Evolution des germes en fonction de l’âge
DISCUSSION
La méningite est un processus inflammatoire, d’origine généralement infectieuse, atteignant les méninges. Dans 70 à 80 % des cas, les méningites sont d’origine virale. Elles sont généralement bénignes, le rétablissement étant le plus souvent spontané. Dans moins de 5 % des cas, les méningites infectieuses sont dues à des bactéries non pyogènes, à des parasites ou des processus néoplasiques. Dans 20 à 25 % des cas, les méningites sont d’origine bactérienne.
Elles sont graves car l’évolution spontanée est pratiquement toujours mortelle. Ces MB sont dues à des bactéries pyogènes qui sont principalement trois germes : l’Hib, MNO et le PNO. D’autres germes peuvent être rencontrés comme : le Staphylocoque, le Streptocoque, les Entérobactéries (chez le petit nourrisson), le Pseudomonas, le Mycobacterium tuberculosis et la Listeria.
Les MB constituent par leur fréquence et leur gravité un important problème de santé publique. Elles demeurent une cause majeure de morbidité et de mortalité particulièrement dans les pays en voie de développement, et cela malgré les progrès réalisés dans leur prise en charge diagnostique et thérapeutique [7,8]. Nous estimons actuellement qu’un million de nouveaux cas de MB surviennent chaque année dans le monde occasionnant plus de 200000 décès [9]. Les aspects bactériologiques et épidémiologiques sont variables selon les régions.
Dans cette approche, nous avons entrepris notre travail sur les MB communautaires dont le but est de dresser le profil épidémiologique des MB dans la région de Marrakech et d’étudier la sensibilité aux antibiotiques des principales espèces bactériennes en cause. Les données rapportées démontrent que notre région partage avec les autres régions du Maroc et même avec d’autres pays beaucoup de caractéristiques épidémiologiques n’empêchent que l’exploitation des données de la région de Marrakech a décelé des propriétés particulières et a relevé plusieurs insuffisances que nous discuterons dans ce chapitre.
Incidence de la méningite bactérienne communautaire
L’incidence des MB est très variable d’un pays à l’autre. Mais globalement dans les pays développés, elle est estimée entre 2,5 et 10 pour 100 000 habitants, alors qu’elle est dix fois plus élevée dans les pays en voie de développement [10] (tableau n° VII).
Au Maroc, l’incidence, selon les données du service d’épidémiologie du ministère de la santé, est de 3 cas/100 000 habitants, ce chiffre parait très loin de la réalité. En effet chez nous et dans beaucoup d’autres pays, ce ne sont que les méningites à MNO qui sont à déclaration obligatoire, alors que les méningites à PNO qui sont les plus fréquentes. Dans cette approche, le Ministère de la santé a établit une fiche de déclaration de toute méningite aigue incluant les données nécessaires à des études épidémiologiques plus complètes (annexe 2).
En France, l’incidence des méningites était de 2,5/100000 habitants en 2002 et de 2,23/100000 habitants en 2006 tout âge et tout germe confondus [10,11]. Chez l’enfant, les incidences sont beaucoup plus élevées que chez l’adulte: 44/100000 chez les enfants de moins d’un an et 6,9/100000 chez les enfants de un à quatre ans (Incidences de 2002) [11]. Le plus souvent, les chiffres d’incidence, selon l’âge, la bactérie et l’année, sont donnés pour les infections invasives, mais pas spécifiquement pour les méningites. Cette précision est importante à prendre en considération. En effet, l’incidence d’une infection invasive pour le MNO est proche de l’incidence d’une méningite alors que pour le PNO le ratio bactériémie/méningite est d’environ 1/10 et de 1/50 pour le Streptocoque du groupe A [11,12]. Chez les enfants de moins d’un an, l’incidence la plus élevée des infections invasives est retrouvée pour le Streptocoque du groupe B (61/100000habitants), suivi du PNO (35,2/100 000 habitants), le MNO (16,1/100 000 habitants), l’Hib (4/100 000 habitants), le Streptocoque du groupe A (4,6/100000 habitants). Concernant les patients âgés d’un à quatre ans, l’incidence la plus importante est retrouvée pour le PNO (13,9) suivi du MNO (4,5) et du Streptocoque A (2,9) [11] (figure n°17).
