Excrétion des oeufs de nématodes gastro-intestinaux et résultats des coprocultures
Contrôle des nématodes gastro-intestinaux
Anthelminthiques de synthèse
Classification
Les anthelminthiques (ATH) chimiques utilisés en médecine vétérinaire chez les ruminants peuvent être classés en différentes grandes familles selon leur mode d’action (tableau 3).
Tableau 3. Principales classes de molécules anthelminthiques utilisées contre les nématodes gastro-intestinaux des ruminants (d’après Brunet, 2008).
Limites d’utilisation : le phénomène préoccupant de la résistance aux anthelminthiques
En plus de l’écotoxicité potentielle de certaines lactones macrocycliques liée à la présence des résidus dans les matières fécales, des restrictions d’emploi lors de la lactation (seuls certains benzimidazoles sont en effet autorisés à cause des résidus éliminés dans le lait) ou en production » Agriculture Biologique » (volonté de limitation des intrants chimiques), se pose le problème désormais mondial de la résistance aux anthelminthiques.
Une population résistante aux anthelminthques est définie comme une population ayant génétiquement acquis la capacité de résister à des concentrations d’ATH habituellement létales pour des individus de cette espèce (Sanger et Gill, 1999). Le mécanisme mis en cause est l’apparition de mutations génétiques et l’échappement à la pression de sélection avec une diffusion d’allèles de résistance au sein de populations issues de vers ayant survécu au traitement (Jackson et Coop, 2000). Les facteurs liés à l’activité humaine et favorisant le développement de résistances sont le sous-dosage (ceci concerne notamment les caprins pour lesquels la biodisponibilité est plus faible du fait d’une pharmacocinétique particulière du médicament dans cette espèce), l’emploi fréquent et répété de la même classe d’ATH, le traitement systématique de tous les animaux au sein d’un même troupeau et l’absence résultante de refuge (c.à.d. une proportion de nématodes sensibles au sein de la population totale) (Wolstenholme et al., 2004).
Les premiers cas de résistance à des nématocides large spectre ont été décrits dans les années 60 avec l’emploi des benzimidazoles, initialement chez les ovins avec H. contortus, ceci quelques années seulement après la mise sur le marché de leur chef de file le thiabendazole. Elle s’est alors rapidement étendue aux autres strongles digestifs majeurs des petits ruminants ainsi que des chevaux, ce même schéma se répétant par la suite dans les années 70, 80 et 90 avec l’introduction des imidazothiazoles-tétrahydropyrimidines, des avermectines puis des milbémycines : les premiers rapports confirmant l’apparition de résistances à ces nouvelles classes d’ATH furent en effet publiés moins de dix ans après l’autorisation du lévamisole, de l’ivermectine et de la moxidectine. À l’heure actuelle, des résistances multiples aux trois classes majeures d’ATH ont été signalées sur les cinq continents pour les espèces H. contortus, T. colubriformis et T. circumcincta, menaçant ainsi à l’échelle mondiale la viabilité de l’élevage des petits ruminants (Kaplan, 2004). Bien qu’elle ait été documentée au départ principalement chez les ovins et les caprins, et que le problème fut longtemps considéré comme négligeable chez les bovins, récemment elle a été de plus en plus communément décrite également chez ces derniers (tableau 4).
Tableau 4. Situation mondiale actuelle de la résistance aux principaux anthelminthiques chez les ruminants et les chevaux (Kaplan, 2004).
* définie par un niveau et une prévalence suffisants pour rendre l’utilisation du médicament incertaine sans vérification préalable de son efficacité.
** définie comme une situation où la résistance est rapportée mais la prévalence est inconnue et le niveau et la distribution ne sont pas considérés comme posant de sérieux problèmes.
Ainsi dans certains pays d’Amérique Latine comme le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, des situations de résistances multiples à toutes les molécules commercialisées ont même été jusqu’à conduire à la disparition des élevages dans ces régions (FAO, 2003). Des cas de résistance ont également été rapportés au Mexique et en particulier au Yucatán, principalement aux benzimidazoles et au lévamisole mais également à l’ivermectine (tableau 5).
Tableau 5. Synthèse des cas publiés de résistance aux anthelminthiques détectée dans les élevages de petits ruminants au Mexique.
