฉrience prรฉsentรฉ par un orateur, devant un public restreint qui interagit avec lui. Quelques dรฉbats, plus rares, sont construits autour dโune รฉtude ou dโune recherche ร propos de travaux rรฉcents prรฉsentรฉs par un chercheur. Lโorateur (gรฉnรฉralement un praticien dโentreprise, dโassociation, du secteur publicโฆ) vient prรฉsenter pendant une heure une expรฉrience (innovation, transformation, reconversionโฆ) avant dโรชtre questionnรฉ pendant plus dโune heure par un public restreint de praticiens, consultants et chercheurs. Lโensemble de lโintervention et du dรฉbat fait lโobjet dโun compte rendu rรฉdigรฉ avec soin (nous y reviendrons) dโune dizaine de pages et largement diffusรฉ.
Ce protocole de recueil dโinformation est inhabituel dans la recherche en gestion et mรชme suspect puisquโil est centrรฉ sur des tรฉmoignages et dรฉbats publics et non comme il est usuel, sur des entretiens ou des questionnaires prรฉparรฉs, plus ou moins standardisรฉs et plus ou moins ouverts.
Un chemin de traverse qui donne ร voir une autre rรฉalitรฉ
Le protocole de lโรcole de Paris du management ne se rรฉsume pas ร un dรฉbat autour dโun tรฉmoin qui raconte ce quโil veut bien raconter. Un dรฉbat de lโรcole de Paris est situรฉ. Il se situe, comme nous lโavons dit, dans le cadre dโun des six sรฉminaires thรฉmatiques. Le sรฉminaire est animรฉ par un chercheur. Cโest lui qui sollicite un intervenant prรฉcis, une entreprise donnรฉe pour apporter un รฉclairage dans le cadre du sรฉminaire. En rรฉsumรฉ, ne parle pas ร lโEdP qui veut ! Ce nโest pas un รฉvรจnement ร la mode, cโest une occasion de faire avancer la comprรฉhension collective de lโรฉtat des pratiques managรฉriales sur un sujet donnรฉ ร un moment donnรฉ, en rendant compte le plus fidรจlement possible des actions et interactions des acteurs agissants, selon leur propre point de vue et leur maniรจre de le raconter. De ce point de vue on pourra parler de thรฉorie ancrรฉe (Grounded Theory).
Dans le cas qui nous occupe, nous parlerons des dรฉbats que nous organisons dans le cadre du sรฉminaire ยซ transformations numรฉriques ยป, depuis janvier 2016, crรฉรฉ initialement en partenariat avec Cap Digital puis avec la Direction Gรฉnรฉrale des Entreprises (Ministรจre de lโรฉconomie). ร ce jour (Avril 2022), 52 dรฉbats ont รฉtรฉ organisรฉs dont 45 cas dโentreprise et 7 รฉtudes et recherches. Les cas รฉtudiรฉs concernent tous types dโorganisations, dans tous types de secteurs, รฉclairant de multiples dimensions des transformations numรฉriques, dans toutes les disciplines des sciences de gestion (stratรฉgie, modรจle รฉconomique, ressources humaines, marketing, gouvernance, systรจme dโinformation, organisation, finance, entrepreneuriatโฆ). Nรฉanmoins les transformations รฉtant plus complexes dans les organisations anciennes, complexes et รฉtendues, le sรฉminaire pousse lโanalyse dans cette direction ce qui explique que 73% des cas รฉtudiรฉs concernent des grandes organisations publiques ou privรฉes (souvent cotรฉes en bourse). Des syndicats et groupements professionnels (CFDT, FNSEA, Ordre des experts comptables) sont รฉgalement venus tรฉmoigner ร la fois de leur propre transformation numรฉrique mais aussi pour donner un avis sur la rรฉalitรฉ de la transformation numรฉrique des entreprises. Le regard de parties prenantes extรฉrieures aux entreprises est une contribution dโautant plus importante que ces organisations syndicales font elles-mรชmes face ร dรฉfis digitaux, environnementaux et de gouvernance trรจs importants.
