Méthodologie associée à l’utilisation des nucléides cosmogéniques produits in situ
Au cours de ma thèse, plus de 75 échantillons ont été prélevés dans le massif des EcrinsPelvoux et j’ai préparé 66 d’entre eux au LGCA afin d’en mesurer leurs concentrations en isotopes cosmogéniques produits in situ du béryllium (10Be) et/ou de l’aluminium (26Al). Ces mesures ont toutes été réalisées sur l’instrument national ASTER situé au CEREGE à Aix en Provence. Cette première partie présente les différents protocoles qui ont été utilisés depuis l’échantillonnage sur le terrain jusqu’à la préparation des cibles pour la mesure par spectrométrie de masse par accélérateur. Je présente également dans cette partie le fonctionnement des instruments que nous avons utilisé pour mesurer les concentrations de mes échantillons en isotope stable de l’aluminium et en isotopes cosmogéniques du béryllium et de l’aluminium. La dernière partie est enfin l’occasion de présenter les méthodes de calcul des âges d’exposition et des taux de dénudation.
L’échantillonnage
Trois missions principales d’échantillonnage ont été menées avec pour chacune une problématique et des objectifs bien définis. Ces missions se sont déroulées durant des périodes allant de mi-mai à mi-octobre en 2006-2007-2008, puisque les secteurs échantillonnés sont difficilement accessibles pendant 4-5 mois de l’année où les routes d’accès sont fermées et le terrain n’est pas praticable (présence de neige, températures négatives, orages, etc.). Chronologiquement, et afin de répondre aux trois principales questions posées dans ce manuscrit, j’ai échantillonné trois types de matériaux : des alluvions de rivières, des roches en place sur des morphologies d’origines glaciaires et/ou périglaciaires, des matériaux divers (gélifractes/régolite, tills glaciaires et colluvions) dans le bassin versant des Etages.
Durant la première mission menée à l’automne 2006, j’ai prélevé 10 des 12 échantillons dont les résultats sont présentés dans notre article publié dans la revue Earth and Planetary Science Letters (cf. Delunel et al., 2010, chapitre III ; les échantillons provenant du Drac (Mb130) et de la Séveraisse (Mb146) m’ayant été donné par M. Bernet). Ces échantillons sont des alluvions actuelles (la fraction sableuse) et ont été systématiquement prélevés dans le lit mineur des cours d’eau, immédiatement à proximité du chenal actif le jour de l’échantillonnage. D’autres échantillons prélevés ultérieurement (campagnes 2007 et 2008) viennent compléter cette collection de sables de rivières. Pour chaque échantillon, environ 1.5 à 2 kg de sédiments ont été collectés, conditionnés dans des sacs en plastique labellisés du nom de l’échantillon, et la position géographique du site d’échantillonnage (longitude, latitude et altitude) a été relevée à l’aide d’un GPS (cf. Introduction, figure III et Annexe 1, tableaux 1, 2 et 3).
La campagne de terrain 2007 s’est principalement articulée autour de l’échantillonnage de roches sur différentes morphologies d’origines glaciaires et/ou périglaciaires (polis glaciaires, roches moutonnées, blocs erratiques, nunataks). Les résultats issus de cette campagne seront présentés dans le Chapitre II. Quatre sites ont été choisis pour leurs configurations qui permettaient d’y réaliser un échantillonnage sous la forme de profils verticaux (Saint Christophe en Oisans, la Tête de la Maye, la Tête de la Draye, le Gioberney ; cf. Chapitre II, Figure II.1), tandis que les autres échantillons ont été récoltés de façon plus ponctuelle dans le but de rendre compte de l’âge d’exposition de surfaces caractéristiques de la géomorphologie glaciaire du massif (échantillons du Plateau d’Emparis, Pic de Valsenestre, Col de Laurichard, etc., cf. Chapitre II, Figure II.1). Pour l’ensemble de ces sites, les échantillons ont été prélevés à l’aide du célèbre couple « massette et burin » puis conditionnés dans des sacs à échantillons, labellisés au préalable. Afin de pouvoir corriger les taux de production en isotopes cosmogéniques du masque créé par la topographie environnante, l’orientation et le pendage de la surface échantillonnée ainsi que l’orientation et l’angle des principaux reliefs obstruant l’horizon ont été relevés à l’aide d’une boussole et d’un clinomètre pour traitements ultérieurs au laboratoire.