Récentes avancées de la recherche et de l’industrie pharmaceutique
Depuis l’apparition des lactones macrocycliques, les investissements dans la recherche et le développement de nouveaux anthelminthiques se sont considérablement réduits : en effet, alors qu’une nouvelle classe pharmacologique voyait jusque-là le jour chaque décennie depuis les années 50 et la phénothiazine, par la suite plus aucune nouvelle molécule ne fut introduite sur le marché durant plus de 25 ans. Ce n’est que très récemment que des découvertes inédites ont été réalisées dans le domaine de la lutte chimique contre les helminthes.
Le monépantel ou AAD-1566, introduit en 2009 sur le marché sous le nom de Zolvix® (Novartis Animal Health Inc.), est le premier composé développé appartenant à une nouvelle classe d’anthelminthiques, les dérivés d’aminoacétonitrile (Kaminsky et al., 2008a,b). Il active les récepteurs nicotiniques à acétylcholine de type DEG-3 spécifiques des nématodes, ce qui lui confère un mode d’action complètement nouveau. Le second, appelé derquantel, est aussi connu sous le nom de 2-désoxoparaherquamide ou PNU-141962 et est commercialisé depuis 2010 dans une formulation le combinant avec l’abamectine (Startect®, Pfizer Animal Health). C’est un dérivé semi-synthétique membre de la classe des spiroindoles : antagonistes des récepteurs nicotiniques à acétylcholine, ils bloquent la transmission neuromusculaire cholinergique conduisant ainsi à une paralysie flasque des nématodes (Lee et al., 2002). Ces deux nouveaux traitements vermifuges, s’ils ne sont pour le moment enregistrés qu’en Nouvelle-Zélande, ont démontré une excellente efficacité sur la plupart des NGI d’importance économique chez les ovins, y compris sur les souches multirésistantes aux autres groupes d’antiparasitaires (Hosking et al., 2010 ; Little et al., 2011).
Une autre classe a également fait son entrée en scène ces dernières années, celle des cyclooctadepsipeptides. Le PF1022A, son membre naturel, est un produit de fermentation isolé du champignon Mycelia sterilia appartenant à la microflore de la plante Camellia japonica. L’émodepside, dérivé semi-synthétique de ce dernier, est déjà commercialisé par Bayer Animal Health GmbH sous les dénominations Profender® et Procox®, médicaments antiparasitaires pour chiens et/ou chats. Tous deux ont montré un large spectre d’activité contre les nématodes gastro-intestinaux majeurs des animaux de compagnie et d’élevage et doivent encore faire l’objet d’études avant d’être autorisés à être mis sur le marché de ces derniers. Leur cible d’action seraient des récepteurs de type latrophiline situés dans le pharynx des strongles, permettant ainsi d’inhiber l’aspiration pharyngée (Harder et al., 2003).
Si ces avancées majeures apportent un soulagement certain et justifié aux éleveurs, elles ne doivent cependant pas faire perdre de vue qu’un usage raisonné de ces nouvelles molécules apparaît désormais absolument nécessaire. Le danger serait en effet de reproduire les erreurs du passé en se reposant une fois de plus sur l’emploi démesuré des nouveaux traitements » miracles « , ce qui conduirait inéluctablement en quelques années à la sélection et à la diffusion de souches résistantes. D’autre part, le coût significativement élevé de ces nouveaux produits ainsi que leur accessibilité les rendent difficiles à intégrer en routine dans les programmes de contrôle, ceci étant particulièrement vrai dans les pays en développement. D’où le consensus suivant qui est actuellement en train de s’imposer au sein de la communauté scientifique : la lutte chimique seule n’était pas viable et est arrivée à son terme, un contrôle durable du parasitisme nécessitant désormais une approche intégrée combinant des solutions basées sur différents principes d’action (Hoste et Torres-Acosta, 2011).
