Madagascar est réputé pour ses potentiels économiques (Banque Mondiale, 2013). Il est même admis que Madagascar est un grenier potentiel pour l’Océan Indien. Certes, il fait actuellement parti des pays les moins avancés (PMA) et n’arrive pas à se développer malgré ses multiples opportunités et les différents efforts qu’il a initiés dans la lutte contre la pauvreté (FMI, 2015). Dans cette course, le pays a mis en place diverses politiques pour la réduction de la pauvreté, et a investi dans des plans d’actions qui visent la réalisation des objectifs visés par ces politiques. Ainsi, après la crise de 2002, le pays a défini en 2006 le MAP (Madagascar Action Plan) qui était le DSRP du pays, et la mise en œuvre était prévue pour la période 2007 à 2012. Mais la crise de 2009 a mis fin à son exécution, ainsi, en 2014, le pays a défini un nouveau plan pour le développement du pays, le PND (Plan National de Développement) prévu pour la période 2015-2019. En outre, la nécessité des efforts continus pour éradiquer la pauvreté (Cioclea, 1998), incite à se demander sur la continuité ou non des efforts d’éradication de la pauvreté définis dans ces deux plans de développement. Cette étude a alors pour ambition de déterminer l’existence de continuité ou de rupture entre ces deux plans de développement mises en œuvre pour sortir du crible du sous-développement. Elle essayera ainsi de les analyser successivement afin de déterminer leurs points communs et particularités. Cette étude se focalisera alors essentiellement sur la comparaison entre ces deux politiques dans le but de pouvoir souligner la rupture ou la continuité des efforts à entreprendre selon ces politiques.
En outre, la pauvreté frappante de Madagascar, malgré ses dotations inégalées en richesses naturelles incite à se questionner sur les politiques de développement et de réduction de la pauvreté adoptées par le pays. En fait, le changement fréquent de stratégie de réduction de la pauvreté, défini dans les DSRP successifs, et la variation en dent de scie de la croissance économique du pays, attirent particulièrement l’attention. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle la divergence des stratégies et la rupture des efforts initiés dans la réduction de la pauvreté pèsent sur le développement du pays semble être vérifié (Frey ,1985 ; Lafay, 1993 ; Edwards & Tabellini, 1992 ; Lafay & Lecaillon, 1993 ; Cioclea, 1998). Mais pour avoir le cœur net sur les entraves que peuvent engendrer ces changements de stratégies et de plans de réduction de la pauvreté sur le développement du pays, une analyse des différents plans de développement définis est nécessaire afin de déterminer les principaux traits distinctifs de chaque stratégie de développement. Cette étude a justement cette ambition d’effectuer une analyse comparative des deux derniers plans d’action que Madagascar a défini, c’est-à-dire, une comparaison entre le MAP (2007-2012) et le PND (2015-2019), offrant ainsi la possibilité de déterminer les orientations stratégiques et les principaux priorités pour chacun de ces plans, et donc de souligner leurs ressemblances ou leurs divergences.
Conception de la comparaison
Définition
Une conception plus large de la comparaison peut être formulée comme le raisonnement propre à la pensée humaine (Lévi-Strauss, 1962). En sciences sociales,c’est une opération ordinaire de production de la connaissance (Vigour, 2014). Puis une définition plus étroite de la comparaison est la mise en regard d’aux moins deux cas, pour à la fois les assimiler et les différencier par rapport à un critère (Sartori, 1994). Cette opération de comparaison et de définition de critère (critère de comparaison) ne relève donc pas de l’évidence mais doit par contre faire l’objet d’une construction, nécessitant ainsi la réflexivité du chercheur dans la pratique de la comparaison (Gazibo, Jenson, 2004).
Diversité des objectifs et des logiques de comparaison
La conception même de l’approche comparative montre que la comparaison relève de la logique, et non pas d’une approche rigide. Ainsi, la logique de comparaison doit se varier en fonction des objectifs de la comparaison. Barrué-Belou souligne que la comparabilité ne se détermine pas. Aucun système n’est identique à un autre. Plus précisément, si des organisations peuvent être semblables, les conditions dans lesquelles elles existent ne le sont pas. La comparabilité se construit. Elle résulte d’un choix fait par l’observateur (Belou, 2016). Toutefois, une combinaison des objectifs et des logiques de comparaison relève du quotidien, sans pour autant devenir une évidence.
L’approche comparative dans la science économique
L’apport des approches comparatives en sciences, se justifient par deux questions clefs : pourquoi comparer et qu’est ce qui est comparable ? A la première question la réponse est que l’analyse comparative permet la validation ou pas de certaines généralisations. A la deuxième question la réponse est que comparer signifie assimiler et différencier aux moins 2 (deux) entités par rapport à un critère. La comparaison constitue, à fortiori, le fondement de plusieurs recherches (Glaser et Strauss, 1967). La comparaison est en fait plus qu’une méthode, elle constitue une stratégie de recherche entière, et à ce propos, Daniel-Louis Seiler a affirmé que« il n’y a pas de science sociale convenable si le chercheur n’adopte pas a priori une attitude comparatiste » (Seiler ,« La méthode comparative en science politique » , Paris, Armand Colin, 2004, pp. 30). C’est une stratégie de recherche qui oriente de manière systématique le regard du chercheur dans sa volonté de comprendre et d’expliquer un fait (économique, politique, social…).