Préparation et tri mécanique des échantillons
L’extraction chimique du béryllium et de l’aluminium s’effectue sur des fractions granulométriques réduites. Les échantillons provenant de roches en place ainsi que ceux du bassin versant des Etages ont donc été broyés dans le broyeur à mâchoires du LGCA avant d’être tamisés. Les alluvions de rivières échantillonnées dans les bassins versants du massif des Ecrins-Pelvoux ont été directement tamisées après avoir été séchées à l’étuve. Pour l’ensemble des échantillons, seule la fraction granulométrique 250-500 µm a été conservée pour la suite du protocole de préparation. Etant donné que l’extraction chimique du béryllium et de l’aluminium se fait sur des grains de quartz, l’utilisation du séparateur isodynamique Frantz disponible au CEREGE a permis d’éliminer la plupart des minéraux paramagnétiques. Les échantillons passent plusieurs fois sur le séparateur magnétique, dont on augmente régulièrement l’intensité jusqu’à 1 A, en ne conservant que les minéraux diamagnétiques. Bien que consommatrice en temps, cette méthode de séparation s’avère être particulièrement utile puisqu’elle permet de pré-purifier les échantillons et ainsi d’augmenter l’efficacité des séparations chimiques ultérieures. Cela permet en outre de consommer de moins grandes quantités d’acides.
Extraction chimique du béryllium et de l’aluminium
Pour extraire le béryllium et/ou l’aluminium, nous avons utilisé un protocole chimique adapté à partir des méthodes décrites par Brown et al. (1991) et Merchel et Herpers (1999). Celui-ci consiste à dissoudre d’abord l’ensemble des minéraux autres que le quartz, d’éliminer ensuite le 10Be d’origine atmosphérique, de dissoudre complètement les grains de quartz restant avant de procéder à l’extraction chimique sur résines échangeuses d’ions. Les étapes principales sont présentées ci-dessous :
Une fois les échantillons triés mécaniquement, environ 150 g de matière est conditionnée dans une bouteille Nalgène préalablement labellisée et pesée. Les minéraux autres que le quartz sont ensuite éliminés par une succession de bains dans un mélange d’acide chlorhydrique (1/3 HCl 36%) et d’acide hexafluorosilicique (2/3 H2SiF6 35%), placé sous agitation continue pendant 24H. Après un certain nombre de cycles de dissolution, l’échantillon est rincé, séché à l’étuve et la qualité de sa pureté est contrôlée sous une loupe binoculaire. Les échantillons qui conservent une quantité importante de minéraux différents du quartz (la muscovite, certains feldspaths et quelques oxydes se sont souvent montrés les plus difficiles à dissoudre) suivent à nouveau une série de bains HCl-H2SiF6.
Lorsque la pureté en quartz d’un échantillon est acceptée, il est alors soumis à une série de trois dissolutions séquentielles à l’acide fluorhydrique (HF 40%) dont l’objectif est d’éliminer le 10Be d’origine atmosphérique potentiellement adsorbé à la surface des grains de quartz. L’étude présentée par Brown et al. (1991) montre en effet qu’une série de trois dissolutions séquentielles visant à dissoudre chaque fois ~10% de la masse de quartz restante permet d’éliminer le 10Be d’origine atmosphérique.
Une fois cette dépollution effectuée, les échantillons sont rincés, séchés à l’étuve pendant 12H puis les bouteilles contenant les échantillons sont pesées. On conserve environ 20 g de quartz pur pour les étapes d’extractions futures, le surplus de la masse de quartz étant archivé. Un volume d’HF nécessaire à la dissolution du quartz est ajouté aux 300 µl d’une solution entraîneur de 9Be (Scharlau BE03450), dont on a pesé la masse et dont la concentration est connue (10-3 g/g). Cet entraîneur permet de fixer le rapport 10Be/9Be des échantillons et de rendre pondérable le béryllium pour la suite du protocole chimique ainsi que pour la mesure ultérieure par spectrométrie de masse par accélérateur (SMA). La mesure des rapports 26Al/27Al en SMA étant limitée à des seuils de détection de l’ordre de 10-16-10-15 , aucune solution d’entraîneur en 27Al est ajoutée aux échantillons, la quantité en 27Al naturellement présente dans les échantillons étant suffisante pour générer une quantité de matière pondérable. Lors de chaque série d’échantillons traitée au laboratoire, un blanc chimique a été réalisé. 300 µl d’entraîneur de Be et la même quantité d’un entraineur en 27Al (10-3 g/g) sont ajoutés à ~50 ml d’HF afin de quantifier les éventuelles pollutions en 10Be et 26Al subies pendant le protocole d’extraction. Les rapports de 10Be/9Be et 26Al/27Al mesurés par SMA dans les blancs correspondants sont ensuite soustrait à ceux mesurés pour la série d’échantillons à laquelle ils se réfèrent. Lorsque les échantillons sont totalement dissous, après environ 24H, la solution est transférée dans un bécher en Téflon de 150 ml. Si des résidus demeurent non dissous dans les bouteilles, leur masse est pesée puis soustraite à la masse de quartz effectivement dissoute.
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Table des matières
Introduction
I. Méthodologie associée à l’utilisation des nucléides cosmogéniques produits in-situ
1. L’échantillonnage
2. Préparation et tri mécanique des échantillons
3. Extraction chimique du béryllium et de l’aluminium
4. Mesure des concentrations
4.1. Mesure de la concentration en aluminium par spectrométrie optique d’émission au plasma
4.1.1. Principes du fonctionnement de l’ICP-OES
4.1.2. Préparation des échantillons et déroulement de la mesure
4.2. Mesure des isotopes 10Be et 26Al par spectrométrie de masse par accélérateur
4.2.1. Principes de l’utilisation de la SMA
4.2.2. Présentation d’ASTER
4.2.3. Calcul de l’incertitude sur la mesure du rapport isotopique
4.2.4. Calculs des concentrations en 10Be et/ou 26Al à partir de la mesure des rapports isotopiques
5. Détermination des taux d’érosion et des âges d’exposition
5.1. Calcul de la production locale en surface
5.1.1. Les facteurs d’échelle
5.1.2. La correction des paramètres locaux influençant la production
5.2. L’incertitude sur les résultats
II. Apport des Nivomètres à Rayonnement Cosmique à l’estimation de l’atténuation de la production en nucléides cosmogéniques induite par la couverture neigeuse saisonnière dans le massif des Ecrins-Pelvoux
Abstract
1. Introduction
2. Cosmic-ray flux monitoring and data processing
2.1. Principles, characteristics and locations of Cosmic Ray-Snow Gauges
2.2. Initial data processing
2.2.1. Correction for atmospheric pressure variations
2.2.2. Correction for global-scale modulations of cosmic-ray intensity
2.2.3. Consideration of geomorphic shielding
3. Results
4. Discussion
4.1. Cosmic-ray flux attenuation due to snow cover
4.2. Implications for TCN studies
5. Conclusions
III. Utilisation et traitement des Modèles Numériques de Terrain
1. Caractéristiques du MNT et des logiciels utilisés
2. Méthodes d’extraction des paramètres morphométriques caractéristiques du massif des Ecrins-Pelvoux
2.1. Extraction des bassins versants
2.2. Calcul des altitudes et pentes moyennes
2.3. Définition et calcul du relief géophysique
3. Calcul des taux de production à l’échelle des bassins versants
Conclusion
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