EVOLUTION D’UNE FLECHE D’EMBOUCHURE EN CONTEXTE MEGATIDAL

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L’apport sédimentaire

L’apport sédimentaire permettant la formation puis le développement de la flèche provient essentiellement d’un transport longitudinal de matériaux provoqué par un courant de même sens. Cette dynamique est appelée dérive littorale. Il faut donc en amont-dérive un réservoir sédimentaire important pour permettre une évolution constante de la flèche. Cette source de sédiment est variée et change suivant l’environnement :
Le plateau continental est généralement la source première de matériel sédimentaire. Ce stock sédimentaire provient de la dernière glaciation quand le niveau marin était plus bas que l’actuel. Une grande quantité de sédiments continentaux s’est déposé sur ces étendues libres avant d’être recouverte lors de la dernière transgression. Ce stock sédimentaire est remobilisé et transporté vers la côte par les courants de marée et la houle. Il participe indirectement au bilan sédimentaire de la flèche (Carter, 1988).
L’apport fluvial peut jouer un rôle dans l’alimentation en matériel de la plate-forme avoisinante et ce malgré son caractère saisonnier. En période de crue, la charge solide libérée par la rivière sera importante et se répandra sur la plate-forme. Cependant, le débit liquide beaucoup plus important aura tendance à éroder la flèche. C’est en période d’étiage que la flèche peut de nouveau se développer du fait d’un courant moins important au niveau de l’embouchure (Van Rijn, 1998).
Des falaises situées sur le littoral amont et subissant des phénomènes d’érosion par les agents hydrodynamiques ou climatiques peuvent alimenter la flèche en quantité suffisante pour induire sa croissance.
Outre l’apport longitudinal de sédiments, la flèche peut être alimentée par le rattachement de barres dites de swash, présentes sur le delta d’embouchure. Leur rattachement la haute plage libère une quantité importante de sédiments et peut être à l’origine d’une avancée significative du trait de côte le long de la flèche (FitzGerald, 1984 ; Smith & FitzGerald, 1994 ; Kana et al., 1999 ; Gaudiano & Kana, 2001).
De cet apport sédimentaire, seule une partie sera déposée à l’extrémité de la flèche (Gassiat, 1989 ; Hequette & Ruz, 1991). Pour les flèches évoluant en contexte ouvert, une importante quantité de sédiments continuera son déplacement au-delà d’un point de non-retour où il ne pourra pas être repris par un courant inverse. Pour les flèches évoluant dans un contexte d’embouchure, une partie de cet apport sédimentaire est stocké dans les deltas de jusant et de flot et une autre est expulsée du système par les courants de jusant.

Incidence de la houle

L’angle de la houle à la côte est un facteur important dans les différentes formules de quantification du transport littoral (Komar et al., 1970 ; LCHF, 1979 ; Bailard, 1984 ; Kamphuis, 1991 ; CERC 1998). La dérive littorale augmente lorsque la houle incidente est oblique jusqu’à un maximum de 45° (Ashton et al ., 2001, Murray et al., 2001). Pour des angles d’incidence de la houle plus grands, le taux de transport littoral diminue.
Vers l’extrémité de la flèche, du fait d’une courbure généralement plus prononcée, l’angle d’approche de la houle augmente. Si le transport longitudinal est le facteur dominant de l’apport sédimentaire global à l’extrémité de la flèche, celle- ci pourra s’enrichir et prograder seulement si l’angle d’approche des vagues est supérieur à 45° (Petersen et al., 2001). Si l’angle est inférieur à 45°, le transport sédimentaire à l’extrémité est plus fort que celui en amont et induit une érosion. Néanmoins, le transport sédimentaire est également fonction de la hauteur des brisants qui varie à la baisse de manière longitudinale, en allant vers l’extrémité de la flèche.
Le développement des flèches par incidence très oblique de la houle à la côte a également été reconnu par Zenkovitch (1967). Si l’angle d’incidence de la houle à la côte est moindre, cela signifie que l’apport cross-shore associé à la dérive littorale joue un rôle prépondérant dans l’évolution de la flèche.

