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Feux de décharge ou de déchets solides
Les conséquences environnementales négatives des processus d’urbanisation rapide en Afrique peuvent découler d’une mauvaise gestion, de programmes mal conçus et d’installations inadéquates. Ainsi Patel and Burke (2009) considèrent que l’urbanisation est un danger sanitaire pour certaines populations vulnérables et qu’avec l’évolution démographique, une catastrophe humanitaire se dessine. L’urbanisation en elle-même apporte à la société un nouveau mode de vie et lui ouvre de nouveaux horizons. Cependant, lorsqu’elle devient galopante, elle pose de graves problèmes de gouvernance. Les capacités institutionnelles deviennent insuffisantes (Adepoju et Kumuyi, 2002) aboutissant à des problèmes sociaux, économiques et à une dégradation importante de l’environnement.
Parmi les conséquences délétères de l’urbanisation rapide des pays d’Afrique on trouve les problèmes de gestion des déchets solides, liquides et toxiques (Sané, 2002) (Figure I.8).
En effet, l’insuffisance des systèmes de collecte des déchets solides dans les pays d’Afrique incite certaines personnes à éliminer les déchets par brûlage à ciel ouvert dont les émissions de particules sont importantes et très toxiques (Wiedinmyer et al., 2014 ; Wang et al., 2017).
Les estimations de la production de déchets dépendent du taux de production de déchets par habitant et de la population de chaque pays. Des études récentes ont mis en évidence l’importance des émissions de particules provenant du brûlage des déchets à ciel ouvert dans plusieurs pays en développement, en particulier en Afrique notamment au Lesotho, au Burundi, au Mali, et en Somalie. Ces études estiment que les émissions des polluants provenant de la combustion à ciel ouvert des déchets sont supérieures ou égales aux émissions nationales totales de chaque pays de l’inventaire EDGARv4.2. Au Sri Lanka, les estimations des émissions de PM10 provenant de la combustion en plein air sont presque cinq fois supérieures aux émissions anthropiques nationales de PM10. En chine, elles représentent 22% des émissions anthropiques totales (Wiedinmyer et al., 2014). Bond et al. (2004) estimaient qu’à l’échelle mondiale, 33 Tg de déchets étaient brûlés en plein air chaque année, ce qui entraîne des émissions de 44 Gg BC .an-1 et 58 Gg OC .an-1. Wiedinmyer et al. (2014) estiment quant à ceux que 972 Tg de déchets sont brûlés annuellement pour des émissions annuelles de 631 Gg de BC et 5.1 Tg de OC, soit un facteur de 10 à 100 de plus que Bond et al. (2004). Par ailleurs, entre Juin et Juillet 2016, des mesures aéroportées et au sol réalisées au Ghana, Nigéria et Bénin dans le cadre du programme européen DACCIWA, ont mis en évidence des niveaux d’émissions importants provenant des décharges à ciel ouvert (Flamant et al., 2017).
Des mesures au sol sur la décharge d’Abidjan ont enregistré des concentrations massiques moyennes de PM2.5 de l’ordre de 28 µg.m-3 (Djossou et al., 2018).
Combustibles fossiles et biocarburants
Les aérosols de combustion issus des combustibles fossiles, résultent de l’utilisation des énergies de sources fossiles telles que l’essence, le diesel, les fiouls, dans divers secteurs d’activités tels que le trafic routier, les industries, les centrales thermiques et l’usage domestique (feux domestiques). Ceux provenant des combustibles de « biocarburant » résultent de la combustion du charbon de bois, du bois, des résidus agricoles, des déchets d’animaux à des fins d’usage domestique, commercial ou industriel. Ces deux sources d’émissions produisent toutes deux, du carbone suie et du carbone organique primaire.
En Afrique, peu d’études ont estimé les émissions des aérosols de combustibles fossiles et de biocarburant à l’échelle régionale. Les estimations existantes utilisent une approche de calcul basée sur la consommation en combustibles fossiles et biocarburants et les facteurs d’émission standard correspondant (Tableaux I.2, I.3, I.4). Ces estimations dépendent, du secteur d’activité (industrie, transport…), de la technologie utilisée (e.g véhicules 2 roues ou 4 roues), du type de fuel et de la qualité des installations ou des engins. Elles varient donc d’une région à une autre (Junker et Liousse, 2008 ; Bond et al., 2004). Notons que des améliorations notables ont été observées dans de récentes études menées dans la cadre du programme DACCIWA (Keita et al., 2018). Le tableau I.2 illustre quelques estimations des émissions de carbone suie et de carbone organique primaire liées à l’usage des combustibles fossiles et des biocarburants en Afrique.
