Les zones humides constituées le plus souvent par des marécages, lacs, oueds, estuaires, deltas, chotts, guelta, garât ou dayet …, sont des écosystèmes qui contribuent à la conservation de la biodiversité de la planète, ils représentent les milieux les plus productifs au monde. Elles sont caractérisées par une forte productivité biologique qui est à l’origine d’une importante production agricole traditionnelle (pâturage, élevage, rizières, exploitation forestière, roseaux…), piscicole (pêches, piscicultures)… leur importance repose aussi sur leur rôle dans la régulation des ressources en eau, au niveau de la recharge de la nappe phréatique, et la protection contre les inondations. Leur fonctionnement hydrodynamique offre une très forte sensibilité au changement du milieu, ce qui fait des zones humides de bons indicateurs des changements climatiques (Alibou, 2002). De plus, leurs valeurs éducatives et culturelles sont considérables, elles sont aussi les milieux les plus menacés de la planète, ces écosystèmes sont très sensibles et leur dégradation est irréversible. De nombreuses espèces végétales et animales y sont inféodées, la déperdition de ces ressources peut être la conséquence de leur disparition dans ces milieux.
Les eaux de surface occupent la plus grande partie du globe terrestre. Environ 98% de ces eaux sont des eaux marines. Les 2% restant constituent les eaux continentales représentées par les rivières, les lacs, les étangs. A cause de leur utilisation multiple, ces eaux continentales sont d’une très grande importance pour les activités humaines (domestiques, loisirs, agricoles, halieutiques et industrielles). Les milieux aquatiques continentaux procurent une variété de biens et de services à l’homme, ce qui leur confère une valeur économique irremplaçable (Gleick, 1993 ; Costanza et al., 1997). L’eau est également un élément indispensable utilisé par l’irrigation agricole, la production d’énergie et l’industrie.
Les eaux de surface sont aujourd’hui sujettes à une affreuse agression qui est la pollution. En Afrique, la pollution des plans d’eau est d’actualité et le traitement des eaux usées n’est pas toujours une préoccupation (Lamizana-Diallo et al., 2008). Les rejets d’eaux usées domestiques et agricoles même industrielle n’en demeurent pas non plus négligeables. Cette pollution induit entre autres l’eutrophisation du système complet avec pour conséquences la mortalité des poissons et le développement de micro-organismes pathogènes néfastes pour l’environnement (Scheren et al., 2004).
La qualité des eaux d’un hydrosystème dépend de nombreux facteurs et processus environnementaux. Elle est définie plus particulièrement par les caractéristiques géomorphologiques (altitude, pente …), pédologiques, géologiques (origine et nature des terrains) et anthropiques (degré d’urbanisation, activités industrielles, agricoles …) du bassin versant. Celui ci constitue un espace délimité par une ligne de partage des eaux et possédant son propre réseau hydrographique. Les versants du bassin collectent les eaux d’origine atmosphérique et les concentrent vers les éléments constitutifs du réseau (Amoros et Petts, 1993 in Barour, 2015). Au cours de leur transfert à la surface du sol et/ou en profondeur (ruissellement, infiltration …) puis de leur circulation dans l’hydrosystème, les eaux sont soumises à des processus physico-chimiques et biologiques qui conditionnent leur composition. Celle-ci définira ce qui est communément appelé la « qualité de l’eau» (Thurman, 1985 ; Madigou, 2005).
Le sol constitue une composante fondamentale dans l’étude des écosystèmes. Il présente le point de rencontre entre le monde minéral et le monde du vivant. Il constitue en fait, le siège d’interactions physico-chimiques dont les produits finaux sont les sels minéraux qui sont vitaux pour la biocénose. Le sol est plus ou moins développé suivant la nature de la rochemère, la topographie du site et les caractéristiques du climat, parmi ces derniers l’eau joue un rôle prédominant (Duchaufour, 1977).