Morphologie des flèches

Bien que chaque flèche soit façonnée par des agents physiques aux propriétés différentes, elles présentent des traits morphologiques distincts qui sont généralement identifiables.

Eléments morphologiques d’une flèche

Selon Van Rijn (1998), une flèche peut être divisée en trois unités morphologiques le long d’un profil longitudinal.
La section proximale est le point d’ancrage à la côte. La largeur de la plage y est la plus étroite. En période de faible apport sédimentaire, cette section est érodée par le courant longshore. Les phénomènes de submersion sont les plus fréquents sur cette unité du fait de la présence de dunes relativement basses (1 à 3m), et d’une largeur de flèche plus étroite. Cette unité est la plus fragile. Elle est susceptible de présenter des brèches à l’origine d’une séparation de la flèche avec la côte adjacente.
La section centrale, où des dunes peuvent être présentes, subit des phénomènes d’accrétion ou d’érosion suivant les conditions hydrodynamiques.
La section distale est la zone de dépôt des sédiments. La plage est plus large et des dunes embryonnaires peuvent se former.
Néanmoins, signalons que ce type d’organisation est général et que des cas particuliers peuvent exister. Par exemple, Cloutier & Héquette (1998) observe une diminution de la hauteur du massif dunaire entre la section proximale et distale.

Morphologie de la côte adjacente

Afin de mieux comprendre les phénomènes d’érosion agissant sur la côte à l’amont-dérive des flèches, Udda et Yamamoto (1991) se sont intéressés à l’étude de différents profils topographiques le long de ces corps sédimentaires. Cette étude a permis de trouver des similitudes topographiques entre différents sites dans des environnements hydrodynamiques contrastés (baies et lacs). L’examen des profils révèle la présence d’une pente raide entre les cotes 1 et –0.4 m (en considérant que le niveau moyen de la mer est à zéro) pour la partie amont-dérive. La zone entre les cotes -0.4 m et -0.8 m est plus douce. A l’inverse, l’extrémité de la flèche possède une pente douce entre les cotes 1 m et -0.4 m et raide entre -0.4 m et –1 m. Deux profils aux pentes différentes selon que l’on se situe à l’extrémité de la flèche (pente de profil convexe) ou sur la côte adjacente (pente de profil concave) sont souvent identifiés.
Ces caractéristiques topographiques ont également été mises en évidences sur la flèche du Cap Ferret en Gironde (Gassiat, 1989).

Concept de plate-forme

Grâce à des essais en laboratoire, Meistrell (1966) a pu définir les caractéristiques morphologiques et dynamiques de la plate -forme qui supporte les flèches, ainsi que son rôle dans leur formation et leur évolution. Ces travaux sont en accord avec ceux de Boldyrev et Nevesskiy (1964) en milieu naturel. Il en résulte que :
Les flèches se développent au-dessus d’une plate-forme sédimentaire qui est le prolongement de la plage voisine. Cette plate forme en avant de la flèche est située au-dessous du niveau des plus basses mers et est alimentée par le matériel issu de la dérive littorale.
La pente de la plate-forme est fonction de la granulométrie et des caractéristiques des houles (hauteur et longueur d’onde). Cependant, elle est plus douce que celle de la flèche ou du littoral adjacent. Au fur et à mesure de la progradation de la flèche et de la plate forme, la pente de cette dernière en un point fixe devient plus forte jusqu’à atteindre celle de la plage amont. Néanmoins, la pente de la flèche restera toujours supérieure à celle de la plate forme.
La croissance de la flèche et de sa plate-forme se déroule en alternance sous forme de cycles. Lorsque l’extension de la plate forme augmente rapidement celle de la flèche diminue. Inversement, lorsque l’extension de la plate forme ralentit, la vitesse de construction de la flèche augmente (Nielsen et al., 1988).
La flèche est composée de la fraction grossière du sédiment de la plate-forme.
De manière générale les flèches sont des structures temporaires assujetties aux variations des conditions de houle à l’inverse de la plate forme qui est une structure stable.