Prévention de l’apparition des résistances aux anthelminthiques
Afin de retarder l’apparition de nouvelles résistances et de préserver les anthelminthiques encore efficaces, il est devenu nécessaire de faire une utilisation plus rationnelle de ces molécules, en prenant notamment le contre-pied des erreurs de conduite du passé identifiées comme propices à la diffusion des résistances. Ainsi, l’alternance annuelle de familles d’ATH présentant des modes d’action différents sur les vers (Barnes et al., 1995), l’application de doses adaptées à l’espèce et au poids de l’animal (Wolstenholme et al., 2004), et le traitement sélectif ciblé des animaux les plus exposés au risque parasitaire (Kenyon et al., 2009) permettraient de réduire la pression de sélection sur les populations de nématodes et de ralentir le développement de résistances vis-à-vis des différents ATH.L’identification et le traitement ciblé de ces 20% d’animaux responsables de 80% de l’excrétion parasitaire (c.à.d. principalement les jeunes et les femelles hautes productrices ou en première lactation) peut s’effectuer au moyen de systèmes de comptage des œufs par gramme (OPG) de fèces, d’attribution de scores de diarrhée, d’évaluation de la condition corporelle ou de changement de poids vif (PV) dans les systèmes de production où prédominent les parasites non hématophages (Torres-Acosta et al., 2009). Concernant le cas particulièrement préoccupant de l’haemonchose, la méthode FAMACHA© a été mise point et se base sur l’évaluation clinique de l’anémie qui est mesurée par examen des muqueuses conjonctives (figure 3) : l’intensité de pâleur de ces dernières permet d’attribuer un score d’anémie qui présente une très bonne corrélation avec le niveau d’infestation de l’animal (van Wyk et Bath, 2002 ; Vatta et al., 2001). Développé initialement en Afrique du Sud, le système a été largement testé et validé depuis, la charte étant désormais disponible en six langues et distribuée à l’échelle mondiale. Son utilisation simple, rapide et économique en fait un outil précieux notamment en zones tropicales où sévit H. contortus (Mahieu et al., 2007).Une autre application pratique du principe de traitement sélectif ciblé (en anglais targeted selective treatment ou TST) est le système Five Point Check© récemment proposé par Bath et van Wyk (2009) : cette fois-ci les auteurs détaillent de manière plus importante l’examen clinique et rajoutent aux scores d’anémie, de condition corporelle et de diarrhée précédemment évoqués le jetage nasal (pour Oestrus ovis) et l’œdème sous-mandibulaire (pour les vers hématophages) (figure 4). Associant un guide d’utilisation pratique à l’usage des éleveurs sur le terrain, il a la volonté d’étendre le système FAMACHA© à d’autres endoparasites majeurs des petits ruminants. Enfin, il est intéressant de noter que les points de contrôle employés dans le traitement ciblé sont également des marqueurs phénotypiques de résilience qui peuvent être directement utilisés par les éleveurs afin d’identifier et de ne garder que les animaux parvenant à maintenir de bonnes performances avec peu de traitements.
Méthodes alternatives aux anthelminthiques de synthèse
Elles reposent sur trois principaux axes de lutte visant à :
1) stimuler la réponse de l’hôte par la vaccination, la sélection génétique ou l’immunonutrition,
2) diminuer le contact entre hôtes sensibles et stade parasitaire infestant par la gestion du pâturage et la maîtrise de son infestivité,
3) éliminer les vers au sein de l’hôte par l’emploi de substances végétales ou minérales possédant des propriétés anthelminthiques.
Il faut bien comprendre ici qu’il ne s’agit plus d’éradiquer les nématodes sur le court terme en se reposant uniquement sur les traitements chimiques, ni de se passer complètement de ces derniers. L’objectif du contrôle intégré est de choisir et de combiner différents outils adaptés au contexte épidémiologique local, ceci afin de diminuer de façon optimale l’impact négatif des parasites sur la production, la santé et le bien-être des ruminants (Hoste et Torres-Acosta, 2011).
