Un premier éclairage sur la structure et les fonctions des IUFM : de l’évanescence des objets d’enseignement et de formation
Impétrant dans la « communauté » des formateurs des professeurs d’école en 1997, nous découvrons une institution de caractère universitaire qui semble à ce titre détentrice du pouvoir d’élaborer ses propres plans de formation. Les écoles normales primaires ont vécu, tout comme les plans d’études officiels nationaux. L’institution encore récente est donc dotée d’un statut universitaire et tend à affirmer son identité propre. Le rédacteur du rapport Bancel ne stipule-t-il pas (chapitre II, paragraphe 7 – les formateurs) : « De nombreux enseignants sont, à l’heure actuelle, formés dans des établissements dotés d’une identité bien établie et ancienne, d’objectifs clairement définis et d’équipes de formateurs dont la compétence est reconnue. Entrer dans de tels établissements, c’est pour un élève s’imprégner d’une culture, partager des valeurs, acquérir un esprit de corps et une « fierté d’appartenance » qui ont, bien souvent, un impact très positif sur l’exercice ultérieur de leur métier. C’est à l’aune de leur capacité à construire et à affirmer leur identité propre, à se faire reconnaître en tant qu’institution que se mesurera la réussite des Instituts Universitaires de formation des maîtres. Amenés à collaborer et à dialoguer constamment avec les universités, les IUFM doivent être, pour ces dernières, des partenaires clairement identifiables ». Si la rupture est consommée entre la formation « normale » et celle qui doit lui succéder, nous noterons toutefois que l’ « esprit de corps », le partage d’une culture et de valeurs communes ne sont pas sans évoquer une certaine tradition « normale ». Inévitable se pose dès lors la question de la définition de cette culture, de ces valeurs communes. C’est dans le paragraphe 8 du même chapitre que sont, nous semble t-il, évoquées, non la nature de ces éléments, mais les modalités de leur émergence : « C’est au « noyau permanent » de l’IUFM, constitué autour de son directeur, que reviennent les activités de conception, d’organisation, de coordination et d’animation de l’Institut. L’existence de ce « noyau permanent », doté d’un rôle d’impulsion collective, est rendue indispensable par la complexité des dispositifs de formation. Ceux qui en feront partie devront avoir les compétences nécessaires pour gérer une organisation très complexe où coexisteront des publics et des formateurs hétérogènes, où les lieux de formation (établissements scolaires, universités, entreprises,..) seront disséminés, où les projets de formation seront individualisés et où…il faudra savoir innover, faire preuve d’initiatives et d’imagination. Autour de ce « noyau permanent », une équipe importante de formateurs sera chargée d’assurer les différentes activités de l’IUFM. Acteurs indispensables au bon fonctionnement de l’IUFM, ces formateurs devront être associés à la définition de ses activités ».
A la recherche des « connaissances » mathématiques présentes dans les plans de formation des IUFM
Notre intérêt pour les contenus des épreuves du CERPE relève en 1997, d’une première nécessité : celle de se « reconvertir » le temps d’un été, en formateur de professeur d’école sinon « compétent », du moins capable de cerner certains objets d’enseignement, leur nature, leurs fonctions. Les plans d’études mis en œuvre dans les IUFM nous semblent nécessairement piloter la nature, la structure, les fonctions de l’épreuve, sans que nous n’écartions le fait, qu’inversement les épreuves elles-mêmes ne puissent influer sur les plans d’études eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle, disposant des annales du CERPE publiées depuis 1992 par la COPIRELEM , nous tentons de reconstituer un champ réunissant les possibles thèmes d’études abordés.
Si les épreuves pédagogiques, didactiques nous semblent exiger des compétences qui nous incitent à compléter notre formation « didactique », les volets disciplinaires ou théoriques nous permettent d’identifier un champ de savoirs, à première vue familier : un sous domaine du champ défini par les programmes du collège mais étendu à des objets, écartés de ceux-ci, depuis les programmes de 1985. Les propriétés des nombres, multiples, diviseurs, critères de divisibilité, propriétés des restes, PGCD, PPCM, les systèmes de numération fournissent, en effet, entre 1992 et 1996, un nombre de thèmes d’études non négligeable. Les raisons qui justifient de la présence de ces objets, tout comme par ailleurs d’éléments de la géométrie euclidienne sont les premières à l’origine de notre questionnement.
De l’ « insoutenable transparence » arithmétique du professeur d’école et des questions que celle-ci peut susciter
Dans notre mémoire, nous limitant au support que constituent les épreuves disciplinaires du concours entre 1992 et 1998, nous cherchons donc à préciser le rapport institutionnel à l’arithmétique pour un étudiant en première année d’IUFM. Notre étude qui s’inscrit dans le cadre théorique de l’anthropologie des savoirs (la notion de praxéologie ou organisation mathématique, définie par Y. Chevallard est l’outil d’analyse que nous privilégions pour réaliser notre première tâche, à savoir, décrire l’activité mathématique d’un candidat générique) et qui nous impose une mise en perspective temporelle, a pour finalité de répondre aux objectifs suivants :
– caractériser les savoirs et savoir faire sollicités, esquisser l’environnement «théorique » que sous-tend l’intelligibilité de ceux-ci ;
– appréhender sur une durée « relative » l’importance du champ octroyé à l’arithmétique par rapport aux autres champs d’études ;
– identifier les évolutions et les invariances dans le choix des thèmes privilégiés par les concepteurs des sujets ;
– obtenir, enfin, un éclairage sur la spécificité de l’activité arithmétique en fonction des thèmes et des contextes des énoncés.