Hypothèses de formation des crochets

Les flèches développent dans de nombreux cas à leur extrémité un système de crochets généralement recourbés vers la côte. L’existence et l’évolution de ces crochets sédimentaires sont encore mal connues. Leur présence est expliquée par diverses hypothèses sans réel consensus entre les auteurs. Leur formation semble être due à une grande variété de processus dominants dans un certain cadre physique et morphologique d’avant-côte. Les différentes hypothèses sont les suivantes :
Un changement de direction de la houle au large : Certains auteurs (Zenkovitch, 1959 ; King & McCullagh, 1971 ; Van Rijn 1998) proposent que la partie distale de la flèche s’allonge et pivote suite un changement de direction des houles principales lors d’événements de tempête. D’après Sauvage de St Marc et Vincent (1956 ; in Galichon, 1984), la structure sédimentaire en formation a un axe ayant un angle de 50° par rapport aux crêtes de houles. Si l’angle entre le trait de côte et les crêtes de houle est supérieur à 50°, il peut se développer, à partir de ce point, un nouveau crochet (Galichon, 1984). Cette nouvelle direction de propagation des houles devra être d’autant plus longue temporellement et forte en énergie que la structure et taille de la flèche sont imposantes. Cette hypothèse semble être valide essentiellement pour les petites flèches beaucoup plus mobiles et réagissant rapidement aux variations des conditions d’agitation. Une fois ce crochet en équilibre avec les nouvelles conditions d’agitation, son orientation se stabilise. Cependant, Evans (1969) estime que la provenance de houles de directions différentes provoque surtout un élargissement ou un rétrécissement de la structure sédimentaire sans en changer la direction générale.
La migration des bancs littoraux : Ce principe est exposé par King (1970) en étudiant l’évolution des crochets de la flèche de Gibraltar Point (Grande-Bretagne). Il remarque que ces crochets se développent suite à la migration d’une barre, puis de son attachement le long de la flèche. Lors de leur migration, ces barres peuvent se regrouper et créer de grands ensembles complexes qui viennent s’attacher au haut de plage (Hine, 1975 et 1979 ; Aubrey Speer, 1984 ; FitzGerald, 1984 et 1988 ; Kana et al., 1999 ; FitzGerald et al., 1984 et 2000 ; Borrelli & Wells, 2003). Elles forment alors le corps principal d’un nouveau crochet se traduisant par un allongement de la flèche et une avancée de plusieurs centaines de mètres du trait de côte. Cependant, le rattachement à la flèche de ces « barres dit de swash » ne provoque pas obligatoirement la formation de crochets d’après Balouin (2001).
Réfraction de la houle : La réfraction de la houle au niveau de l’extrémité de la flèche est fréquemment invoquée comme raison principale du pivotement du crochet terminal (Evans, 1942 ; Carter, 1988 ; Van Rijn, 1998 ; Kraus, 1999). L’angle d’approche de la houle vers la partie distale de la flèche augmente et engendre un transport sédimentaire accru vers son extrémité. Simultanément, la hauteur de la houle incidente diminue du fait de la réfraction (Carter, 1988). En se développant, le crochet se dirige vers des zones de plus faible énergie où le transit littoral décroît entraînant un arrêt de l’allongement du crochet. Cependant, aucune explication sur la formation d’un nouveau crochet n’est donnée par ces auteurs. Toutefois, si la courbure de la flèche est suffisamment importante, la dérive littorale suit la direction du littoral amont sous la forme d’un crochet latéral et forme ainsi un nouveau crochet (May & Tanner, 1973 in Fox et al., 1995).
L’étude du rythme de formation des crochets ne permet pas de tirer une périodicité générale. Galichon (1984) a montré sur la pointe d’Arçay (Vendée) qu’il se forme un crochet tous les 11ans. Pour la Pointe de la Coubre (France), elle est de 8 ans ; à Magilligan (Ireland) : 5 ans ; à North West Point (Grande Bretagne) : 2 ans (Galichon, 1984), et à Penn ar C’hleuze (France) 2 à 3 ans (Hallégouët, 1981).

