Évolution des glomérulonéphrites prolifératives à dépôts monoclonaux d’immunoglobuline G

Les hémopathies associées à une gammapathie monoclonale : classification

                La nomenclature des hémopathies B repose sur la nature lymphocytaire ou plasmocytaire du clone, son caractère indolent ou agressif responsable de manifestations systémiques, et de sa localisation sanguine, médullaire ou ganglionnaire(8–15). La MGUS (monoclonal gammopathy of undetermined significance) ou gammapathie monoclonale de signification indéterminée est un syndrome prolifératif plasmocytaire bénin, de faible masse tumorale présent chez 3% de la population générale de plus de 50 ans(16). Sa dénomination est fondée sur la présence d’une immunoglobuline monoclonale dans le sérum (IgM, IgG ou IgA) sans atteinte d’organe. Il en existe 3 types, avec une évolution naturelle distincte : le non-IgM-MGUS (IgG ou IgA MGUS), IgM-MGUS et le LC-MGUS (light chain MGUS)(17). Il est associé à un risque de progression de 1% par an vers un myélome multiple (MM), forme maligne de cette hémopathie. Le myélome est défini par la présence de symptômes tels que l’hypercalcémie, l’anémie, l’insuffisance rénale ou la présence de lésions ostéolytiques (critères CRAB : hypercalcaemia, renal failure, anaemia, and bone lesions) et la prolifération d’un clone plasmocytaire dans la moelle osseuse. Il s’agit de la deuxième hémopathie B associée à la production d’une Ig monoclonale(18). Près de 80% des MM dérivent d’un non-IgM-MGUS, tandis que les cas d’IgM-MGUS progressent préférentiellement vers lamaladie ou macroglobulinémie de Waldenström (MW) ou d’autres lymphomes non hodgkinien (LNH)(17)(tableau 1). Le myélome multiple indolent ou smoldering multiple myeloma (SMM) correspond au stade intermédiaire, dont le risque de progression vers une hémopathie maligne dans les 5 ans suivant le diagnostic est de l’ordre de 10% par an(13). De façon similaire au MGUS, il est cliniquement asymptomatique, en revanche, il en diffère par ses critères biologiques et cytologiques (tableau 1). La maladie de Waldenström est un lymphome rare, atypique, représentant environ 1-2% des hémopathies, caractérisée par un envahissement lympho-plasmocytaire de la moelle osseuse produisant une IgM monoclonale(19). De plus, elle est marquée par la survenue de manifestations clinico-biologiques comme une anémie, une thrombocytopénie, une hyperviscosité sanguine, des adénopathies ou organomégalie, ou encore une neuropathie sévère et autres atteintes d’organes(20). La maladie de Waldenström indolente ou smoldering Waldenström macroglobulinemia (SWM) répond aux critères biologiques de la MW, mais en l’absence de critères cliniques (tableau 1)(12). Parallèlement à l’atteinte médullaire de certaines hémopathies (MM, MW), d’autres peuvent avoir une localisation préférentiellement sanguine (leucémie lymphoïde chronique (LLC), lymphocytose B monoclonale (LBM)), ou ganglionnaire et splénique comme le lymphome B. La lymphocytose B monoclonale correspond à un clone lymphocytaire B indolent, représentant moins de 5 G/L des lymphocytes sanguins, et répondant aux critères phénotypique de la LLC. Celle-ci peut évoluer vers une LLC à un rythme de 1% à 2% par an(21). La LLC est définie par la présence d’un clone lymphocytaire B ≥ 5 G/L, pendant plus de 3 mois, exprimant à sa surface une seule chaîne légère κ ou λ, avec parfois des signes cliniques (adénopathies ou organomégalie)(11,15). En revanche, si le clone lymphocytaire B prédomine au niveau ganglionnaire ou splénique cela se rapporte plutôt à un lymphome B non Hodgkinien (LNH).

