Evolution des forces nucléaires loin de la stabilité

L’existence de nombres « spéciaux » de protons et de neutrons procurant aux noyaux une stabilité fortement accrue par rapport aux autres a été observée pour la première fois en 1934 par W. Elsasser. Cette stabilité s’explique par la présence d’un gap important en énergie entre la dernière couche entièrement remplie et la première de valence totalement vide. Seuls les trois premiers « Nombres Magiques » (2, 8 et 20) ont dans un premier temps été reproduits en utilisant un potentiel d’oscillateur harmonique pour modéliser le potentiel effectif crée par les interactions entre nucléons. L’interaction a alors été modifiée en rajoutant entre autre, un terme dit de spin-orbite tenant compte de l’interaction entre le moment angulaire et le spin du nucléon. Cette nouvelle interaction, introduite conjointement par M. Goeppert-Mayer, E. Wigner et J. Hans D. Jensen , a alors permis de reproduire tous les nombres magiques, notamment les nombres 28, 50, 82 et 126.

Les progrès techniques ont ensuite permis d’aller sonder des régions de la carte des noyaux où une forte asymétrie du nombre de neutrons et de protons (N/Z) existe. La persistance de la magicité de N = 20, loin de la stabilité, a été la première à être étudiée. Plusieurs expériences menées dans la fin des années 70 ont démontré que le caractère magique de N = 20 disparait pour ces noyaux exotiques. Cela a constitué la première preuve du fait que les nombres magiques ne sont pas fixés pour l’ensemble de la carte des noyaux, mais évoluent lorsque des rapports N/Z extrêmes sont étudiés.

Evolution des forces nucléaires loin de la stabilité

Cas de la fermeture de couche N = 20

Le nombre magique 20 apparait naturellement en utilisant un potentiel d’oscillateur harmonique pour rendre compte du champ moyen crée par les interactions des nucléons à l’intérieur du noyau. Proche de la stabilité, les noyaux possédant un nombre de protons ou de neutrons égal à 20 présentent un gap en énergie très important entre les couches 1d3/2 et 1f7/2. La fermeture de couche à N,Z = 20 a été la première à être remise en cause pour les noyaux très exotiques, à proximité de la drip-line. Nous nous intéresserons ici à la disparition de la fermeture de couche neutron N = 20.

Il existe plusieurs manières de mettre en évidence expérimentalement la disparition de la fermeture de couche pour N = 20. Une des premières preuves expérimentales a été l’observation d’anomalies des rayons et des énergies de liaison des noyaux de 31Na (Z = 11) et de 32Mg (Z = 12) . Pour ces noyaux, l’énergie de liaison plus forte que celle attendue a été associé à l’excitation de neutrons au-dessus du gap N = 20 . Cela signifiait donc que pour ces noyaux, le gap en énergie pour N = 20 n’est plus suffisamment grand pour empêcher les neutrons de passer dans les couches pf supérieures, permettant au noyau de gagner en énergie de corrélation. Afin de suivre l’évolution de la fermeture de couche N = 20 lorsque l’on s’éloigne de la stabilité, nous allons nous intéresser aux trois paramètres suivant :

– Les énergies de séparation d’un neutron Sn, des noyaux au voisinage de N = 20.
– L’énergie nécessaire pour exciter les noyaux pair-pair de cette région de leur état fondamental 0+ vers leur premier état excité 2+ appelée E(2+).
– La probabilité de réaliser cette excitation B(E2).

L’autre manière de mettre en évidence la réduction du gap N = 20 réside dans l’observation conjointe des E(2+) et des B(E2) de ces mêmes noyaux.  les valeurs de E(2+) et B(E2) (partie basse de la figure) pour les chaines isotopiques des noyaux Z = 10 – 20 pair. Pour les isotopes N = 20 des noyaux de 20Ca, 16S et 14Si, on observe un fort accroissement des valeurs de E(2+) ainsi que des B(E2) relativement faibles. Cela reflète l’existence d’une forte fermeture de couche à N = 20 pour ces noyaux, dans lesquels la promotion de neutrons au-dessus du gap pour former un état J = 2+ requiert beaucoup d’énergie. Dans le cas du 40Ca, celui-ci présente une double fermeture de couche avec les sous-couches neutron νd3/2 et proton πd3/2 pleines. La sous-couche suivante étant f7/2 (pour les protons et les neutrons), la seule manière d’obtenir un état J = 2 de parité positive est donc de former un état de type « 2 particules – 2 trous » (2p-2h). On pourrait alors s’attendre à ce qu’en retirant des protons, et ainsi en brisant cette fermeture de couche en πd3/2, les valeurs de E(2+) diminuent du fait que des trous sont créés dans les couches protons offrant ainsi de nouvelles possibilités de former des états J = 2+ impliquant majoritairement des protons. Cependant le 36S et le 34Si ont respectivement une fermeture de sous-couche proton à Z = 16 (πs1/2 pleine) et Z = 14 (πd5/2 pleine) avec un gap associé à ces fermetures de sous couche relativement important (respectivement ~2.5 MeV et ~4.3 MeV), signifiant que les excitations protons ne vont pas contribuer à un abaissement des E(2+ ) ou à une augmentation des B(E2). Le fait que les E(2+ ) et B(E2) pour ces deux noyaux restent proche des valeurs du 40Ca montre donc à la fois la présence de sous-couches proton et que la fermeture de couche N = 20 est toujours présente et forte.