Evolution des flèches

Classification des processus gouvernant l’évolution des flèches

Grâce aux différentes observations faites sur l’évolution des flèches en contexte naturel (lac, lagon, baie, milieu ouvert) et lors d’expériences en laboratoire, Kraus (1999) dresse une liste de processus gouvernant les principaux paramètres géométriques d’une flèche (Tableau.1). Dans cette classification, les processus court terme et long terme sont dissociés sans pour autant expliciter précisément les pas de temps associés.

Influence de différents processus sur l’évolution d’une flèche

Apport sédimentaire

L’alimentation des flèches est souvent unidirectionnelle s’effectuant de la racine vers la pointe (Carter, 1988). Si l’apport sédimentaire est important, la racine sera en équilibre. Par contre, si un déficit sédimentaire existe, il sera compensé par une érosion de cette unité afin de répondre au déséquilibre sédimentaire (Figure.6). Or, au fur et à mesure que l’avant-côte s’amaigrit, l’amortissement de la houle par celle-ci est moins efficace.

Variation saisonnière du prisme tidal
La différence de volume d’eau dans la lagune protégée par la flèche entre la basse mer et la haute mer est appelée prisme tidal ou volume oscillant. Il joue un rôle important dans l’évolution des flèches puisqu’il contrôle l’intensité des courants à l’embouchure. Ces courants dans les environnements à marée jouent le rôle d’une barrière hydrodynamique transversale au transit le long de la flèche. Dans les environnements à faible marnage, une variation saisonnière du prisme tidal aura des conséquences importantes sur la morphologie des flèches.
Le rôle joué par les variations saisonnières du prisme tidal est mis en valeur par les travaux de Ozhan (1988). Cet auteur étudie le comportement d’une petite embouchure en contexte microtidal (0.3 m) et notamment l’évolution de la flèche durant une année. Il observe que la flèche progresse en été. Le prisme tidal engendre des vitesses de courant à l’embouchure relativement faible durant cette saison (courant bidirectionnel de 0.5m/s). La flèche atteint sa longueur maximum à la fin de l’été et la section de l’embouchure est minimale. En hiver, l’extrémité de la flèche subit une érosion importante provoquée par des vitesses de courant de marée plus importantes (courant unidirectionnel dirigé vers l’océan compris entre 0.5 et 1 m/s). Ces courants plus intenses résultent d’un prisme tidal plus grand provoqué par un apport fluvial plus important. La largeur et la profondeur de l’embouchure sont plus fortes que pendant l’été. Ainsi, pour les environnements à faible marnage influencés par un débit liquide fluvial, les changements morphologiques sont liés au cycle saisonnier. Néanmoins, il existe un équilibre dynamique sur le pas de temps annuel.
Impact des débordements de tempêtes
L’augmentation du niveau marin à une échelle géologique ou l’augmentation de la hauteur de la houle pendant une tempête peut induire des processus de débordement au dessus de la crête de la flèche. Ces submersions sont à l’origine d’un transfert de sédiment de la face marine vers la face lagunaire qui entraîne sa migration onshore (vers la côte) (Leatherman et al., 1977 ; Armon & McCann, 1979 ; Cloutier & Hequette, 1998 ; Héquette & Ruz, 1991). Ce processus est d’autant plus important lorsque le milieu dunaire est peu développé et présente de faibles dénivelés. Lors de ces événements, le transport éolien prend une place importante dans le transport sédimentaire global. Cloutier & Héquette (1998) indique que son action est à l’origine de 38 % du volume de sédiment échangé.
Evolution cyclique d’une embouchure et de la flèche