Les principes de la bonnes comparaison, apport de G. Sartori
Une des conditions qui entrave la réussite de l’approche comparative est la construction du domaine d’étude. Sartori affirme que la politique comparée est en crise car les études de ce domaine sont construites d’une mauvaise façon. Pour Sartori, « L’analyse comparative est devenue inconstante avec ses objectifs » (G. Sartori, «Bien comparer, mal comparer», Revue Internationale de la Politique Comparée, Vol n°1, Avril 1994, pp.19). Sartori, concernant cette construction « des bonnes » approches comparatives, part de trois grandes questions : pourquoi comparer? Qu’est-ce que c’est comparable? Et Comment comparer? La première porte sur les objectifs du domaine : « Pourquoi comparer? ». Pour Sartori, le rôle de l’analyse comparative est celui de contrôler si les généralisations du domaine restent ou pas valables. En considérant une différence de nature entre les études statistiques et empiriques et la méthode comparative en soi, il soutient que la méthode comparative donne la possibilité de fournir des solutions à des cas que les analyses empiriques ou statistiques ne peuvent pas contrôler (Lijphart, 1971). Puis, la méthode comparative a des objectifs clairs et très importants pour la science politique, mais où peut-elle s’appliquer? Qu’est-ce que c’est comparable? Pour Sartori, la question est plutôt « Comparable par rapport à quelles autres propriétés ou caractéristiques? » (G. Sartori, «Bien comparer, mal comparer » Revue Internationale de la Politique Comparée, Vol n°1, Avril 1994, pp. 22). Comparer signifie «assimiler et différentier par rapport à un critère » (Ibid. pp.22) et pour pouvoir construire une recherche valide, la méthode comparative employée devrait répondre aux exigences d’ordre logique en faisant notamment appel aux notions de genus et de differentiam (similarité des attributs communs et différenciation).
Ainsi « bien comparer » signifie l’application des principes logiques qui requièrent une construction des classes complémentaires et exclusives, qui se fondent sur des principes de similarités. La délimitation des classes se construit sur un principe de différence. Alors, nous pouvons comparer selon des différentes propriétés, selon des attributs communs qui correspondent aux entités que nous voulons analyser. Sans comprendre ces principes de la logique formelle élémentaire, nous ne pouvons pas bien comparer, car les problèmes du domaine comparatif sont apparus par le fait d’avoir ignoré ces principes. Une mauvaise comparaison proviendrait alors de quatre facteurs : le localisme, une mauvaise classification, le gradualisme et l’élasticité conceptuelle. Le localisme signale la tendance des chercheurs à ignorer les catégories classiques et les concepts consacrés en utilisant une terminologie définie autrement (en faisant ainsi aussi une confusion entre le niveau noétique et le niveau linguistique). Le deuxième type d’erreur consiste à une mauvaise classification en pseudo classes, ainsi le critère unique appliqué à la classification n’est pas bien choisi et on assiste à la construction des classes très hétéroclites qui ne peuvent pas être correctement analysées. Le troisième type d’erreur vient du gradualisme, qui implique selon Sartori le fait que les différences de genre sont perçues en tant que différences de degré et qu’on favorise la représentation conceptuelle continuelle et non pas dichotomique. Enfin, le dernier type d’erreur vise l’élasticité conceptuelle qui implique une définition des concepts qui les réduit à une série de notes conceptuelles (attributs) qui ne l’identifie pas et qui font qu’on ait une très grande souplesse du concept.
Comparaison des politiques économiques
L’analyse comparative, et celle des politiques publiques qui ne déroge pas à la règle, est l’objet constant de critiques plus ou moins fondées. L’analyse comparée, est généralement victime de quatre soupçons le localisme, une mauvaise classification, legradualisme et l’élasticité conceptuelle. Elle est souvent peu explicite sur la méthode, et pour cela offerte aux critiques tendant à révéler, derrière des justifications scientifiques, les réelles explications des faits (Knoepfel et Larrue, 1987). Concernant la comparaison de politiques publiques, Il y a différentes façons de faire de la comparaison de celles-ci, qui dépendent de la perception qu’a le chercheur et qui déterminent les questions auxquelles il entend répondre (Vlassopoulou, 2004). En fait, la construction d’un cadre d’analyse passe, par la façon de percevoir les politiques publiques en tant qu’ « unité d’analyse » (Nioche, 1982). Toutefois, la grande difficulté de l’analyse comparative, selon E.-W. Kelley, consiste à savoir quelle comparaison faire et pour quelle raison (Kelley 1978).
Pour y faire face, les efforts de théorisation de ces dernières années ont permis d’asseoir le comparatisme sur trois finalités : comprendre le sens du politique selon des contextes distincts, relativiser la vigueur des différences apparentes entre systèmes et se libérer des tendances à l’ethnocentrisme (Badie et Hermet ,2001). Ainsi, des propositions, devenant progressivement des bonnes pratiques, de méthodologie de l’étude comparative sont avancées.
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Table des matières
INTRODUCTION
Intérêt et justification du choix du sujet
Problématique
Choix méthodologique
PARTIE I : CADRE THEORIQUE ET REVUE DE LA LITTERATURE
Section I : L’approche comparative
I. Conception de la comparaison
1. Définition
2. Diversités des objectifs et des logiques de comparaison
3. L’approche comparative dans la science économique
II. Les principes de la bonne comparaison, apport de G. Sartori
III. Comparaison des politiques économiques
Section II : Construction des critères de comparaison du MAP et du PND
I. Objectifs et démarche de l’analyse
I. Grille d’analyse
PARTIE II : ETUDE COMPARATIVE DU MAP ET DU PND
Section I : Vision et principaux objectifs du MAP et du PND
I. Présentation du MAP et du PND
II. Vision et principaux objectifs du MAP et du PND
1. Vision
2. Objectifs
Section II : Analyse des orientations stratégiques du MAP et du PND
I. Les orientations stratégiques du MAP et du PND
1. Les piliers d’intervention
2. Les priorités des piliers d’intervention
II. Synthèse : les principaux piliers d’interventions et orientations stratégiques du MAP et du PND
Conclusion
Bibliographie