Augmenter la résistance ou la résilience de l’hôte
Diverses solutions ont été proposées, les plus prometteuses faisant actuellement l’objet de recherches approfondies :
vaccination contre des antigènes parasitaires cachés. Cette approche a d’abord été appliquée dans la recherche sur les tiques, permettant même de commercialiser avec succès deux vaccins contre Boophilus microplus, TickGard™ et Gavac™. À ce jour, les essais de vaccin utilisant des antigènes internes de la paroi intestinale et ayant conféré la meilleure protection contre H. contortus (l’espèce la plus étudiée en raison de sa fréquence et de son pouvoir pathogène) ont été réalisés avec les glycoprotéines membranaires des microvillosités H11 and H-gal-GP. Les anticorps produits par l’hôte immunisé sont ingérés par le nématode lors de son repas sanguin et viennent perturber les fonctions digestives des protéines de la bordure en brosse, compromettant ainsi la survie du parasite. Malgré des résultats prometteurs, la production d’un vaccin recombinant à partir de ces antigènes et la protection croisée vis-à-vis d’autres espèces de nématodes demeurent cependant des freins non négligeables à cette stratégie de vaccination (Smith et Zarlenga, 2006),
identification de marqueurs phénotypiques (hématocrite et taux d’anticorps ont parfois été retenus, les OPG restant le critère le plus fréquemment utilisé) et moléculaires dans le but de sélectionner les animaux génétiquement résistants (Hunt et al., 2008). Divers programmes de sélection ont en effet montré une diminution de l’excrétion fécale parasitaire et de la contamination des pâtures après plusieurs générations. Cependant l’augmentation de la résistance de l’hôte a probablement un coût et pourrait se faire au détriment de ses capacités de réponse aux infections par d’autres groupes de pathogènes (c.à.d. bactéries, virus ou protozoaires) ou de ses performances de production (Jacquiet et al., 2009),
amélioration de la ration alimentaire de l’hôte afin d’apporter les nutriments limitants (en général les protéines) et ainsi couvrir les besoins supplémentaires associés au parasitisme. Elle peut se faire par supplémentation protéique ou énergétique selon le facteur limitant identifié, l’idéal étant d’utiliser les ressources alimentaires disponibles localement et valorisables à faible coût. Cette dernière stratégie s’avère particulièrement pertinente dans les régions tropicales où les animaux sont couramment en situation de stress nutritionnel du fait de la limitation des ressources notamment lors de la saison sèche (Knox et al., 2006). Ainsi au Yucatán, où les ruminants ont accès à une végétation où prédominent arbres et buissons légumineux riches en protéines, Torres-Acosta et al. (2004, 2006) ont montré qu’une supplémentation en énergie (100g/j d’un mélange soja-sorgho 26%:74%) permettait d’augmenter la résilience de chevreaux Criollo à l’infection naturelle par les nématodes gastro-intestinaux.
Tarir la source d’infestation de l’hôte (Torres-Acosta et Hoste, 2008)
Un nombre varié de techniques ont été suggérées et reposent sur trois grandes stratégies que sont l’évasion (transférer des animaux traités de pâtures contaminées vers des pâtures exemptes de L3), la prévention (mettre des animaux sains sur des pâtures propres) et la dilution de l’infestivité du pâturage :
rotation des parcelles : la mise au repos prolongée du pâturage permet, en attendant la mort naturelle des L3, de l’assainir avant la réintroduction des animaux. Étant donné la durée de survie parfois très longue des L3 en zones tempérées, cette méthode s’avère être une option particulièrement pertinente en conditions chaudes et humides,
diminution de la densité animale, mélange d’animaux d’âges différents ayant des niveaux distincts de sensibilité au parasitisme, ou encore pâturage mixte alterné ou simultané de deux espèces animales présentant des spécificités différentes vis-à-vis des espèces de nématodes (par exemple ruminants/chevaux), ont également été décrits comme méthodes de dilution,
décontamination active des pâturages par épandage de substances chimiques (chaux), application de certaines pratiques culturales (labour, brûlage maîtrisé) ou contrôle biologique par des champignons nématophages (spores de Duddingtonia flagrans). Concernant cette dernière méthode, bien qu’aient été prouvées son efficacité (les spores ingérées sont en effet capables de survivre dans le tractus digestif de l’hôte pour ensuite coloniser et tuer les larves de nématodes présentes dans les fèces) et sa sûreté d’emploi (aucune conséquence néfaste pour la faune du sol n’a été mise en évidence jusqu’ici), un certain nombre de contraintes technologiques et économiques demeurent néanmoins et ne permettent pas encore d’envisager sa commercialisation et son application en élevage (Ojeda-Robertos et al., 2009).