Différentes études (Isla, 1997 ; Ozhan, 1988) ont montré qu’une périodicité saisonnière pouvait exister dans l’évolution d’une flèche en contexte d’embouchure tidale. La mise en lumière d’une cyclicité de l’évolution des flèches sur des pas de temps plus grands est difficile à appréhender. Peu d’études présentent un suivi continu sur une longue période de temps. Cependant, plusieurs auteurs (Goldsmith, 1972 ; Giese, 1978 et 1988 ; McClennen, 1979, Zarillo, 1999) ont souligné la cyclicité du fonctionnement morphodynamique d’une embouchure. Ces études se focalisent principalement sur l’évolution de la position de la passe d’embouchure par rapport à celle de la flèche. Weidman & Ebert (1993) observent par exemple, la présence d’une cyclicité dans l’évolution de la flèche de South Beach (Massachusetts). Cinq cycles de 3 à 7 mois sur une période de deux ans ont été identifiés. Les étapes de ce cycle sont :
Une érosion de la côte adjacente et de la partie proximale de la flèche par l’action des vagues et des courants. La section moyenne de la flèche s’amaigrie. Par ces phénomènes, l’axe de la flèche subit une rotation (une dizaine de degrés dans le sens horaire).
Une accrétion de la partie distale. Cette partie s’allonge et s’élargie.
Lorsque la flèche excède 400 m et que la largeur de sa partie médiane est inférieure à 60 m, la flèche se rompt. Cette cassure est provoquée par des phénomènes d’overwash intensifiés en condition de tempête et en période de vives-eaux.
La partie séparée de la flèche migre sous l’influence de la houle vers la côte aval et permet son engraissement.
Ce processus est relativement périodique pour que l’on puisse caractériser l’évolution de cette flèche de cyclique. Le manque d’études ne permet pas d’affirmer s’il s’agit d’un comportement isolé ou d’une particularité des flèches sous certaines conditions environnementales.
Apport des modèles physique à la compréhension de l’évolution d’une flèche
L’évolution d’une flèche a été examinée en laboratoire à l’aide d’un modèle d’embouchure « théorique » en faisant varier les paramètres de la houle (hauteur et période) (Seabergh, 1999). Cette étude a pour but d’observer et d’analyser les différents processus intervenants dans la formation et l’évolution d’une flèche. Un volume de sable (quartz uniforme de 0.13 mm de diamètre) est placé sur la côte amont de l’embouchure. Avec l’initiation de l’action des vagues qui génère un courant longitudinal, une flèche se crée sur la côte amont de l’embouchure.
Une première expérience a été réalisée en appliquant ou non un courant de flot le long de la flèche. Les conditions de houles restent identiques.
Le courant de flot associé au courant longitudinal augmente le taux de transport sédimentaire le long de la flèche. L’expérience montre que l’évolution de la flèche est plus rapide lorsque ce courant est présent. Elle confirme le rôle positif du courant de flot sur la vitesse de croissance d’une flèche.
La largeur de la flèche a également été étudiée lors de l’expérience en présence d’un courant de flot. Rapidement des différences significatives de la largeur de la flèche sont observées. Il s’avère que la partie proche de la racine s’élargit plus vite que l’extrémité de la flèche. Par la suite, les mesures montrent que la largeur de la flèche tend vers un équilibre. Une fois l’embouchure atteinte, la partie proximale de la flèche reste plus large que la partie distale. Cette observation est en désaccord avec les classifications morphologiques et les modèles naturels d’évolution des flèches. Les paramètres simplifiés de l’expérience (houle et apport sédimentaire constant, morphologies inter et subtidal simplifiées) en sont probablement la cause. Les expériences montrent également qu’il existe une corrélation entre l’élargissement de la flèche, l’augmentation de la hauteur et la période de la houle, ainsi que le marnage (Kraus & Seabergh, 2002).
