Evolution législative et jurisprudentielle de l’extension de procédure collective

Evolution législative et jurisprudentielle de l’extension de procédure collective

L’extension de procédure collective est née d’une véritable intention de la jurisprudence de combler un vide juridique. Créée au début du XIXème siècle, il s’agissait dans un premier temps d’une règle spécifique qui permettait d’élargir la procédure de faillite d’une personne morale à son dirigeant. Aucun texte législatif ne régissait ce domaine à cette époque. Le problème majeur, qui se posait alors, était de connaître le sort du dirigeant fautif ayant causé la faillite de la personne morale qu’il dirigeait. La jurisprudence a donc décidé d’étendre la procédure de faillite de la personne morale à son dirigeant. Nous allons nous intéresser à l’extension légale de procédure collective abrogée par la loi de sauvegarde des entreprises et à l’évolution de l’extension de procédure collective, encore appelée extension véritable de procédure collective .

De la naissance de l’extension légale à sa suppression

L’extension de procédure collective, régie par l’article L. 621-2 du code de commerce, est aujourd’hui la seule extension de procédure . Fruit de la jurisprudence, elle a été reconnue par la loi de sauvegarde des entreprises. Pour déterminer ses origines, il faut remonter près d’un siècle auparavant. A cette époque, les débiteurs étaient sanctionnés en raison d’un comportement fautif dans la gestion des personnes morales dont ils avaient la charge. C’est dans ces conditions qu’a été créée l’extension-sanction encore appelée fausse extension ou extension légale . Puis le législateur a décidé, d’une part, de traiter la faillite de la personne morale et les conséquences qu’elle peut avoir sur la situation du dirigeant fautif, et d’autre part, de réserver un traitement indulgent au dirigeant de bonne foi .

De la création de l’extension légale de la faillite à sa première codification 

Avant le XIXe siècle, il n’existait aucune règle en droit de la faillite régissant l’extension de procédure . Les dirigeants sociaux se laissaient aller à de nombreuses dérives, tant sur le plan de la gestion interne des personnes morales qu’ils dirigeaient, que sur celui de la comptabilité réelle de ces entités . Alors même que le législateur avait établi des sanctions patrimoniales visant au désintéressement total des créanciers sur le patrimoine personnel des dirigeants sociaux, ces derniers ne se sentaient pas plus inquiétés. Cette approche des ressources patrimoniales des dirigeants sociaux ne permettait en aucune manière de résoudre les difficultés des entreprises et encore moins de permettre la relance de leur activité économique. Emboîtant le pas au législateur, c’est la jurisprudence qui a été la première à créer une règle visant à étendre la procédure de faillite d’une entreprise à ses dirigeants sociaux. L’angle retenu va permettre de traiter les questions concernant la naissance de la procédure d’extension (§ 1), l’encadrement législatif de l’extension de la faillite aux dirigeants sociaux (§ 2), et l’action en comblement de passif (§ 3).

La naissance de la procédure d’extension

Avant la création de l’extension véritable de la procédure collective, en vigueur aujourd’hui, fut créée, par la jurisprudence, l’extension de la faillite aux dirigeants sociaux. Cette procédure est née de l’arrêt de la chambre des requêtes du 29 juin 1908 . Il est toutefois nécessaire de préciser que la chambre des requêtes est une ancienne formation de la Cour de cassation supprimée par la loi du 22 juillet 1947 . En l’espèce, la responsabilité d’un dirigeant de société a été soulevée en raison du fait que ce dernier réalisait des opérations de bourse dans son intérêt personnel en utilisant les fonds de l’entreprise. Dans cet arrêt la chambre des requêtes a retenu « la mise en faillite d’une personne physique qui ne s’était pas bornée à remplir les fonctions de directeur de cette société, mais qui résumait en sa seule personne la société sous le couvert de laquelle […] (elle) […] se livrait à des opérations de commerce et de bourse pour son propre compte » . Ce dernier agissait donc au détriment de l’intérêt de la personne morale, sans tenir compte des conséquences négatives que cela pouvait avoir sur son actif. Ce comportement portait atteinte à la société et à ses créanciers. Les créanciers professionnels subissait les effets négatifs de ce comportement en perdant leur propre capacité à régler leurs fournisseurs. Cette responsabilité, visant à punir des personnes morales ou physiques, n’était à l’origine qu’un moyen dissuasif ayant pour but d’éviter la mauvaise gestion et les fraudes des dirigeants d’entreprises . Dès lors, c’est à bon droit que la Cour a étendu la procédure de faillite et ses effets au dirigeant, en « dépassant la personnalité morale de la société »  sur la base des règles du droit commun.

