Evolutions de la société et influences sur les APS

Sociabilité sportive

Le Sport constitue donc l’un des ces « mondes institutionnels » (Oboeuf, 2010, p. 137). Il est enclin à fournir un espace social aux Hommes qui souhaitent partager une pratique physique ou bien un espace de convivialité autour de cette pratique (« supportérisme »). A l’inverse des autres sous-mondes constituant la socialisation secondaire, « la sociabilité sportive reste encore peu étudiée par les sciences sociales » (Callède, 2007b, p. 434). Partant de son procès de civilisation, Norbert Elias (1994) a cependant bien montré que la notion de sport moderne était liée à celle de société moderne, à comprendre dans le sens de civilisée, en opposition à une forme primitive de société. Pour Jean-Paul Callède (2007b) dans son ouvrage La sociologie française et la pratique sportive (1875-2005) : « la notion de sociabilité sportive désigne les formes d’expression et la régularité des relations qu’un individu entretient avec autrui dans un domaine constitué » (p. 434). Le Sport constitue alors une forme de sociabilité particulière, distincte du jeu dans la mesure où les pratiquants s’adonnent à un véritable fait social en respectant des règles universellement établies, dans un cadre spatio-temporel fixe, développant ainsi une éthique sportive. Sur ce point, Jean-Paul Callède (2007b) indique que « le rapport aux normes et aux valeurs est un aspect majeur pour définir la (les) sociabilité(s) sportive(s). Plus concrètement, la camaraderie, l’amitié, le dévouement bénévole sont à la fois un moteur et un ciment de la vie sportive au quotidien ».
Il n’existe cependant pas de sociabilité sportive homogène. Chaque groupement sportif diffère l’un de l’autre. Les valeurs portées par un club fédéral n’ont pas les mêmes finalités que celles développées au sein d’une bande de jeunes jouant au basket sur un terrain de proximité, de même que deux groupes de jeunes qui pratiquent une activité auront des codes, des symboles, des normes différentes (Mennesson, 1994, pp. 17-18). Cette vie sportive se traduit à l’origine par des regroupements dont les organisations associatives ou clubs puis les fédérations sont de bons exemples. Ronald Hubscher rappelle « qu’en devenant membre d’une association sportive, le nouvel adhérent s’inscrit dans une structure privilégiant une forme de sociabilité fondée sur la responsabilité du citoyen » (Hubscher et al., 1992, p. 95). Cette responsabilité se traduit par un engagement : une présence à des périodes d’entraînement, parfois de compétition, aux réunions associatives, le paiement d’une cotisation, …
Preuve d’une étroite symbiose entre le groupement sportif et la socialisation secondaire, cette inscription à un projet collectif : si elle est peut-être influencée par les médias, les cercles familiaux ou amicaux, elle reste essentiellement volontaire (Callède, 2007b, p. 437). Le (futur) sportif fait le choix de rejoindre un rassemblement de son propre gré, comme il aurait pu rejoindre un parti politique ou un syndicat. L’adhésion « complète le processus de socialisation et la construction des identités personnelles et collectives des jeunes » (idem., p. 519). Pour les moins « jeunes », le groupement sportif est également un passage souhaitable pour justifier d’un statut social dominant. Les « premières » sociabilités sportives se caractérisent donc par ces regroupements d’hygiénistes, d’hommes en bonne santé, pour qui, selon Pierre de Coubertin, le sport apportera un plaisir sain à la famille, base de toute société viable.