Les pratiques ancestrales comme la cuisine au bois continuent d’exister et de se développer dans les centres urbains Africains et pour des raisons de coût, elles reposent sur des essences très émissives comme par exemple l’hévéa ou l’iroko très abondants en Côte d’Ivoire et au Bénin. Le bois de feu est le plus utilisé parmi les types de biocarburant et représente encore 60 à 70% des consommations d’énergie en Afrique, suivi du charbon qui représente 20 à 30% (rapport AFD & BAD, 2009 ; Keita et al., 2018).
Le secteur domestique est globalement le plus grand secteur consommateur de combustibles en Afrique (voir tableau I.3), plus particulièrement en Afrique de l’Ouest avec des consommations de 27 et 28% respectivement en 2005 et en 2015. Les inconvénients de cette énorme consommation sont connus : maladies respiratoires qui provoquent la mort de plusieurs centaines de milliers d’africains par an. Pourtant sa consommation peut être fortement diminuée par l’utilisation de foyers améliorés. Il n’est pas possible d’envisager à horizon court la disparition de l’utilisation du bois de feu. Par contre il apparaît urgent de développer sur une échelle massive la distribution de foyers améliorés.
Transport et élimination des particules dans l’atmosphère
Les aérosols en interaction avec leur environnement obéissent à un cycle de trois phases: l’émission depuis certaines surfaces continentales qu’on vient de décrire, le transport dans l’atmosphère et le dépôt ou l’élimination.
Le transport des aérosols dans l’atmosphère est essentiellement contrôlé par les conditions météorologiques régnant sur la région source et ses régions limitrophes. Une fois soulevées /émises, les particules d’aérosols peuvent être déplacées verticalement dans les moyennes ou hautes couches troposphériques et déposées à proximité des sources. Ces particules d’aérosols peuvent être aussi transportées de manière horizontale sur de longues distances avant d’être éliminées par dépôt sec et humide.
Chacun de ces scénarios est fortement lié aux propriétés physiques des particules, aux phénomènes météorologiques ou dynamiques (turbulences, brises thermiques, limites frontales etc.). La figure I.13 décline les échelles géographiques de la pollution de l’air depuis l’air intérieur jusqu’aux phénomènes planétaires.
Les particules quittent les basses couches de l’atmosphère et montent en altitude, grâce à un mouvement de convection. Elles sont dispersées et diluées et sont transportées sur de longues distances, en voyageant dans la troposphère libre.
Les grosses particules sédimentent souvent rapidement. Néanmoins, elles peuvent voyager beaucoup plus loin lors d’événements particuliers (les vents à grande intensité, …). Par contre, les fines et les très fines particules sont capables d’être transportées sur de très longues distances.
La contamination de l’atmosphère, par les aérosols devient générale, en raison du transport de ces fines particules. Après leur transport, les aérosols sont éliminés, soit par dépôt sec continu (gravité), soit par dépôt humide (e.g épisodes pluvieux). Les « substances solubles
» telles que les sulfates se déposent presque exclusivement par ce second mécanisme. La vie de l’aérosol est donc caractérisée par son temps de résidence atmosphérique. Celui-ci variant suivant la taille et la composition de l’aérosol.
Paramètres influençant la dispersion des aérosols atmosphériques
Dès leur introduction dans l’atmosphère, les polluants primaires sont soumis aux phénomènes de dispersion et de transport sous l’effet des turbulences atmosphériques. Le déplacement des polluants détermine l’accumulation d’un polluant ou sa dilution dans l’atmosphère, depuis la source.