L’entreprise sociétaire est une entité morale, dotée d’une personnalité juridique et dont la responsabilité ne pouvait incomber aux personnes qui la composent. Tel était le principal frein à l’extension de la procédure collective. Il s’agissait donc pour la Cour dans ce premier arrêt, de pouvoir dépasser ce principe juridique. Pour cela les magistrats sont partis d’un raisonnement nouveau, considérant ainsi : « qu’une personne ne pouvait se délivrer de ses obligations ou bénéficier d’un droit auquel elle ne peut prétendre personnellement, sous prétexte qu’elle est membre d’une personne morale » . De ce constat, la Cour a caractérisé, d’une part, la confusion du patrimoine de la société et du dirigeant social, et, d’autre part, le détournement des actifs sociaux de l’entreprise masquée sous l’écran sociétaire.

En l’absence de texte en droit de la faillite sanctionnant cet état de fait, la Haute juridiction s’est basée pour la première fois sur les règles du droit civil. Au regard des carences du droit de la faillite en matière d’extension, les juges ont utilisé à cette époque les notions d’abus de la personnalité juridique et de simulation afin d’étendre la faillite au dirigeant. En matière de fictivité, ces deux notions existent toujours aujourd’hui dans notre droit positif et permettent aux juridictions de déterminer s’il y a lieu de procéder à une extension de procédure. Dans le premier arrêt d’extension de procédure collective du 29 juin 1908 , la Cour de cassation a considéré qu’il y a eu un abus de personnalité juridique constaté en raison du détournement des fonds de la société par le dirigeant. Cela laisse donc apparaître une confusion de patrimoine. Le dirigeant se livrait à des opérations de bourse en utilisant le compte de la société comme le sien et se comportait donc comme le véritable maître de l’affaire. Dans le même sens, un arrêt de la chambre des requêtes de la Cour de cassation du 9 février 1932 a pu retenir un abus de personnalité morale de la part du dirigeant d’une société anonyme. Ce dernier s’était approprié la trésorerie de la société et l’utilisait à des fins propres. De plus en dépit de la présence d’un conseil d’administration, toutes les décisions importantes n’étaient prises que par lui. La Cour, constatant cet abus de personnalité, a donc décidé d’étendre la procédure de faillite de l’entreprise à ce dirigeant.

Par ailleurs, la détermination de la notion de simulation donnée par le code civil est d’une importance majeure. « Lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n’est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s’en prévaloir. » . Le premier acte, s’il est connu par tous, dissimule le second qui est occulte et n’est pas en principe connu des tiers. Le premier acte est donc considéré comme fictif puisque son seul objectif est de cacher le véritable contrat, qui est le second acte. Cette approche a permis d’étendre la faillite à une personne morale ou physique sur la base de la fictivité. Pour revenir à Cour de cassation du 9 février 1932 , le dirigeant social masquait l’ensemble de ses transactions occultes derrière cette société. Les opérations n’étaient donc pas effectuées dans l’intérêt de la société, mais dans le sien. Cette affirmation a deux conséquences. La première est qu’elle remet en question la validité de la société en raison d’un manque d’affectio societatis. Celui-ci est la condition fondamentale de formation d’une société. Selon la doctrine : « L’affectio societatis permet d’abord de déterminer l’existence d’une société créée de fait ou d’une société en participation. Son absence permet au contraire de prouver la fiction des apports, imposant ainsi au juge de prononcer la nullité de la société. » . Egalement : « L’affectio societatis fonde plus particulièrement le droit de participer aux décisions collectives, ainsi que le devoir de loyauté entre associés. » . L’arrêt de la Cour de cassation du 10 février 1998 considère qu’il se définit comme l’intention des associés . Il a été observé que : « L’affectio societatis doit perdurer tout au long de la vie sociale, ou du moins la présence de l’associé au sein de la société. Si l’on peut déceler la présence d’un affectio societatis au moment de la constitution de la société, il peut disparaître par la suite » . Sur la base de ce principe, tiré du droit commun, le véritable auteur de la fictivité est le dirigeant social. C’est  dans cette logique que la faillite de la société a pu être étendue à son dirigeant social.