Le Sport fait également office d’école de la vie, il « apparaît comme une sorte d’incarnation de la démocratie, car il est par excellence l’école où se coudoient l’entraide et la concurrence, ces deux piliers essentiels des sociétés démocratiques, sans l’appui desquelles elles risquent de s’écrouler dans la faiblesse » (Coubertin, 1972 [1922]). Dans un chapitre consacré au football et à l’intégration, Alfred Wahl (2004) parle du club sportif comme d’une mini-société, fonctionnant selon les mêmes principes, la même structure que la société elle-même (p. 38). Non seulement le sport participerait à la formation de l’individu, ce que Norbert Elias avait souligné, mais il serait également agent de socialisation par sa capacité à créer de « nouvelles sociabilités au sein du club » (idem.). Ces vertus socialisatrices du Sport sont souvent vantées par les institutions sportives et relayées par les médias. L’enseignement des activités physiques et sportives dans l’éducation nationale participe à cette formation du futur citoyen, pour qui le sport est un moyen d’intégration, d’identification.
La citoyenneté et la socialisation se confondent dans l’univers sportif17. L’image forte qui entoure le sportif et son aura ne signifie en rien la primauté de l’individuel sur le groupe, le collectif, qui fait aussi partie de la sociabilité sportive. Certes on fait généralement un sport pour soi mais dans le cadre d’un sport collectif on le fait avec les autres. La référence au « groupe » est très présente dans l’esprit et l’imaginaire sportif. Certains dictons ou discours usuels témoignent de cette force : « on vit ensemble on meurt ensemble », « c’est la victoire d’un groupe » et sa variante « c’est la victoire de tout un groupe » ou encore le « je n’en serais pas arrivé là sans… » sont utilisés par les champions de sports collectifs et individuels pour souligner le travail effectué par le groupe ou un entourage, qui constitue un groupement sportif. La sociabilité sportive ne se résume toutefois pas à sa dimension associative ou fédérale. A la suite du chapitre consacré à ce sujet par Jean-Paul Callède (2007b) dans La Sociologie française de la pratique sportive (1875-2005), on peut distinguer deux autres types d’approches de la sociabilité dans le domaine sportif.
La première est assez proche de celle de la sociabilité associative puisqu’elle concerne les relations entretenues par les pratiquants libres ou auto-organisés ne revendiquant pas une attache institutionnelle. Ces pratiques sont elles-aussi vectrices de sociabilité. A la différence près que la socialisation n’y est plus régulée par une autorité légale. Les différentes études menées sur ces groupement sportifs18 rappellent que l’analyse sociologique des ces pratiquants est plus complexe que ne le laisse penser la division entre modèle fédéral (sociétaire) et modèle hors-institution (communautaire). Le rapprochement que l’on fait entre sport et sociabilité à l’échelle locale trouve une belle application dans les quartiers populaires, où il ferait même office de raccourci, voire de solution de facilité. Les populations résidant dans ces espaces, jugées en difficultés, notamment les jeunes, se voient offrir comme outil d’insertion sociale (Le Noé, 2002, p. 35) des installations sportives de proximité, « réputées comme le dispositif d’intégration des jeunes de la cité par excellence […] » (Bessy et Hillairet, 2002a, p. 117). Le sport est alors perçu par les autorités publiques comme la solution à envisager pour (re)créer du lien social, parfois dans l’urgence, dans des espaces où l’intégration semble lâche et où le sentiment d’appartenance à la société est contesté par celui d’appartenance communautaire même si ceux deux formes de sociabilité, associative et communautaire cohabitent (Bodin et Héas, 2002, p. 182).
Enfin, une autre approche de la sociabilité sportive concernant le groupement sportif peut-être établie en se focalisant sur les relations affectives qu’un individu ou un groupe d’individu entretient avec une équipe, un club, sans participer à l’activité sportive de celle-ci. Ce sport des « tribunes » , est amplement abordé par Christian Bromberger (1995b) dans son ouvrage Le match de football : ethnologie d’une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, où il parle des « liens de sociabilités que crée ou noue cette passion commune […] » (p. 14). Il permet à l’individu d’acquérir une autonomie vis-à-vis d’autres groupes (travail, famille,…) sur une base à dominante sportive par l’élargissement de son champ social.

