Brève histoire de la pénétration chrétienne à Madagascar
Après les passages plus ou moins sans suite des pères lazaristes dans le Sud de Madagascar au cours du XVIIe siècle, ce n’est qu’en 1820 que les missionnaires de la London Missionary Society arrivent en Imerina. Radama Ier roi d’alors désirant ouvrir son peuple aux techniques et savoirs – faire occidentaux, les reçoit d’une manière amicale dans le cadre d’une coopération technique et économique avec les Anglais de l’Ile Maurice. Les premiers missionnaires ont ouvert une école et ont commencé le travail de transcription de la langue malgache en s’attelant à la traduction de la Bible. Leurs travaux d’évangélisation et de scolarisation seront stoppés en 1836, quelques années après l’arrivée au pouvoir de la Reine Ranavalona Ière hostile à la pénétration étrangère et chrétienne. Mais malgré la persécution et l’exécution d’un grand nombre de chrétiens, le christianisme ne s’est pas éteint. Les chrétiens se sont dispersés en Imerina et en provinces (surtout en pays Betsileo) et se sont réunis en cachette pour partager leur foi. Ce qui aura pour conséquence que malgré ses origines étrangères, le christianisme va prendre ses racines en terre malgache au XIXe siècle. Selon Maminiaina Razafindrabe, la nouvelle religion promet un salut, une égalité et une équité dans une situation de misère et l’injustice Après l’avènement du roi Radama II en 1861, les missionnaires anglais de la L.M.S vont revenir et les catholiques et luthériens arrivent pour poursuivre l’évangélisation de Madagascar, suivis par d’autres encore jusqu’à maintenant. Après une certaine rivalité au 19è siècle les diverses confessions vont se rapprocher surtout à partir des années 60. L’oecuménisme a fait même un grand pas entre ces anciennes confessions chrétiennes à Madagascar car en 1980 est né le Conseil des Eglises Chrétiennes de Madagascar ou le F.F.K.M. Le problème qui se pose à celles – ci depuis quelques années est celui de l’apparition des sectes de diverses dénominations. Tout se passe comme si une partie importante de la population ne trouve plus, avec les difficultés de la vie, des ressources spirituelles suffisantes auprès de ces anciennes églises. Ce qu’on peut avancer c’est qu’il peut s’agir là d’un mouvement de « contestation » qui cherche à instaurer un « nouvel ordre évangélique » et une nouvelle pratique pastorale, parallèlement à la recherche d’un nouvel ordre social.
La pénétration du marxisme dans la société malgache
Comme le socialisme est devenu une idéologie d’Etat, il a constitué alors le fondement des discours officiels des dirigeants même ceux considérés comme chrétiens. A ce groupe s’est ajoutée une partie des universitaires et de la petite bourgeoisie intellectuelle. A quoi on peut ajouter les ouvriers et paysans formés à l’idéologie marxiste. Le marxisme sera enseigné non seulement à l’Université et dans les Lycées à Madagascar. Plusieurs jeunes seront aussi envoyés dans les pays de l’Est et à Cuba pour poursuivre leurs études universitaires. On croit savoir alors que celles – ci sont basées essentiellement sur l’enseignement de la philosophie marxiste et le matérialisme historique. L’expérience commence cependant par être contestée depuis le milieu des années 1980, avec le retour en force du libéralisme dans le monde et, peu à peu, à Madagascar et prend fin totalement avec le mouvement populaire de 1991. Depuis cette date, bien qu’on ne parle plus d’idéologie deux conceptions semblent coexister à Madagascar tant au niveau de l’Etat que des citoyens. Le retour aux valeurs autochtones et l’adoption pure et simple des pratiques occidentales. En tout cas, l’argent semble devenir de plus en plus l’élément essentiel qui guide les actions de nombreux citoyens, notamment les jeunes. J’ai personnellement étudié à travers plusieurs écrits cette évolution des idées à Madagascar dans le choix des thèmes sur lesquels seront basées mes recherches jusqu’à maintenant. Travaux qui seront axés plus particulièrement sur les phénomènes pathologiques, en milieu rural dans la Grande Ile
La crise du monde rural et les nouvelles orientations des recherches
A partir du début des années soixante dix, le discours et la littérature sociologiques et autres sur le monde rural malgache vont faire apparaître l’existence de clivages, de tensions et de crises au sein de cette société. Nous pouvons sur ce sujet citer pour commencer et à titre d’exemples deux auteurs. Le premier, Georges Serre, étudiant les causes de l’avènement de la Deuxième République, a parlé, en ce qui concerne le monde rural de l’existence de « groupes de pression » et de l’apparition de « clivages » au sein des communautés paysannes. « L’utilisation politique de l’existence de ces clivages, écrit – il, justifie leur examen puisque toutes les modifications sociétés, économiques et politiques s’y réfèrent, soit pour les dénoncer, soit au contraire, pour les défendre ». Le second, Jean Pavageau, lui va selon ses propres termes, se préoccuper dès 1970, de la « place et du rôle des jeunes, en particulier des jeunes paysans sans terre, dans un contexte tension sociale très marqués à Madagascar 24. C’est dire que des transformations plus ou moins radicales sont apparues vers les années, dans les campagnes malgaches. L’auteur a même parlé de déstructuration des communautés rurales. Revenu sur le terrain plusieurs fois encore jusqu’en 2002, il n’a vu que les signes de la déliquescence de la solidarité avec « les vols de bœufs, l’alcoolisme, les feux de brousse »En tout cas le problème du vol de zébus fera l’objet de nombreuses recherches à partir des années 1970 et surtout 1980. On peut citer ici Randrianjafizanaka et Randriamarolaza