Le sol est certainement la composante de l’environnement la plus mal connue alors qu’il constitue le support direct de la plupart des activités humaines. Ce n’est que récemment, et souvent à la suite de la mise en évidence de la pollution des sols par les activités industrielles ou agricoles (Mc Bride, 1994 ; Saltiene et al., 2002 ; Chapman et al., 2003), que l’on prend conscience de l’importance des fonctions du sol et de la nécessité de le sauvegarder. En effet le sol joue un rôle essentiel comme interface de l’environnement vis-à-vis des principales pollutions provoquées par l’homme (Calvet, 2003). Un sol est considéré pollué lorsque la dégradation de sa qualité par l’apport antrophique d’élément toxique peut porter atteinte à la santé humaine ou/et à l’environnement (Promeyrat, 2001). La présence d’un polluant dans le sol n’est pas en soit un danger (Chaussod, 1996). Le risque apparaît dès que ce polluant peut être mobilisé et agit sur l’environnement (faune, flore) ou sur l’homme (Garrett, 2000 ; Sánchez-Martin et al., 2000; Lee et al., 2006). Les outils actuellement utilisés reposent sur des propriétés physiques et chimiques du sol (Viard-La Rocca, 2004), alors que les paramètres biologiques intègrent l’ensemble de stress environnementaux (pollution chimique, état physique du sol, variations climatiques, modifications biologiques …) renseignant ainsi sur l’état global du sol.
Les sols des zones humides sont souvent assez saturés en eau. En conséquence, tout l’espace poral du sol disponible initialement pour l’air est remplacé par l’eau, et les échanges gazeux sont limités entre le sol et l’atmosphère. Ce sont principalement les échanges d’oxygène qui sont alors restreints, et un sol engorgé d’eau est donc un sol appauvri en oxygène, on parle alors de milieu anoxique. La présence d’eau dans le sol modifie les propriétés physiques de ce dernier. La structure se dégrade plus facilement et est moins cohérente (Benslama, 2007). La couverture pédologique de la région du PNEK se caractérise par une distribution des chaînes de sol en fonction de la topographie, de la végétation et de la roche-mère (Benslama, 1993) .
Cadre général du Parc National d’El Kala
Description générale et situation géographique
Le Parc National d’El-Kala (PNEK) est l’un des plus grands parcs nationaux d’Algérie et de Méditerranée occidentale. Il est situé à l’extrême Nord-Est algérien, il représente l’Est de la wilaya d’El-Taref, avec 6 des 24 communes sont entièrement incluses dans le PNEK et 2 autres en partie seulement (wilaya issue du découpage administratif de l’année 1985). La wilaya est frontalière avec la Tunisie sur 100 Km et possède une façade maritime de 90 Km (Fig.1). Cette réserve intégrale s’étend sur une superficie de 76 438 ha, soit 26 % de l’espace de la wilaya. Ses coordonnées géographiques vont de 36° 43’ N à 36° 57’ N et de 7° 43’ E à 8° 37′ E (Loukkas, 2006).
Le Parc National d’El-Kala est limité :
• Au Nord, par la mer Méditerranée.
• Au Sud, par les contreforts des monts de la Medjerda.
• A l’Est, par la frontière algéro-tunisienne.
• A l’Ouest, par l’extrémité de la plaine alluviale d’Annaba.
Cette situation présente un intérêt écologique remarquable pour trois raisons principales, sa grande diversité de milieux naturels, sa position originale en Méditerranée centrale (à la croisée des grands biomes tempérés, tropicaux, atlantiques et orientaux) et sa situation au sein d’un Maghreb isolé entre mer et désert (Roche et Yavercovski, 1990).
Géologie et géomorphologie
Selon Joleaud (1936), le substratum géologique de la région présente essentiellement des terrains datant du Tertiaire et Quaternaire.
Formations secondaires
Elles sont schisteuses plus ou moins argileuses de couleur bleue ardoise avec des passages calcareux est une microfaune d’âge Sénonien supérieur. Ces formations affleurent en plusieurs endroits surtout dans la forêt d’El-Ghorra (Menzel Beldi), au niveau du Cap Rosa, sur la rive Ouest du lac Tonga au lieu-dit (Daia Zitouna) et à El Ayoune au lieu dit Oued Djenane (Benyacoub et al., 1998).