La dispersion des polluants dépend de plusieurs paramètres dont les conditions météorologiques et la topographie locale (altitude, relief, cours d’eau, …). Elle s’effectue essentiellement dans la couche limite atmosphérique (partie de l’atmosphère située en dessous de la troposphère libre) et dépend aussi de sa stabilité. Dans ce paragraphe, nous donnons quelques facteurs qui pourraient influencer l’évolution diurne des polluants à Abidjan et à Cotonou.
Evolution de la stabilité de la couche limite atmosphérique au cours d’une journée
L’évolution diurne des polluants peut être influencée par la dynamique de la couche limite atmosphérique (CLA). On entend par CLA (en anglais : Planetary Boundary Layer, PBL), la première couche de la troposphère qui se développe le jour par convection. Elle est directement influencée par le sol et sa hauteur dépend essentiellement des mouvements convectifs. La CLA est directement soumise aux effets de surface (effet de relief, propriétés radiatives du sol, etc.). Cette couche limite est épaisse de quelques mètres et atteint jusqu’à 3-5 km selon les saisons et les zones géographiques.
L’évolution de la CLA est régie par un cycle diurne (Figure I.14), principalement lié aux variations journalières du rayonnement solaire. Dès le lever du soleil, le sol est chauffé par rayonnement solaire. Des convections thermiques (masses d’air chaudes ascendantes) vont contribuer à homogénéiser la CLA. On parle de couche de mélange ou de couche convective. A proximité du sol, dans la couche limite de surface, le gradient de température est décroissant et on a un flux turbulent. La turbulence joue un rôle essentiel en favorisant les échanges verticaux, ce qui permet la dilution des polluants émis. Après le coucher du soleil, la surface terrestre refroidit par rayonnement infrarouge, créant une couche atmosphérique ayant une température inférieure à celle des couches supérieures (inversion de température) ce qui la rend stable jusqu’au lever du jour.
La stabilité de cette couche nocturne est d’autant plus forte que l’altitude est faible. Elle se caractérise par peu de turbulences et des mouvements verticaux limités, ce qui contribue à l’accumulation ou au confinement des polluants. Au-dessus de cette couche, la couche de mélange de la journée précédente devient une couche résiduelle, en général neutre, qui contient les polluants mélangés la veille. La CLA est donc influencée par les processus de surface et notamment par les émissions naturelles ou anthropiques de polluants qui y sont injectés. Elle est le siège de la pollution atmosphérique. La situation météorologique (vent, température, humidité, insolation) est déterminante dans le développement de cette pollution atmosphérique. La distribution des espèces dans l’atmosphère dépend du temps de résidence et des durées caractéristiques des échanges horizontaux et verticaux. Le temps de résidence est conditionné par l’efficacité des puits tels que le dépôt de surface et des réactions chimiques.
L’Afrique de l’Ouest, une zone marquée par un fort cycle saisonnier de vents, de température, de couverture nuageuse et de précipitations (Knippertz et al., 2015b), est dominée par des vents secs de Nord-Est venus du Sahara durant la période du mois de Novembre à Février. Dans cette région, la variabilité atmosphérique est contrôlée par des processus de différentes échelles spatio-temporelles allant de la distribution spatiale globale de température de surface de la mer à la convection locale (Knippertz et al., 2017).
De nombreux programmes notamment AMMA, DACCIWA et le réseau INDAAF ont mis en place des campagnes de terrain (pendant la période Juin, Juillet et Août 2006) portant sur les données météorologiques de la zone d’étude et la composition chimique de l’atmosphère, pour mieux comprendre le phénomène de mousson, sa variabilité journalière et annuelle, ainsi que les impacts sur la physique et la chimie de l’atmosphère à l’échelle régionale et globale.
Les évolutions diurnes de concentrations de plusieurs composés chimiques (isoprène, OH, HO2, NO, NO2, ozone et formaldéhyde) sont généralement en accord avec les observations collectées durant la campagne AMMA (Fabien, 2017). Des valeurs minimales sont trouvées pour NO et NO2 proche de la mi-journée et s’expliquent principalement par la dynamique de la couche limite. Aux environs de la mi-journée, l’élévation de la couche limite est maximale et conduit à une dilution des composés dans un plus grand volume de mélange (Fabien, 2017).