En Mozambique, la MB pausait problème surtout chez l’enfant, et comme tous les pays de l’Afrique, les plus grandes études se faisait pour l’enfant. En 2007 le taux d’incidence des MB était de 10/ 100 000 habitants pour le MNO, 20/100 000 habitants pour le PNO et 4/100 000 habitants pour l’Hib, avec des taux beaucoup plus faibles chez les moins de 1 an [14] (tableau n° VIII).
A Hong Kong, l’incidence des MB communautaires chez l’adulte, en 2005, était de 1,27/100 000 habitants à la différence des autres pays, l’incidence des MB communautaires à Hib restait très élevée car le vaccin contre l’Hib ne faisait toujours pas partie du programme de vaccination obligatoire.
Pour l’ Yémen l’étude faite en 2005, sur les MB chez l’enfant a montré que chez les enfants de mois de 5ans l’incidence des MB était de 27,1/100 000 habitants contre 84,6/100 000 habitants chez les moins d’un an. [15]
En Emirats, l’incidence des MB communautaires en 2000 était de 2,2/100 000 habitants et en 2005 il est descendu à 1/100 000 habitants [16]. Les chiffres sont très élevés quand il s’agit d’enfants, en effet, l’incidence chez les moins de 5 ans est de 30/100 000 habitants en Arabie saoudite, 40/100 000 habitants en Kuwait, 15,9/100 000 habitants à Qatar [16] et 18,5/100 000 habitants en Israël. [17]
En Afrique sub saharienne, l’incidence des MB est estimée à 44.7/100 000 habitants avec une nette prédominance du MNO, suivie du PNO, puis du Hib. Chez l’enfant, le chiffre est beaucoup plus important. [18] (tableau n° VII)
Répartition des méningites bactériennes selon l’âge
Dans notre étude plus de 76.9% des de MB proviennent des services pédiatriques, avec un âge moyen chez cette population de 2 ans .En effet l’âge semble être un important facteur de risque de MB et même détermine la nature des microorganismes en cause.
Deux groupes d’âge peuvent être individualisées
? Chez les nourrissons et enfants de moins de 3 ans, l’Hib est le germe le plus fréquent, suivi du MNO et du PNO.
? Enfants de plus de 3 ans et adultes: le MNO vient en premier, suivie du PNO (Tableau IX).
C’est le cas dans la majorité des études de la littérature. En 2009 en France, une étude d’actualisation des données épidémiologiques des MB, a retrouvé que l’âge était le principale paramètre de répartition des germes: le MNO représente plus de la moitié des cas (53,7%), suivie par le PNO (32,5%), le streptocoque du groupe B (5,8%) et l’Hib (3,2%). Les autres bactéries représentent moins de 5% des cas: Escherichia coli (1,8%), streptocoque du groupe A (0,5%),
Listeria (0,5%), M. tuberculosis (0,4%) ou autres (1,5%). Chez les patients de plus de 28 jours et de moins de deux mois, le streptocoque du groupe B représente près de la moitié des cas (49,4%) et l’autre moitié se répartit en trois groupes: MNO (15,2%), E. coli (14%) et PNO (12,2%).
Entre deux à 12mois, le PNO prédomine (45,2%) et au-delà d’un an, le MNO est la bactérie la plus fréquente (69,7% en moyenne). [19] (figure n°17).
En Tunisie, en 2001, l’Hib était la principale bactérie isolée chez 66,4 % des nourrissons et du petit enfant (un mois à quatre ans), suivie par le PNO (23,5 %). Après l’âge de cinq ans, le profil bactériologique était dominé par le PNO retrouvé dans plus de la moitié des cas suivi par le MNO. [20]
En Egypte, en 2004, chez le nourrisson l’Hib constitue 47% des MB communautaires alors qu’il ne dépasse pas 23% chez les enfants moins de 6 ans. En ce qui concerne le PNO et le MNO les taux sont très rapprochés chez tous les patients avec un taux moyen de 30% pour le PNO et 14% pour le MNO.
Ces résultats sont présents dans presque toutes les études de la littérature, mais un changement radical est attendu dans cette répartition des germes selon l’âge grâce à la vaccination contre l’Hib. Cependant l’âge demeure un des principaux facteurs et paramètres épidémiologiques dans l’étude des MB (tableau n° X).
Répartition des cas de méningites selon le sexe
Une nette prédominance masculine est observée dans notre étude (64%). Cette notion, mal expliquée, est retrouvée dans la plupart des études. En France, plus de 66% des méningites est diagnostiquée chez le garçon, c’est le cas aussi pour le Ghana avec un taux de 68%, le Dakar (67%) et plus de 59% en Thaïlande. [22-29](Tableau n° XI).