Les éléments d’analyse réunis au cours de ce travail, objets d’une communication lors du colloque annuel de la COPIRELEM en 2000, valident, tout d’abord, en termes de savoir et savoir faire requis, la conjecture émise par M.L. Peltier sur la nature des compétences sollicitées en arithmétique, à savoir leur conformité avec les «Recommandations officielles » de 1994. L’esquisse d’un possible environnement technologico-théorique laisse des zones d’ombres : les notions de congruences, le raisonnement par récurrence que sous tendraient des procédures de résolution expertes sont évanescents.
Autre conjecture confirmée : entre 1992 et 1998, l’influence prépondérante de la géométrie et des mesures, l’hégémonie des raisonnements de type hypothético-déductif sont avérées, bénéficiant notamment de la diminution du nombre des sujets (consécutive aux regroupements d’académies) ; toutefois, hormis les années 95 et 97 (années où s’opère la « fusion » des sujets de plusieurs académies), plus de la moitié des sujets comporte une partie traitant d’arithmétique.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1.
L’édifice primaire entre 1881 et 1889 : des lois Ferry à la loi Goblet ou
l’instauration du contrat entre l’Etat, son école et la société ; de la nécessaire existence
d’une école normale primaire supérieure garante de l’orthodoxie et de la transmission
de la doctrine normale,
1. 1. D’une succession de lois « ponctuelles », stratégiquement programmées,
jusqu’à l’achèvement d’un ordre primaire tout structuré et « clos »,
1. 2. La mise en application d’une organisation temporelle dont résulte
l’émergence d’un temps scolaire,
1. 3. De la régulation des conduites des sujets de l’institution,
Chapitre 2.
Présence de l’arithmétique dans le plan de formation des écoles normales
en 1889,
2. 1. Le programme d’enseignement normal : quelques caractéristiques
générales
• Un caractère encyclopédique,
• Un caractère homologique,
• Le principe d’élémentarisation des savoirs,
2. 2. De l’élémentarisation : de son influence sur la définition et l’organisation
du savoir,
2. 3. Un éclairage sur les conditions de vie de l’arithmétique « primaire »,
2. 4. Le programme d’arithmétique dans le plan d’études « normal »,
• La stabilisation de l’organisation temporelle de l’enseignement normal ;
enseignement masculin et féminin : convergences et différences,
• Des effets produits par la réorganisation du cadre temporel sur le
programme d’enseignement scientifique, et plus particulièrement mathématique,
• Evolution de la pertinence culturelle des programmes ; l’éclairage des
finalités officielles,
• L’arithmétique dans les programmes des écoles primaires supérieures ;
un éclairage sur le caractère homologique des programmes de l’enseignement
primaire,
Chapitre 3.
Le dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (1ère édition), (noté
désormais D.P.),
3. 1. Un outil de formation, un guide des pratiques, le dépositaire des textes de
savoir de référence et d’une doctrine normale,
3. 2. Les sciences dans le D. P. : le point de vue singulier d’un universitaire
positiviste ; l’éviction d’une certaine conception de l’arithmétique,
• La conception renouvelée d’une arithmétique propre à être enseignée
dans l’ordre primaire : le rôle de la pédagogie dans la définition d’un objet
d’enseignement, à valeur fortement éducative,
3. 3. L’arithmétique dans le D.P. ; définitions et fonctions d’un savoir,
3. 3. 1. L’arithmétique dans la première partie du D.P. une composante
prépondérante dan un domaine mathématique « tentaculaire » ; programmes, finalités,
méthodes : continuité apparente et anticipation des programmes, finalités, méthodes à venir,
• L’esquisse de l’arithmétique dans les textes officiels de 1882,
• Les contraintes et conditions générales assurant la légitime
existence des matières d’un enseignement primaire, de l’arithmétique,
en particulier,
• Des programmes et méthodes dont la légitimité institutionnelle
est présente « avant l’heure »,
3. 3. 2. Conclusion : de la pertinence institutionnelle du programme
d’arithmétique,
3. 4. Des organisations mathématiques dans la deuxième partie du D.P. :
esquisse d’un environnement technologico-théorique,
• Le programme d’H. Sonnet : analogies et différences avec un
programme officieux déjà existant, celui des brevets de capacité,
• Les « leçons » sur la numération et les diviseurs,
• Analogies et différences avec l’arithmétique « secondaire » des
programmes officiels,
• L’arithmétique dans un manuel de l’enseignement secondaire,
3. 5. Les brevets : une description de l’arithmétique, en termes de savoir faire
déjà anciens,
3. 6. L’arithmétique dans les sujets du concours d’admission à l’école
normale : des différences peu significatives avec l’arithmétique du brevet élémentaire,
Chapitre 4.
Les problèmes dans le D.P. : des enjeux de l’arithmétique et de l’art de l’enseigner,
Chapitre 5.
L’arithmétique et la doctrine normale : une discipline au service de la doctrine,
Chapitre 6.
Le certificat d’études primaires : une des conditions emblématiques du phénomène d’acculturation que doit produire l’école primaire républicaine ; de la fonction idéologique de l’arithmétique,
CONCLUSION
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