Conceptualisation analytique pour prévoir l’évolution d’une flèche
Kraus (1999) a développé un modèle analytique basé sur le mécanisme de progradation d’une flèche par accumulation de sable à son extrémité (Figure.7).
Ce modèle analytique reprend les hypothèses classiques des modèles mathématiques d’évolution du littoral (Hanson & Kraus, 1989 ; Larson et al., 1997). En particulier, il considère que :1) l’allongement résulte uniquement de gradients de transport sédimentaire dans la dérive littorale (Q), 2) la largeur de la flèche (W) ne varie pas, 3) le mouvement de la flèche se produit sur la distance verticale (D) comprenant la berme (B) et la profondeur de fermeture (Dc), 4) le mouvement de la flèche est une translation sur la période de temps considérée. De plus, Kraus (1999) simplifie la définition de la flèche comme étant l’association de la plate forme et du cordon dunaire.
Pendant l’intervalle de temps ∆t, la variation de volume ∆V est égale à W.D.∆X, où D B + Dc et ∆X l’augmentation de la longueur de la flèche. Par définition, la variation de volume est le volume entrant moins le volume sortant pendant l’intervalle de temps, soit ∆t.(Qin – Qout). L’équation de conservation du sédiment devient donc : dx = (Qin – Qout ) dt WD
Dans le cas d’une flèche contrainte par la présence d’une embouchure, les courants de marée vont avoir tendance à transporter le matériel sableux hors de l’embouchure, érodant le sédiment accumulé à l’extrémité de la flèche et ralentissant sa croissance (Figure.8) (Kraus, 1999). Les processus de remplissage du chenal par le transport littoral et d’érosion du chenal par les courants tidaux vont maintenir en équilibre dynamique la section de l’embouchure (Escoffier, 1940).
Modèle numérique d’évolution d’une flèche
Raper et al (1999) présente SEDSIM, modèle numérique capable de modéliser l’évolution d’une flèche en 3D sous des conditions réalistes. Il utilise un grand nombre de paramètres (transport longitudinal, houle incidente, fluctuation du plan d’eau, différentes caractéristiques de la granulométrie, topographie) pouvant influencer la progression de la flèche. Les résultats comparés à un exemple in situ sont estimés satisfaisants pour les auteurs. Ce modèle prédit l’évolution des flèches sur une moyenne échelle.
Typologie des flèches sableuses
Flèches en position de fuite
Ce type de flèche est généralement appelé queue de comète (Figure.9). Autour d’un rocher ou d’une île, le fond se relève habituellement de sorte que les vagues sont réfractées. Avançant moins vite près du relief qu’au large, elles auront tendance à pivoter autour. Ce phénomène de diffraction induit un transfert latéral de l’énergie lorsque le train de houle heurte les contours de ces émergents au cours de sa propagation. Cela se traduit par un changement de direction des vagues en s’amortissant rapidement par divergence (Paskoff, 1994). Ces deux phénomènes associés, réfraction d’abord puis diffraction, ont pour conséquence de diminuer l’énergie de la houle qui contourne l’île et créent ainsi une zone d’ombre plus calme, favorable au dépôt sédimentaire. Toutefois, le terme queue de comète est utilisé lorsque cet amas commencera à être en position de fuite par rapport aux houles dominantes. Celle-ci recevra uniquement comme impulsion directe : l’action des houles les plus obliques par rapport à leur direction moyenne de propagation, ainsi que celle des houles principales réfractées et diffractées par la présence de l’île (Pethick, 1984 ; Carter, 1988 ; Komar, 1988).
En plus de l’accumulation, ces phénomènes auront pour conséquence de modeler et de faire progresser les sédiments vers une direction de fuite. C’est la convergence des houles, essentiellement due à la réfraction qui accumule les sédiments le long de l’axe de l’abri, appelé ligne de convergence.
