Évolutions microstructurales et comportement en fluage à haute température

Stabilité thermodynamique des phases

   La transformation de l’austénite (structure cubique à faces centrées) en martensite (de structure hexagonale ε ou quadratique centrée α’) peut avoir lieu soit par refroidissement rapide (depuis 1050-1100°C), soit par déformation à froid (martensite d’écrouissage). La température à partir de laquelle débute cette transformation, Ms, peut être estimée par la relation de (Pickering 1984) déterminée pour des aciers inoxydables austénitiques 1: Ms(°C) = 502 – 810(%C) – 1230(%N) – 13(%Mn) – 30(%Ni) – 12(%Cr) – 54(%Cu) – 6(%Mo) L’addition d’éléments mineurs comme le carbone ou l’azote abaisse fortement la température de début de transformation martensitique. La valeur de Ms calculée pour l’AIM1 est de – 236°C. La température de transformation à partir de laquelle 50% de martensite est formée pour une déformation plastique de 30% est estimée à l’aide du calcul de Md30 (Pickering 1984): Md30(°C) = 497 – 462(%C + %N) – 9,2(%Si) – 8,1(%Mn) – 13,7(%Cr) – 20(%Ni) – 18,5(%Mo) Notons que l’ajout de Ni inhibe la formation de martensite, mais que l’ajout d’éléments stabilisants comme le titane, non pris en compte dans la relation de Pickering, diminue la présence de carbone en solution solide, et par conséquent peut favoriser cette transformation. La valeur de Md30 pour l’AIM1 est de -106°C. Dans l’hypothèse où la totalité du carbone se trouve sous forme de carbures, cette température passe à -60°C. La transformation de l’austénite en martensite (par refroidissement rapide ou par écrouissage) est donc fortement improbable pour un acier de type AIM1 au-dessus de la température ambiante. Par conséquent, la transformation martensitique ne sera pas abordée dans ce manuscrit. La notion de Cr et Ni équivalent (Creq et Nieq) permet de rendre compte du pouvoir alphagène ou gammagène de chaque élément chimique pour un acier donné. Le chrome étant alphagène (tendance à privilégier la formation de ferrite) et le nickel gammagène (tendance à privilégier la formation de l’austénite), un coefficient de 1 leur est attribué. La valeur calculée de Creq et de Nieq permet dans certains cas d’utiliser des relations donnant un bon estimateur du chemin de solidification et par conséquent de la ou des phase(s) dans un acier.

