Evolution de la morbidité et de la mortalité palustre

Avant 1630, on distinguait déjà, parmi les fièvres intermittentes, la « fièvre des marécages ». En 1630, Don Francisco Lopez apprend des Indiens du Pérou les vertus de l’écorce de quinquina. Les fièvres sont divisées en deux groupes selon leur sensibilité ou leur résistance à cette drogue. Pelletier et Caventou (1820) en isolent l’alcaloïde actif, la quinine. L’agent pathogène est découvert en 1880 par Laveran à Constantine. Et bientôt quatre espèces plasmodiales furent isolées et la transmission de cette affection par un moustique du genre Anophèles confirmée en 1898.

De 1820 jusqu’à 1940 environ, aucun progrès thérapeutique n’avait été réalisé, mais peu avant la seconde guerre mondiale, la chloroquine, premier antipaludique de synthèse, est préparée et ouvre la voie à toute une série de dérivés. La guerre du Pacifique à partir de 1942, privant les Américains des plantations indonésiennes de quinquina, active les recherches. C’est ainsi qu’apparaissent des molécules contre le vecteur, les insecticides de contact, à effet rémanent, tel le DDT (dichlorodiphényltrichloréthane), qui sont dès la fin de la guerre largement utilisés.

Grâce à ces nouvelles armes, l’éradication du paludisme paraît possible. En 1957, elle est entreprise à l’échelle mondiale par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), reposant à la fois sur la lutte antivectorielle (assèchement des marais et usage massif d’insecticides tel le DDT) et sur la mise en place d’une chimioprophylaxie par la chloroquine. Après des succès rapides surtout en zone subtropicale et tempérée, dans les pays développés et dans les îles, les progrès deviennent lents, en particulier dans les pays déshérités. Ce programme a été le plus efficace dans les régions où le paludisme était le moins stable. Son impact dans les zones de paludisme stable, essentiellement regroupées en Afrique intertropicale, a été transitoire et marginal.

La résistance des vecteurs au DDT apparaît ; les insecticides de remplacement sont beaucoup plus onéreux (4 à 10 fois plus). En 1961, l’avenir s’assombrit par la découverte de souches de P. falciparum résistantes aux amino-4-quinoléines, antipaludiques de synthèse largement utilisés, et leur extension mondiale est inquiétante. En 1970, sur 20% de la superficie sur laquelle le programme avait porté, une résistance du vecteur au DDT et du parasite à la chloroquine était observée. Force est de redéfinir un programme de lutte visant à contenir les effets de la maladie (mortalité, morbidité), plutôt que de l’éradiquer.

A l’heure actuelle, la résistance de P. falciparum à la chloroquine est mentionnée dans toutes les zones d’endémie. En ce début de XXIe siècle, plus de 50 ans après le premier programme de lutte contre le paludisme, le constat de l’OMS est alarmant; 41% de la population mondiale, répartis dans plus de cent pays, serait exposée au paludisme (Figure 1). Les dernières estimations font état de 300 à 500 millions de cas chaque année. L’Afrique intertropicale réunit à elle seule 90% des cas. On dénombre 1,5 à 2,7 millions de décès par an, soit 5500 victimes par jour, essentiellement des enfants de moins de cinq ans [61].

Au Sénégal où il existe de manière endémique, le paludisme représente 35% des motifs de consultation durant la saison des pluies et constitue ainsi la première cause de morbidité et de mortalité [72]. Pour lutter contre le paludisme, la chloroquine est jusqu’à présent utilisée en première intention pour le traitement de la forme simple et pour la chimioprophylaxie préconisée chez la femme enceinte. Cette stratégie commence à montrer ses limites du fait de l’apparition de la résistance du parasite. En effet plusieurs études sur l’efficacité des antipaludiques ont été réalisées et ont montré globalement que les niveaux d’échec thérapeutique à la chloroquine sont élevés et que la résistance aux autres molécules antipaludiques est également en train de s’installer.

LE PALUDISME AU SENEGAL

Faciès épidémiologique 

Le paludisme au Sénégal peut globalement être défini comme endémique stable à recrudescence saisonnière [20]. La saison des pluies dure de juillet à octobre et le pic d’incidence du paludisme, qui en est la conséquence, de septembre à décembre.