Le retour dโexpรฉrience qui est mis en dรฉbat est censรฉ apporter des informations du terrain telles quโelles sont vรฉcues par au moins une partie des acteurs (au minimum les tรฉmoins qui ont acceptรฉ de tรฉmoigner). Certaines entreprises ont fait lโobjet de plusieurs dรฉbats sur des sujets diffรฉrents ร des pรฉriodes diffรฉrentes, en gรฉnรฉral avec des tรฉmoins diffรฉrents.
Le travail de sรฉlection des tรฉmoignages, que lโon pourrait assimiler ร un travail de ยซ curation ยป tel quโil est rรฉalisรฉ par un commissaire dโexposition, nรฉcessite de la part de lโanimateur une compรฉtence voire une expertise sur le sujet, cโest-ร -dire avoir tout ร la fois une comprรฉhension fine des pratiques mises en dรฉbat et de leur histoire mais aussi un rรฉseau relationnel significatif pour pouvoir identifier des cas intรฉressants et les mobiliser. Il doit รฉgalement entretenir une activitรฉ de veille au long cours tรฉmoignant dโune authentique curiositรฉ pour le domaine. Pourquoi inviter telle entreprise et non sa concurrente, pourquoi inviter le directeur de la transformation plutรดt que le directeur gรฉnรฉral ou inversement (cโest la question de lโunitรฉ dโanalyse), sont les questions qui se posent ร lโanimateur du sรฉminaire. On voit ici trรจs clairement une limite de la mรฉthode. Elle nโest mobilisable que par un chercheur dรฉjร introduit dans un milieu, sur un terrain ou ayant une capacitรฉ et une crรฉdibilitรฉ permettant de le faire rapidement.
Un tรฉmoin toujours suspect.
Tรฉmoigner ร lโEdP nโest pas un รฉvรจnement hasardeux, isolรฉ et sans consรฉquence. Il sโagit dโun tรฉmoignage qui est situรฉ, cadrรฉ et cรฉrรฉmonialisรฉ, il sโinscrit dans une thรฉmatique et une logique dโinvestigation (raison pour laquelle les tรฉmoins acceptent de se prรชter au jeu). Il est prรฉparรฉ par lโanimateur-chercheur du sรฉminaire qui non seulement prend des notes mais propose un angle (un titre et une courte prรฉsentation cadrant les enjeux de la sรฉance). Ainsi, pour le chercheur-animateur de sรฉminaire, le dรฉbat public est finalement un deuxiรจme entretien sur le mรชme sujet, ce qui donne une deuxiรจme chance de comprendre des dรฉtails non saisis ร la premiรจre occasion ou alors, lโoccasion dโentrer dans une autre รฉcoute : une รฉcoute flottante.
Cet entretien public qui fait suite ร un entretien privรฉ est dโune grande richesse pour le chercheur dont lโattention est trรจs diffรฉrente de celle des autres participants et de la sienne lors du premier entretien. Il รฉcoute autrement et capte facilement les nuances ou diffรฉrences entre les deux versions. Il arrive que le tรฉmoin se livre davantage ou au contraire moins quโil ne lโavait fait en tรชte ร tรชte. Cela montre au demeurant que la perturbation (rรฉelle) apportรฉe par la prรฉsence du public joue dans les deux sens. Lโexpรฉrience de plus de 1500 sรฉances menรฉes en presque trente annรฉes montre quโen moyenne les orateurs se livrent davantage, notamment dans la partie consacrรฉe au dรฉbat qui est particuliรจrement longue ร lโEdP (temps rรฉservรฉ aux questions รฉquivalent ou supรฉrieur au temps de tรฉmoignage proprement dit). Comme en matiรจre judiciaire un tรฉmoignage est donc recueilli une premiรจre fois par des spรฉcialistes, en face ร face, puis versรฉ au dรฉbat public et ร la controverse dans un certain contexte (lโรฉtude dโune thรฉmatique).
Lโanimateur-chercheur : un accoucheur
Dans tous les cas, cet รฉcart entre les versions ou cette absence dโรฉcart est trรจs riche et porteur de sens. Le chercheur y trouvera parfois matiรจre ร explication ou au contraire รฉnigme ร rรฉsoudre. Par ailleurs, les questions de lโauditoire sont nombreuses, รฉclectiques et inattendues, aussi bien pour lโorateur que pour lโanimateur. Leur รฉclectisme รฉtonne souvent les orateurs et les pousse dans des retranchements dont ils nโont pas toujours lโhabitude et auxquels ils sont peu prรฉparรฉs. Ce dรฉbat est finalement souvent une forme dโentretien ร plusieurs. Il รฉmerge presque toujours des questions intรฉressantes auxquelles le chercheur lui-mรชme nโaurait jamais pensรฉ tout seul. Il profite donc non seulement de ces prรฉcieuses questions mais bien sรปr des rรฉponses pour alimenter sa recherche. En outre, il nโest pas rare que lโanimateur demande ร lโorateur de dรฉvelopper une idรฉe quโil avait dรฉveloppรฉe lors de lโentretien prรฉalable mais quโil nโa pas reprise lors de sa prรฉsentation.
Le caractรจre public du tรฉmoignage induit donc รฉvidement une perturbation mais celle-ci est contrรดlรฉe par plusieurs dispositifs. Le tรฉmoin est invitรฉ ร sโexprimer dans le cadre dโun cercle restreint ร connotation universitaire (les sรฉances ont lieu ร lโรcole des mines de Paris) devant un auditoire restreint de gens expรฉrimentรฉs en management, que ce soient des praticiens, des anciens praticiens ou des chercheurs. Il sait quโil ne vient pas pour faire la promotion son entreprise. Naturellement sur les 1500 sรฉances organisรฉes ร lโEdP, un petit nombre nโa pas tenu ses promesses mais il est rarissime que ce soit en raison dโun discours trop promotionnel car lโauditoire rรฉagit rapidement et vigoureusement.
Lโรฉpreuve du compte rendu
Dans ses premiรจres annรฉes, LโEdP avait mis au point la technique des comptes rendus avec des chercheurs expรฉrimentรฉs, notamment Michel Berry, Michel Matheu et Claude Riveline qui avaient dรฉjร rรฉdigรฉ des centaines de comptes rendus de groupes dโรฉchanges et de rรฉflexion qui prรฉexistaient ร la crรฉation de lโรcole de Paris. Ils ont crรฉรฉ un style. Pour accompagner lโaccรฉlรฉration du nombre de comptes rendus, lโรcole de Paris a eu recours ร des jeunes chercheurs en gestion. Elle a rapidement constatรฉ quโils avaient tendance ร se focaliser sur les propos correspondants ร leurs domaines de recherche et ร leurs options personnelles et ร occulter les propos qui leur รฉtaient plus รฉtrangers. Le choix sโest alors portรฉ vers des rรฉdacteurs professionnels qui savent restituer sans trahir tout en restructurant le propos pour le rendre plus accessible. Lโanimateur-chercheur est complรจtement associรฉ ร ce travail mais le rรฉdacteur reste seul maitre de son ลuvre.
Le compte rendu est ensuite prรฉsentรฉ ร lโorateur qui peut formuler ses rรฉserves et ses remarques.
Il sโagit pour le chercheur dโune รฉtape encore trรจs riche car il est trรจs รฉclairant de voir ce que lโorateur souhaite voir modifiรฉ (il est allรฉ trop loin dans les confidences, la formulation du propos en sรฉance a dรฉpassรฉ sa pensรฉe, la reformulation du rรฉdacteur est maladroiteโฆ). Les remarques de lโorateur et lโรฉventuelle discussion sur certaines dโentre elles sont pour le chercheur une troisiรจme lecture de ce retour dโexpรฉrience. Il est dans les recherches classiques (fondรฉes sur des entretiens), extrรชmement rare dโavoir accรจs ร trois versions du mรชme discours par la mรชme personne ร peu prรจs ร la mรชme pรฉriode. Il y a donc une multi-angulation de fait sur le mรชme tรฉmoignage ! Dans un certain nombre de cas comme lโรฉtude de la stratรฉgie de telle ou telle entreprise, ce triple contact avec le discours de lโacteur agissant (pour peu quโil ait รฉtรฉ bien choisi) est vraiment extrรชmement riche et apporte une rรฉelle plus-value par rapport ร lโentretien classique. La sensibilitรฉ des donnรฉes et les nuances ressortent au grand jour.
De la supposรฉe absence de point de contrรดle (point de vue divergent ou contradictoire) Repรฉrer une expรฉrience intรฉressante dans une entreprise donnรฉe suppose une activitรฉ de veille ou la mobilisation efficace dโun rรฉseau professionnel voire les deux. Identifier dans cette entreprise le bon orateur reprรฉsente un travail en soi. Il est utile quโil soit le plus en prise avec lโexpรฉrience, le plus ร mรชme de prendre un certain recul et dโen parler librement. Il peut รชtre nรฉcessaire de passer un temps particuliรจrement long et dโaccumuler les contacts et les rencontres avant dโaboutir. On trouvera dans lโencart nยฐ2 le rรฉcit de ce travail dans le cas Orange MEA.
Le travail prรฉparatoire dโun tรฉmoignage โ le cas Orange MEA
ร partir de 2016, notre travail de veille ou desk research (articles de journaux essentiellement, rapports annuels, รฉtudes diverses, articles scientifiquesโฆ) a attirรฉ notre attention sur une innovation qui avait des caractรฉristiques suffisamment originales pour susciter un tรฉmoignage prometteur ร lโEdP : il sโagissait dโOrange money, le dรฉploiement par Orange sur une vingtaine de pays africains, dโun usage non prรฉvu de la norme USSD, pour transfรฉrer de lโargent dโun tรฉlรฉphone mobile ร un autre, sans compte bancaire, et ce ร partir de tรฉlรฉphones basiques GSM (2G).
Une telle expรฉrience ressemblait ร une innovation frugale de grande ampleur dans une multinationale franรงaise et peut-รชtre ร une reverse innovation. Faudrait-il dรฉsormais regarder aussi ce quโil se passe en Afrique et pas seulement aux USA ou en Chine ? Il a fallu pas moins de deux annรฉes et plus de sept entretiens au sein dโOrange avec diffรฉrents acteurs pour identifier le meilleur candidat tรฉmoin. Il y a donc eu sept entretiens ยซ improductifs ยป pour un seul tรฉmoignage. Il sโagissait en lโoccurrence de lโancien Monsieur Afrique dโOrange pendant 12 ans, membre du COMEX, devenu ensuite patron des services financiers puis patron des investissements dans les start-up, notamment africaines. Non seulement il รฉtait lโhomme qui avait cru dans cette innovation et en avait รฉtรฉ lโincontestable parrain, mais il avait รฉtรฉ รฉgalement celui qui avait essayรฉ dโรฉtendre le succรจs en France et il avait pu prendre suffisamment de recul sur lโhistoire de cette aventure pour pouvoir tรฉmoigner. Il a fallu le convaincre, le rencontrer pour cadrer lโintervention et accepter que la prรฉsentation soit รฉlargie ร lโinnovation en Afrique pour ne pas paraรฎtre sโexprimer au nom dโOrange money alors quโil nโen รฉtait dรฉjร plus le responsable et quโil ne voulait pas importuner son successeur. Cette discussion sur ce petit arrangement ยซ politique ยป pour pouvoir se livrer publiquement assez librement รฉtait en soi une indication assez prรฉcieuse pour positionner le tรฉmoignage.
Il est intรฉressant de noter quโune recherche classique avait รฉtรฉ menรฉe sur les innovations africaines dโOrange et publiรฉe sous forme dโouvrage en 2015 (Ben Mahmoud-Jouini et al. 2015). Pour le besoin du propos, Orange money รฉtait prรฉsentรฉ sous forme dโun cas au travers dโune description de deux pages. Autre fait remarquable, deux des trois chercheurs รฉtaient prรฉsents lors du dรฉbat consacrรฉ ร Orange money ร lโEdP. Contrairement aux apparences, ce tรฉmoignage est un tรฉmoignage inestimable car le tรฉmoin รฉtait ร la manลuvre lors du lancement de lโinnovation, mais aussi lors de du transfert vers lโEurope. Il รฉtait sorti de lโopรฉrationnel tout en รฉtant encore chez Orange. Il sโexprimait devant des experts ayant analysรฉ le cas quelques annรฉes plutรดt. Le tรฉmoin est un acteur agissant tout ce quโil y de plus concret, suffisamment libre pour parler librement tout en restant suffisamment intรฉgrรฉ dans lโentreprise pour ne pas ยซ arranger ยป outrageusement la prรฉsentation des faits ร son avantage.
