Evolution des différents systèmes de culture
Origine historique de la filière
Le girofle a initialement été introduit à Madagascar pour le compte de la compagnie française des Indes orientales vers 1770. Le développement de cette culture commerciale s’est effectué au sein de grandes exploitations coloniales puis très rapidement dans les terroirs paysans. Vers 1900, au début de la colonisation française, le port de Tamatave draine un trafic de girofle croissant. Le marché avait déjà une dimension importante. Le développement amorcé vers 1920 où les plantations de girofles sont de plus en plus nombreuses fut interrompu par l’attaque du Chrysotypus mabilianum et la seconde guerre mondiale. Au lendemain de celle-ci, la colonie souffre d’une situation économique et sociale difficile. En 1990, l’économie malgache dépend en grande partie de produits agricoles exportés (café, vanille, clous de girofle).
Causes techniques de l’état actuel de la filière
Le giroflier en tant que culture pérenne, en tant qu’arbre et en tant que capital consolide l’agriculture et le niveau de vie des producteurs. Comme tout capital, une plantation demande un certain temps pour se construire, génère des retours financiers mais vieillit, et sa productivité décline inexorablement avec le temps. Pour tenter de prolonger la vie des girofliers de Madagascar, il aurait fallu lui accorder plus de soins, mais cela n’a pas été le cas même après divers travaux de recherches et d’amélioration de la culture. Le prix à payer est la dégradation lente mais inévitable du capital et la nécessité actuelle de replanter. La collecte des clous de girofles se base actuellement sur une exploitation de type extractiviste sur une ressource vieillissante apparemment très rarement renouvelée. Le travail se résume à une simple cueillette à des fins commerciales. La collecte de clous prend son essor dans les années 1950. Elle s’appuie initialement sur une main d’oeuvre familiale qui devient rapidement insuffisante et évolue actuellement selon les capacités des producteurs vers une main d’oeuvre salariale.
La distillation d’essence fut initialement effectuée par un colon qui fut largement imité par la suite. Une des principales raisons de la généralisation actuelle de la distillation des feuilles de giroflier à Madagascar est le prix assez élevé de l’essence sur le marché et le fait que la production de l’essence est un moyen commode de se procurer de l’argent à toute époque de l’année. La récolte du clou est saisonnière et nécessite beaucoup de main d’oeuvre. Ce qui impose aux producteurs une sortie importante de capital circulant à une époque particulièrement difficile de l’année : période de soudure alimentaire. Le paiement entièrement ou partiellement en nature des récolteurs ne résout qu’en partie le problème de trésorerie. Le coût de la main d’oeuvre rend cette production de clou peu rentable et le producteur doit se satisfaire d’une seule rentrée annuelle d’argent. Au contraire, la production de feuilles s’étalant sur l’année entière, leur distillation permet un échelonnement fort apprécié des dépenses et des recettes.
Malheureusement, cette opération occasionne de graves dommages aux arbres, particulièrement aux jeunes sujets, par suite de la taille trop sévère auquel elle conduit souvent. Il est évident que cela nuit à la floraison et donc à la production de clous. La distillation des feuilles peut donc se faire au dépend de la santé des girofliers si elle est mal maitrisée et sa généralisation peut mettre en cause l’avenir des plantations malgaches.
Mais il faut dire que la distillation a permis aux cultivateurs de subsister durant les dernières années faute de floraison. Certes la distillation des feuilles permet aux paysans d’avoir une source de revenu durant toute l’année mais il faut aussi reconnaître que les girofliers pourraient rester improductifs. Les essences de feuilles sont donc les concurrents les plus redoutables de notre industrie du girofle.
Causes économiques des conditions actuelles de production
Les sociétés coloniales étaient axées autour des cultures intensives organisées en plantations avec leurs modes de fonctionnement et d’organisation sociale. Celles-ci ont d’abord évolué vers une agriculture plus morcelée car les grandes propriétés coloniales sont devenues des propriétés moyennes puis finalement des petites propriétés après l’indépendance avec le départ des colons. Toute cette économie agraire probablement acquise par les riches héritiers malgaches a évolué vers une économie de cueillette qui se fait actuellement sur une ressource vieillissante et très peu renouvelée. Mais la principale transformation actuelle est le système de culture originellement monocultural qui évolue vers un système de type agroforêt ou parc à girofle avec des cultures vivrières en intercalaires.