Vent
Le vent est l’un des paramètres météorologiques le plus important pour le transport et la dispersion des polluants. Il intervient à toutes les échelles tant par sa direction que par sa vitesse. La vitesse du vent augmente généralement avec l’altitude et donc au fur et à mesure que les polluants s’élèvent, leur dispersion est facilitée et ce d’autant plus que le vent est fort. En revanche, un vent de faible vitesse favorise l’accumulation locale des polluants. Le « profil
» de la vitesse du vent est différent selon le jour ou la nuit. Le jour, l’air qui se déplace en altitude est rapidement ramené au sol par les courants de convection thermique, renforçant ainsi les vents de surface. Par contre, ce profil est different pendant la nuit, où la convection thermique est la plus faible. La circulation des vents est généralement modifiée par les phénomènes météorologiques locaux, la topographie et les obstacles. Ces éléments peuvent canaliser l’écoulement des polluants dans des directions privilégiées. Dans la région du golfe de Guinée, les vents dominants sont ceux de la mousson et de l’harmattan. La figure I.15 illustre une série de roses de vent produite à partir des données recueillies, lors des campagnes de DACCIWA (2015-2017) à Abidjan et à Cotonou.
Inversions de température
L’état d’inversion de température est caractérisé par une augmentation de température au fur et à mesure que l’altitude augmente (Scorer, 1990 ; Beltrando et Chémery, 1995). C’est un état thermique stable que l’on observe généralement par temps clair. Il est caractérisé par une altitude de début et de fin d’inversion lorsque le début coïncide avec le niveau du sol, l’altitude de fin est appelée hauteur de la couche de mélange. En effet, c’est dans l’épaisseur de cette couche d’air stable que se dispersent les polluants émis. Si l’épaisseur est faible, le volume d’air dans lequel les polluants sont dispersés l’est aussi, et de ce fait, les concentrations rencontrées y sont élevées. Il s’agit là de la situation la plus propice aux épisodes de pollution atmosphérique. L’inversion de température peut avoir des conséquences importantes sur la qualité de l’air dans la région du Sud de l’Afrique de l’Ouest, une région connue pour son riche mélange d’émissions et de nuages divers. Elle stabilise l’air et limite les mouvements ascensionnels, annihilent toute turbulence. Les substances polluantes sont piégées et s’accumulent sous l’inversion car il n’y a pas de brassage vertical (De Moor, 2006).
C’est ce qui s’est produit à Londres en 1952 lors d’une inversion qui a duré 5 jours. Ceci a eu pour conséquence le décès de 12 000 personnes dont la majorité ont été victimes d’infections respiratoires (hitek.fr/bonasavoir/mystere-brouillard-tueur-londre-decembre-1952_861, Posté le 17 Novembre 2016, consulté le 23/03/2019).
Précipitations et humidité
Les précipitations lessivent l’atmosphère et entraînent une partie des polluants qu’elle contient vers le sol.
L’efficacité de cette élimination des particules diminue avec leur taille. De plus, les précipitations provoquent le brassage de l’air engendrant des turbulences et une instabilité des basses couches atmosphériques. Elles se montrent ainsi favorables à la dispersion des polluants. L’humidité, non seulement de l’atmosphère, mais aussi du sol, influence les concentrations des polluants car elle participe à la transformation des polluants primaires émis.
Le climat est tropical dans le Sud du golfe de Guinée avec une alternance de saison sèche et humide. Le long de la côte, les pluies sont assez abondantes en période humide. La durée exacte des saisons sèches et humides varie souvent d’une année à l’autre. Ce cycle de précipitations distinct affecte fortement les concentrations de polluants ouest africains, à savoir (dépôt humide / lessivage) des polluants pendant la saison des pluies, tandis que les niveaux de pollution augmentent pendant la saison sèche.
Composantes de l’aérosol en Afrique
La composition chimique des aérosols de combustion est très hétérogène et varie en fonction de leurs sources d’émission, de leurs évolutions physico-chimiques dans l’atmosphère ainsi que de leurs granulométries. Classiquement en Afrique, les particules atmosphériques sont composées essentiellement (1) des fractions inorganiques, tels que les sulfates, nitrates, ammonium, chlorures, (2) des éléments de la croûte terrestre (poussière minérale), des éléments traces tels que les métaux, du sel marin ; (3) des matières carbonées (carbone organique, carbone élémentaire) et également de l’eau (figure I.16).
