La performance humaine est multifactorielle et est déterminée par divers facteurs de l’environnement de l’athlète (la prise en charge et l’encadrement médical, la qualité de l’entrainement physique, la nutrition, la technologie et le dopage), par des facteurs physiologiques (transport d’oxygène, performance et métabolisme musculaire, contrôle cardiovasculaire ou fonctionnement des différentes composantes du système nerveux), par des facteurs biomécaniques et tactiques ; et par d’autres facteurs hors du contrôle de l’athlète (génétique, environnement et conditions climatiques, facteurs socioculturels). Les facteurs psychologiques et neuronaux contribuent aussi au succès des performances sportives par le biais de la solidité mentale, la connaissance de la discipline, la subtilité tactique, la cohésion au sein de l’équipe, le niveau de maturité, l’anticipation et la prise de décision, et la motivation à subir et tolérer la douleur pendant l’entrainement et la compétition. L’ambition de la victoire est également une caractéristique additionnelle d’un champion. La multiplicité des facteurs mis en jeu dans l’établissement de la performance explique la diversité observée des résultats chez les athlètes de haut niveau [1-8].
Le sport est une pratique sociale bien définie qui remonte à la Grèce antique. Elle n’est pas vraiment différente des autres activités humaines : elle se développe historiquement dans des sociétés puissantes et est soumise à des changements continuels. Il n’existe pas d’archives des performances sportives de l’antiquité méditerranéenne car le but des compétitions était alors de gagner contre ses adversaires et non de battre un record, la précision des mesures chronométriques ou de distance pour les sauts faisant défaut. Le sport sous sa forme actuelle est une invention des deux derniers siècles. Il s’est développé parallèlement à la progression des nations et, en particulier, de leur économie et de leur influence géopolitique. Les compétitions, initialement amateurs, se sont graduellement professionnalisées et se sont orientées vers le sport-spectacle, plus médiatisé, et mieux rémunéré [9-11].
Limites physiologiques
Dans tous les sports, les facteurs qui déterminent la performance sont les facteurs limitant [2, 6, 20]. Le taux de production d’énergie par le muscle est l’un des facteurs qui pourraient limiter les performances ; les deux sources principales d’énergie (aérobie et anaérobie) contribuent de manière proportionnelle selon le type d’activité [20]. Durant les activités de faible intensité le métabolisme aérobie est le fournisseur principal d’énergie ; au fur et à mesure que l’intensité augmente, le système aérobie atteint ses capacités maximales de production d’énergie, la VO2 max est atteinte [2, 20]. Au-delà de cette intensité l’énergie supplémentaire est fournie par le métabolisme anaérobie, cependant ce système énergétique est de courte durée [20, 29]. Ainsi, dans les sports d’endurance, la VO2 max d’un athlète définit sa limite supérieure de productivité d’énergie : il est admis qu’il existe une limite physiologique à la capacité du corps à consommer de l’oxygène. A des intensités élevées, la VO2 atteint un maximum au-delà duquel l’effort ne peut s’accroître. La VO2 max est en partie limitée par la capacité du système cardiorespiratoire à transporter l’oxygène vers les muscles [20, 26]. Le trajet de l’oxygène à partir de l’atmosphère jusqu’à la mitochondrie contient une série d’étapes dont chacune pourrait représenter un obstacle et une limite physiologique potentielle: la capacité de diffusion pulmonaire, le débit cardiaque maximal (70 à 85% de la limitation), la capacité de transport de l’oxygène sanguin (qui dépend du taux d’hémoglobine) et les caractéristiques des muscles squelettiques (densité capillaire et taux d’enzymes mitochondriales). La capacité de diffusion pulmonaire pourrait en effet être un facteur limitant de la VO2 max dans certaines circonstances ; pendant un exercice maximal, la saturation artérielle en O2 (% SaO2) reste autour de 95%, un équilibre alvéolo-artériel n’est pas complet en raison de la rapidité du passage des globules rouges dans le capillaire pulmonaire durant les exercices à intensité élevée. Les athlètes de haut niveau sont plus susceptibles de subir une désaturation artérielle en O2 lors d’un exercice, leur débit cardiaque maximal étant plus élevé, ceci conduit à une diminution du temps de transit des globules rouges dans le capillaire pulmonaire. Par conséquent, il n’y a pas assez de temps pour saturer le sang avec l’O2 avant sa sortie du capillaire pulmonaire. Des études expérimentales ont montré que les athlètes respirant un air enrichi en oxygène pendant un test de VO2 max observent une augmentation des valeurs de leur VO2 max ainsi qu’une augmentation de leur saturation arterielle en O2 par rapport à l’air ambiant [26]. La possibilité d’augmenter la capacité d’exercice de cette manière montre la présence d’une limitation pulmonaire.
