Évolution historique de la vision de l’enfant
Évolution historique de la vision de l’enfant
Au travers des siècles, la place de l’enfant au sein de la société ainsi que son statut ont grandement évolué. Les images de l’enfant, socialement construites, ont progressé à travers les siècles ainsi que selon les différentes cultures. Un rapide survol historique de cette évolution va permettre de présenter les mutations du statut de l’enfant ayant mené à la conception existante à ce jour. Pour commencer, en Occident, lors de la période de l’Antiquité, l’enfant n’existait pas en tant qu’individu à part entière car il était appréhendé comme « une simple esquisse d’être humain » (Becchi, 1998a, p. 43). On ne trouve que peu d’informations de l’époque sur les enfants car ces derniers étaient considérés comme inintéressants puisque « physiquement fragile, économiquement non productif, intellectuellement immature, moralement non sanctionnable » (Becchi, 1998a, p. 44). Pour preuve, le mot utilisé pour désigner l’enfant était en ces temps « infans », terme renvoyant à l’idée d’une maîtrise imparfaite du langage. L’enfant était alors considéré comme inaccompli et devant être au bénéfice de protection et de contrôle. Cette vision induisait qu’il devait se soumettre à une entité qui lui était supérieure et qui, à l’époque, était représentée par le père de famille (Becchi, 1998a ; Ladouceur, 1999). Durant de longues années, l’enfance a été considérée de manière négative et perçue comme un manque et un inachèvement. Aristote lui-même comparait l’enfant à un animal en affirmant : « l’âme de l’enfant ne diffère pas pour ainsi dire de celle des bêtes » (Youf, 2002, p. 10).
Durant le Moyen Âge, l’enfant était vu de manière plus ambiguë que par le passé, avec une nature apparaissant comme oscillant entre le bien et le mal. Cependant, comme dans la période Antique, il restait un non-adulte sans statut particulier et sous l’autorité paternelle (Becchi, 1998a, p. 111). Au-delà de l’image de l’enfant, il est à souligner que la société médiévale était marquée par une absence du sentiment de l’enfance. En effet, dès lors que l’enfant était en mesure de vivre sans les soins de sa mère ou de sa nourrice, il faisait partie de la société des adultes sans distinction aucune (Ariès, 1973). Selon Verhellen (1999), « ce n’est qu’à partir du seizième siècle que l’enfant allait progressivement faire l’objet d’une réelle attention » (p. 19). En effet, c’est à cette époque que certains garçons issus de classes sociales supérieures ont commencé à fréquenter l’école, qui avait pour but de les éduquer. Cependant, il semble important de mettre en avant le fait que cette éducation avait pour visée de rendre bons les enfants, qui étaient ainsi toujours appréhendés comme étant, par nature, mauvais.
La conception négative de l’enfance a donc persisté, et ce, jusqu’au 17e siècle où des philosophes de l’époque comme John Locke et René Descartes dépeignaient l’enfance comme une chute, un temps humain source de confusions, de préjugés et d’erreurs. L’enfant y était vu tel un humain inachevé en opposition à l’adulte. La citation de John Locke offre un aperçu de la manière dont l’enfant était alors considéré : « L’enfant naît sans capacité particulière de raisonnement ; il est tout comme une feuille blanche que l’on doit noircir » (Ladouceur, 1999, p. 192). Lors du 18e siècle, des philosophes tel que Kant et Rousseau dénoncent avec force et vigueur la puissance paternelle en prônant des relations parents-enfants plus égalitaires, mais ces derniers ne parviennent pas à modifier la conception de la famille. Néanmoins, si la population n’adhère pas à ce changement des rapports de force, cette dernière accorde une attention particulière à la protection des enfants.
En effet, l’enfant est dorénavant appréhendé, certes comme un être dépendant de ses parents, mais également comme devant être protégé (Pouliot, 1999, p. 224-225). Durant l’année 1762, Jean-Jacques Rousseau publie l’ouvrage l’Émile qui est porteur d’une vision progressiste puisque ce dernier reconnaît la spécificité que représente la période de l’enfance. Rousseau ira même plus loin, en prônant la reconnaissance de l’enfant en tant qu’enfant ainsi que le respect et la liberté de ce dernier. Bien que précurseur dans le statut qu’il accorde à l’enfant, Rousseau renoue toutefois avec certaines pensées de l’époque en définissant l’enfant comme né faible, ayant besoin d’éducation et devant être préservé des influences corruptrices grâce à l’éducation. Malgré l’avancée considérable qu’apporte Rousseau quant au statut de l’enfant, sa vision ne représente pas un reflet de la pensée majoritaire de l’époque, puisque son ouvrage fût condamné à Paris ainsi qu’à Genève (Russ, 1996, p. 203-226).