Cependant, ces arguments ne sont vrais que pour ces noyaux Z = 20, 16 et 14 uniquement. Ce raisonnement ne peut notamment pas être appliqué directement à la chaine isotopique des 18Ar. En effet, dans le cas du 38Ar, la sous-couche πd3/2 n’est qu’à moitié remplie, permettant ainsi de briser la paire de protons l’occupant pour les recoupler à un spin J = 2+ . Cela a donc pour conséquence directe de diminuer l’énergie nécessaire à fournir pour obtenir un état de spin J = 2+ sans pour autant être lié directement à la réduction du gap N = 20 puisque les excitations protons vont ici avoir le rôle prédominant dans la formation de tels états. On observe d’ailleurs une légère augmentation de la valeur de E(2+) pour le 38Ar suggérant que la fermeture de couche N = 20 est toujours présente.

A nouveau, ce comportement change arrivé au 32Mg correspondant au moment où des protons commencent à être retirés de la couche πd5/2. Le fait de ne plus avoir de fermeture de souscouche en πd5/2 n’est pas suffisant pour expliquer la brutale diminution de la valeur de E(2+ ) à N = 20. En effet, c’est même l’inverse qui est observé avec une forte diminution d’un facteur 2 pour tomber à 885 keV [30] pour le 32Mg et 792 keV [11 , 12] pour le 30Ne. En parallèle, un accroissement par un facteur 4 du B(E2) est également observé pour le 32Mg et 30Ne. La seule manière d’expliquer ce changement soudain est que les neutrons n’occupent dans ces noyaux plus uniquement les couches sd mais également les couches pf, du fait de la réduction du gap neutron N = 20, favorisant les excitations neutrons, et des corrélations apportées par les interactions proton neutron.

Les interactions nucléon‐nucléon « effectives » à l’intérieur du noyau

Propriétés générales des interactions nucléon‐nucléon

Avant de s’intéresser à la modification des fermetures de couche loin de la stabilité, rappelons quelques propriétés générales des interactions nucléon-nucléon de manière qualitative. L’intensité de l’interaction entre deux nucléons dépend de plusieurs paramètres :