Rôle des principaux éléments d’alliage

• Chrome et nickel : Le chrome permet de conférer aux aciers leur caractère inoxydable. Cependant une trop haute teneur en chrome et en carbone favorise une précipitation de carbures de type M23C6 dans les joints de grains, ce qui entraîne une sensibilité à la corrosion intergranulaire (Lacombe, Baroux, et Béranger 1990). De plus, le chrome, élément alphagène, restreint le domaine de l’austénite γ et favorise l’apparition de la ferrite. En revanche, une teneur en nickel suffisante (supérieure à 10%) permet d’assurer la stabilité de l’austénite à température ambiante, ce qui est le cas pour l’AIM1. La teneur en nickel des 15-15Ti est aussi plus élevée que pour les 321 ou 316Ti (Ni autour de 10%) afin d’améliorer la résistance au gonflement (Johnston et al. 1974).
• Carbone : Le carbone est l’un des éléments les plus durcissants en solution solide interstitielle (Lacombe, Baroux, et Béranger 1990). Le carbone, élément gammagène, confère de bonnes propriétés mécaniques par précipitation de carbures avec les éléments carburigènes (comme le titane ou le niobium).
• Azote : L’azote, fortement gammagène, est l’élément le plus durcissant en solution solide. Il permet aussi d’améliorer la durée de vie en fluage, du fait de son interaction en solution solide avec les dislocations, mais diminue la ductilité.
• Titane : Le titane est un élément alphagène. Son ajout permet de limiter la corrosion intergranulaire provoquée par la déchromisation aux joints de grains (due à la présence de carbures de chrome de type M7C3 et M23C6). Le titane, qui est un élément très carburigène, favorise la formation de carbures de titane, et ainsi, réduit la formation des carbures de chrome (Pardo et al. 2007 ; Grot et Spruiell 1975; Gustafson 2000), jouant également un rôle durcissant. Le terme « stabilisé » signifie que le stabilisant (ici le titane) permet de limiter la corrosion intergranulaire. Les alliages stabilisés au titane sont connus pour être moins sensibles au gonflement sous irradiation et à la fragilisation due à l’hélium (Padilha et al. 1982; Kesternich et Rothaut 1981; Kesternich et Meertens 1986).
• Molybdène : Le molybdène est ajouté aux aciers austénitiques pour offrir une meilleure résistance à la corrosion (en milieu acide notamment). Le molybdène est un élément fortement alphagène qui agit par solution solide de substitution et encourage la précipitation de carbures. Le molybdène a également tendance à augmenter l’énergie de défaut d’empilement (partie 1.3). Cependant, la teneur en molybdène doit être contrôlée car celui-ci favorise la précipitation de la phase σ et de phases de Laves (pour des expositions prolongées à haute température ou en irradiation), qui peuvent être nocives pour les propriétés mécaniques. Pour éviter cette précipitation, la diminution de la teneur en molybdène n’est pas nécessaire si la précipitation de carbures de titane et phosphures est maximisée en optimisant les concentrations en carbone, titane et phosphore.
• Bore : (Garcia-Borquez et Kesternich 1984; Schanz et Padilha 1980)3 ont montré que le bore ségrége aux joints de grains et précipite sous forme de borures, ce qui pourrait de renforcer ces joints (Lacombe, Baroux, et Béranger 1990). L’un des autres effets bénéfiques du bore est qu’il diminue la formation de phases de Laves dans les aciers inoxydables austénitiques de type 316 stabilisé (Maziasz et Jitsukawa, 1987).
• Silicium : Le silicium (alphagène) accroit la résistance à l’oxydation à haute température. Les dernières générations de 15-15Ti sont cependant dopées en silicium (teneur entre 0,8 et 1% massique) pour améliorer la résistance au gonflement d’irradiation.
• Phosphore : De manière générale, le phosphore est considéré comme étant une impureté dans les aciers. En effet, la présence de cet élément rend l’alliage plus difficile à souder et peut impliquer une ségrégation dans les joints de grains. Cependant, il a été montré sur les 316Ti et les 15-15Ti que l’ajout de phosphore a un effet bénéfique sur la résistance au gonflement sous irradiation (Delalande 1992)

Caractérisation de l’état d’écrouissage au MEB/EBSD 

   La représentation en cartographie IPF (r) rend compte des directions cristallographiques des grains parallèles à la direction r⃗ . Des cartographies IPF (r) du matériau de référence écroui et du matériau hypertrempé sont présentées sur la Figure 1.10. Cet état hypertrempé a  été obtenu à partir d’une gaine écrouie à 20 % à froid puis traitée thermiquement à 1140°C pendant 2 min pour l’obtention d’une microstructure totalement recristallisée. Les joints de grains et de macles sont tracés en noir (désorientation entre 15° et 180°). L’orientation cristallographique des grains n’admet pas d’orientation particulière, quelle que soit la direction utilisée dans le repère du cristal, ce qui est cohérent avec les mesures de texture de (Courtin 2016). L’écrouissage à froid n’a donc pas engendré de texturation significative de l’acier (Figure 1.10 a). Par ailleurs, au sein des grains, des gradients d’orientation cristalline (se traduisant par des gradients de couleur sur les cartographies en mode IPF) sont observés, contrairement à ce que l’on observe sur l’IPF du matériau hypertrempé (Figure 1.10 b). Ce résultat peut s’interpréter par des désorientations internes des grains dues au gradient de densité de dislocations géométriquement nécessaires induit par l’écrouissage à froid. La distribution des angles de désorientation des joints et la perte de coïncidence des macles sont présentées sur la Figure 1.11. Les joints désorientés aux alentours de 60° correspondent à des joints de macles Σ3. La fraction de joints de ces macles est de 30%. D’autre part, 16% des joints sont désorientés d’environ 5°. Ces faibles désorientations témoignent de la déformation des grains écrouis. De plus, le graphique CSL (Coincidence Site Lattice), illustrant la déviation des joints Σ3, permet également de mettre en évidence l’état de déformation du matériau. En effet, une perte de coïncidence des macles de recuit par rapport à la désorientation idéale 60° <111> est constatée (Figure 1.11). La distribution de désorientations pour un CFC sans texture est donnée par le calcul de Mackenzie (décrit dans la thèse de (Thomas 2005)) qui correspond au bruit de fond de la Figure 1.11 a).