Répartition des cas de méningites bactériennes selon les saisons
Dans notre étude, nous avons constaté que les MB, tous germes confondus, se voient toute l’année avec une prédominance en automne-hiver. Mais cette variation saisonnière dépendait du germe en cause :
Dans le cas de la méningite à Hib, l’incidence évoluait sur un mode endémique avec quelques petites épidémies localisées décrites. Dans notre pays la recrudescence des méningites à Hib se voyait en automne- hiver, l’affection prédomine pendant la saison sèche et froide, ce constat a déjà été fait par des études qui ont intéressé d’autres pays de l’Afrique notamment le Dakar [30] et le Niger [31]. En effet la fréquence des infections respiratoires pendant cette période, avec un portage oropharyngé constituant la porte d’entrée, expliquerait cet état de fait [32]. La promiscuité, comme c’est le cas dans les régions défavorisées de Marrakech et de beaucoup d’autres villes des pays en voie de développement, favorise également le portage de cette bactérie. En revanche dans notre pays, l’épidémiologie des méningites à Hib a été influencée par la vaccination généralisé contre ce germe. Cette stratégie a eu un impact positif avec une chute drastique des méningites à Hib.
En ce qui concerne les méningites à MNO, deux profils épidémiologiques sont retrouvés : Dans les pays tempérés industrialisés, les cas sont habituellement sporadiques réalisant rarement de petites endémies [33]
En Afrique subsaharienne, sur un fond endémique surviennent de petites épidémies. Au Maroc, le MNO sévit à l’état endémo-épidémique. Les épidémies les plus importantes sont celles de 1966-67 (>10000 cas) et celles de 1988-89 (>2000 cas) dont l’incidence a atteint 8 pour 100 000 habitants et le taux de létalité 11%. Certaines épidémies ont été enregistrées à travers certaines provinces depuis 1989, mais celles-ci ont été contrôlées grâce aux mesures d’intervention préconisées dans la stratégie adoptée en 1989. L’incidence nationale est passée de 8 pour 100 000 habitants en 1989 à 1,3 en 1999.
Ces différences épidémiologiques dépendent de la nature des souches bactériennes responsables [34]. En effet ils en existent une douzaine, mais en Afrique, ce sont les méningites à MNO A qui sont à l’origine des épidémies [35]. Au Maroc, c’est le sérogroupe B qui reste prédominant. En France, le pic se situe en hiver (février– mars), tant pour le sérogroupe B que pour le C. L’incidence la plus basse est observée en août pour le sérogroupe B et en octobre pour le C [36].
Une étude danoise, publiée en 2004, a montré sur une période de 20ans l’association entre la grippe et l’infection à MNO simultanément ou avec un délai d’une ou deux semaines entre les deux infections. L’association était plus marquée chez les enfants de moins d’un an [37]. La vaccination antigrippale pourrait donc jouer un rôle protecteur d’infection à MNO [38].
En Amérique du nord, c’est le MNO type B qui est responsable des formes sporadiques [39].
Pour le PNO, il constitue un problème important de santé publique partout dans le monde. Parmi les formes graves d’infections à PNO figurent la méningite, la pneumonie et la bactériémie fébrile. La méningite à PNO est la forme la plus fréquente des MB retrouvées dans notre étude, elle évolue sur un mode endémique avec recrudescence hivernale [40].
Discussion des données biologiques
En cas de suspicion de MB, le premier geste à réaliser dans un but diagnostique est la PL.
En dehors de toute contre-indication, elle est indispensable afin d’obtenir le LCR dont l’analyse biologique permet d’établir le diagnostic de méningite et de préciser l’origine étiologique. La PL peut être différée en présence de signes neurologiques focaux, comme un oedème papillaire ou une instabilité cardiaque, et un examen scanographique en urgence doit alors être demandé afin d’évaluer la présence d’un abcès cérébral ou d’un oedème généralisé. Le LCR est recueilli dans trois tubes stériles pour analyse biochimique, microbiologique et cytologique. (Figure n°18)
Par ailleurs, un recueil sur trois tubes permet de différencier la piqure vasculaire de l’hémorragie méningée. Les tubes sont ensuite immédiatement acheminés au laboratoire dont l’examen en urgence doit être traité sans délai. L’interprétation des résultats d’un LCR est un outil indispensable pour le diagnostic d’un grand nombre de pathologies neurologiques. De nombreuses mesures sont réalisables à partir de cet échantillon, néanmoins tous les tests ne sont pas systématiquement réalisés et dépendent, d’une part, du volume recueilli et, d’autre part, de l’orientation clinique. Il est clair que la probabilité de détecter et d’isoler un germe dépend du volume utilisé pour l’analyse. La confrontation des données bactériologiques, biochimiques et cytologiques du LCR permet de définir des syndromes biologiques cohérents.
