Les dysménorrhées sont l’ensemble des douleurs pelviennes précédant ou accompagnant les règles. Elles sont de loin les douleurs chroniques de la femme les plus douloureuses devant les dyspareunies et les algies pelviennes chroniques non cycliques (1). Elles représentent 10% des motifs de consultation en gynécologie (2). On peut distinguer les dysménorrhées selon deux types de critères : on peut parler de dysménorrhées essentielles ou organiques, mais aussi de dysménorrhées primaires ou secondaires. La dysménorrhée essentielle est une pathologie propre, tandis que la dysménorrhée organique est un symptôme. En pratique ces deux classifications tendent à se superposer puisque la dysménorrhée primaire est presque toujours essentielle et une dysménorrhée secondaire est généralement organique (2).
Les dysménorrhées ne sont pas nécessairement constantes à chaque cycle. En effet, 90% des femmes de 18 à 45 ans déclarent avoir souffert de dysménorrhées au cours de leur vie, mais seul 22% des femmes interrogées en souffrent à chaque cycle (3). Les dysménorrhées ont un impact physique, psychique, mais aussi socio-économique qui va de l’arrêt des activités normales à un absentéisme de courte durée répété. En France, elles sont à l’origine de 10 à 15% de l’absentéisme scolaire chez l’adolescente et 5 à 10% de l’absentéisme au travail chez la jeune femme de 18 à 30 ans (1,4). Il existe une offre multiple et hétérogène de moyens de soulagement de la douleur menstruelle. Lorsqu’un professionnel de santé est consulté, l’approche thérapeutique médicale initiale repose essentiellement sur la prescription d’une contraception orale oestro-progestative, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et d’antispasmodiques (5,6). La contraception intra-utérine est la première méthode de contraception réversible dans le monde, puisqu’elle est utilisée par 14% des femmes en âge de procréer (7). En France, la contraception intra-utérine est la deuxième méthode la plus utilisée (16% des femmes en âge de procréer) après la pilule (45%) (8,9). Aujourd’hui en France sont commercialisés deux types de dispositifs intra utérins au lévonorgestrel (DIU-LNG) : Mirena® (lévonorgestrel 52mg) et Jaydess® (lévonorgestrel 13,5mg), respectivement mis en vente depuis 1995 et 2013. Les dispositifs intra-utérins au lévonorgestrel présentent un certain nombre d’avantages non liés à la contraception (10). Plusieurs études tendent à démontrer que leur utilisation comme contraceptif tend à diminuer la prévalence des dysménorrhées en comparaison à d’autres méthodes contraceptives (11, 12, 13, 14). A ce jour, aucune étude n’a été réalisée à ce sujet en France depuis la commercialisation de Jaydess®. Or, Jaydess® est un dispositif qui s’oriente tout particulièrement vers les nullipares. Chez ces femmes, on sait que la pose d’un dispositif intra-utérin présente des inconvénients théoriques liés notamment aux douleurs et dysménorrhées (8). Malgré ces inconvénients théoriques, l’OMS n’omet aucune réserve quant à la prescription de dispositifs intra-utérins chez l’adolescente et la jeune femme (7). On observe donc qu’il existe un lien paradoxal entre les dysménorrhées et les dispositifs intra-utérins, puisque ceux-ci tendent à diminuer la prévalence des dysménorrhées dans la population générale des femmes, mais qu’ils pourraient également en provoquer chez la femme nullipare.
Les dysménorrhées
Définition
Les dysménorrhées sont l’ensemble des douleurs pelviennes précédant ou accompagnant les règles. Elles sont les algies chroniques de la femme les plus douloureuses devant les dyspareunies et les algies pelviennes chroniques non cycliques (1,2) . Cliniquement, elles se caractérisent par des douleurs abdomino pelviennes, à types de crampes, avec des irradiations possibles vers les fosses lombaires. On peut classer les différentes dysménorrhées selon deux types de critères : on peut parler de dysménorrhée essentielle ou organique, et de dysménorrhées d’apparition primaire ou secondaire. En pratique, ces deux classifications tendent à se superposer. En effet, une dysménorrhée essentielle est presque toujours d’apparition primaire, et une dysménorrhée organique d’apparition ou d’aggravation secondaire. (1)
Epidémiologie
Les dysménorrhées étant des douleurs d’intensité variable, il est difficile de définir le seuil du pathologique et d’en évaluer la fréquence pendant les règles (1,2). Les dysménorrhées touchent 30 à 50% de la population féminine générale en France (2). Cette proportion est augmentée entre 50 et 70% dans la population des jeunes femmes et des adolescentes françaises. En effet, 66% des jeunes femmes, et 55% des adolescentes françaises rapportent qu’elles se plaignent à chaque cycle de douleurs fortes à très fortes. Ces douleurs ont un impact sur la santé physique et psychique des femmes. Elles ont également un impact socio-économique, puisque dans cette population, on note que 15 à 20% déclarent devoir limiter leur activité, voire s’aliter au moment des règles, entraînant ainsi un absentéisme scolaire, et au travail répété.(1,5) C’est donc un phénomène sociétal méritant qu’on s’y arrête, et d’être traité comme un problème de santé publique.