Culture

Tout comme les divers concepts sociaux qui viennent d’être abordés, la culture est un champ commun à l’ensemble des sciences humaines (Claval, 1995, p. 5), et hautement polysémique puisque Jacques Lévy (2003) dans son le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés recense six significations au mot Culture (pp. 216-217) qu’il classe en deux groupes : les dénombrables et les non dénombrables. L’intégration des manifestations sportives comme composante culturelle a longtemps été contestée, notamment par les intellectuels, porteurs et défenseurs d’une culture dominante (Pociello, 1999a, p. 42). Aujourd’hui encore, les différentes définitions de la culture n’englobent pas toutes l’activité sportive comme objet culturel. Seules les plus « ouvertes » permettent une interprétation culturelle du fait sportif. Le concept culturel est instinctivement rattaché aux activités artistiques ou aux oeuvres littéraires. Ainsi le ministère de la culture français n’a aucun lien avec les confrontations sportives organisées chaque année sur son territoire alors qu’au Canada, le classement des composantes culturelles accorde une place aux activités sportives sous l’appellation de « culture récréative » (Moulinier, 2002, p. 22).
La première définition du concept de Culture, émise par Edward Burnett Tylor en 1871 laisse la porte ouverte à cette considération : « [La] Culture ou civilisation, […] est ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société » (Cuche, 2004, p. 16). Le Sport peut ainsi être considéré comme une « capacité ou habitude ». Dans son ouvrage Homo Ludens, l’historien Johan Huizinga explique que le jeu – qui fait partie intégrante du Sport – est plus ancien que la culture, que la culture « naît sous forme de jeu », qu’elle « est à l’origine, jouée » (1951, p. 84). Chaque culture, chaque civilisation possédant des jeux propres à elle. Bien qu’adhérant aux thèses de Johan Huizinga, Roger Caillois (1967) reste néanmoins sceptique à propos du lien natif entre culture et jeux. Selon lui, le jeu est une production culturelle, un « résidu » de la culture (p. 126) et non l’inverse. De fait puisque c’est la culture qui façonne le jeu, ce dernier est à l’image de son géniteur : « un jeu renseigne sur les forces et les faiblesses d’une société donnée à un moment de son évolution ». Roger Caillois poursuit : « une civilisation et, à l’intérieur d’une civilisation, une époque peut-être caractérisée par ses jeux » (p. 164). Suite aux propos de ces deux théoriciens des jeux, on peut affirmer que culture et jeux ou culture et sports sont interdépendants. Si l’on considère le champ des pratiques physiques et sportives dans son intégralité, on constate aujourd’hui que les jeux traditionnels (tauromachie, pelote basque, joutes languedociennes, tir à l’arc vertical,…), porteurs d’identité régionale tentent d’être sauvegardés face à la globalisation des sports et plus particulièrement des sports olympiques qui eux revendiquent un destin supra-régional et même supra-national (Vigne et Dorvillé, 2009). Ces tentatives de sauvegarde d’un patrimoine, se font au nom de la préservation d’une certaine idée culturelle d’un territoire, en l’occurrence par l’activité physique et sportive mais elle peut également l’être par la langue, la musique, les habits, les danses, les édifices, la cuisine,… le sport est donc ancré sur un territoire, il témoigne d’une culture.
C’est dans cette optique que Christian Pociello applique l’objet « Sport » aux différents sens que prend ce concept. Il en résulte une triple acceptation du concept de culture sportive, cette culture qui selon lui influence et structure le sport de part en part (Pociello, 1999a, pp. 22-26). Si l’on se prend en considération la définition d’Edward Burnett Tylor, les notions de culture et de civilisation peuvent s’agréger. Norbert Elias a multiplié les écrits mêlant évolution de civilisation et évolution sportive ce qui nous amène à notre tour à réfléchir au lien entre évolution culturelle et évolution sportive ou en l’occurrence ludo-sportive.
Les géographes constatent bien ces changements culturels à l’échelle du temps et des espaces, Paul Claval indiquant à ce propos dans l’ouvrage Limites et discontinuités en géographie que « la culture se montre plastique », qu’elle « évolue » et « change » lorsque les sociétés se transforment19. La géographie doit s’intéresser à la culture et à ses pratiques car elles forment les individus, elles forment des groupes et modélisent des lieux.