La composition de la fraction organique particulaire demeure complexe car elle contient des centaines (voire des milliers) d’espèces organiques. Dans les centres urbains africains les observations récentes ont montré (hors poussières désertiques) une prédominance des espèces carbonées en Afrique de l’Ouest (Doumbia et al., 2012), alors que les ions sont majoritaires en Afrique de Sud (Josipovic et al., pers com).
Figure I. 16:Exemple de la composition annuelle moyenne pour les PM2,5 et les PM10 mesurées en différents sites en Afrique de l’Ouest plus précisément à a) Bamako (Mali) et à b) Dakar (Sénégal)(Doumbia et al., 2012).
Fraction minérale
La fraction minérale de la matière particulaire est formée de composés minéraux cités ci-dessous :
Sulfates (SO42-)
Les aérosols sulfatés sont majoritairement issus de l’oxydation atmosphérique du dioxyde de soufre (SO2). Ils sont d’origine anthropique et proviennent majoritairement de la combustion des carburants fossiles et de la combustion de la biomasse (Mkoma et al., 2013). Cependant, ils peuvent être d’origine naturelle, provenant des émissions de sulfure de diméthyl (DMS) émis par le phytoplancton marin.
Par ailleurs, une étude récente menée par Ouafo-Leumbe et ses collaborateurs en zone rurale d’Afrique Centrale (Zoetelé, Cameroun) a montré que le SO42- est le plus abondant des ions avec les nitrates (NO3-), émis principalement par le sol durant la saison des pluies montrant ainsi l’importance des émissions biogéniques (Ouafo-Leumbe et al. 2018).
En Afrique de l’Ouest, certaines études ont montré que la concentration de SO42- est de l’ordre de 72 et 246 ng.m-3 dans les particules de PM2,5 et de PM10 respectivement, à Djougou, au Bénin. A Bamako, la contribution de SO42- est estimée à 22 et 19 % de la masse totale de PM2,5 et de PM10 respectivement, et ces tendances présentent un pic pendant l’épisode de poussière. Ceci souligne l’importance relative du SO42- dans les deux sites, probablement lié à l’interaction entre les sulfates et la poussière à Bamako, au sel marin, à l’importance des émissions biogènes et aux feux de biomasse (Manktelow et al., 2010; Doumbia et al., 2012; Ouafo-Leumbe et al., 2018).
Nitrates (NO3-) et ammonium (NH4+)
Ils sont principalement de nature anthropique. Les précurseurs sont l’ammoniac et l’acide nitrique. L’ammoniac est émis par l’agriculture du fait de l’utilisation des engrais chimiques et par les effluents d’élevage. L’acide nitrique, provient de l’oxydation des oxydes d’azotes (NOx) qui sont émis par les processus de combustion (feux de biomasse, industries, combustion de carburants fossiles) (Bauer et al., 2007). Le nitrate d’ammonium particulaire se forme en atmosphère riche en ammoniac. L’acide nitrique peut aussi réagir avec les sels marins et les poussières pour former du nitrate particulaire. Dans les zones urbaines africaines, la combustion de biomasse, les feux domestiques, la combustion de biocarburants, certains procédés industriels et le trafic automobile constituent une source importante de NH3 (Paulot et al., 2017b ; Behera et al., 2013 ; Akagi et al., 2011 ; Sun et al., 2017 ; Teng et al., 2017; Prevot et al., 2017 ; Sapek, 2013; Whitehead et al., 2007 ; Adon et al. (2010, 2016) ; Liousse et al., 2014). Les NO3- ne sont pas négligeables en Afrique, avec une proportion variant de 4 à 6% à Dakar et de 7-8% à Bamako et des proportions relativement plus élevées au Bénin. Il se retrouve particulièrement et majoritairement dans les particules fines et montre des corrélations légèrement meilleures avec Al, Be et Ti (R2> 0,97), ce qui indique une contribution des processus hétérogènes de formation des nitrates sur les poussières désertiques (Doumbia et al., 2012; Ouafo-Leumbe et al., 2018).