Récemment ont été développés plusieurs logiciels de simulation comme outils d’aide à la décision sur le terrain. La collecte de données précises et complètes sur les pratiques d’élevage et le planning de pâturage de l’exploitation ont pour but d’identifier les périodes critiques avec risques d’infection parasitaire. À partir de là, ils permettent de trouver une stratégie de prévention adaptée à la situation épidémiologique locale et répondant aux questions pratiques de l’éleveur. Cette stratégie va combiner l’emploi de traitement(s) ATH (quand traiter ? qui ? à quelle fréquence ? avec quelle molécule et quel mode d’administration ?) et la modification du système de pâturage (quand et sur quelles parcelles déplacer les animaux ?). De tels logiciels sont d’ores-et-déjà disponibles en ligne en Australie et en France : Wormboss (http://tools.wool.com/WormBoss/LivePage.aspx?pageId=905) et Parasit’Info (http://www.parasitinfo.com/ParasitInfo/login.jsf ; Chauvin et Vermesse, 2009) respectivement. Le modèle anglais décrit et proposé par Learmount et al. (2006) utilise quant à lui le logiciel de modélisation de systèmes dynamiques STELLA®. Enfin l’équivalent néo-zélandais Wormwise® est actuellement en cours de développement (http://www.beeflambnz.com/farm/tools-resources). Ces modèles informatiques sont toutefois complexes car ils impliquent de bien connaître les conditions écologiques influençant la biologie (c.à.d. le développement, la survie et le pouvoir infectieux) et les dynamiques d’infestation des L3 (O’Connor et al., 2006) ; pour autant leur potentiel de praticité et d’efficacité demande encore à être validé sur le terrain.
Éliminer les nématodes gastro-intestinaux au sein de l’hôte
Là encore différentes méthodes sont actuellement à l’étude :
administration orale de capsules contenant des aiguilles d’oxyde de cuivre (COPINOX©) libérés sous l’effet du pH acide régnant dans l’abomasum. Malgré le risque concomitant d’intoxication de l’hôte, un mécanisme d’action encore mal compris et un spectre d’activité étroit excluant notamment les espèces intestinales, elle a largement démontré son efficacité anthelminthique sur H. contortus chez les petits ruminants et limiterait l’installation des L3 et la reproduction des vers adultes (Hale et al., 2007),
plantes bioactives aux propriétés anthelminthiques. Utilisées pourtant par l’Homme partout et de tout temps, ces ressources naturelles sont soumises à un intérêt renouvelé depuis une vingtaine d’années, trois raisons principales expliquant ce phénomène : l’émergence et la diffusion constantes et ubiquitaires de populations de nématodes résistantes aux ATH chimiques ; la difficulté d’accès des petits éleveurs aux traitements dans de nombreux pays en développement ; dans les pays développés notamment, la préoccupation publique croissante pour les résidus présents dans les produits de consommation et la tendance résultante à la création de systèmes de production plus » verts » diminuant les intrants chimiques (Hoste et al., 2006). En médecine vétérinaire, deux modes d’utilisation de ces plantes peuvent être envisagés : sous la forme de médicaments phytothérapeutiques ou de nutricaments. Les premiers, appelés également plantes médicinales, sont issus de l’ethnomédecine traditionnelle (connaissance empirique d’utilisation de la pharmacopée locale) ; ils consistent en des remèdes préparés à base de plantes et appliqués aux animaux dans un but curatif, à court terme. Les nutricaments, encore appelés produits nutraceutiques ou alicaments, sont des plantes dont l’exploitation traditionnelle pour l’alimentation animale est aujourd’hui associée à des propriétés bénéfiques sur la santé au-delà de leur seule valeur nutritive. Elles sont incorporées à plus long terme dans la ration, dans un but généralement préventif, sous forme fraîche souvent (fourrage) ou conservée (foin, ensilage, extraits de plantes). Les avantages de l’exploitation de telles plantes sont le faible coût par rapport aux molécules de synthèse, la disponibilité des ressources et l’absence théorique de résistance des nématodes à leurs principes actifs. Le principal facteur limitant la validation scientifique de leurs propriétés antiparasitaires est le manque d’information sur leurs composés actifs, leurs mécanismes d’action, leur toxicité potentielle et les facteurs influençant leur efficacité, ainsi que sur l’impact écologique éventuel de leur surexploitation (Hoste et al., 2008).
Ainsi, la recherche sur les effets anthelminthiques des plantes a permis de confirmer l’intérêt de remèdes à base d’ail, d’Aloe vera ou d’armoise annuelle, mais également d’identifier des nutricaments potentiels tels que la papaye, les feuilles de manioc, la chicorée et certaines légumineuses. Ces propriétés sont majoritairement attribuées aux métabolites secondaires de ces plantes, les tanins condensés étant actuellement les composés les plus étudiés (tableau 6) (Hoste et Torres-Acosta, 2011). Ainsi, de nombreuses travaux ont montré que les plantes riches en tanins condensés (PRT), notamment certaines légumineuses fourragères, pouvaient être employées comme nutricaments et représentaient une alternative prometteuse aux anthelminthiques chimiques (Hoste et al., 2006). Cette application particulière des tanins sera développée plus en détail dans le chapitre suivant.