Etapes de synthèse d’une Ig

                     Les immunoglobulines sont synthétisées par les cellules de la lignée B, elles ont toutes une structure similaire. Elles peuvent être membranaires ou sécrétées. Chaque immunoglobuline (Ig) est formée de deux chaînes légères L identiques et de deux chaînes lourdes H identiques liées entre elles de manière covalente par des ponts disulfures. Chacune de ces chaînes comprend un domaine variable V dans sa partie N-terminale et un (pour la chaîne légère, CL) ou plusieurs (pour la chaîne lourde, CH) domaines constants C dans sa partie C-terminale. L’association entre le domaine variable porté par la chaîne lourde (VH) et le domaine variable adjacent porté par la chaîne légère (VL) constitue le site de reconnaissance de l’antigène(26).Les chaînes légères sont codées chacune par 3 gènes : un gène V (variable), un gène J (jonction) et un gène C (constant). Tandis que les chaînes lourdes sont quant à elles codées par 4 gènes : un gène V, un gène D (diversité), un gène J et un gène C. Les différents loci (IgH, lgκ et Igλ) comportent, à l’état natif, de multiples segments V(D)J. Tout d’abord, lors des réarrangements de la chaîne lourde, les régions codantes pour un segment V, D, J se juxtaposent. Ensuite, une recombinaison VJ survient sur les gènes codant pour la chaîne légère (diversité combinatoire). Par ailleurs, vont s’ajouter des délétions et additions aléatoires de nucléotides qui peuvent augmenter de façon considérable la diversité des récepteurs de l’antigène (diversité jonctionnelle). Lors de la réponse immunitaire dans les centres germinatifs, des mutations ponctuelles sont introduites dans les régions variables des chaînes lourdes et légères du BCR (B-cell receptor, récepteur des lymphocytes B), suite à son activation par liaison à l’antigène (hypermutations somatiques)(26). Enfin, pendant la commutation de classe, se produit un remplacement du locus Cµ (codant pour une IgM, premier isotype exprimé par le lymphocyte B) par un autre locus, afin d’exprimer une immunoglobuline d’un autre isotype (Cδ (pour les IgD), C (pour les IgG), Cε (pour les IgE), Cα (pour les IgA)). L’ensemble de ces remaniements (diversité combinatoire, diversité jonctionnelle, diversité liée à l’association au hasard d’une chaîne lourde et légère, hypermutations somatiques et commutation de classe) conduit à la grande diversité du répertoire des anticorps nécessaires à la protection de l’organisme contre des agents pathogènes(26). Cependant, certaines de ces étapes peuvent aboutir à une instabilité de l’immunoglobuline ou undéfaut de repliement, en particulier dans les gammapathies monoclonales, entraînant la production excédentaire d’une immunoglobuline instable ou d’un fragment de celle-ci (chaînes légères ou lourdes). Les propriétés physico-chimiques anormales de ces Ig peuvent entrainer la survenue de pathologies secondaires à la précipitation, l’agrégation ou la cristallisation de l’Ig dans les cellules ou tissus (Figure 2)(27).

Recherche de l’hémopathie sous-jacente

            Afin de guider la stratégie thérapeutique des patients, le dépistage et la caractérisation du clone B sous-jacent responsable de la sécrétion de l’Ig monoclonale sont essentiels. Une évaluation hématologique doit être réalisée pour l’ensemble des patients atteints d’une MGRS. Le bilan hématologique comprend les examens suivants :
– un myélogramme ou une biopsie ostéomédullaire (avec étude cytologique et cytométrie en flux à la recherche du clone plasmocytaire ou lymphocytaire),
– des radiographies du squelette (scanner corps entier ou IRM) à la recherche de lésions osseuses,
– un TEP scanner ou scanner thoraco-abdomino-pelvien afin d’identifier des adénopathies suspectes pouvant nécessiter le recours à une biopsie.
– un immunophénotypage des lymphocytes sanguins circulants peut également permettre d’identifier un clone lymphocytaire(1,2,4,18).
Pour la recherche de l’Ig monoclonale circulante, une immunoélectrophorèse des protéines sériques et urinaires est primordiale. Néanmoins, dans certains cas, le taux d’Ig est trop faible pour être détecté par des méthodes standards. Afin d’augmenter la sensibilité de détection, un westernblot peut être fait sur sérum et/ ou urine. Toutefois cet examen n’est pas disponible en routine. Enfin, le dosage des chaînes légères libres sériques, en association aux précédents examens, est également utile au dépistage d’une gammapathie monoclonale lorsqu’il existe un déséquilibre du rapport kappa/lambda (31–33). En effet, les chaînes légères d’Ig ont un poids moléculaire faible leur permettant d’être filtrées librement au niveau du glomérule. La chaîne légère kappa est présente sous forme de monomère dans le sérum, tandis que la chaîne légère lambda l’est sous forme de dimère. Elles sont ensuite réabsorbées au niveau des tubules proximaux. Lors d’une insuffisance rénale les concentrations sériques des chaînes légères augmentent de façon polyclonale à la fois pour les chaînes légères kappa et lambda, cependant un déséquilibre du rapport kappa/lambda suggère la présence d’un clone sous-jacent(2,34).