– au nord, une zone sahélienne avec une pluviométrie depuis quelques années inférieure à 300 mm par an. Dans cette zone, le paludisme est hypoendémique instable ;
– au centre, la zone soudano-sahélienne se caractérise par une pluviométrie inférieure à 600 mm par an. Le paludisme est endémique avec une recrudescence saisonnière ;
– au sud, la zone guinéo-soudanienne se caractérise par une pluviométrie annuelle supérieure à 800 mm et souvent même supérieure à 1000 mm. Le paludisme y est de type hyperendémique, avec recrudescence saisonnière ;
– sur une bande de 20 km le long de la côte, de Dakar à Saint-Louis, les niayes constituent un système original : dans ces dépressions inter-dunaires, les collections d’eau sont pérennes et les habitants y pratiquent la culture maraîchère. Le paludisme y est stable, hyperendémique ;
– à Dakar et Saint-Louis sévit un paludisme de type urbain : la densité anophélienne est très faible et le paludisme y est de type saisonnier. En pratique, la période de transmission se réduit aux mois d’août à décembre, avec un maximum en octobre ;
– enfin le delta du fleuve Sénégal constitue un écosystème particulier : l’alternance de crues et de décrues, renforcée par les barrages construits sur le fleuve en amont, entraîne une incidence élevée du paludisme avec deux pics annuels, l’un en saison des pluies, l’autre en saison sèche pendant la décrue.

Transmission du paludisme au Sénégal

Dans la majeure partie du territoire, la transmission du paludisme s’effectue au cours de la saison des pluies et au début de la saison sèche . Les principaux vecteurs du paludisme sont les complexes Anopheles gambiae et Anopheles funestus. A Dakar et dans sa banlieue, on retrouve essentiellement Anopheles arabiensis qui est une espèce du complexe gambiae. L’indice plasmodique à Dakar est faible à 0,3%, alors que l’indice gamétocytique est de 0,005%. Ce taux semble varier en fonction de l’âge (0,1% avant 2 ans, 0,3% entre 2 et 9 ans, 0,7% entre 15 et 20 ans), du site de prélèvement (centre ville : 0% ; périphérie : 1,3%), et de la période de l’année (0,8% entre octobre et décembre). Ces données confirment le faible niveau de transmission en zone urbaine [19].  Pendant la saison des pluies, les accès palustres représentent environ 20% de l’ensemble des cas de fièvre [29] survenant à Dakar. Une étude réalisée à l’Hôpital Principal de Dakar à la fin de la saison des pluies a mis en évidence que 31,2% des sujets fébriles étaient porteurs de parasites, et que 7% des sujets non fébriles étaient infectées par Plasmodium [63]. Ainsi, le paludisme maladie en saison des pluies est fréquent, alors que le paludisme infection est rare ; la transmission est donc saisonnière, et la maladie se présente sous forme d’épidémie saisonnière.

Evolution de la morbidité et de la mortalité palustre

Le paludisme constitue la première cause de morbidité et de mortalité au Sénégal. Selon le Programme National de Lutte contre le Paludisme [72], il représente 35% des motifs de consultation avec une légère tendance à la hausse en 1999 et 2000. Le nombre de cas confirmés reste très faible (autour de 5%) montrant de ce fait les insuffisances de notre réseau de laboratoires au niveau périphérique. Les informations relatives à la létalité hospitalière montrent que les taux de létalité présentent peu de différence entre les malades toutes causes confondues et ceux atteints de paludisme. Le paludisme est responsable d’environ 8000 decès par an. Le taux de létalité hospitalière palustre est de 6%. Les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes payent le plus lourd tribut. Il faut relever que les cas de neuropaludisme et d’anémie liée au paludisme seraient à l’origine de plus de 65% des dèces attribués au paludisme.

Recommandations thérapeutiques au Sénégal 

Le traitement du paludisme simple au Sénégal est surtout basé sur la chloroquine qui associait la meilleure efficacité, le coût le plus faible et une grande simplicité d’emploi.

Au niveau communautaire, le traitement présomptif des cas de paludisme simple à domicile avec la chloroquine reste pour le moment maintenu à travers tout le pays. L’amodiaquine est le médicament de substitution utilisé en cas d’ intolérance à la chloroquine tandis que la sulfadoxine-pyriméthamine en dose unique est réservée au traitement de deuxième intention. La quinine est réservée au traitement des formes graves.

Ainsi les schémas actuels proposés par le PNLP sont :
➤ première intention : chloroquine à la posologie de 25 mg/kg répartie comme suit : 10 mg/kg le premier jour, 10mg/kg le deuxième jour et 5mg/kg le troisième jour. Le médicament de substitution utilisé est l’amodiaquine à la dose totale de 30 mg/kg répartie en 10 mg/kg/j pendant 3jours.
➤ deuxième intention : sulfadoxine-pyriméthamine à la posologie de 25 mg/kg de sulfadoxine et 1,25 mg/kg de pyriméthamine en prise unique
➤ formes graves : quinine injectable à la posologie de 8 mg/kg toutes les 8 heures pendant 5 à 7 jours avec possibilité de relais par voie orale selon l’évolution de la maladie.

La chimioprophylaxie à la chloroquine, longtemps pratiquée à grande échelle, est actuellement abandonnée pour n’ être réservée qu’ à la femme enceinte (300 mg deux fois par semaine) et aux visiteurs non immuns. Cependant devant l’ ampleur de la chloroquinorésistance, d’autres stratégies thérapeutiques ont été élaborèes et une réunion nationale de consensus sur l’utilisation des antipaludiques au Sénégal s’est tenue à Dakar les 25 et 26 juin 2003. Au cours de celle-ci de nouveaux schémas de traitement en première intention ont été proposés, reposant sur le principe des combinaisons thérapeutiques.