Chlorures (Cl-), Sodium (Na+), Potassium (K+), Magnésium (Mg2+), Calcium (Ca+)
Ces ions sont habituellement trouvés comme des éléments majeurs des contributions marines et terrigènes dans les aérosols. A une distance considérable de la mer, la contribution marine peut devenir négligeable (Putaud et al., 2004 ; Duan et al., 2005). Ils peuvent être également émis par les feux de savanes (Gaudichet et al., 1995) ou contenus dans certains aérosols de combustion suite à la neutralisation par l’ammoniac des vapeurs d’acide chlorhydrique émises par les incinérateurs et les centrales énergétiques. Ces ions ont une contribution non négligeable en Afrique. La concentration de chaque ion peut varier entre 15,7 et 24,1 µg.m-3, soit 3-6% des TSP, PM10 et PM2,5 à Bamako. Cependant, à Dakar, cette contribution semble plus importante (21,5-38,9 µg.m-3, soit 13-25%) (Doumbia et al., 2012).
Eléments traces
Les éléments traces métalliques proviennent généralement des sources de remise en suspension des sols (érosion éolienne, abrasion des routes par le trafic, débris de freins ou de pneu, etc.) et par des sources industrielles (Götschi et al., 2005 ; Rajšić et al., 2008 ; Salvador et al., 2012; Vallius et al., 2005). Les éléments tels que Al, Fe, Si sont les principaux composés traces retrouvés dans les poussières désertiques. L’aérosol émis de l’abrasion des freins de voiture est enrichi en cuivre (Cu) tandis que celui issu de l’abrasion des pneus est enrichi en zinc (Zn) (Adachi and Tainosho, 2004). Les éléments traces dépendent du type de source considérée, des processus mis en place mais aussi des matériaux utilisés (Yatkin et Bayram, 2008). Par exemple, la production d’acier concerne les éléments Pb, Cd, Cr, Zn, Mn, As, Ni (Moreno et al., 2006). Les sources de combustion de fiouls lourds émettent un aérosol principalement enrichi en aluminium (Al), en fer (Fe), en calcium (Ca), en vanadium (V) et en nickel (Ni) alors que la combustion de charbon émet un aérosol uniquement enrichi en Al, Ca et Fe (Yatkin et Bayram, 2008).
Il existe un sous-groupe d’éléments traces appelé éléments traces métalliques ou métaux lourds. Il englobe un grand nombre d’éléments présents en très faible teneur dans l’environnement. Ce sont des métaux de densité élevée. Dans l’air, les métaux lourds se retrouvent majoritairement sous forme particulaire à l’exception du mercure qui est principalement gazeux.
Ils proviennent de la combustion des combustibles fossiles et du bois, des cimenteries, de l’agriculture, de certains procédés industriels et de l’incinération des déchets. Des études récentes notamment celle de (Ouafo-Leumbe et al., 2018) menée en Afrique estime que l’Al et le Fe présentent des concentrations les plus élevées des éléments traces quelle que soit la fraction. Ils représentent plus de 94 % de la concentration massique totale d’oligo-éléments sur l’ensemble de la période. A Djougou (au Bénin), l’Al représente environ 66 et 63 % des PM2,5 et PM10 respectivement à l’échelle saisonnière tandis qu’à Dakar (Sénégal), la source de poussière minérale repérée par les éléments Al, Fe et Ti contribue pour 28% de la masse des TSP, 18% de celle des PM10 et 13% de celle des PM2,5 (Doumbia et al., 2012; Ouafo-Leumbe et al., 2018).
