Evolution non linéaire des relations entre les fonctions exécutives et l’apprentissage autorégulé

Les procédures métacognitives à l’école

Selon Bouffard-Bouchard et Gagné-Dupuis (1994), les apprenants en difficultés posséderaient certaines connaissances et procédures métacognitives mais ils ne sauraient pas les utiliser à bon escient et les transférer quand cela est nécessaire. Dans une méta-analyse sur la méta-mémoire, Schneider (1985 ; cité par Romainville, 1993) met en évidence que les liens entre la métacognition et les performances mnésiques dépendent de la nature des processus métacognitifs étudiés. Ainsi, des corrélations faibles sont trouvées quand les variables étudiées portent sur les connaissances générales de la cognition alors que des corrélations fortes et positives sont trouvées quand la mesure concerne la capacité de l’apprenant à évaluer les processus cognitifs en cours et à interpréter les états actuels de sa propre mémoire.
Néanmoins, si les mesures portent sur les connaissances métacognitives, les connaissances sur les personnes sont davantage liées aux performances que les autres connaissances métacognitives. La méta-analyse de Wang, Haertel et Walberg (1990) confirme les résultats observés dans celle de Schneider. La capacité des élèves à analyser et à réguler leur propre cognition serait le facteur le plus favorable aux apprentissages. Les études plus récentes confirment ces premiers résultats et apportent de précieuses informations sur l’importance des procédures métacognitives dans les performances scolaires. Ainsi, au cours d’une tâche d’apprentissage de kanji (i.e. idéogrammes japonnais), les apprenants évaluant avec précision leur apprentissage obtiennent une meilleure performance que les apprenants surestimant leur production (Destan & Roebers, 2015).
Par ailleurs, les procédures métacognitives impactent positivement l’apprentissage de la lecture (de Bruin et al., 2011), de l’écriture (Hacker, Keener, & Kircher, 2009 cité par Roebers, 2017), des mathématiques (Dunlosky & Metcalfe, 2009 ; cité par Roebers, 2017), des connaissances scientifiques (Roderer & Roebers, 2014) et de culture générale (Roebers, Krebs, & Roderer, 2014). Les procédures métacognitives prédiraient également la marge de progression des apprenants dans une matière donnée.

Substrats cérébraux sous-jacents à la métacognition

Nous venons d’expliciter l’importance des procédures métacognitives dans les apprentissages. Or, superviser et contrôler une activité nécessite d’être dans un état permanent de précorrection de son activité par rapport au but en guidant son apprentissage, en évaluant ses actions et en repérant ses erreurs. Les capacités de monitoring permettent de détecter une erreur puis de rectifier sa réponse grâce aux processus de contrôle. Le cortex cingulaire antérieur semble jouer un rôle primordial dans la détection de ces erreurs en informant l’individu qu’une adaptation du comportement est nécessaire (Ridderinkhof, van den Wildenberg, Segalowitz, & Carter, 2004). Le cortex préfrontal antérieur et dorsolatéral semble également impliqué dans le sentiment de confiance (confidence judgement) (Fleming & Dolan, 2012). Une récente revue de littérature de Metcalfe et Schwartz (2016 ; cité par Roebers, 2017) confirment ces résultats en montrant que des informations d’ordre métacognitif activent un réseau de circuits neuronaux convergeant vers le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal. Le cortex préfrontal ventromédian semble particulièrement activé lors de jugements prospectifs tels que la difficulté de la tâche (ease-of-learning) ou le sentiment de savoir (feeling-of-knowing).
Ces zones cérébrales impliquées dans le contrôle de l’activité sont similaires voire identiques à certaines zones activées lors de tâches mesurant les fonctions exécutives (Collette, 2004). Comme nous allons maintenant le voir, les fonctions exécutives ont également un rôle de régulation de nos comportements.

Emergence du concept des fonctions exécutives

A l’origine, les fonctions exécutives ont été décrites au sein de certains modèles cognitifs de l’attention et de la mémoire de travail. Les plus connus de ces modèles sont le modèle de la mémoire de travail de Baddeley (Baddeley & Hitch, 1974 ; cité par Baddeley, 2000) et le modèle de l’attention de Norman et Shallice (1986). Dans ces deux modèles, les fonctions exécutives ne sont pas nommées en tant que telles mais représentées sous la forme d’un centre de contrôle, souvent imagé comme un chef d’orchestre dont le rôle est de coordonner différents processus pour s’adapter à la situation en cours.
La mémoire de travail est un processus mnésique permettant de maintenir et traiter des informations sur le court terme. Le modèle initial de Baddeley (Baddeley & Hitch, 1974 ; cité par Baddeley, 2000) divise cette mémoire en trois composantes ayant chacune un rôle bien définie. La première composante, appelée administrateur central, sélectionne les informations à traiter, rompt les automatismes et coordonne l’ensemble des traitements effectués par deux systèmes esclaves : la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. La boucle phonologique est responsable du traitement et de la répétition des informations de nature auditivo-verbale. Le calepin visuo-spatial permet le traitement des informations visuelles et spatiales. Dans son livre de 1996, Allan Baddeley précise que l’administrateur central est semblable au système attentionnel superviseur [SAS] présenté dans le modèle de Norman et Shallice.