Habitus

Les différents processus de socialisation abordés précédemment génèrent en nous des dispositions et des perceptions que l’on peut regrouper au sein du terme d’habitus. Emile Durkheim dans L’évolution pédagogique en France et plus encore Marcel Mauss (2010 [1950]) avec Sociologie et anthropologie ont lancé l’usage de cette notion dans les sciences humaines et sociales. Marcel Mauss faisait implicitement celle-ci lorsqu’il expliquait le lien entre techniques corporelles et pratiques culturelles. Ainsi, il affirmait que « ces “habitudes”20 varient non pas simplement avec les individus et leurs imitations, elles varient surtout avec les sociétés, les éducations, les convenances et les modes et les prestiges ».
Après quarante ans de « silence », c’est Pierre Bourdieu qui a réintroduit l’habitus pour analyser les différentes cultures et surtout pour tenter de comprendre les différences de culture. La définition la plus complète que Pierre Bourdieu (1980) donne de l’habitus se trouve dans son ouvrage Le sens pratique : « systèmes de dispositions durables et transformables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise extraite des opérations nécessaires pour les atteindre […] ».En d’autres termes, l’acquisition de facultés ou la préférence affichée pour une réalisation, dans le cas présent, culturelle, s’explique par l’habitus. Ce dernier fonctionne dans deux directions. Il est à la fois le produit de pratiques culturelles passées et le producteur de pratiques culturelles futures. Il est également à relier à la situation socio-économique de l’individu. A une classe sociale correspond un habitus – de classe – qui traduit lui-même un style de vie. Ainsi, un individu issu d’une classe populaire ou ouvrière sera « prédisposé » à afficher une préférence pour la culture populaire.

Approche culturelle et cultural studies

Face à la prépondérance des études sur la culture dominante dans les parutions scientifiques jusqu’aux années 1960, les cultural studies vont s’attacher à étudier d’autres objets et pratiques culturelles en évitant de les stigmatiser comme inférieures dans le sens où elles seraient moins porteuses de significations. Localisés à l’université de Birmingham et émanant de chercheurs issus du monde ouvrier ou des classes populaires comme Richard Hoggart, Raymond Williams ou Stuart Hall, les travaux britanniques des cultural studies traitent des lieux de sociabilités ouvriers : quartiers ouvriers, pubs,…ces objets ne constituant toutefois pas encore un mouvement de résistance ou d’opposition à une culture dominante (Mattelart et Neveu, 2003, pp. 32-34). Le fil conducteur étant de faire sortir ces éléments de la dépréciation culturelle dont ils font l’objet.
Les études culturelles en France vont tarder à rejoindre le mouvement, ceci étant du aux réticences des tenants du système universitaire français, peu disposés à laisser carte blanche aux chercheurs nationaux contrairement au Royaume-Uni où ce courant à su constituer une base de penseurs conséquente. Des auteurs comme Roland Barthes ou Edgar Morin parvinrent néanmoins à faire émerger ces cultures populaires ou ouvrières dans leurs écrits. Il faut néanmoins attendre les années 1970 pour que ces études prennent véritable place dans un champ critique et viennent se poser face à la culture dominante en incluant une vision contestatrice du pouvoir politique à leur analyse et un regard qui se place en dehors de la position universitaire classique. Ainsi, une plus grande place est accordée aux minorités, aux femmes, aux « races ». Ces travaux vont quelque peu se réorienter et présenter une opposition plus marquée insistant sur les luttes et la dualité domination / résistance qui entoure ces aspects de la culture populaire.
Les cultural studies s’intéressent de près aux objet qui constituent ces cultures « d’en bas », au rapport entre culture dominante et culture dominée, au fonctionnement des communautés auto-organisées, aux groupes marginaux,…en un mot tout ce qui résulte de l’opposition à une culture dominante. Après les médias, les modes ou le postcolonialisme, ce courant de pensée s’est élargi au champ sportif et sur la ou (plutôt) les cultures sportives en étudiant l’opposition entre les « traditional sports » et les nouvelles pratiques des jeunes urbains, et les mouvements de résistances physico-sportifs de ces pratiquants (Lebreton, 2010, pp. 18-19).