Poussières minérales (dust)
Terme générique pour décrire les particules primaires émises par les sols et qui regroupe des éléments traces (Al, Fe, Si, …) et des ions (Ca++, Na+, …), les poussières minérales peuvent représenter entre 6-50% de la masse totale des PM en zone urbaine (Doumbia et al., 2012 ; Andreae and Crutzen, 1997 ; Ramaswamy et al., 2001). Elles sont majoritairement d’origine naturelle (érosion, sable du désert). Mais elles proviennent également de sources anthropiques comme l’agriculture (récolte, labour, etc.), les industries (production de ciment) et le transport routier. L’Afrique, à l’échelle globale, est la plus grande source d’aérosols minéraux. En effet, l’estimation des émissions de poussières minérales injectée par le Sahara et ses bordures dans l’atmosphère varie entre 600 et 900.Tg par an (Andreae, 1991 ; Callot et al, 2000 ; Ozer et al., 2003 ; Laurent et al., 2008), soit approximativement la moitié de la production de poussières minérales en suspension dans l’atmosphère à l’échelle globale (Goudie, 1996 ; Ginoux et al., 2001 ; Tegen et al., 2002 ; Zender et al., 2003a; Diana,2008). Des régions arides et semi-arides de l’Afrique septentrionale et occidentale contribuent largement à l’injection globale de poussières minérales dans l’hémisphère nord (Prospero et al., 2002 ; Washington et al., 2003).
La composition et les concentrations des aérosols sont fortement influencées par la présence de poussières minérales aux niveaux local et régional. Pour quantifier l’impact des intrusions de poussières locales ou sahariennes sur les concentrations de particules, la teneur en élément trace (Al, Fe, élément de la croûte terrestre) est fréquemment utilisée, suivant des approches décrites dans la littérature.
Une autre relation est aussi utilisée pour déterminer la quantité de dust à partir des ions calcium non marins (Sciare et al., 2005). En Afrique de l’Ouest, en milieu urbain, plus précisément à Dakar et à Bamako, la contribution des poussières issues des croûtes terrestres a été estimée à (5-20%), celle des poussières minérales à (13-23%), et des poussières routières en suspension à (8-29 %).
Aérosol carboné
Par définition, l’aérosol carboné regroupe toutes les molécules comprenant au moins un atome de carbone. Il se divise généralement en deux composantes : le carbone élémentaire (EC) ou « Black Carbon » (BC), et le carbone organique (OC). La différence entre EC et BC est opérationnelle, c’est-à-dire dépendante de la méthode analytique utilisée. Les carbonates (CC) bien que présents en grande quantité dans les particules ne sont pas comptés dans la matière carbonée. En effet, ils ont une origine minérale et présentent généralement peu d’intérêt dans les études en zones urbaines en raison de leur faible concentration (<100 ng.m-3), et de leur présence dans la fraction super-micronique de l’aérosol (4-8%) (Cao, 2005) . Avec des limites quantifiables bien inférieures aux limites de detection; le carbone carbonaté d’une concentration de 420 ng.m-3 a été mesuré au Guadalupe Mountains National Park à l’Ouest du Texas (Chow and Watson, 2002). Définir l’aérosol carboné est une tâche complexe car l’analyse chimique ne permet que l’analyse de certaines de ces fonctions. C’est un mélange complexe, composé de petites particules de carbone élémentaire ou graphite plus ou moins sphériques et rugueuses, agglomérées entre elles et plus ou moins fonctionnalisées par des fonctions OC et des chaînes d’hydrocarbures (Cachier, 1998). Comme le présente la figure I.17, c’est un continuum qui part du carbone élémentaire au carbone organique défini par ses propriétés réfractaires et optiques. Il est donc difficile de dissocier conceptuellement l’EC de l’OC. Des incertitudes existent sur la séparation de ces fractions qui sont fonction des différentes méthodes de mesures ou d’analyses (Cachier et al., 2004 ; Chiappini et al., 2014). Les aérosols carbonés sont formés près des sources d’émissions et sont majoritairement de taille submicronique (Boucher, 2012). Ces très fines particules primaires émises (OCp, carbone suie) sont abondantes en milieu urbain majoritairement émises par les sources de combustion et par les feux de biomasse. Le tableau I.6 présente des exemples de concentrations en carbone suie et organique mesurées dans les capitales africaines, comparées à celles de capitales de pays industrialisés.