Le principe d’extension de faillite étant désormais admis, de nombreux arrêts ont pu voir le jour à partir de la caractérisation de la fictivité. Dans un arrêt du 13 mai 1929, la chambre des requêtes de la Cour de cassation a retenu l’extension de la procédure de faillite à l’encontre de différents dirigeants sociaux personnes morales. En l’espèce, trois sociétés avaient les mêmes dirigeants, le même personnel, les mêmes locaux, une comptabilité et trésorerie commune. Suite à certaines difficultés, l’une de ces sociétés a fait l’objet d’une procédure de faillite. Les juges ont alors décidé d’étendre la procédure aux deux autres sociétés. Cette décision fondée sur le droit commun a été motivée par la caractérisation de la fictivité de ces deux dernières sociétés . En effet, elles se présentaient comme des sociétés filiales de la première alors, qu’en réalité, il ne s’agissait que d’une seule et même entité. De cette jurisprudence, découlent deux principes fondateurs de la procédure d’extension. D’une part, on peut observer à travers cette décision que la fictivité a pu, pour la première fois, briser l’écran sociétaire au sein des groupes de sociétés. Considéré comme un principe immuable préservant les personnes morales membres d’un groupe de société, aucune disposition ne permettait jadis de casser cette sphère protectrice.

D’autre part, l’innovation remarquable de cet arrêt, est, qu’au-delà de l’extension de la faillite aux dirigeants personnes physiques d’une personne morale, fut aussi reconnue la possibilité de soumettre un groupe de sociétés à une extension de faillite et d’attraire des dirigeants personnes morales à cette procédure . C’est par la suite que la création de l’extension de la faillite par la jurisprudence au début du XXème siècle et la nécessité de sa pratique ont poussé le législateur à lui donner une base légale.