Contre-culture et sous-culture

Si en s’appuyant sur les cultural studies, on accepte l’idée d’une culture dominante, c’est qu’il existe par opposition une culture dominée. En introduction de son ouvrage La géographie culturelle, Paul Claval indique que « dans les sociétés complexes, tous ne partagent pas le même héritage : il existe un modèle accepté par beaucoup et dont l’ascendant est tel qu’il est reconnu par la majorité de la population – on le dit dominant – mais il est contrebalancé par des dissidences, des contre-cultures et des mouvements de révoltes » (1995, p. 7).
Dans le Dictionnaire de la Sociologie, Alain Touraine accorde une attention particulière au concept de contre-culture. Cette différenciation culturelle prend effectivement plusieurs formes qu’il appelle tendances : la nouvelle culture, le refus, la recherche de l’équilibre, la rupture culturelle, la contestation culturelle (Le Digol, 2007, p. 204). Alain Touraine ne fait pas mention du concept de sous-culture dans cet ouvrage ce qui ne permet pas d’identifier à quelles tendances se rapprochent les deux concepts. Toute la difficulté est de ne pas considérer la définition de l’un dans l’autre. En effet si Alain Touraine place le concept de contre-culture comme celui reflétant le mieux à ses yeux l’opposition culturelle, Denys Cuche considère pour sa part « qu’une contre-culture n’est jamais, en définitive, qu’une sous-culture » et que c’est cette dernière qui doit primer (2004, p. 46). Les concepts de contre-culture et de sous-culture, qui regroupent l’ensemble de ces dissidences ouvertement affichées ne sont pourtant pas synonymes. Tous les deux, porteurs d’un style de vie, marquent effectivement une déviance par rapport à la culture dominante mais avec des degrés de revendication et d’expression bien différents.
Ainsi le concept de contre-culture est plus marqué, plus fort dans le sens où il exprime une revendication qui peut déboucher sur une lutte et une confrontation avec la culture dominante alors que la sous-culture s’inscrit moins dans la contestation, elle cohabite avec la culture dominante sans en partager ses traits. La sous-culture ne s’inscrit pas dans l’isolement et aurait tendance à favoriser l’innovation contrairement à la contre-culture, qui ne produit pas de « culture alternative » (Cuche, 2004, p. 46). Alain Touraine souligne également le fait que cette forme de culture alternative ne s’inscrit pas mécaniquement dans une posture stérile. Elle peut être source de propositions, d’initiatives et de créativité, allant même jusqu’à alimenter la culture dite dominante et la faire évoluer, quitte à être parfois dépréciée pour son caractère utopique (Le Digol, 2007, p. 206), comme ce fut le cas durant les années 1960 aux États-Unis avec le mouvement Hippie, qui prônait une remise en cause totale du système capitaliste non seulement à travers son modèle économique mais aussi son modèle socio-culturel.
Le concept d’opposition culturelle a longtemps été perçu de manière extrêmement négative. Seule une évolution des moeurs sociétales permet en premier lieu de tolérer ces cultures alternatives, pour à terme les considérer comme un atout dans le cadre du multiculturalisme, autre concept sujet à critique, même si celui-ci concerne principalement l’arrivée sur un territoire de cultures historiquement exogènes à une nation alors que dans le cas de la contre-culture ou de la sous-culture, elle peut se développer au sein d’une seule et même culture. Ainsi, l’accent est-il mis sur la relation entretenue entre ces formes de cultures au sein d’un même espace, créant des conflits idéologiques, parfois synonymes de marginalisation d’une forme d’expression culturelle.
Roger Brunet (1993) définit la marginalité comme « le caractère de ce qui ne fait pas pleinement partie du système » (p. 320). Or la sous-culture fait partie du système, elle est simplement effacée par la culture dominante. La contre-culture, au contraire, se revendique « hors-système », jouissant d’une indépendance vis-à-vis de l’univers dominant. Ainsi, Roger Brunet conclut sa définition en indiquant que l’on « peut marginaliser une personne, un courant politique, une langue, un peuple même » (idem.), mais la culture peut, elle aussi être marginalisée ou se mettre à l’écart du système de manière autonome, comme c’est le cas pour la contre-culture comme l’indique Paul Claval : « aux marges de la société, les contraintes se desserrent, les règles s’imposent avec moins de rigueur, leur non-respect n’entraîne pas les mêmes sanctions. De telles conditions sont favorables à la remise en cause des pratiques dominantes, à l’invention de nouveaux discours et à l’émergence de nouvelles normes. Les groupes qui les adoptent se posent en s’opposant, refusent les règles normales, et en sécrètent d’autres » (1995, p. 104). La distinction entre ces deux concepts est donc délicate, la frontière qui les sépare est floue. Une des entreprises de ces groupements s’appuie sur la manifestation d’un désir communautaire, constitué selon les principes développés de la socialisation secondaire. Les groupements à dominante juvénile regroupés sous l’appellation de culture(s) urbaine(s) en sont un bon exemple.