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Table des matières
CHAPITRE I : ETAT DE L’ART SUR L’AEROSOL EN AFRIQUE DE L’OUEST
I.1 Problématique de la pollution atmosphérique particulaire
I.1.1 Quelques définitions relatives à l’aérosol
I.1.2 Propriétés et caractérisation de l’aérosol en Afrique
I.1.2.1 Classification des particules atmosphériques
I.1.2.1.1 Selon le processus de formation
I.1.2.1.2 Selon la taille
I.1.2.2 Sources d’émission des aérosols en Afrique
I.1.2.2.1 Sources naturelles
I.1.2.2.2 Sources anthropiques
I.1.2.3 Transport et élimination des particules dans l’atmosphère
I.1.2.4 Paramètres influençant la dispersion des aérosols atmosphériques
I.1.2.4.1 Evolution de la stabilité de la couche limite atmosphérique au cours d’une journée
I.1.2.4.2 Vent
I.1.2.4.3 Effet de vallée
I.1.2.4.4 Inversions de température
I.1.2.4.5 Précipitations et humidité
I.1.2.5 Composantes de l’aérosol en Afrique. 35Table des Matières
I.1.2.5.1. Fraction minérale
I.1.2.5.2. Aérosol carboné
I.1.2.6 Épaisseur Optique en aérosol (AOT)
I.1.3 Impacts des aérosols sur l’environnement et le climat
I.2 Impacts des aérosols sur la santé
I.2.1 Cible principale des aérosols : l’appareil respiratoire
I.2.2 Etudes épidémiologiques des aérosols
I.2.3 Etudes toxicologiques
I.2.4 Principaux mécanismes décrits dans la toxicologie des PM
I.2.4.1 Inflammation
I.2.4.2 Stress oxydant
I.2.5 Généralités sur les espèces réactives de l’oxygène (EROs)
I.2.6 Stress oxydant induit par les PM
I.2.7 Propriétés oxydantes intrinsèques des PM
I.2.8 PM et stress oxydant
I.3 Travaux antérieurs en Afrique de l’Ouest sur l’impact de l’aérosol sur la santé
I.4 Programme DACCIWA
I.4.1 Description de DACCIWA ET DACCIWA-WP2
I.4.2 Mon étude dans DACCIWA WP2
CHAPITRE II : STRATÉGIE EXPÉRIMENTALE81
Introduction
II.1 Méthodologie pour une caractérisation de la composition physico-chimique de l’aérosol de combustion
II.1.1 Présentation des sites de mesure et d’échantillonnage
II.1.1.1 Présentation de la région d’Abidjan
II.1.1.1.1 Présentation du site 1« Abidjan Feux Domestiques
II.1.1.1.2 Présentation du site 2 « Abidjan Trafic (AT Adjamé) »
II.1.1.1.3 Présentation du site 3 «Abidjan Décharge (AWB Akouédo)»
II.1.1.2 Présentation de Cotonou et du site 4 «Cotonou Trafic (CT)»
II.1.2 Protocoles d’échantillonnage de l’aérosol
II.1.2.1 Méthode de prélèvement et de stockage des échantillons de l’aérosol
II.1.2.2 Séries collectées. 105Table des Matières
II.1.3 Méthodes et techniques analytiques des particules
II.1.3.1 Masse de l’aérosol
II.1.3.2 Analyse des ions
II.1.3.3 Analyse de l’aérosol carboné
II.1.3.4 Analyses de la fraction carbonée hydrosoluble (WSOC)
II.1.3.5 Analyse des éléments traces
II.2 Particules atmosphériques : étude toxicologique
II.2.1 Matériel et méthodes biologiques
II.2.1.1 Préparation des échantillonset extraction des particules pour les analyses
II.2.1.2 Choix du modèle cellulaire
II.2.1.3 Choix des concentrations d’exposition
II.2.1.4 Mesure du statut rédox intracellulaire
II.2.2 Etude de la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires
II.3. Conclusion
CHAPITRE III : PARTICULES ATMOSPHERIQUES OUEST AFRICAINE : CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUES
Introduction
III.1 Présentation des principaux résultats de l’étude
III.2 ArticleA1
CHAPITRE IV : EFFETS PRO-INFLAMMATOIRES DANS LES CELLULES EPITHELIALES BRONCHIQUES HUMAINES EXPOSEES AUX PARTICULES ATMOSPHERIQUES DE DIFFERENTES CLASSES DE TAILLE EN AFRIQUE (ABIDJAN, CÔTE D’IVOIRE ET COTONOU, BENIN)
Introduction
IV.1 Présentation des principaux résultats de l’étude
IV.2 Article A2
CONCLUSION GENERAL
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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