Par ailleurs pour la chimioprévention, une nouvelle notion a été proposée, celle du traitement préventif intermittent (TPI). Ces recommandations du PNLP n’ont pas obtenu de consensus au cours de cette réunion.

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Table des matières

Introduction
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. LE PALUDISME AU SENEGAL
1.1. Faciès épidémiologique
1.2. Transmission du paludisme
1.3. Evolution de la morbidité et de la mortalité palustre
1.4. Recommandations thérapeutiques
2. MEDICAMENTS ANTIPALUDIQUES
2.1. Rappel sur la biologie du Plasmodium falciparum
2.1.1. Cycle parasitaire
2.1.2. Génétique de Plasmodium falciparum
2.2. Classes médicamenteuses
2.2.1. Les lysosomotropes
2.2.1.1. La chloroquine
2.2.1.2. L’amodiaquine
2.2.1.3. La quinine
2.2.1.4. La méfloquine
2.2.1.5. L’halofantrine
2.2.1.6. Les dérivés de l’artémisinine
2.2.2. Les antimétabolites
2.2.2.1. Les inhibiteurs de la dihydrofolate réductase (dhfr)
2.2.2.2. Les inhibiteurs de la dihydroptéroate synthétase (dhps)
2.2.2.3. Les hydroxynaphtoquinones (atovaquone)
2.2.3. Les antibiotiques
3. LA CHIMIORESISTANCE
3.1. Techniques d’étude des résistances
3.1.1. Tests in vivo
3.1.2. Les dosages plasmatiques des antimalariques
3.1.3. Les tests de chimiosensibilité in vitro
3.1.4. Les techniques de biologie moléculaire
3.2. Mécanismes des résistances
3.2.1. La résistance à la chloroquine et aux autres lysosomotropes
3.2.1.1. La résistance à la chloroquine
3.2.1.2. La résistance aux autres lysosomotropes
3.2.2. La résistance aux antimétabolites
3.2.2.1. Les mutations du gène DHFR
3.2.2.2. Les mutations du gène DHPS
3.2.2.3. La résistance aux naphtoquinones
3.2.3. La chimiorésistance multiple
3.3. Epidémiologie des résistances
3.3.1. Epidémiologie générale
3.3.1.1. La résistance à la chloroquine
3.3.1.2. La résistance aux autres antipaludiques
3.3.2. Epidémiologie de la résistance au Sénégal
3.3.2.1. La résistance à la chloroquine
3.3.2.2. La résistance aux autres antipaludiques
3.4. Impact de la résistance aux antipaludiques usuels
3.4.1. Conséquences de la résistance aux antipaludiques
3.4.2. Nouvelles stratégies
3.4.2.1. Les combinaisons thérapeutiques
3.4.2.2. Les nouvelles molécules
3.4.2.3. Le traitement préventif intermittent
3.4.2.4. La vaccination
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
2. MATERIELS ET METHODES
2.1. Cadre d’étude
2.2. Inclusion des patients
2.3. Etudes de chimiosensibilité
2.3.1. Tests in vitro
2.3.2. Techniques de biologie moléculaire
2.3.2.1. Extraction d’ADN génomique du sang prélevé
2.3.2.2. Techniques de PCR
2.3.2.2. Séquençage des produits de PCR (dhps, dhfr, Pftcr)
3. RESULTATS
3.1. Description de la population
3.2. Résultats de l’étude de la chimiosensibilité
3.2.1. Evaluation de la chimiosensibilité in vitro
3.2.1.1. Résultats
3.2.1.2. Corrélation entre les résistances aux différents antipaludiques
3.2.1.3. Recherche d’une corrélation entre la gravité du paludisme et la résistance in vitro
3.2.2. Mutations génétiques associées à la résistance
3.2.2.1. Résultats
3.2.2.2. Mutations génétiques et résistance in vitro
3.2.2.3. Mutations génétiques et formes cliniques du paludisme
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
1. ANALYSE DES DONNEES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES
1.1. Etude de l’échantillon
1.2. Description des cas
1.2.1. Prévalence des cas graves
1.2.1.1. Facteurs favorisants
1.2.1.2. Signes de gravité
2. CHIMIOSENSIBILITE
2.1. Discussion de la méthode
2.2. Discussion des résultats
2.2.1. Chimiosensibilté in vitro
2.2.2. Les mutations génétiques associées à la résistance
2.2.2.1. Les mutations du codon 76 du gène Pftcr
2.2.2.2. Les mutations du gène dhfr
2.2.2.3. Les mutations du gène dhps
2.2.2.4. Association de mutations sur les gènes dhfr et dhps
2.2.3. Mutations génétiques et résistance in vitro
3. COMMENTAIRES
Conclusion

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