– L’intensité d’interaction la plus forte sera obtenue lorsque les fonctions d’onde des deux nucléons présentent le recouvrement spatial le plus important. Cela se produit pour deux nucléons possédant le même nombre de nœuds (caractérisé par le nombre quantique n) et le même moment orbital angulaire (nombre quantique l). Cela est illustré par le dessin cidessous (gauche).
– L’interaction nucléaire dépend du spin des nucléons. L’interaction proton-neutron, en particulier, est la plus importante pour un neutron et un proton présentant des spins antialignés pour l ≠ 0, soit pour s1 = 1/2 et s2 = -1/2. Cette configuration est illustrée avec le dessin ci-dessous (droite). Par exemple, l’interaction proton-neutron πd5/2×νd3/2 sera plus forte que l’interaction πd5/2×νd5/2.
– Empiriquement, il a été montré que l’intensité de la force nucléaire à l’intérieur d’un noyau dépend inversement de la taille de celui-ci. Cette dépendance s’exprime en A-1/3 ou A-2/3 en fonction de si les nucléons sont situés plutôt à la surface ou au centre du noyau. Cela est dérivé des valeurs expérimentales des interactions nucléon-nucléon reportés sur la figure ci-dessous. On peut le comprendre qualitativement, du fait que lorsque la taille du noyau augmente, les nucléons se “croisent” plus rarement, réduisant ainsi leurs interactions qui est à courte portée. Une conséquence importante de cette diminution des interactions nucléaires avec l’augmentation de la taille des noyaux est que les modifications dans la structure nucléaire vont se produire de manière plus rapide dans les noyaux légers que dans les noyaux lourds.
– Du fait que les noyaux sont composés de protons et de neutrons, il existe deux valeurs d’isospin : T = 0 ou T = 1. Cependant, une valeur de T = 0 ne peut être obtenue que pour un système proton-neutron, alors qu’une valeur de T = 1 peut être obtenue pour un système proton-neutron, neutron-neutron ou proton-proton. L’interaction effective entre un proton-neutron sera donc plus forte que celle existante entre deux nucléons identiques.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I. Contexte et motivations
I.1. Evolution des forces nucléaires loin de la stabilité
I.1.1. Cas de la fermeture de couche N = 20
I.1.2. Les interactions nucléon-nucléon « effectives » à l’intérieur du noyau
I.2. Le noyau de 26F : sonder les forces nucléaires proche de la drip-line
I.2.1. Les caractéristiques du noyau de 26F
I.2.2. Etudes expérimentales sur le noyau de 26F
Chapitre II. Expérience et Analyse
II.1. Production et sélection des noyaux
II.1.1. Production des noyaux
II.1.2. Sélection des noyaux d’intérêt avec le spectromètre LISE
II.2. Dispositif expérimental
II.2.1. Description
II.2.2. Identification des noyaux
II.2.3. Implantation et décroissance des noyaux d’intérêt
II.2.4. Electronique et acquisition
II.3. Analyse des électrons issus de la décroissance β des noyaux implantés
II.3.1. Dépôt d’énergie des électrons dans le DSSSD
II.3.2. Corrélation des rayonnements β émis avec les ions lourds implantés
II.4. Analyse des rayonnements γ émis suite aux désintégrations β des noyaux implantés
II.4.1. Calibration des cristaux de Germanium
II.4.2. Corrélation des rayonnements γ émis avec les ions lourds implantés
II.4.3. Traitement de « l’Add-back »
II.5. Test de la méthode d’analyse à l’aide du noyau de 28Ne
II.5.1. Décroissance β du 28Ne
II.5.2. Raies γ observées pour la corrélation avec du 28Ne
II.5.3. Effet des conditions de corrélation
II.5.4. Coïncidences γ-γ pour la corrélation avec du 28Ne
II.5.5. Durée de vie associée aux raies γ du 28Ne
II.6. Efficacités de détection β et γ
II.6.1. Première méthode de détermination de l’efficacité β
II.6.2. Détermination de l’efficacité γ
II.6.3. Méthode alternative de détermination des efficacités β
II.7. Réduction du bruit de fond
II.7.1. Traitement du détecteur Silicium « Veto »
Chapitre III. Résultats
III.1. Etude du noyau de 26F
III.1.1. Mise en évidence d’un état isomère 4+ dans le 26F
III.1.2. Décroissance β du 26F
III.1.3. Raies γ observées pour la corrélation avec du 26F
III.1.4. Coïncidences γ-γ pour la corrélation avec du 26F
III.1.5. Durées de vie des transitions γ issues de la décroissance β du 26F
III.1.6. Détermination des taux de branchement β
III.1.7. Conclusions relatives au noyau de 26F
III.2. Etude de la décroissance β du noyau de 28Ne
III.2.1. Prédictions des modèles en couche USDA et USDB pour le noyau de 28Na
III.2.2. Identification des raies γ inconnues issue de la décroissance β du 28Ne
III.2.3. Etude complémentaire du 28Na au travers de sa décroissance γ en vol
III.3. Evolution des forces nucléaires pour les isotones N = 17, Z impair
III.4. Etude des décroissances β des noyaux de 24O et 24F
III.4.1. Raies γ observées pour la corrélation avec du 24O
III.4.2. Comptage des transitions γ retardées par la décroissance β du 24O
III.4.3. Décroissance β du 24F
Chapitre IV. Etude des niveaux non liés dans le 26F
IV.1. Expérience de knockout proton menée à GSI
IV.1.1. Description des installations
IV.1.2. Dispositif expérimental
IV.2. Principe d’analyse
IV.2.1. Détermination de la charge des fragments
IV.2.2. Détermination de la masse des fragments
IV.2.3. Calcul de l’énergie relative du système « fragment + neutron »
IV.2.4. Relation entre la largeur des résonances et le moment angulaire emporté par le neutron émis
IV.2.5. Traitement du bruit de fond neutron
IV.3. Test de la méthode de reconstruction de l’énergie relative
IV.3.1. Le noyau de 16B
IV.3.2. Le noyau de 25F
IV.3.3. Le noyau de 14B
IV.4. Résultats pour les états non liés du 26F
Conclusion

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