Femmes et Hommes
Les performances sportives chez les hommes comme chez les femmes suivent les mêmes lois de progression et tendent vers une asymptote [17, 49]. L’analyse de l’écart entre les performances masculines et féminines dans les 5 disciplines olympiques quantifiables a montré que l’écart des performances entre les sexes a progressivement diminué depuis le début du siècle et qu’il est stable depuis 1983, suggérant que les femmes ne rattraperont pas le niveau des performances masculines [56]. Cette tendance générale a été observée parmi les athlètes de toutes les disciplines, pour les records du monde comme pour les dix meilleures performances. La version originale et intégrale de l’article est disponible en annexe 3. L’inscription des épreuves féminines au calendrier international et leur reconnaissance sportive ont eu lieu bien après celles des hommes : en athlétisme, 28 ans séparent les premiers RM masculins (en 1914 en moyenne) des premiers records féminins (1942) d’où l’observation d’une amélioration des performances féminines plus rapide que celle des performances masculines au milieu du 20e siècle; dans les années 1950 les femmes ont bénéficié de l’amélioration des techniques d’entrainement développées à partir de l’expérience masculine. Ensuite, comme les hommes, elles ont bénéficié des progrès de la médicine et de la nutrition [48, 52, 56]. Par contre en natation les femmes ont débuté les compétitions bien plus tôt qu’en athlétisme, 5 ans seulement séparent les premiers records masculins (en 1927 en moyenne), des premiers records féminins (1932). Dans certaines épreuves l’écart pourrait changer, et pourrait correspondre à l’amélioration des performances masculines (les hommes ayant encore une certaines marge de progression potentielle) [49], parallèlement à une régression ou une stagnation des performances féminines [48]. Le dopage est suspecté d’avoir accéléré la réduction des écarts entre les hommes et les femmes surtout dans les années 1970 et 1980 en raison de l’implication des sportives des pays de l’Est dans les programmes de dopage d’état [54, 56-58].
Les écarts entre les RM des hommes et des femmes sont stables et fixes depuis maintenant 26 ans (en moyenne à 10,0% ± 2,9%) (Figure C) [48]. Cette évolution restera figée à la condition que l’ensemble des paramètres concourant à l’écart observé soit maintenu. Par exemple, en cas de désinvestissement massif dans le monde sportif, d’athlètes du même sexe, un recul des performances pourrait être observé et ce recul pourrait être non uniforme entre les deux sexes.
Patinage de vitesse (Speed Skating)
Sport Olympique depuis 1924, il subit plusieurs changements au niveau du matériel et du style de patinage. La perte de vitesse en patinage est majoritairement due aux forces de frottement (80% à cause de la résistance de l’air et 20% en raison du frottement du patin sur la glace) et de nombreuses avancées technologiques ont permis la réduction de ces frictions [20, 85, 86].
Modification de l’environnement sportif
L’introduction des patinoires de 400m artificiellement réfrigérées et entièrement couvertes en 1987 a permis de diminuer considérablement la friction de la glace pour un entrainement sur des distances olympiques [85]. La disponibilité de ces équipements tout le long de l’année a massivement augmenté le nombre total d’heures d’entrainement spécifique. Dans les années 1950, les athlètes ne pouvaient patiner que pendant 3 mois de l’année (environ 60 jours de patinage par an, souvent avec des séances abrégées en raison de conditions météorologiques très dures). Avec l’avènement des patinoires couvertes dans les années 1980, le nombre de jours de patinage par an des patineurs professionnels a considérablement augmenté à plus de 200 jours par an, ce qui a largement contribué à l’amélioration des performances [85].
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Table des matières
INTRODUCTION
ET OBJECTIFS DE LA THESE
I – PHYSIOLOGIE
I.1. Limites physiologiques
Présentation des résultats de l’étude «The Citius End: World Records
Progression Announces the Completion of a Brief Ultra-Physiological Quest»
Présentation des résultats de l’étude « Athlete Atypicity on the Edge of Human
Achievement: Performances Stagnate after the Last Peak, in 1988 »
I.2. Femmes et Hommes
Présentation des résultats de l’étude « Women and men in sport performance:
The gender gap has not evolved since 1983 »
I.3. Âge et temps
II – TECHNOLOGIE
II.1. Patinage de vitesse (Speed Skating)
II.2. Natation
Présentation des résultats de l’étude « Technology & swimming: 3 steps
beyond physiology ».
II.3. Cyclisme
A. Cyclisme sur piste
B. Cyclisme sur route
Présentation de l’étude « Le Tour de France, le Giro, la Vuelta et les
grandes courses cyclistes européennes montrent une progression unique
de la vitesse dans les 20 dernières années »
o Introduction
o Méthodes
o Résultats
o Discussion
o Conclusions
o Références
II.4. Perspectives technologiques
III – Sport de haut niveau et santé
III.1. Mortalité et espérance de vie des cyclistes de haut niveau
Présentation de l’étude qui est actuellement en cours : « Etude de la mortalité
des cyclistes de haut niveau »
o Données
o Résultats préliminaires
o Discussion
o Conclusion
III.2. Dopage
IV – GENETIQUE
IV.1. Gènes identifiés dans la performance sportive
IV.2. α-actinine-3 (ACTN3)
IV.3. Mutations génétiques
Présentation de l’étude : « Rôle des mutations du gène de l’hémochromatose
sur la performance sportive d’endurance en altitude »
IV.4. Dopage Génique
V – ENVIRONNEMENT
V.1. Impact de l’environnement sur les performances
Présentation des résultats de l’étude « From Oxford to Hawaii
Ecophysiological Barriers Limit Human Progression in Ten Sport Monuments »
Présentation de l’étude qui est actuellement en review : « Impact des
paramètres environnementaux sur les performances en marathon »
o Introduction
o Méthodes
o Résultats
o Discussion
o Conclusions
o Références
V.2. Sport et Développement
Présentation des résultats de l’étude : « Success in Developing Regions :
World Records Evolution through a Geopolitical Prism ».
DISCUSSION GENERALE ET CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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