Depuis, nous avons รฉlaborรฉ un cas dโenseignement ร partir de cette recherche sur Orange money et nous lโavons animรฉ ร lโEmines (รฉcole dโingรฉnieurs au Maroc).
ร lโissue de ce travail, une nouvelle sรฉance de lโEdP a รฉtรฉ montรฉe sur la base dโun autre tรฉmoignage, celui de Monsieur L. ancien responsable des services financiers dโOrange et ancien DG dโInwi money, un concurrent dโOrange Money au Maroc. Ce deuxiรจme tรฉmoignage corrobore pour lโessentiel le premier tรฉmoignage de lโancien Monsieur Afrique et lโenrichit dโun certain nombre de donnรฉes opรฉrationnelles, y compris en provenance de la concurrence, sur le cas marocain qui ne rรฉussit pas autant quโen Afrique subsaharienne. Un autre entretien a รฉtรฉ menรฉ rรฉcemment avec un ancien cadre dirigeant de la filiale dโOrange ร lโIle Maurice. Il confirme pour lโessentiel les donnรฉes principales et apporte quelques donnรฉes supplรฉmentaires sur le marchรฉ mauricien oรน le succรจs nโa pas รฉtรฉ au rendez-vous.
Le fait que le cas Orange money ait รฉtรฉ prรฉsentรฉ et mis en dรฉbat dโabord avec lโancien Monsieur Afrique du groupe puis avec lโun de ses anciens collaborateurs ne doit rien au hasard. Cโest le fruit dโun travail de terrain, de rรฉseau et de veille (desk research). Cโest รฉgalement le fruit dโune analyse critique pour identifier lโacteur agissant le plus reprรฉsentatif de lโentreprise sur lโexpรฉrience en question. Le cas Orange money tel quโil est produit par lโEdP ร lโissue dโun processus complet et exigeant est une source dโinformation exploitable pour la recherche en gestion. Si ce tรฉmoignage est รฉvidemment lacunaire, il ne lโest pas davantage que la dรฉmarche des entretiens qui a รฉtรฉ utilisรฉe par des chercheurs confirmรฉs dans le cadre de lโouvrage de recherche prรฉcรฉdemment citรฉ.
Dans le cadre de notre travail, le pรฉrimรจtre dโanalyse des cas รฉtudiรฉs concerne lโentreprise dans sa globalitรฉ lorsquโil nโest pas fait mention dโun pรฉrimรจtre plus restrictif. Les tรฉmoins peuvent donc รชtre des patrons dโentreprise (tรฉmoins clรฉs des intentions, des actions et interactions stratรฉgiques des entreprises) ou des patrons de sous-entitรฉs, รฉtant entendu que le glissement dโun rรดle ร un autre est trรจs intรฉressant ร analyser. Pour reprendre le cas dโOrange Money, le tรฉmoin nยฐ1 a รฉtรฉ, nous lโavons dit, le patron dโOrange Afrique et Moyen-Orient pendant douze ans, pรฉriode correspondant ร la conception, la gestion et le dรฉploiement de lโinnovation Orange Money mais il a รฉtรฉ ensuite le patron des services financiers au niveau du groupe. Il รฉtait bien placรฉ pour tรฉmoigner des situations de gestion lors de la crรฉation du service jusquโร son succรจs (innovation frugale) mais aussi son รฉventuel transfert dans les autres pays non africains (reverse innovation).