Tableau 6. Exemples de métabolites secondaires supposés posséder des propriétés anthelminthiques et plantes associées (d’après Brunet, 2008).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : CONTEXTE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Filière petits ruminants au Yucatán et contexte nématodes gastro-intestinaux
1.1. Présentation générale du Yucatán, place de l’élevage des petits ruminants et systèmes de production
1.2. Les nématodes gastro-intestinaux des petits ruminants
1.2.1. Généralités
1.2.2. Cycle biologique
1.2.3. Épidémiologie
1.2.4. Conséquences chez les petits ruminants
2. Contrôle des nématodes gastro-intestinaux
2.1. Anthelminthiques de synthèse
2.1.1. Classification
2.1.2. Limites d’utilisation : le phénomène préoccupant de la résistance aux anthelminthiques
2.1.3. Récentes avancées de la recherche et de l’industrie pharmaceutique
2.1.4. Prévention de l’apparition des résistances aux anthelminthiques
2.2. Méthodes alternatives aux anthelminthiques de synthèse
2.2.1. Augmenter la résistance ou la résilience de l’hôte
2.2.2. Tarir la source d’infestation de l’hôte
2.2.3. Éliminer les nématodes gastro-intestinaux au sein de l’hôte
2.3. Exemples d’approches intégrées du contrôle
3. Les tanins
3.1. Définition et généralités
3.2. Propriétés physico-chimiques et biologiques
3.3. Classification biochimique
3.4. Sources de tanins, localisation et variation de la teneur dans la plante
3.5. Effets chez les petits ruminants
3.5.1. Effets des tanins hydrolysables
3.5.2. Effets des tanins condensés
3.6. Effets sur les nématodes gastro-intestinaux des petits ruminants
3.6.1. Études in vitro
3.6.2. Études in vivo
3.6.3. Variabilité des effets des tanins condensés
3.6.4. Modes d’action des tanins condensés
4. Le marc de café comme source atypique de tanins condensés
4.1. Importance du marc de café dans le monde et au Mexique
4.2. Composition phénolique du marc de café
4.3. Études in vitro et in vivo sur la valorisation potentielle du marc de café dans l’alimentation des ruminants
4.4. Étude in vitro sur les propriétés anthelminthiques du marc de café
DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE IN VITRO
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
3. Matériel et méthodes
3.1. Matériel biologique
3.2. Obtention du marc de café sec
3.3. Obtention des extraits tanniques de marc de café
3.4. Quantification des composés polyphénoliques et de l’activité biologique
3.4.1. Méthode de Folin-Ciocalteu
3.4.2. Test de la vanilline-HCl
3.4.3. Test de diffusion radiale
3.5. Mesure de l’activité anthelminthique in vitro
3.5.1. Infestation expérimentale
3.5.2. Collecte des oeufs de Haemonchus contortus
3.5.3. Test d’éclosion des oeufs
3.6. Analyses statistiques (test d’éclosion des oeufs)
4. Résultats
4.1. Collection d’extraits tanniques de marc de café
4.2. Composés phénoliques et activité biologique des extraits de marc de café
4.3. Test d’éclosion des oeufs
5. Discussion
5.1. Composés phénoliques et activité biologique des extraits de marc de café
5.2. Test d’éclosion des oeufs
TROISIÈME PARTIE : ÉTUDE IN VIVO
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
3. Matériel et méthodes
3.1. Zone d’étude
3.2. Aliments utilisés
3.3. Analyses bromatologique, chimique et biologique
3.4. Animaux et groupes expérimentaux
3.5. Mesure de la consommation volontaire
3.6. Monitorage de l’état général des animaux
3.7. Mesure de l’excrétion des oeufs de nématodes gastro-intestinaux
3.8. Coprocultures, récupération et classification des larves
3.9. Analyses statistiques
4. Résultats
4.1. Analyses bromatologique, chimique et biologique
4.2. Consommation volontaire et état général des animaux
4.3. Excrétion des oeufs de nématodes gastro-intestinaux et résultats des coprocultures
5. Discussion
5.1. Analyses bromatologique, chimique et biologique
5.2. Consommation volontaire et état général des animaux
5.3. Excrétion des oeufs de nématodes gastro-intestinaux et résultats des coprocultures
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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