qui ont étudié le phénomène en pays Bara J.M Hoerner, E. Fauroux, Léopold Rakotomalala et autres l’ont fait pour l’ouest et le sud-ouest de Madagascar26 et le professeur Ramonja et nous même pour la région du Betsileo. D’autres études ont concerné le moyen – ouest de l’Imerina. Il s’agit ici de trouver les explications au phénomène : que ce soit culturelle, économique, sociale ou politique. La pauvreté et le dysfonctionnement de l’Etat sont pointés alors du doigt . Mais le vol de zébus n’est pas la seule conséquence de la crise du monde rural à Madagascar. Il y a également d’autres aspects que d’autres chercheurs géographiques et économistes vont essayer d’analyser. Un ouvrage collectif intitulé : « Paysanneries malgaches dans la crise » sera publié en 1994 sous la direction du professeur J.P.Raison. Ce qui est important à souligner, c’est que les réflexions des chercheurs se sont surtout tournées vers les spécificités de la société malgache que ce soit sur le plan culturel que historique. Sur le plan culturel, le professeur J. Dez a lancé un débat sur « l’illusion de la non violence dans la société traditionnelle malgach e », en 1981. Dans ce texte, il conclut qu’ « en définitive la personnalité des malgaches possède ses caractéristiques propres que l’on ne peut que juger différemment suivant qu’on les envisage de l’intérieur de la communauté malgache de base, le groupe de havana, ou de l’exté rieur de cette communauté, et dans ce dernier cas, avec une référence, explicité, à un sy stème de valeurs qui n’est pas celui engendré par le fonctionnement de la relation de fihavanana ». Dans cette foulée, Philippe Beaujard a continué la réflexion sur « la violence dans les sociétés traditionnelles du Sud-est de Madagascar » en 1995. Il a constaté alors que « si rien n’est fait pour un développement rapide de la riziculture (mais aussi une maîtrise de la croissance démographique), il n’est pas sûr (…) que ces pratiques traditionnelles d’une violence cachée permettront d’éviter sur la basse-côte traversée par des tensions plongeant leurs racines dans les XVIII et XIXème siècles des explosions d’une violence ouverte, non seulement entre individus mais aussi entre groupes » . Dans cette analyse de la violence, un auteur a même avancé que le rite des retournements des morts appelés famadihana est une sorte de détournement de la violence sur les morts à Madagascar. Mais on ne peut pas non plus oublier dans cette étude de la spécifié culturelle de Madagascar les réflexions qui sont effectuées sur le présent à travers le passé de l’Ile. Celles – ci ont été faites par deux groupes de chercheurs : la première autour du professeur Ottino qui a développé une anthropologie historique du passé et la seconde autour de Françoise Raison – Jourde pour l’étude du thème du pouvoir « sous l’angle de la légitimation et de la contestation ». La conclusion qu’on a tirée est qu’il existe des références constantes et agissantes du passé dans le présent de la Grande-Ile. Plus récemment encore, d’autres chercheurs ont essayé de voir les conséquences des crises sur les organisations traditionnelles. On peut citer ici Françoise Delcroix dans sa thèse sur « Les cérémonies lignagères et la crise de l’élevage bovin extensif en pays Sakalava Menabe Madagascar » ou encore E. Fauroux dans son étude sur les transformations des sociétés rurales dans l’ouest malgache où il prévoit des « risques de crise généralisée des activités productives » et « une crise profonde du rôle de l’Etat ». Les économistes eux se sont posés des questions sur l’avenir des paysans de Madagascar « qui ont vu leurs structures sociales ébranlées sous la pres sion de l’appauvrissement généralisé et de la montée d’une insécurité aux multiples formes ». Sans prétendre être exhaustif, nous pouvons résumer ainsi en grandes lignes l’évolution des recherches en sciences sociales en ce qui concerne le monde rural malgache. Après avoir appliqué à l’étude de la société les schémas classiques plus ou moins universels, la tendance semble être actuellement aux études des spécificités historiques et culturelles de la Grande-Ile. Cela au moment même où l’on parle de plus en plus de mondialisation et où les représentants des bailleurs de fonds internationaux ont pris de plus en plus une place prépondérante dans la conduite des affaires à Madagascar en proposant ou plus précisément en imposant des solutions considérées comme ayant donné des bons résultats ailleurs ici. La question est donc de savoir comment ces deux tendances vont pouvoir aller ensemble pour sortir ce pays de la crise et aller vers le développement.
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Table des matières
– Introduction
Chap I – L’évolution des idées et de la recherche à Madagascar et dans le Betsileo
A. L’évolution des idées
B. L’évolution de la recherche en sciences sociales
C. Société Betsileo et premiers chercheurs
Chap II- Recherches personnelles sur les communautés villageoises
A- Les structures sociales anciennes et les traditions qui persistent
B- Les facteurs de changement
Chap III– Vols de bœufs et feux sauvages à Madagascar
A. Etat de la recherche et choix des thèmes
B. La métamorphose du phénomène de vol de bœufs à travers l’histoire de Madagascar
C. Les feux sauvages
Chap IV – Le suivi des réalités politiques et sociales Malgaches à travers la presse
A. L’évolution politique de Madagascar (1985 – 1991) et (1998 – 2001)
B. Le problème de l’enseignement
C. L’étude de la ville de Fianarantsoa
D. Les thèmes de la chanson et l’évolution de la société malgache
E. Les autres écrits journalistiques
Conclusion générale
Orientations bibliographiques
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