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Table des matières

Introduction
PREMIERE PARTIE Etat des lieux de l’extension de procédure
Titre I. Evolution législative et jurisprudentielle de l’extension de procédure collective
Chapitre I. De la naissance de l’extension légale à sa suppression
Section I. De la création de l’extension légale de la faillite à sa première codification
§ 1. La naissance de la procédure d’extension
§2. Encadrement législatif de l’extension de la faillite aux dirigeants sociaux
§3. L’action en comblement de passif
Section II. De l’association à la dissociation du sort du dirigeant social et de celui de l’entreprise
§1. Le rattachement du sort de l’entreprise à celui du dirigeant
§ 2. La séparation du débiteur et de l’entreprise
Chapitre II. Consécration législative de l’extension véritable
Section I. Le mécanisme de l’extension de procédure collective
§1. La mise en place de la loi du 26 juillet 2005
§2. L’avènement de la loi du 12 mars 2012
§3. L’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 et de la loi du 6 août 2015
§4. Le traitement des procédures d’insolvabilité en droit de l’Union européenne
Section II. L’extension de la procédure collective au conjoint du débiteur
§ 1. Patrimoine du couple
§2. Régime matrimonial et extension de procédure collective
Conclusion titre I
Titre II. Le régime procédural de l’action en extension de procédure collective
Chapitre I. Conditions d’ouverture de l’extension de procédure collective
Section I. Les causes de l’extension de procédure collective
§I. La fictivité
§II. La confusion de patrimoine
A. Éléments de la confusion de patrimoine
1. L’imbrication des patrimoines
2. L’existence de relations financières anormales et de flux financiers anormaux
B. La confusion de patrimoine et l’EIRL
Section II. Spécificités du régime procédural de l’extension de procédure collective
§1. Caractérisation d’une procédure particulière
§2. La prise en compte par la jurisprudence des spécificités de l’extension de procédure collective
Section III. Demandeurs, défendeurs, à l’action en extension de procédure collective et introduction de la demande
§1. La qualité du demandeur de l’ouverture d’une extension de procédure collective
§2. Le sort de la demande du créancier
A. L’exlusion du créancier comme demandeur
B. Les prérogatives du créancier contrôleur relatives à la demande d’ouverture d’une extension de procédure collective
§3. Le défendeur à l’action d’extension de procédure collective
§4. L’introduction de la demande
Chapitre II. Modalités procédurales
Section I. Compétence du tribunal
§1. Compétence matérielle des tribunaux
§2. Compétence territoriale
Section II. Le jugement d’extension de procédure collective
§ 1. Les règles et pratiques relatives au jugement d’extension de procédure collective
§ 2. L’autorité de la chose jugée
Conclusion du titre II
Conclusion de la première partie
DEUXIEME PARTIE Les effets de l’extension de procédure collective et la responsabilité pour insuffisance d’actif
Titre I. Les effets de la procédure d’extension
Chapitre I. Le sort des créanciers
Section I. Déclaration des créances, délais de prescription et effet de l’extension de procédure collective sur les créanciers
§1. Déclaration des créances et délais de prescription
§2. Effet de l’extension de procédure collective sur les créanciers
Section II. Effet de l’extension de procédure collective sur les cautions et sur les autres garanties
§1. Les effets de l’extension de procédure collective sur les cautions
§2. Les effets de l’extension de procédure collective sur les autres garanties
Chapitre II. L’unité de procédure, les évènements butoirs s’opposant à l’extension de procédure collective et les voies de recours au jugement d’extension de procédure collective
Section I. Unicité de procédure et de traitement
§1. Application jurisprudentielle de l’unicité de procédure et de traitement
§2. Les aspects de l’unicité de procédure collective dans la loi du 12 mars 2012
Section II. La date de cessation de paiement dans l’extension de procédure collective
§1. Détermination de la date de cessation de paiement
§2. La date de cessation de paiements dans la loi du 26 juillet 2005
Section III. Evènements butoirs qui s’opposent à l’extension de procédure collective et voies de recours
§ 1. Evènements butoirs qui s’opposent à l’extension de procédure collective
§ 2. Voies de recours au jugement d’extension de procédure collective
Conclusion titre I
Titre II. Responsabilité pour insuffisance d’actif
Chapitre I. Sanction du comportement fautif des dirigeants sociaux
Section I. Comportement fautif et principe d’irresponsabilité du dirigeant en cas de simple négligence
§1. Le comportement fautif du dirigeant
A. La faute du dirigeant comme condition de l’insuffisance d’actif
B. Caractérisation jurisprudentielle de la faute du dirigeant
§2. Le principe d’irresponsabilité du dirigeant en cas de simple négligence
Section II. La notion de dirigeant
§1. Dirigeant de droit
§2. Dirigeant de fait
Chapitre II. Rapports entre la responsabilité pour insuffisance d’actif et les autres régimes de responsabilité
Section I. Responsabilité de droit commun et régimes particuliers
§1. Responsabilité de droit commun
§2. Régimes particuliers
Section II. Le cas des anciens dirigeants et du conjoint du dirigeant social
§1. Le cas des anciens dirigeants et dirigeants décédés
§2. Conjoint du dirigeant social
Conclusion titre II
Conclusion de la deuxième partie
Conclusion générale
BIBLIOGRAPHIE

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