Cultures urbaines

En introduction d’un numéro de Géographie et cultures consacré au sujet, Jean-Pierre Augustin et Louis Dupont (2005) rappellent que « la ville se conçoit, à tort ou à raison, comme le territoire par excellence de la culture, en comparaison avec la province, la région ou le monde rural, tous lieux de moindre culture, traditionnelle ou populaire » (p. 3). Si comme on l’a vu le mot culture se rencontre aussi bien au singulier qu’au pluriel, le concept de culture urbaine converge dans ce sens, ce qui ne facilite pas la levée des ambiguïtés qui l’entourent. Le terme urbain ayant lui aussi une interprétation aléatoire.
Ces cultures urbaines sont souvent rattachées à la jeunesse des quartiers, des banlieues, qui trouvent à travers divers moyens (musique, art, sports,…) une tribune d’expression (Calogirou, 2005, p. 264). Ce constat part du principe que les centres des villes, marqués par des espaces culturels traditionnels : théâtre, opéra, bibliothèque, cinémas,…voient leur monopole et leur hégémonie discutés par l’émergence de cultures périphériques (Augustin, 2009). La culture au sens large, prend un nouveau sens et inclut des formes innovantes, visibles, sortant de ces espaces traditionnels, d’où la conjugaison de culture urbaine au pluriel. Comme l’indique Eric Adamkiewicz (1998) dans son article tiré des Annales de la recherche urbaine, cette culture urbaine est totale par l’association des différentes pratiques sportives, culturelles, artistiques, musicales, graphiques. Intéressé par la dimension spatiale de ce phénomène, Jean-Pierre Augustin (2009) note que ces cultures urbaines « transforment les villes », ces dernières devant recourir « à des nouveaux stratagèmes pour animer les territoires, assurer une visibilité accrue à un ensemble de pratiques et valoriser les lieux » (Augustin, 2009). L’urbain s’érige en lieu symbolique de l’opposition. Par sa visibilité, son exhibitionnisme (Augustin, 2001, p. 27), incarné par les tags ou graffitis, les spectacles de rue (aussi bien sportifs que dansants), cette culture s’affiche et par là même revendique sa légitimité. Dès lors, les déviances qui animent ces cultures, mises en exergue par les cultural studies ne peuvent plus être perçues comme marginales car elles participent désormais pleinement à la formation de l’environnement urbain : « les cultures urbaines doivent prendre en compte les manifestations diverses autour de l’art, de la musique et des pratiques ludo-sportives qui participent largement à d’autres imaginaires urbains » (Augustin et Dupont, 2005, p. 4). Ce constat est partagé par Michel Lussault (2003, p. 960), qui considère que le « tournant culturel » de la géographie a atteint, depuis le début des années 1990, les études de la ville, en l’espèce de la « Urban cultural geography ».
L’un des terrains investi par cette (nouvelle) géographie culturelle des villes est « l’analyse des cultures urbaines – au sens anthropologique de l’expression – spécifiques et de leurs pratiques : le graffiti, le tag, le hip-hop, les activités de glisses, les musiques “ethniques”, les raves party et les diverses formes de la fête urbaine » (idem.). Cette définition de Michel Lussault fait référence à un type de pratique « sportive » à savoir les « activités de glisses ». Sans vouloir dénaturer ses propos, il semble que ces « activités de glisses » ne soient qu’un champ circonscrit des « sports » urbains, comme il en sera plus amplement fait état ultérieurement. Néanmoins, ce crédit accordé aux activités physiques et sportives, et de manière plus générale aux cultures urbaines permettent de rafraîchir le regard avec lequel sont abordés les phénomènes culturels contemporains. Précisons ici et enfin que la visibilité de ces pratiques est renforcée par la publication de magazines, comme Urban-Culture Magazine, généralement associés à un site internet.