Etiologies et clinique
Les dysménorrhées essentielles s’installent progressivement au cours des deux années suivant la ménarche, après les premiers cycles, ceux-ci étant le plus souvent anovulatoires. Cette dysménorrhée débute donc à l’adolescence, dans les mois ou les années qui suivent les premières règles. La dysménorrhée essentielle est une pathologie propre, et possède donc une physiopathologie caractéristique. Ces douleurs tendent à disparaître après le premier accouchement. A l’interrogatoire, la dysménorrhée essentielle se transcrit comme une douleur cyclique, qui débute avec le premier jour des règles (voire quelques jours avant) et qui dure 1 à 3 jours. Cliniquement le siège de la douleur est décrit comme étant centro-pelvien, avec des irradiations sacrées et périnéales. Le plus souvent, elles sont décrites comme à peine gênantes. Parfois, elles sont d’apparition brutale, paroxystique, intense, et peuvent s’accompagner d’autres manifestations à type de lipothymies, nausées, troubles intestinaux, migraines. (1,5) Les dysménorrhées organiques touchent les femmes à tout âge de leur vie génitale. Néanmoins, elles apparaissent plutôt à distance de la puberté, le plus souvent chez la femme âgée de plus de 30 ans. C’est un symptôme qui n’est majoritairement pas isolé, et témoigne d’une pathologie gynécologique sous-jacente telle qu’une endométriose, une adénomyose, une pathologie ovarienne, ou toutes pathologies entraînant des algies pelviennes chroniques. L’interrogatoire relève alors des dysménorrhées qui interviennent plutôt à la fin des règles, et qui sont associées à d’autres symptômes comme des ménorragies fonctionnelles ou des dyspareunies. (1,2)
Physiopathologie
Physiopathologie de la dysménorrhée essentielle
Concernant la dysménorrhée essentielle, la douleur menstruelle provient de l’hypoxie tissulaire résultant de l’hypercontractilité du myomètre et de la vasoconstriction de ses artérioles. Trois familles d’agents utérotoniques et vasoconstricteurs ont une responsabilité démontrée dans ce syndrome : les prostaglandines, l’arginine vasopressine et les leucotriènes. La responsabilité de l’innervation utérine est également probable, mais encore mal identifiée à ce jour. Elle pourrait permettre d’expliquer la régression de la dysménorrhée après le premier enfant suite à une dénervation partielle physiologique. (1,5,15) Les mécanismes de la douleur résultent de la physiopathologie même de la dysménorrhée. Ainsi, le plus souvent, l’hypercontractilité du myomètre, la vasoconstriction artériolaire, et la sensibilisation des terminaisons nerveuses aux stimuli nociceptifs sont à l’origine même du symptôme douloureux.
Physiopathologie de la dysménorrhée organique
La physiopathologie des dysménorrhées organique découle nécessairement de la pathologie sous-jacente. On ne peut donc pas généraliser de mécanisme dans les dysménorrhées organiques puisque celles-ci sont assujetties aux pathologies qui les provoquent. Néanmoins les prostaglandines semblent jouer un rôle dans ces dysménorrhées.