Formations tertiaires
Elles sont surtout représentées par les éléments de l’Eocène moyen qui est caractérisé par les argiles de Numidie sur une épaisseur de 300 m environ. Ces argiles occupent les fonds de vallées, les bordures de plaines, par l’Eocène supérieur qui est caractérisé par les grès de Numidie qui se déposent sur les argiles sur 150 m d’épaisseur. Présents au niveau des monts d’El-Kala, ils sont généralement couverts de forêts de chêne-liège, et enfin par le Miocène qui est caractérisé par les sables, conglomérats, argiles rouges ou grises, localisés particulièrement dans la région Sud-Est (Benyacoub et al., 1998).
Formations quaternaires
Elles sont constituées pour la plupart de dépôts marins et fluviaux. Les limons, sables et galets sont des dépôts fluviatiles déposés par les oueds Kébir, Mellila et Bougous. Les dépôts marins éolisés sont des amas dunaires issus de l’érosion par la mer des falaises gréseuses, alors que les dépôts actuels sont des alluvions formant le fond des oueds (Benyacoub et al., 1998).
Topographie
Le relief du Parc National d’El-Kala se compose d’une série de dépressions, dont certaines sont occupées par des formations lacustres ou palustres, et des hautes collines aux formes variées. On y observe des dômes, des escarpements et des alignements de crêtes généralement couverts par une végétation dense (de Belair, 1990). Du nord au sud, on distingue:
➢ Un cordon dunaire littoral qui s’étend d’Ouest en Est sur une longueur de 40 km et se prolonge vers le Sud jusqu’au pied du Djebel Segleb. Il est formé essentiellement de sables quaternaires. En se dirigeant de la mer vers l’intérieur des terres, quatre degrés de formations dunaires peuvent être identifiés (Joleaud, 1936), la plage à sable blanc et dunes littorales dans la partie occidentale, les dunes sub-littorales à sable gris à l’Est et enfin les dunes intérieures à sable rougi par les dépôts d’oxyde de fer plus à l’Est. On reconstitue en fait, de la mer vers l’intérieur des terres, un gradient de degrés de fixation ou de fossilisation des dunes (Fig.2).
➢ Les dunes mortes sont les plus anciennes, donc les plus éloignées de la mer. Elles sont colonisées par une végétation dense (Chêne Kermès). Bien stabilisées même en cas de destruction du couvert végétal par le feu, elles sont remises en mouvement lorsque l’homme y intervient par l’exploitation immodérée du sable et la destruction de tout le chevelu racinaire qui constitue son principal élément de cohésion (Benyacoub, 1993). Les principales dunes sont celles du Cap Rosa, Mezira, et la Messida.
➢ Les plaines sublittorales présentent un relief plat, ondulé marqué surtout par les dépressions lacustres et marécageuses (Lacs Tonga, Mellah, Oubeïra). L’altitude n’y dépasse guère 600 m.
➢ Les montagnes telliennes à ce niveau, s’élève une partie du versant Nord de la chaîne de la Medjerda dont l’altitude moyenne est de 1100 m. Le point culminant est le Djebel Ghorra à 1202 m. Les monts de la Medjerda, dont les lignes de crête sont approximativement orientées Ouest-Sud-Ouest et Est-Nord-Est, ont subi des phénomènes de torsion qui ont brutalement incurvé leur direction générale vers le Nord-Est. On observe des prolongements vers la mer de ce mouvement du relief en deux points particuliers, le Cap Rosa et le Cap Segleb (Fig.2). Par ailleurs, le relief de la région se caractérise par un pendage important. En effet, 9 % des pentes faibles, 11 % des pentes moyennes et 80 % de pentes fortes à très fortes, constituent un trait majeur de la physionomie d’un paysage que l’on qualifiera de montagneux (Benyacoub et al., 1998).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Cadre général du Parc National d’El Kala