Dans notre approche observationnelle il arrive que certains cas fassent lโobjet dโun cadrage prรฉalable ร travers le titre de la sรฉance ou la brรจve prรฉsentation, mais ce nโest pas une gรฉnรฉralitรฉ, au contraire. Ce nโest que dans la phase de comparaison des cas entre eux que va รฉmerger dans la plupart des cas la question de lโancrage thรฉorique. Car ces cas รฉtant la plupart du temps particuliรจrement riches, la rรฉvรฉlation des thรฉories dโarriรจre-plan, leur sรฉlection, leur hiรฉrarchie fait partie du travail de recherche.
Pour reprendre lโexemple du cas dรฉjร รฉvoquรฉ dโOrange money, la brรจve prรฉsentation oriente clairement vers un possible cas dโinnovation frugale et de reverse innovation. En reprenant les dรฉfinitions, il est aisรฉ (mรชme pour des รฉtudiants) de constater que le cas Orange money est un cas imparfait dโinnovation frugale et un cas trรจs partiel dโinnovation inverse. Mais en rรฉalitรฉ le cas est bien plus riche et traite de la gestion et de la gouvernance de lโinnovation dans une grande entreprise technologique, de lโinnovation de rupture, des effets de rรฉseau, de la notion de cลur de mรฉtierโฆ Le chercheur a donc lโembarras du choix : par exemple poursuivre grรขce ร ce cas imparfait et incomplet dโinnovation frugale et inverse des questions liรฉes ร ces thรฉories (par exemple, la mesure de la performance dโune innovation frugale imparfaite ou partiellement inverse, ou les prรฉconisation pour les rendre parfaite et complรจteโฆ) ou poursuivre la voie exploratoire un peu plus loin et suivre dans une logique de sรฉrendipitรฉ les premiers รฉtonnements (par exemple sur les conditions dโรฉmergence dans une trรจs grande organisation, dโune innovation majeure ยซ en perruque ยปโฆ)
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Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
Partie I – Mรฉthodologie La recherche par carottage : une mรฉthode de recherche fondรฉe sur des cas.
Introduction
1- La dรฉmarche des cas dans la recherche qualitative en gestion
a- La mรฉthode des cas : bien plus quโune รฉbauche.
b- Combien de cas mobiliser ?
c- Le contrรดle des donnรฉes
2- Notre pratique de recherche (protocole de lโรcole de Paris du management)
a- Un chemin de traverse qui donne ร voir une autre rรฉalitรฉ
b- Un tรฉmoin toujours suspect.
c- Lโanimateur-chercheur : un accoucheur
d- Lโรฉpreuve du compte rendu
De la supposรฉe absence de point de contrรดle (point de vue divergent ou contradictoire)
3- Discussion
a- Les avantages de la dรฉmarche
b- Les apports de la dรฉmarche
c- Les limites de la dรฉmarche
Bibliographie de la partie 1
Partie II Excubation : une nouvelle pratique de Corporate Entrepreneurship
Introduction partie 2
1- Revue de littรฉrature du Corporate Entrepreneurship (CE)
2- Description de la pratique de lโexcubation, vue de lโexcubateur
a- Lโentreprise Go fast
b- Deux exemples dโexcubation
3- Discussion sur le champ du corporate entrepreneuship
a. La crรฉation de quelque chose de nouveau.
b. Des ressources additionnelles ร lโintรฉrieur de lโentreprise
c. Une dรฉmarche apprenante ร la fois sur le produit et sur le processus.
d. Une dรฉmarche qui crรฉe de la valeur ajoutรฉe ร long terme et de la richesse pour lโactionnaire ou les parties prenantes.
e. Une dรฉmarche qui produit un effet de levier (rupture) par rapport ร un investissement dโamรฉlioration des produits existants.
f. Une dรฉmarche qui engendre davantage de risque pour lโorganisation puisque la chose nouvelle est incertaine et non prouvรฉe.
4- Discussion au-delร du champ du corporate entrepreneurship
a- Une transformation de la psychologique entrepreneuriale
b- Une transformation de la gouvernance de lโinnovation et de la grande entreprise
c- Une transformation de la gestion de portefeuille
d- Une transformation de lโindustrie du conseil
e- Une transformation de la gestion de projet
Conclusion sur lโexcubation
Bibliographie partie II
Conclusion gรฉnรฉrale
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