L’explosion démographique a amené les paysans à intensifier la production rizicole. Ceci se traduit d’une part par l’extension des parcelles de riz pluvial en intercalaire des girofliers et d’autre part, par la production de deux cycles de riz par an (riz de 1ère saison et riz de 2ème saison) dans les rizières irriguées des bas fonds (www.tanisiaina.com, 2011). Les plantes de consommation locale (riz, manioc, patate douce,…) se sont également étendues : une nouvelle économie agricole vivrière gagne sur l’ancienne économie d’exportation. La production giroflière n’a plus la même primauté que jadis : les objectifs et les stratégies des propriétaires actuels sont différents. La culture du giroflier est quasiment revenue au stade de la cueillette, avec depuis 1970 apparemment très peu de plantations nouvelles. Mais ce point reste toutefois à vérifier localement. Ce sont les produits de la cueillette sur les anciens girofliers qui constituent l’essentiel de la production et des exportations. La filière girofle est donc passée d’une économie de plantation originellement coloniale puis très rapidement paysanne à une économie de cueillette basée sur des ressources vieillissantes très rarement renouvelées. Dans une telle économie de cueillette il est difficile de parler de comportements d’investissement à long terme.
Raisons sociales des conditions actuelles de production
Le giroflier est ancré historiquement dans les systèmes de culture, dans les réseaux de commercialisation de la côte Est mais aussi dans les pratiques des agriculteurs.
C’est également l’une des principales sources de revenus monétaires pour les familles productrices de girofle. En effet, le girofle a constitué une importante source de revenu des paysans locaux depuis 1900 jusqu’à l’heure actuelle, il est donc socialement et économiquement important car il procure l’essentiel du numéraire des ménages.
L’agroforesterie est souvent vue comme une stratégie d’adaptation aux risques économiques : diversité des produits, moindre sensibilité des productivités à l’intensité de gestion par rapport aux plantations pures. Les systèmes agroforestiers dérivent d’une économie initialement de type plantation pure (girofliers). Historiquement on a donc une dérive des systèmes initiaux.
Les transformations et les renouveaux agricoles ne dépendent pas des seuls mécanismes économiques et culturels : ils impliquent une mobilisation, un mouvement social au sein de la paysannerie en changement, une sorte de conversion à une idéologie partagée par plusieurs couches sociales et une adaptation à la situation.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : CADRE GENERAL DE L’ETUDE
1.1 Contexte général de l’étude
1.2 Problématique
1.3 Méthodologie
1.4 Contraintes de la méthodologie
PARTIE 2 : PRINCIPAUX RESULTATS
2.1 Histoire de l’introduction de la culture du giroflier à Madagascar
2.1.1 Origine et historique
2.1.2 Introduction du giroflier à Sainte-Marie
2.1.3 Premières concessions de l’île Sainte-Marie
2.1.4 Extension de la culture du giroflier
2.1.5 Premières distillations
2.2 Evolution des différents systèmes de culture
2.2.1 Caractéristiques des trois grands types de système de culture
2.2.2 Place du giroflier dans les exploitations agricoles
2.2.3 Itinéraires techniques
2.4 Evolution de la production
2.4.1 Evolution des superficies cultivées en girofle à Madagascar depuis 1900
2.4.2 Evolution de la production nationale de clou de girofle depuis 1900
2.4.3 Facteurs conditionnant la production
2.5 Analyse de l’évolution de la filière girofle dans le monde et à Madagascar depuis 1900
2.5.1 Principaux pays producteurs
2.5.2 Marché du girofle
2.5.3 Offre malgache
2.5.4 Evolution des exportations annuelles de Madagascar comparée avec celles de Zanzibar
2.5.5 Projets relatifs à la filière girofle à Madagascar
2.6 Synthèse de l’état actuel de la filière
2.6.1 Périodes de l’évolution de la filière girofle à Madagascar
2.6.2 Origine historique de la filière
2.6.3 Causes techniques de l’état actuel de la filière
2.6.4 Causes économiques des conditions actuelles de production
2.6.5 Raisons sociales des conditions actuelles de production
PARTIE 3 : DISCUSSION
3.1 Impact des pratiques culturales et post-culturales sur la qualité du produit final
3.2 Analyse FFOM (Forces Faiblesses Opportunités Menaces) de la filière
3.3 Stratégies individualistes des différents acteurs et mode d’exploitation
3.4 Devenir de la production de clou de girofle de Madagascar
3.5 Obstacles à la replantation
3.6 Obstacles à l’exportation
PARTIE 4 : RECOMMANDATIONS
4.1 Replantation
4.2 Amélioration de la qualité des clous
4.3 Renforcement de l’Appui à la filière
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
WEBIOGRAPHIE
ANNEXES
Télécharger le rapport complet