Lors de son évolution, les houles les plus obliques tendront à réaligner la queue de comète suivant les nouvelles conditions hydrodynamiques. Si la houle latérale est fortement oblique (au moins à 45°), elle frappera de front l’un des flancs de la flèche et la fera évoluer temporairement comme une accumulation frontale. Cela induira une projection des sédiments les plus gros sur le revers du cordon. Un recul de celui-ci peut alors être observé (Pinot, 1996).
Ces variations, de part et d’autre de la ligne moyenne de convergence des houles, contribuent à l’allongement de la queue de comète. Cependant, les conditions de houles sont rarement symétriques, soit parce que des obstacles entravent l’arrivée de certaines houles (tels que des caps ou d’autres îles), soit parce que le fond n’est pas identique de chaque côté de l’île. Des queues de comètes dissymétriques peuvent alors être observées, plus attaquées d’un côté que de l’autre, et dont les déplacements latéraux dans un sens ne sont pas compensés par des retours de même ampleur dans l’autre sens.
Les matériaux constituants les queues de comète sont représentatifs de l’intensité de la houle ayant contribuée à les construire ainsi que du stock sédimentaire disponible. Généralement, les matériaux les plus grossiers sont proches de la racine (Pinot, 1996).
Flèches triangulaires (Cuspate spits)
Les « Cuspate spits » se développent dans des zones abritées tel que les lacs ou l’intérieur des baies (Figure.10). Elles ont une forme triangulaire et sont larges de plusieurs dizaines de mètres (Davis, 1978). Leur longueur reflète la taille de la baie et l’énergie de la houle se propageant dans le système.
La nature de ces milieux protège le littoral de l’influence des houles longues venant de l’océan. Il subit seulement l’influence des vagues courtes générées par les vents locaux. Dans les environnements où le régime des vents est variable, une bidirectionnalité en sens inverse du transport sédimentaire sur les côtes est observée. Ce mécanisme est à l’origine de la formation des « cuspate spits » (Figure.9) (Guilcher, 1954 ; Zenkovitch, 1959 ; Rosen, 1975).
Caps triangulaires (Cuspate forelands)
Les « Cuspate forlands » sont des corps sédimentaires possédant une largeur allant de la dizaine de mètres jusqu’à plusieurs kilomètres et se développent perpendiculairement au trait de côte (McNinch & Luettich, 2000) (Figure.11). Ces entités sont fréquentes et peuvent être observées dans plusieurs régions du monde (Pattiararchi & Collins, 1987 ; Semenuiuk et al., 1988 ; Davis et al., 1993 ; Sanderson et al., 2000). L’espacement supérieur à 100 kilomètres dans certaines régions leur donne le titre de plus grande forme sédimentaire rythmique du littoral (Dolan et al., 1974 ; Komar, 1976). Les mécanismes de formation et d’évolution de ces flèches sont débattus dans la littérature depuis plus d’un siècle mais reste discutés. Quatre théories sont avancées : L’orientation de la côte est alignée suivant deux orientations opposées de vent et de houle (Rosen, 1975).
La formation sédimentaire constituant les « cuspate forelands » est plus résistante à l’érosion que celles constituant le littoral adjacent (Blackwelder et al., 1982). Cependant, McNinch & Wells (1999) précisent que ces entités sont des formes transgressives et que leur morphologie et évolution ne peuvent être dues à des phénomènes d’érosion.
La position de formation de ces flèches peut être en relation avec la présence de rivières, de deltas ou de caps formés lors des derniers cycles de transgression/régression du niveau marin (Hopkins, 1971 ; Hoyt & Henry, 1971) lequel influence le drainage de la plaine côtière (White, 1966).