MGRS à dépôts fibrillaires d’Ig monoclonales

 L’amylose secondaire aux dépôts d’Ig monoclonale est l’une des MGRS les plus fréquentes. Elle entre dans cette classification lorsqu’une atteinte rénale survient en association à des manifestations extra rénales (purpura cutané, ecchymoses péri oculaires, macroglossie, syndrome du canal carpien, neuropathie périphérique, dysautonomie, cardiomyopathie restrictive, hépatomégalie). Elle peut être à dépôts de chaîne légère (AL), dépôts de chaîne lourde (AH), ou les deux (AHL). Les dépôts touchent principalement les vaisseaux, les glomérules et l’interstitium. En microscopie optique, les dépôts d’amylose sont rouge Congo positifs avec une biréfringence en lumière polarisée. En immunofluorescence, on retrouve principalement des dépôts de chaîne légère souvent lambda et/ ou de chaîne lourde principalement IgG. La microscopie électronique confirme la présence de fibrilles amyloïdes, non branchées, de 7 à 12nm. Les dépôts amyloïdes sont extra cellulaires, organisés en feuillets β-plissés antiparallèles qui vont s’assembler pour former des fibrilles insolubles(1– 3,6,8,23,34–36).
 La glomérulopathie fibrillaire est principalement secondaire à des dépôts polyclonaux d’IgG (majoritairement IgG4). Une gammapathie monoclonale est présente chez 4 à 16% des patients(37). Seules les glomérulonéphrites fibrillaires monoclonales entrent dans la classification des MGRS(1). En microscopie optique, on retrouve la présence d’une sclérose mésangiale et de dédoublements membranaires. La coloration par le rouge Congo est négative. En microscopie électronique, les dépôts sont formés de fibrilles de 9 à 26 nm de diamètre. Le DNAJB9 (DnaJ homolog subfamily B member 9) est un nouveau marqueur de la glomérulopathie fibrillaire en immunofluorescence(1–3,6,23,34,35).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Description des hémopathies B
A. Les hémopathies associées à une gammapathie monoclonale : classification
B. Critères diagnostiques
C. Prise en charge thérapeutique
II. Description des MGRS
A. Les immunoglobulines monoclonales
1. Etapes de synthèse d’une Ig
2. Différents isotypes des Ig
B. Classification des MGRS
1. Présentation clinique
2. Recherche de l’hémopathie sous-jacente
3. Pathologie rénale : Glomérulopathies
a) MGRS à dépôts fibrillaires d’Ig monoclonales
b) MGRS à dépôts microtubulaires d’Ig monoclonale
c) MGRS à dépôts non organisés d’Ig monoclonale
d) MGRS sans dépôts d’Ig monoclonale
4. Stratégie thérapeutique
a) Différentes classes thérapeutiques
b) Traitement du clone B
c) Traitement de l’atteinte rénale
III. Les PGNMID
A. Présentation clinique
1. Critères clinico-biologiques
2. Critères histologiques
B. Physiopathologie
1. Le système du complément
2. GNMP médiée par les complexes immuns et le complément
C. Caractéristiques hématologiques
D. Prise en charge thérapeutique
1. Traitement du clone
2. Traitement de l’inflammation locale
3. Traitement de l’activation du complément
E. Transplantation rénale
MATERIEL ET METHODE
I. Population d’étude
II. Recueil de données
III. Histologie rénale
IV. Suivi
V. Analyses statistiques
RESULTATS
I. Description de la population d’étude au diagnostic
A. Caractéristiques clinico-biologiques de la cohorte
B. Caractéristiques hématologiques de la cohorte
C. Caractéristiques histologiques des biopsies rénales au diagnostic
1. Microscopie optique
2. Immunofluorescence
3. Microscopie électronique
II. Evolution au cours du suivi
A. Prise en charge thérapeutique
B. Comparaison des groupes hémodialysés/ non hémodialysés
C. Courbe de survie
III. Evolution post transplantation
A. Caractéristiques histologiques des biopsies de greffon
B. Prise en charge thérapeutique post transplantation
C. Courbe de survie
DISCUSSION
I. Un diagnostic difficile
II. Une classification complexe
III. Enquête hématologique indispensable, souvent peu rentable
IV. Un pronostic péjoratif
V. Une thérapeutique lourde et mal codifiée
VI. Avenir : thérapeutique et marqueurs
VII. Limites de l’étude
CONCLUSION
ANNEXE
RESUME
BIBLIOGRAPHIE

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