Prise en charge des dysménorrhées
Les propositions thérapeutiques découlent de la physiopathologie de la dysménorrhée, mais elles doivent également dépendre de la femme et des caractéristiques de sa dysménorrhée. Il est donc important de prendre en compte l’intensité de la dysménorrhée, son étiologie (essentielle ou organique), les résultats des traitements antérieurs, l’existence d’une anomalie du cycle chez la patiente, et le désir ou non d’une contraception. (5)
Les traitements pharmacologiques
La thérapeutique repose principalement sur la prescription de progestatifs, d’une contraception orale, ou d’antiprostaglandines, seuls ou en association. A cette thérapeutique peut s’ajouter un traitement antispasmodique, antalgique, ou à visée psychologique si nécessaire. (1,5) Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont à proposer en première intention. Ils tiennent le rôle d’antiprostaglandines. On ne retrouve pas dans la littérature de preuve de la supériorité d’un AINS en particulier. Certains AINS sont disponibles en libre accès dans les pharmacies et peuvent être pris en automédication. (5,17) En cas de contre-indications aux AINS, ou de désir d’une contraception, le traitement de choix repose alors sur les inhibiteurs de l’ovulation. Les plus efficaces dans le traitement de la dysménorrhée sont les oestro-progestatifs normodosés, et les progestatifs macrodosés. Les oestro progestatifs minidosés sont moins efficaces mais sont parfois suffisant. Les microprogestatifs laissent persister une activité sécrétoire de l’endomètre, voire parfois une ovulation et sont donc inefficaces. (5,18) En cas de résultats insuffisants malgré une bonne observance du traitement pendant au moins trois cycles consécutifs, les AINS et le traitement hormonal peuvent être pris conjointement (18). Des traitements à visée uniquement symptomatologique de type antalgiques et antispasmodiques peuvent être proposés et sont parfois suffisant dans les formes de dysménorrhées mineures (18). L’utilisation d’un DIU-LNG est une option thérapeutique possible .
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Table des matières
Introduction
I. Introduction à l’étude
1. Les dysménorrhées
1.1. Définition
1.2. Epidémiologie
1.3. Etiologies et clinique
1.4. Physiopathologie
1.4.1. Physiopathologie de la dysménorrhée essentielle
1.4.2. Physiopathologie de la dysménorrhée organique
2. Prise en charge des dysménorrhées
2.1. Les traitements pharmacologiques
2.2. Les thérapeutiques non médicamenteuses
3. Le DIU au lévonorgestrel : présentation et place dans le modèle contraceptif français
3.1. Présentation du dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
3.1.1. Population concernée, indications et contre-indications
3.1.2. Mécanisme d’action des DIU au lévonorgestrel
3.2. Le DIU au lévonorgestrel dans le modèle contraceptif français
3.2.1. Contexte actuel de la contraception en France
3.2.2. Place du DIU au lévonorgestrel dans le modèle contraceptif français
3.2.3. Le « Scandale Mirena », une nouvelle crise médiatique ?
4. Place du DIU au lévonorgestrel dans la prise en charge des dysménorrhées
4.1. Avantages et inconvénients du DIU au lévonorgestrel sur les dysménorrhées organiques
4.2. Avantages et inconvénients du DIU au lévonorgestrel sur les dysménorrhées essentielles
5. Etude sur l’acceptabilité du DIU chez les nullipares
II. Matériels et méthodes
1. Question de recherche et hypothèses
2. Les objectifs de la recherche
3. Matériel et méthode
3.1. Type d’étude
3.2. Matériel
3.2.1. Questionnaire
3.2.2. Variables étudiées
3.3. Population étudiée
3.4. Déroulement de l’étude
3.4.1. Recrutement des centres
3.4.2. Phase de pré-enquête
3.4.3. Phase d’enquête
3.5. Outils d’analyse statistique
III. Résultats et analyse
1. Caractéristiques générales de la population
1.1. Age des patientes
1.2. Age d’apparition des premières règles
1.3. Gestité et parité
1.3.1. Précédente contraception
2. Antécédents gynécologiques
2.1. Régularité des cycles
2.2. Durée des règles
3. Caractéristiques des dysménorrhées dans la population étudiée
3.1. Profil général des dysménorrhées
3.2. Caractéristiques de la douleur dysménorrhéique
4. Attentes et satisfaction
4.1. Attentes des patientes à la pose
4.2. Satisfaction des patientes à 3 mois de la pose
IV. Discussion
1. Points forts, limites et biais de l’étude
1.1. Points forts, limites et biais de la méthodologie appliquée
1.1.1. Durée et période d’étude
1.1.2. Lieux d’enquête
1.1.3. Population
1.1.4. Questionnaire
1.2. Points forts, limites et biais des résultats
2. Discussion des résultats
2.1. Discussion des résultats autour des hypothèses de recherche
2.2. Discussion des autres résultats de l’étude
3. Implications et perspectives
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes