Le bitume 70/100
Le bitume utilisé en France pour l’enrobage des déchets nucléaires est un bitume de distillation directe. Chaque bitume fabriqué est caractérisé par son grade et classé selon ses caractéristiques physiques. Plus le grade est élevé et plus le bitume est mou (plus faible viscosité). Les normes que l’on retrouve usuellement sont les grades 180/220, 70/100, 40/50…. Ces valeurs correspondent à un indice de pénétrabilité (I.P) et sont obtenues au moyen d’un test normalisé qui est la pénétrabilité d’une aiguille. Celui-ci représente l’enfoncement en dixième de millimètre d’une aiguille calibrée, au bout de 5 secondes et sous une charge de 100 g. Les mesures sont effectuées à 25°C. Le bitume utilisé dans cette étude est fourni par Total (raffinerie de Normandie) et porte le nom Azalt 70/100.
Le tensioactif
Afin de fluidifier le mélange bitume/boue, un tensioactif est utilisé. Ce tensioactif industriel utilisé dans le processus de fabrication des enrobés bitume porte le nom ODS-17 et est issu d’un produit animal non purifié. C’est un tensioactif de type ionique avec deux composantes : (1) une composante anionique RCOO- , constituée d’un mélange de 60% de linoléate C17H31COO-, de 30% d’oléate C17H33COO-et de 10% de palmitate C15H31COO-, (2) une composante cationique, constituée d’un mélange de plusieurs diamines polyéthoxylés [2]. La teneur en tensioactif est de l’ordre de 2% massique par rapport à l’extrait sec. Pour des raisons techniques, le tensioactif est introduit dans l’extrudeuse après dilution dans du toluène (rapport de masse toluène/ODS-17 de l’ordre de 5). Le toluène est ensuite éliminé par évaporation au cours de l’extrusion.
Rhéologie
Dans l’objectif d’étudier le comportement rhéologique du bitume pur et des enrobés vierges et irradiés, deux rhéomètres à contrainte imposée ont été utilisés dans cette étude : un rhéomètre de type AR-G2 de la société TA Instruments, équipé du système EHP (Electrically Heated Plates), permettant une homogénéité thermique dans l’échantillon. L’autre rhéomètre utilisé est le MCR 301 de la société Anton Paar, équipé d’une cloche permettant une stabilité thermique. Des géométries plan-plan de diamètres différents (25, 40 et 50 mm) ont été utilisées suivant la température d’étude. L’entrefer choisi est de 1 mm dans le cas des bitumes et de 1,5 mm pour les enrobés. Les tests ont été réalisés entre 22 et 90°C. Le domaine de viscoélasticité linéaire a été déterminé en balayant en déformation entre 10-6 et 100, à une fréquence angulaire de 100 rad/s. La limite de ce domaine, donc la déformation critique, est déterminée lorsque le module élastique G’ atteint 90% de sa valeur au plateau [6]. Les tests de balayage en fréquence ont été réalisés entre 100 et 0,01 rad/s, à une contrainte ou déformation choisie dans le domaine de linéarité. Les courbes d’écoulement ont été obtenues par l’application d’un couple en continu (5 points par décade) et le déplacement correspondant est mesuré. Dans tous les cas, un temps de stabilisation de 60 s est utilisé, ce qui a été jugé suffisant pour assurer un taux de cisaillement constant à ± 5%. Des rampes en température ont également été effectuées, entre -20 et 100°C, avec une vitesse de 1°C/min. Tous les tests effectués ont été précédés d’une étape de stabilisation de 10 minutes à une déformation de 10-3 et une pulsation de 1 rad/s.
Analyse enthalpique différentielle modulée
La DSC est une technique de mesure du flux de chaleur émis par un échantillon donné en fonction de la température et du temps. La DSC conventionnelle permet d’étudier les transitions physiques (i.e. Tg) et les réactions chimiques (endo-exothermiques) de manière quantitative. Les principaux effets révélés par la DSC sont souvent caractéristiques d’une substance. Ces effets sont la transition vitreuse, la fusion et la cristallisation [7]. La Tg est la température au dessous de laquelle un solide amorphe devient fragile (cassant) et au-dessus de laquelle il devient souple. La transition vitreuse est un phénomène cinétique révélé par un changement de ligne de base, correspondant à une variation de la chaleur spécifique (Cp). Puisque les bitumes sont connus pour leur composition complexe, ainsi que par la présence de différentes familles de molécules (fractionnement SARA – paragraphe 3.7) [8], les résultats obtenus par une DSC standard sont difficiles à interpréter. Pour cela, une DSC modulée a été utilisée. Le principe est d’imposer simultanément à une vitesse de chauffage linéaire (DSC classique) une oscillation (modulation) sinusoïdale en température. En particulier, la MDSC permet la séparation du signal du flux thermique total dans ses composantes thermodynamiques et cinétiques. La première composante est liée réversiblement (Rev. ΔH) à la capacité calorifique (Cp), alors que la seconde est attachée à la cinétique d’une façon nonréversible (NonRev. ΔH) [7]. La DSC modulée offre les mêmes possibilités que la DSC classique, ainsi que plusieurs avantages supplémentaires dont :
– La séparation de transitions complexes en composantes plus facilement interprétables (Rev et NonRev ΔH) ;
– L’augmentation de la sensibilité pour détecter de faibles transitions ;
– L’augmentation de la résolution sans perte de sensibilité…
Les mesures décrites dans cette thèse ont été réalisées sur une DSC Modulée Q200 de TA Instruments, en utilisant une masse d’environ 10 mg de bitume placée dans des creusets aluminium hermétiques avec couvercle scellé. L’échantillon a été purgé à l’azote liquide avec un débit de 50 mL/min Suite à la complexité et l’instabilité du bitume, 3 cycles de chauffage et de refroidissement de -90 à 100°C ont été effectués, sans changer l’échantillon, avec une vitesse de chauffage de 5°C/min. Les valeurs de transition vitreuse (Tg) ont été déterminées sur le 2ème cycle de chauffage, à partir du point d’inflexion du flux de chaleur réversible.
Spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier (IRTF)
La Spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier est basée sur l’absorption d’un rayonnement infrarouge par le matériau analysé. L’IRTF permet de mesurer les absorbances d’énergie des liaisons chimiques (fonctions alcool, acides, méthyles, méthylène…) de tous les composants présents dans les produits analysés et de les corréler à leurs concentrations, puisque l’intensité de l’absorption est directement proportionnelle à la concentration de la molécule considérée. Les spectres IRTF des différents bitumes présentent tous des bandes d’absorption dont les attributions sont maintenant couramment admises.
Influence de la température sur le comportement rhéologique
En se basant sur les résultats obtenus ci-dessus, le comportement rhéologique du bitume a été reconsidéré en imposant une déformation. La pente sur G’’ à faible fréquence est égale à 1. Cependant, un plateau sur G’ est observé à 50 et 70°C. Nous remarquons que plus la température augmente, plus le plateau sur G’ apparaît rapidement. Le PETT a été appliqué à une Tréf de 50°C et une courbe maîtresse est obtenue (Figure II.12-b). L’existence du plateau à faible fréquence a été vérifiée par d’autres expériences aux mêmes températures mais avec des conditions différentes : à 50°C, les essais ont été répétés mais sur une gamme de fréquence allant jusqu’à 10-4 rad/s : un plateau est obtenu et qui est parfaitement superposable avec le résultat présenté ci-dessus. L’utilisation d’une géométrie plan-plan de diamètre 50 mm à 70°C confirme également la présence et la superposition de ce plateau à faible pulsation.