Effet de la température sur la distribution des TiC secondaires

   (Kesternich 1985a) a étudié la précipitation des nanocarbures sur un acier DIN 1.4970 écroui à froid puis traité thermiquement. L’auteur a fait part de ses difficultés à observer ces fins TiC sur un état écroui, d’une part car ils sont très fins (diamètre inférieur à la dizaine de nanomètres), et d’autre part car le champ de déformation élastique induit par la présence des dislocations obscurcit l’image réalisée au MET. Il a utilisé pour ce faire la technique des franges de Moiré (Phillips 1966), sans pour autant détailler les conditions de grandissement ni l’axe de zone utilisé. Dans les thèses de (Kountchou 2018; Rouxel 2016), les TiC secondaires sont mis en évidence en condition deux ondes B=002 (champ clair). La germination des TiC dans l’austénite est difficile, c’est pourquoi ils germent sur les défauts tels que les dislocations, les défauts d’empilement et les joints de grains incohérents (Kesternich 1985b ; Kesternich 1988). Par conséquent, la présence de dislocations est essentielle pour la germination de TiC secondaires, comme l’ont montré (Kesternich 1985a ; Kesternich et Meertens 1986 ; Todd et Ren 1989 ; Gopalan et al. 1998) en mettant en évidence l’absence de TiC secondaires dans un acier non écroui. Todd et Ren 1989 ont observé la présence de TiC dans les joints de grains. La présence de TiC secondaires sur un matériau hypertrempé puis traité thermiquement, sur des dislocations proches de TiC primaires a également été observée (Todd et Ren 1989). Cette germination s’explique par un gradient de déformation d’origine thermique, puisque la dilatation thermique est différente entre la matrice et le précipité, plastifiant ainsi localement la matrice au refroidissement. Les auteurs ont aussi conclu que la précipitation des TiC secondaires est contrôlée par la restauration des dislocations jusqu’à la température de 900°C (sur un matériau écroui à 15%). Les dislocations augmentent localement la concentration en soluté, ce qui favorise la germination de TiC dans les zones où les dislocations ont interagi ou se sont annihilées. La contribution des atmosphères de Cottrell des deux dislocations permet d’augmenter la sursaturation locale en titane et en carbone. Lorsque les TiC sont suffisamment gros pour épingler les dislocations, la restauration s’arrête et le grossissement des TiC cesse (fin de croissance). La barrière interfaciale joue également un rôle sur l’arrêt de la croissance des précipités.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I Métallurgie structurale des aciers inoxydables austénitiques et caractérisations de l’AIM1 à l’état de réception
1. Eléments de métallurgie des aciers inoxydables austénitiques
1.1. Stabilité thermodynamique des phases
1.2. Rôle des principaux éléments d’alliage
1.3. Energie de Défaut d’Empilement (EDE)
1.4. Conclusion concernant les éléments de métallurgie d’aciers inoxydables
2. Présentation de l’alliage AIM1
2.1. Composition chimique
2.2. Fabrication et mise en forme du matériau
3. Caractérisation du matériau de l’étude
3.1. Géométrie
3.2. Composition chimique
3.3. Taille de grains et précipités primaires
3.4. Microstructure d’écrouissage
3.5. Microdureté
3.6. Conclusion sur le matériau à l’état de réception
4. Conclusion concernant la métallurgie structurale des aciers inoxydables austénitiques et caractérisations de l’AIM1 à l’état de réception
Chapitre II Evolutions microstructurales au cours d’un maintien à haute température sans contrainte appliquée
1. Etat de l’art : précipitation et phénomènes de restauration et recristallisation
1.1. Précipitation
1.1.2. Domaine d’existence des précipités à l’équilibre
1.1.3. Cinétique de précipitation
1.2. Restauration
1.3. Recristallisation
1.4. Bilan de l’état de l’art et positionnement des travaux
2. Evolutions microstructurales de l’AIM1 au cours de recuits isothermes
2.1. Démarche expérimentale et choix des températures et temps de maintien
2.2. Etude de la précipitation