Le développement des fonctions exécutives

La trajectoire développementale des fonctions exécutives s’étend de la prime enfance à la mort. Ce développement est profondément lié aux caractéristiques propres à chaque individu. Bien que les fonctions exécutives ne soient pas uniquement liées aux lobes frontaux, nous pouvons observer une relation entre l’émergence fonctionnelle des capacités exécutives et la maturation structurelle des lobes frontaux. Les lobes frontaux sont immatures chez le jeune enfant mais se développent progressivement du stade prénatal jusqu’à l’âge adulte (Casey, Giedd, & Thomas, 2000; Steinberg, 2005).
Comme pour le développement du cerveau, et plus particulièrement des lobes frontaux, les fonctions exécutives se développent du plus fondamental au plus complexe.
Certains processus, tels que la mémoire de travail et les capacités de contrôles, sont considérés comme essentiel au développement. Les fonctions exécutives plus spécifiques, comme la planification, s’appuieraient sur ces premières avancées (Smidts, Jacobs, & Anderson, 2004). Les capacités exécutives progressent très régulièrement au cours du développement et atteignent pour la plupart leur maximum vers l’âge de 13-15 ans. L’inhibition d’une réponse automatique semble être similaire à l’adulte vers l’âge de 9 ans, la flexibilité mentale entre 8 et 13 ans et la planification entre 11 et 15 ans. Les premiers signes comportementaux d’un fonctionnement exécutif efficient apparaissent vers l’âge de 7-8 mois, particulièrement pour la mémoire de travail et le contrôle inhibiteur (Mazeau & Pouhet, 2014).

Modèle intégratif de la motivation

Le modèle de Fenouillet (2012) permet de bien distinguer les différentes étapes mises en place par l’individu en amont du comportement et jusqu’à l’atteinte de son objectif .
Ce modèle distingue, au cours de l’action, deux phases séparées par le déclenchement de l’action : la motivation et la volition. Ainsi, la motivation intervient en amont de l’action et permet d’expliquer ce qui amène au déclenchement ou à la modification du comportement de l’individu. La volition représente les processus impliqués dans le maintien et la mise en œuvre d’une intention d’apprendre jusqu’à la réalisation complète de la tâche (Corno & Kanfer, 1993). Elle intervient au moment où l’action est déclenchée et perdurera jusqu’à la réalisation de l’activité.
Le modèle intègre ensuite plusieurs niveaux conceptuels du plus abstrait au plus concret. Il distingue ainsi des ensembles conceptuels (rectangles orange foncés dans la figure) constitués de conceptions motivationnelles (cercles orange clairs) impliquant elles-mêmes plusieurs théories de la motivation. Ainsi, les ensembles conceptuels de la motivation sont les motifs primaires, les motifs secondaires et les prédictions. Les motifs primaires cherchent à expliquer l’origine absolue du comportement. Cette origine est systématiquement interne. Les conceptions motivationnelles de cet ensemble sont les instincts ainsi que les besoins physiologiques et psychologiques. Contrairement aux motifs primaires, les motifs secondaires prennent en compte les facteurs environnementaux comme étant à l’origine de la motivation.
Cet ensemble conceptuel regroupe douze conceptions motivationnelles : valeur, but, intérêt, estime de soi, drive, dissonance, émotion, curiosité, recherche de contrôle, intention, traits de personnalité et motifs originaux. Nous aborderons certains d’entre eux. Les prédictions sont constituées de plusieurs théories motivationnelles liées aux prédictions de résultats. Elles vont venir nuancer les décisions issues des motifs secondaires.