L’apport de la CDE en lien avec le statut de l’enfant
Lors de la date historique du 20 novembre 1989, après une dizaine d’années de travail de la part des États, des organisations inter-gouvernementales et des organisations non gouvernementales, l’Assemblée générale des Nations Unies promulgua un instrument donnant aux enfants des droits humains internationalement reconnus et un nouveau statut ; la Convention relative aux droits de l’enfant. L’introduction de cette Convention met en avant la considération de l’enfant comme une personne à part entière, égale aux autres individus et détenant des droits qui lui sont propres. En effet, comme le confirme Jean Zermatten (2013-2015) : La communauté internationale a pris conscience que l’enfant n’était pas seulement un être vulnérable qui méritait protection, ou un être dépendant à qui l’on devait des prestations pour vivre, survivre et se développer (alimentation, hébergement, éducation, santé), mais surtout qu’il était une personne à part entière, un individu à qui étaient rattachés des droits. (p. 161) Il est intéressant de soulever l’engouement considérable qui s’est construit autour de la promulgation de la Convention relative aux droits de l’enfant puisqu’à ce jour, 196 États sur les 197 existants ont signé et ratifié ce traité international.
De par son état de Convention, cet instrument comporte un côté contraignant, obligeant les États parties à respecter, appliquer et promouvoir les droits énoncés par celui-ci. Pour Verhellen (1999), « il convient d’insister sur le fait que parce qu’elle possède un caractère juridiquement contraignant, exhaustif et qu’elle a été ratifiée quasi universellement, la Convention constitue un contrat social géopolitique neuf et unique dans l’histoire » (p. 175). Les États deviennent ainsi débiteurs de prestations envers les enfants et sont tenus à des obligations. Ceci est en partie illustré par l’article 4 de la CDE qui mentionne que : « Les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention ».
La CDE introduit donc un changement fondamental dans le statut de l’enfant en le faisant passer progressivement d’enfant objet de droit à enfant sujet de droit, ce qui va introduire le concept de l’enfant acteur. Stoecklin (2009) définit la notion d’acteur comme suit : Lorsque l’on parle d’enfant acteur, on souligne le fait que l’enfant n’est pas simplement un individu qui est passivement forgé par les influences de l’environnement mais qu’il est agent de cet environnement et qu’il exerce donc une influence sur ce dernier. (p. 57) Cette évolution sous-entend une nouvelle vision de l’enfant qui va profondément changer les relations entre les acteurs de la société. Les enfants ne sont plus considérés comme déterminés mais bien comme capables de construire et transformer leur vie sociale, la vie de ceux qui sont autour d’eux, ainsi que les sociétés dans lesquelles ils se trouvent (Zermatten & Stoecklin, 2009). Le nouveau paradigme exposé ci-dessus n’est cependant pas partagé par l’ensemble des acteurs du domaine des droits de l’enfant.
En effet, certaines voix se sont élevées et s’élèvent encore contre une vision de l’enfant en tant que sujet de droits. Un des arguments fréquemment avancés se trouve dans l’idée qu’accorder des droits personnels et subjectifs aux enfants mène à un affaiblissement de leurs droits à la protection et aux prestations. Dans un ouvrage sur l’évolution de la protection de l’enfant, Ladouceur (1999) abonde dans ce sens en affirmant : Cependant, on ne doit pas oublier que l’incapacité juridique du mineur en est une protection et non pas de défiance, et qu’à ce titre, il y a toujours un certain danger à reconnaître des droits de plus en plus nombreux au mineur, puisque, en parallèle à la reconnaissance de ces droits, la protection dont il bénéficie disparaît, ce qui peut, à la limite être également contraire à la Convention sur les droits de l’enfant. (p. 199)
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Table des matières
Introduction et problématique
Cadre théorique
Évolution historique de la vision de l’enfant
L’apport de la CDE en lien avec le statut de l’enfant
Participation et droit d’être entendu
Le droit d’être entendu – Contexte législatif
Cadre normatif et législatif international
Cadre normatif et législatif national
Cadre normatif et législatif cantonal
Le droit d’être entendu – contexte pratique
L’organisation du système civil valaisan
Déconstruction des éléments de l’article
1.1. Les États parties garantissent
1.2. À l’enfant qui est capable de discernement
1.3. Le droit d’exprimer librement son opinion
1.4. Sur toute question l’intéressant
1.5. Les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité
2.1. Dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant
2.2. Soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié
Prise en compte de l’avis de l’enfant et informations données à ce dernier
Synthèse
Méthodologie de l’enquête
Terrain et échantillon d’enquête
Éthique et déontologie
Recherche de la vérité
Responsabilité envers la communauté universitaire, la société et l’environnement ainsi que l’appréciation et la limitation des risques respect de la personne et de ses droits fondamentaux
Analyse des données
Axe 1 : l’audition de l’enfant en pratique
L’audition de l’enfant… Quand ?
L’audition de l’enfant… Par qui ?
L’audition de l’enfant… Pourquoi ?
Axe 2 : Considérations accordées à la parole de l’enfant
Axe 3 : Retour d’informations à l’enfant
Vérification des hypothèses
Conclusion
Résultats de l’étude
Limites
Perspectives pratiques
Bibliographie
Annexes
Annexe 1
Annexe 2
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