|
Table des matières
Introduction : contexte et objectifs
Chapitre 1 – Matériaux et Méthodes
1. Matériaux
1.1. Le bitume 70/100
1.2. Les boues incorporées dans le bitume
1.3. Le tensioactif
2. Les outils
2.1. Extrudeuse bivis
2.2. Irradiateur γ
2.3. Cellule de diffusion de l’hydrogène
3. Les techniques de caractérisation
3.1. Rhéologie
3.2. Analyse enthalpique différentielle modulée
3.3. Microscopie électronique à balayage environnementale (MEBE)
3.4. Spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier (IRTF)
3.5. Analyse thermique différentielle et Analyse Thermogravimétrique (ATD/ATG)
3.6. Analyse élémentaire des bitumes
3.7. Le fractionnement SARA
3.8. Chromatographie Exclusion Stérique (SEC)
3.9. Diffraction des Rayons X (DRX)
3.10. Diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS)
3.11. Microtomographie X
4. Bibliographie du chapitre 1
Chapitre 2 – Caractérisation rhéologique et thermique du bitume 70/100
1. Caractéristiques physico-chimiques du bitume « Azalt 70/100 »
1.1. Composition élémentaire et par famille
1.2. Spectroscopie Infra-rouge du bitume 70/100
1.3. Diffusion des rayons X dans le bitume 70/100 (SAXS)
2. Caractérisation rhéologique et thermique du bitume 70/100
2.1. Description générale du comportement rhéologique du bitume
2.2. Effet de la contrainte appliquée sur le comportement rhéologique
2.3. Influence de la température sur le comportement rhéologique
2.4. Caractérisation du bitume comme un fluide à seuil
2.5. Loi de comportement rhéologique globale et modèle
2.6. Caractérisation de la microstructure du bitume par des analyses thermiques
2.7. Importance d’une contrainte seuil dans le cas du bitume
3. Bilan de ce chapitre
4. A retenir du chapitre 2
5. Bibliographie du chapitre 2
Chapitre 3 – Influence des conditions opératoires d’extrusion sur le bitume et les enrobés bitume
1. Influence des conditions opératoires d’extrusion sur les propriétés du bitume pur
1.1. Caractérisations rhéologiques
1.2. Séparation asphaltènes/maltènes
1.3. Interprétation
1.4. Discussion générale
2. Influence des conditions opératoires d’extrusion sur les propriétés des enrobés bitumes
2.1. Enrobé monosel type BaSO4
2.1.1. Effet de la vitesse de vis N
2.1.2. Effet du débit d’écoulement Q
2.1.3. Discussion
2.2. Enrobé monosel type NaNO3
2.2.1. Effet de la vitesse de vis N
2.2.2. Effet du débit d’écoulement Q
2.2.3. Discussion
2.3. Enrobé bisel
2.3.1. Effet de la vitesse de vis N
2.3.2. Effet du débit d’écoulement Q
2.4. Comparaison et discussion générale entre les 3 enrobés bitumes
3. Enrobé industriel de type STE3
3.1. Effet de la vitesse de vis N
3.2. Effet du débit d’écoulement Q
3.3. Comparaison et discussion générale
4. Mesure de la vitesse de migration des bulles
5. Bilan de ce chapitre
6. A retenir du chapitre 3
7. Bibliographie du chapitre 3
Chapitre 4 – Effet de l’irradiation γ sur le comportement du bitume pur et de l’enrobé STE3
1. Comportement sous irradiation de la matrice bitume
1.1. Evolution du gonflement
1.2. Modifications des propriétés rhéologiques sous irradiation du bitume pur
1.3. Modifications internes ou structurales
1.4. Bilan
2. Comportement sous irradiation de l’enrobé industriel (STE3)
2.1. Evolution du gonflement des enrobés STE3 en fonction de la dose
2.2. Effet de l’irradiation γ sur la population de bulles dans STE3
2.3. Effet de l’irradiation γ sur la rhéologie du STE3
3. Détermination d’une loi de rhéo-vieillissement radiolytique pour l’enrobé bitume type STE3 à T = 22°C
4. Bilan de ce chapitre
5. A retenir du chapitre 4
6. Bibliographie du chapitre 4
Conclusion générale
Télécharger le rapport complet