Répartition globale des ponctions lombaires effectuées
Selon les résultats de notre étude, nous avons, 14 228 méningites suspectées dont seulement 190 qui ont eu une étude bactériologique. Afin de comprendre ce résultat, nous allons essayer de suivre les étapes par lesquelles passe le LCR et essayer de localiser le problème : habituellement le LCR est recueilli successivement dans 3 tubes à hémolyse stériles (1 – 2 ml par tube), ceci pour distinguer une hémorragie méningée (les 3 tubes sont hématiques) d’une brèche vasculaire locale lors du prélèvement. Le premier tube est destiné à l’analyse chimique, le second à l’analyse bactériologique et le troisième à l’examen cytologique. Dans le cas où 1 seul tube a été prélevé, il doit être acheminé au laboratoire de bactériologie en priorité. Dans le cas plus général où 2 tubes sont collectés c’est le 2ème tube qui sera adressé au laboratoire de bactériologie. Le ou les tubes de LCR doivent être étiquetés : sur l’étiquette du tube doivent figurer le nom du patient, la date et l’heure du prélèvement et le numéro du tube (1,2 ou 3). A ce niveau demeure le premier problème mais le moins fréquent, la quantité du LCR recueillie est insuffisante et même quand il y a un seul tube qui a été prélevé il n’est pas acheminé directement au laboratoire de bactériologie comme le voudrait la priorité, donc toute la quantité du LCR est épuisée dans l’étude chimique et il n’en reste plus pour l’étude bactériologique ni cytologique.
Dans un autre cas de figure, la quantité du LCR est suffisante, deux tubes ont été prélevés, mais quand ces tubes arrivent au laboratoire de bactériologie il n’y a plus de réactif !
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Table des matières
Introduction
Présentation de l’infrastructure sanitaire de la région de Marrakech
I. La création de la région
II. Aperçu géographique
1. Situation géographique
2. Superficie
3. Caractéristiques du cadre naturel
III. Infrastructure sanitaire de la région :
1. La répartition des établissements sanitaires de base
2. La répartition des établissements hospitaliers
Patients et méthodes
I. Patients
II. Méthode d’étude
Résultats
I. Répartition globale des méningites dans la région de Marrakech
II. Répartition des méningites bactériennes selon le service
III. Répartition des méningites bactériennes selon le sexe
IV. Répartition des méningites bactériennes selon l’âge
V. Répartition des méningites bactériennes selon le milieu
VI. Répartition des méningites bactériennes dans le temps :
1. Répartition des méningites bactériennes selon les années
2. Répartition des méningites bactériennes selon les saisons
VII. Données biologiques
1. Répartition de l’aspect macroscopique du LCR
2. Etude cytologique du LCR
2.1. Formule cellulaire
2.2. Types des éléments cellulaires
3. Etude biochimique
3.1. Dosage des protéines
3.2. Dosage du glucose
4. Résultats de l’étude bactériologique :
4.1. Répartition globale des germes isolés
4.2. Evolution des germes en fonction de l’âge
4.3. Evolution des germes en fonction des années
VIII. Déclaration des cas de méningites à méningocoque
1. Déclaration globale des méningites à méningocoque
2. Répartition de la déclaration dans les secteurs privé et publique
IX. Létalité
Discussion
I. Incidence de la méningite bactérienne communautaire
II. Répartition des méningites bactériennes selon l’âge
III. Répartition des méningites bactériennes selon le sexe
IV. Répartition des méningites bactériennes selon les saisons
V. Discussion des données biologiques
1. Répartition globale des ponctions lombaires effectuées
2. Répartition des méningites selon les aspects macroscopiques du LCR
3. Nombre d’éléments cellulaires
4. Etude biochimique
4.1. Glycorrachie
4.2. Protéinorachie
5. Etude bactériologique
5.1. Coloration gram
5.2. Culture standards
6. Sensibilité aux antibiotiques
VI. Létalité
Conclusion
Résumés
Annexes
Bibliographie
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