2.3. Détermination de la cinétique de restauration
2.4. Détermination de la cinétique de recristallisation
2.5. Evolution de la microdureté et comparaison avec les cinétiques de restauration et de recristallisation
2.6. Etablissement d’un modèle d’adoucissement empirique pour l’AIM1
2.7. Conclusion des résultats des évolutions microstructurales de l’AIM1 au cours de recuits isothermes
3. Conclusion concernant les évolutions microstructurales au cours de recuits isothermes
Chapitre III Comportement viscoplastique de l’AIM1 à 650°C et 750°C
1. Etat de l’art : mécanismes de déformation et de rupture en fluage des aciers proches de l’AIM1
1.1. L’essai de fluage
1.2. Régimes de déformation viscoplastique
1.3. Modes de rupture à haute température et représentation paramétrique du temps à rupture en fluage
1.4. Comportement mécanique entre 650°C et 800°C des aciers austénitiques stabilisés au titane
1.4.1. Comportement en traction à chaud
1.4.2. Comportement viscoplastique macroscopique
1.4.3. Mécanismes physiques régissant le comportement viscoplastique
1.4.4. Comportement à rupture
1.5. Conclusion de l’état de l’art concernant le comportement en fluage des aciers ayant une composition proche de l’AIM1
2. Comportement en fluage sous air de l’AIM1 à 650°C et 750°C
2.1. Protocoles expérimentaux et conditions d’essai
2.2. Comportement viscoplastique
2.3. Représentation du lien entre la vitesse de déformation minimale et le temps à rupture
2.4. Expertises des éprouvettes après essai
2.5. Examen des éprouvettes sur coupes polies après essai
2.6. Conclusion concernant le comportement viscoplastique de l’AIM1
3. Conclusion du comportement viscoplastique d’un acier stabilisé à 650°C et 750°C.147
Chapitre IV Etude du comportement en fluage uniaxial de l’AIM1 à 850°C et à 950°C
1. Etat de l’art : comportement mécanique des 15-15Ti au-dessus de 850°C
1.1. Comportement viscoplastique
1.2. Comportement à rupture
1.3. Conclusion sur le comportement en fluage à haute température
2. Présentation de l’essai de fluage sous vide à haute température
3. Résultats et discussion des essais à 850°C
3.1. Comportement macroscopique
3.2. Microstructure des éprouvettes après essai
3.3. Conclusion concernant le comportement en fluage à 850°C
4. Résultats et discussion des essais à 950°C
4.1. Comportement macroscopique et comparaison avec les essais à 850°C
4.2. Microstructure des éprouvettes après essai
4.2.1. Observations en zone déformée après les essais menés à rupture (hors striction)
4.2.2. Observation des coupes en zone de rupture
4.3. Evolution de la microstructure de l’AIM1 de référence au cours d’un essai de fluage : essais interrompus à 950°C sous 40 MPa
4.4. Conclusion concernant le comportement en fluage à 950°C
5. Interactions entre évolution microstructurale et comportement viscoplastique à haute température
5.1. Relecture des courbes de fluage à la lumière de l’évolution microstructurale
5.2. Conclusion sur l’interaction entre l’évolution microstructurale et le comportement viscoplastique à haute température
6. Conclusion concernant le comportement en fluage de l’AIM1 à 850°C et à 950°C
Conclusion générale et perspectives
1. Conclusion générale
2. Perspectives
Références bibliographiques
Annexes
Annexe 1 – Méthode pour observations métallographiques
1. Préparation d’échantillons pour observations par microscopie optique et électronique
2. Conditions d’acquisition EBSD et dépouillement
3. Protocole expérimental pour la réalisation de répliques extractives au carbone sur l’AIM1
Annexe 2 – Précipités susceptibles de se former dans les aciers inoxydables austénitiques stabilisés après traitements thermiques isothermes
Annexe 3 – Détermination de la taille et de la fraction volumique des précipités secondaires par Diffraction des Neutrons aux Petits Angles (DNPA)
1. Principe de la DNPA
2. Traitement des données
Annexe 4 – Mesure de densité de dislocations par diffraction des neutrons
1. Présentation du dispositif expérimental
2. Méthode de dépouillement

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