1. Description générale et situation géographique
2. Géologie et géomorphologie
2.1. Formations secondaires
2.2. Formations tertiaires
2.3. Formations quaternaires
3. Topographie
4. Les sols
4.1. Définition
4.2. Les différentes fonctions du sol
4.3. La couverture pédologique du PNEK
4.3.1. Les sols dunaires
4.3.2. Les sols inter-collinaires
4.3.3. Les sols des milieux forestiers
5. Hydrographie
6. Description des différents habitats du Parc National d’El-Kala
6.1. Les tourbières
6.2. La cocciféraie
6.3. Les ripisylves
6.4. Les milieux rocheux et plages
6.5. Le milieu marin
6.6. Les zones humides
7. Etude climatique
7.1. Températures
7.2. Pluviométrie
7.3. Hygrométrie
7.4. Vents
7.5. Synthèse des données climatiques de la région d’étude
7.5.1. Diagramme pluvio-thermique de Gaussen
7.5.2. Climagramme d’Emberger
8. Biodiversité
8.1. La faune
8.2. La flore
Chapitre II : Matériel et méthodes
1. Sites d’étude
1.1. Le lac Oubeïra
1.1.1. Caractéristiques du bassin versant
1.1.2. Paramètres de forme
1.1.3. Le réseau hydrographique
1.1.4. Caractéristiques morphométriques du lac Oubeïra
1.1.4.1. Localisation
1.1.4.2. Dimensions
1.1.4.3. Bathymétrie
1.1.4.4. Volume
1.1.5. Les menaces sur l’eau
1.1.5.1. Pompage de l’eau
1.1.5.2. Pollution de l’eau
1.2. Le lac Tonga
1.2.1. Caractéristiques du bassin versant
1.2.2. Paramètres de forme
1.2.3. Réseau hydrographique
1.2.4. Caractéristiques morphométriques du lac Tonga
1.2.4.1. Localisation
1.2.4.2. Dimensions
1.2.4.3. Bathymétrie
1.2.4.4. Volume
1.2.5. Les menaces sur l’eau
1.2.5.1. Drainage et irrigation
1.2.5.2. Pollution de l’eau
2. Objectif de l’étude
3. Echantillonnage
4. Protocole du prélèvement des échantillons
4.1. Sol
4.2. Eau
5. Méthodes d’analyses au laboratoire
5.1. Analyse des paramètres physico-chimiques des sols
5.2. Analyse des paramètres physico-chimiques des eaux
6. Signification des faciès chimiques
7. Analyse en composantes principales
Chapitre III : Résultats et discussion
1. Le lac Oubeïra
1.1. Caractéristiques physiques des sols du lac Oubeïra
1.1.1. La densité apparente (Da)
1.1.2. La densité réelle (Dr)
1.1.3. La porosité (P%)
1.1.4. La granulométrie
1.2. Caractéristiques physico- chimiques des sols du lac Oubeïra
1.2.1. Le pH
1.2.1.1. Le pH eau
1.2.1.2. Le pH KCl
1.2.2. La conductivité électrique (CE)
1.2.3. Le carbone organique (C%)
1.2.4. La matière organique (MO%)
1.2.5. Les bases échangeables
1.2.5.1. Calcium (Ca2+)
1.2.5.2. Magnésium (Mg2+)
1.2.5.3. Sodium (Na+)
1.2.5.4. Potassium (K+)
1.2.5.5. Ammonium (NH4+)
1.3. Etude statistique des sols du lac Oubeïra
1.3.1. Analyse en composantes principales (ACP)
1.3.2. Etude des variables
1.3.3. Représentation graphique de l’ACP des variables
2. Le lac Tonga
2.1. Caractéristiques physiques des sols du lac Tonga
2.1.1. La densité apparente (Da)
2.1.2. La densité réelle (Dr)
2.1.3. La porosité (P%)
2.1.4. La granulométrie
2.2. Caractéristiques physico-chimiques des sols du lac Tonga
2.2.1. Le pH
2.2.1.1. Le pH eau
2.2.1.2. Le pH KCl
2.2.2. La conductivité électrique (CE)
2.2.3. Le carbone organique (C%)
2.2.4. La matière organique (MO%)
2.2.5. Les bases échangeables
2.2.5.1. Calcium (Ca2+)
2.2.5.2. Magnésium (Mg2+)
2.2.5.3. Sodium (Na+)
2.2.5.4. Potassium (K+)
2.2.5.5. Ammonium (NH4+)
2.3. Etude statistique des sols du lac Tonga
2.3.1. Analyse en composantes principales (ACP)
2.3.2. Etude des variables
2.3.3. Représentation graphique de l’ACP des variables
3. Discussion
Conclusion