Problématique et hypothèse de recherche

A travers cette présentation de différents concepts auxquels les APS peuvent être rattachées – parmi tant d’autres – il ressort un constat simple : la place prépondérante que ces pratiques occupent dans l’espace sociétal, que le présent travail traite à travers trois composantes que sont l’espace spatial, l’espace culturel et l’espace social.
A la suite de nombreux auteurs, tels Roger Caillois (1967) ou Norbert Elias (1994) pour ne citer que les plus éminents, nous recevons une première hypothèse selon laquelle les APS, aussi bien sous forme de jeux (jeux-sportifs) que de sports, sont tributaires de la société qui les crée, les pratique ou les adopte. Ainsi, ces activités servent de marqueurs culturels comme il l’a été montré précédemment. Chaque culture possède des pratiques particulières, parfois exclusives à celle-ci, mais le souvent partagées avec d’autres cultures voire avec la quasi intégralité de la civilisation comme cela peut-être le cas pour les disciplines olympiques. Si elles se diffusent dans l’espace, ces pratiques se diffusent également dans le temps, en fonction des normes d’époque : ces normes agissent en quelque sorte soit en tant que juges, en condamnant l’existence de certaines APS, ou en substituant les unes à d’autres, soit en tant que conciliateurs, en acceptant qu’elles perdurent mais à certaines conditions, parfois imposées, telles que la modulation de leur forme ou de leur lieu de pratique, voire de leur cadre réglementaire.
Ce postulat permet-il d’inclure dans un cadre sociétal homogène, les APS contemporaines s’inscrivant dans le modèle fédéral – institutionnel – et celles se situant en dehors de ce modèle, plus particulièrement les activités innovantes ? Cela nécessite qu’il soit abordé au préalable un ensemble de questions essentielles concernant ces nouvelles pratiques, dites ludo-sportives : leur caractère attractif, leur influence, leur localisation, leur modalité praxique, leur symbolique (les représentations et significations qui leur sont imputées). Il s’agira ainsi de déterminer le degré d’évolution respectif de ces divers éléments d’un modèle à l’autre.
Pour ce faire, nous nous appuierons sur l’étude du football indoor au sein de l’agglomération lilloise pour étayer l’hypothèse selon laquelle le champ des APS constitue un paradigme socio-culturel évolutif, à géométrie variable. En d’autres termes, la démarche tend à démontrer que le football indoor, en tant que pratique exorbitante du système sportif fédéral-institutionnel, est une illustration significative des mutations spatiales, sociales et culturelles du champ des APS. L’observation in situ complétée d’une enquête par questionnaire auprès des pratiquants permettra d’apporter une réponse à toute cette problématique et par-là même de mieux souligner la transition lente vers un nouveau type de société, appelée postmodernité, qu’ont frayé les mutations évoquées.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : Cadre conceptuel et problématique
1.1. Les questions relatives aux activités physiques et sportives
1.2. Les concepts socio-culturels
1.3. Problématique et hypothèse de recherche
CHAPITRE 2 : Evolutions de la société et influences sur les APS
2.1. Les APS et la modernité
2.2. Vers une nouvelle société
CHAPITRE 3 : Pratique, terrains et sources d’étude
3.1. La pratique étudiée : le football indoor
3.2. Le territoire étudié : l’agglomération lilloise
3.3. Les sources
CHAPITRE 4 : La postmodernité à travers l’exemple lillois du football indoor
4.1. Lille, accélérateur des pratiques ludo-sportives innovantes
4.2. Le football indoor, une pratique de son Temps
CONCLUSION

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