La formation de ces entités serait liée à la convergence des cellules de transport sédimentaire côtière à grande échelle (Swift et al., 1972).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : FLECHES SABLEUSES ET TOMBOLOS : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Etat des connaissances sur la morphodynamique des flèches
II. Environnement morpho-sédimentaire des flèches d’embouchure
III. Les tombolos
IV. Bilan bibliographique et démarche proposée
CHAPITRE II : PRESENTATION DU CADRE GENERAL DE LA POINTE D’AGON
I. Situation géographique
II. Cadre morphologique de la Pointe d’Agon
III. Les conditions de forçages
IV. La dynamique sédimentaire générale sur la zone d’étude
V. Synthèse
CHAPITRE III : METHODOLOGIE
I. Introduction
II. Les mesures hydrodynamiques
III. Les mesures topographiques: Le système DGPS (Differential Global Positioning System)
IV. Les mesures de transport sédimentaire: Traceurs fluorescents
V. Synthèse
CHAPITRE IV EVOLUTION D’UNE FLECHE D’EMBOUCHURE EN CONTEXTE MEGATIDAL
I. Evolution séculaire de la Pointe d’Agon (1888-2004)
II. Etapes et rythmes de formation d’une flèche sédimentaire à crochets
III. Evolution récente de la Pointe d’Agon (2004–2006)
IV. Schématisation de l’évolution future de la Pointe d’Agon
V. Conclusions générales sur l’évolution d’une flèche d’embouchure en contexte mégatidal
CHAPITRE V : EVOLUTION MORPHODYNAMIQUE A MOYEN TERME D’UNE BARRE DE SWASH DE DELTA ET DE SON ENVIRONNEMENT
I. Méthodologie
II. Conditions dynamiques générales
III. Evolution morphologique de la barre
IV. Evolution granulométrique de la barre
V. Evolution morphologique de l’environnement autour de la barre
CHAPITRE VI : EVOLUTION MORPHODYNAMIQUE A COURT TERME D’UNE BARRE DE SWASH DE DELTA ET DE SON ENVIRONNEMENT
I. Evolution morphodynamique lors de la campagne AGMD 01 (05/06/04 – 06/07/04)
II. Evolution morphodynamique lors de la campagne AGMD 02 (22/04/05 – 17/05/05)
III. Conclusion générale
CHAPITRE VII : EVOLUTION D’UNE BARRE DE SWASH A L’ECHELLE DU CYCLE DE MAREE
I. Caractérisation des courants moyens
II. Propagation de l’agitation au dessus de la barre
III. Etude des processus agissant sur le déplacement de la barre
IV. Conclusion générale
CHAPITRE VIII : EXPERIMENTATION EN CANAL A HOULE
I. Méthodologie
II. Etude en canal à houle de la variabilité des courants et de la hauteur de la houle sur une barre intertidale de delta
CHAPITRE IX : PRESENTATION DU CADRE GENERAL DE L’ARCHIPEL DE ST PIERRE ET MIQUELON
I. Situation géographique
II. Cadre morphologique de l’archipel de Miquelon-Langlade
III. Les conditions de forçages
IV. Caractéristiques morphologique de l’isthme de Miquelon-Langlade
V. Synthèse générale et axes de recherche
CHAPITRE X : EVOLUTION DE L’ISTHME DE MIQUELON-LANGLADE
I. Méthodologie
II. Evolution résiduelle du trait de côte entre 1949 et 2005
III. Variabilité de l’évolution semi-séculaire de l’isthme entre 1949 et 2003
IV. Evolution actuelle de l’isthme de Miquelon-Langlade (2003-2005)
V. Conclusion
CHAPITRE XI : ETUDE DES PROCESSUS HYDRODYNAMIQUES ET DE LA CIRCULATION SEDIMENTAIRE AU VOISINAGE DE L’ISTHME
I. Caractérisation morpho-sédimentaire de l’avant-côte de l’isthme de Miquelon-Langlade
II. Analyse des processus hydrodynamiques sur la façade ouest
III. La circulation sédimentaire au voisinage de l’isthme de Miquelon-Langlade
IV. Conclusion générale
CHAPITRE XII : HYPOTHESES SUR LA MISE EN PLACE DE L’ISTHME DE MIQUELON-LANGLADE
I. L’environnement préalable à la formation de l’isthme
II. Les étapes de la formation de l’isthme actuel
III. Conclusions sur la formation et la construction de l’isthme de Miquelon-Langlade
CONCLUSIONS GENERALES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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