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Table des matières

PARTIE 1 – CADRE THEORIQUE 
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – POUVOIR APPRENDRE : L’UTILITE DU CONTROLE COGNITIF
1. La métacognition
1.1 Connaissances et procédures métacognitives
1.2 La métacognition, un développement tardif ?
1.3 Les procédures métacognitives à l’école
1.4 Substrats cérébraux sous-jacents à la métacognition
2. Les fonctions exécutives
2.1 Définition
2.2 Emergence du concept des fonctions exécutives
2.3 Organisation des fonctions exécutives
2.4 Précisions sur les trois principales fonctions exécutives
2.5 Substrats cérébraux des fonctions exécutives
2.6 Le développement des fonctions exécutives
2.7 Les fonctions exécutives au quotidien
CHAPITRE 2 – VOULOIR APPRENDRE : MOTIVATION, VOLITION ET CONCEPT DE SOI
1. Définir la motivation
1.1 Modèle intégratif de la motivation
1.2 Les motifs secondaires dans les apprentissages
1.3 Prédiction et sentiment d’efficacité personnelle (SEP)
2. Le deuxième temps de l’action : la volition
CHAPITRE 3 – A LA CROISEE DES CHEMINS : L’APPRENTISSAGE AUTOREGULE ET SON DEVELOPPEMENT
1. L’apprentissage autorégulé et ses modèles
1.1 Zimmerman et la perspective socio-cognitive
1.2 Boekaerts et le monde des émotions
1.3 Winne et Hadwin, une perspective métacognitive
1.4 Pintrich et l’apogée de la motivation
1.5 Efklides et la métacognition
1.6 Hadwin, Järvelä et Miller : l’apprentissage collaboratif
1.7 Synthèse sur les modèles.
2. L’apprentissage autorégulé de l’enfance à l’âge adulte
2.1 Une évolution progressive
2.2 Un environnement propice
2.3 Hétérorégulation, une forme de régulation des apprentissages spécifiques aux novices
2.4 Les outils de mesure de l’apprentissage autorégulé
3. Réguler, oui mais comment ?
3.1 Les stratégies d’apprentissage autorégulé
3.2 Entre automatisme et conscientisation
CHAPITRE 4 – APPRENTISSAGE AUTOREGULE ET FONCTIONS EXECUTIVES, QUELLES RELATIONS PARTAGENT-ILS ?
1. Le contrôle cognitif et la régulation des apprentissages : quelles connaissances avons-nous ?
1.1 Les recherches chez l’adulte
1.2 Les recherches chez l’enfant
2. Problématique et hypothèses
PARTIE 2 – CONTRIBUTIONS EXPERIMENTALES 
ETUDE 1 : L’APPRENTISSAGE AUTOREGULE CHEZ L’ELEVE DE CM1 ET CM2 : DEVELOPPEMENT D’UNE ECHELLE DE MESURE
1. Objectifs
2. Pré-étude : Comment les enfants verbalisent-ils la régulation de leurs apprentissages ?
2.1 Méthode
2.2 Résultats qualitatifs : analyse des verbalisations
3. Construction d’une échelle auto-rapportée sur l’apprentissage autorégulé
3.1 Constructions et choix d’items
3.2 Structure factorielle de l’Inventaire d’Autorégulation des Apprentissages par l’Enfant
3.3 Confirmation de la structure de l’échelle
4. Synthèse des résultats
4.1 Qualités psychométriques
4.2 Etude de l’échantillonnage
5. Discussion
5.1 Les stratégies d’apprentissage utilisées par les enfants
5.2 Le modèle de Zimmerman, entre similitudes et différences
5.3 Conclusion et pistes de recherche
ETUDE 2 : APPORT DES FONCTIONS EXECUTIVES DANS LA MISE EN PLACE D’UN APPRENTISSAGE AUTOREGULE PAR LES ELEVES DE CM1 ET CM2
1. Objectifs
2. Méthode
2.1 Population
2.2 Matériel
2.3 Procédure
2.4 Analyse des données
3. Résultats
3.1 Analyses préliminaires
3.2 Relations entre fonctions exécutives, métacognition et apprentissage autorégulé
3.3 Régressions multiples
4. Discussion
4.1 La flexibilité mentale ou l’art de s’adapter
4.2 Inhibition et flexibilité, un package contre l’impulsivité
4.3 Savoir se penser, savoir être aidé
4.4 Les limites de l’étude
ETUDE 3 – FONCTIONS EXECUTIVES ET APPRENTISSAGE AUTOREGULE DES LYCEENS : INTERVENTION CENTREE SUR LES STRATEGIES D’APPRENTISSAGE AUTOREGULE
1. Objectifs
2. Méthode
2.1 Population
2.2 Matériel
2.3 Procédure
2.4 Plan d’analyse
3. Résultats
3.1 Analyses préliminaires
3.2 Relations entre les fonctions exécutives et l’apprentissage autorégulé (prétest)
3.3 Impact de la formation à l’apprentissage autorégulé
3.4 Rôle des fonctions exécutives dans l’influence de la formation sur l’apprentissage autorégulé
3.5 Evolution des lycéens lors d’un deuxième post-test
4. Discussion
PARTIE 3 – DISCUSSION GENERALE
DISCUSSION
1. Evolution non linéaire des relations entre les fonctions exécutives et l’apprentissage
autorégulé
1.1 Influence de la maturation cérébrale
1.2 La régulation émotionnelle au cours des apprentissages
2. Réflexion sur la formation à l’apprentissage autorégulé
2.1 L’influence du contexte et de la motivation envers les apprentissages
2.2 Facteurs d’efficacité d’une formation
3. Limites de notre recherche
CONCLUSION

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