Evolution de la figure du héros tragique

LA PLACE DES MORTS

L’absence de sépulture

L’ouverture de Rwanda 94 met en scène le témoignage de Yolande Mukagasana, rescapée du génocide rwandais. Elle entre en scène en même temps que l’orchestre, et s’assoit sur une chaise placée à gauche de la scène (du point de vue des spectateurs), elle n’est pas tout à fait face au public mais légèrement en biais. A côté de la chaise est posé un paquet de mouchoirs en papier. Puis elle commence son récit et raconte la mort des siens : « Ce que je vais vous raconter, c’est seulement ma vie de six semaines pendant le génocide ». Sa narration est interrompue par des pleurs. La nature de sa prestation est cependant une composition : « Elle n’est pas une actrice, elle est ce qu’elle dit, cela veut-il dire qu’elle ne joue pas? Elle joue sur une limite. Ce qu’elle offre et dérobe d’elle-même par sa présence, son allure, sa marche, ce qu’elle raconte et comment elle le produit, sont les fruits d’un travail. Le sien, le nôtre. Cela n’a rien du charme ou des aberrations de la spontanéité, et cela se sent : qu’elle n’est pas une comédienne, mais que ceci est bien une forme élaborée. Elle est ce qu’elle dit mais elle « joue » un rôle d’elle même, elle est en représentation dans cette représentation-ci »
S’inspirant du théâtre documentaire d’Erwin Piscator et de Peter Weiss, où la réalité est donnée à voir dans sa forme la plus crue, la place de Yolande sur scène, au-dessus de nous, s’adressant au plus grand nombre, est donc complexe. Elle raconte sa vraie vie, certains passages sont écrits et sa prestation orale reprend des épisodes tirés de son livre autobiographique La mort ne veut pas de moi.

Irruption des morts dans l’espace des vivants

Dans la salle au milieu des spectateurs

Après le récit de Yolande Mukagasana, la « quasi morte »34 , le chant vient apaiser le spectateur mais très vite d’autres témoignages prennent le relais : « Avant le génocide de 1994, je vivais à Mukingi à Gitarama. Nous étions une famille de cultivateurs avec sept enfants. J’avais 18 ans et j’étais la deuxième. » . Six personnages de morts descendus dans la salle livrent à un groupe d’une dizaine de spectateurs le récit de leur exécution. Une fois le témoignage achevé ils se déplacent et se dirigent vers un autre groupe de spectateurs. Nous sommes visités par tous les morts et entendons en polyphonie l’ensemble des récits. Une bande son diffuse d’autres témoignages enregistrés ce qui amplifie leur portée. La salle est envahie par les voix, on ne peut y échapper. La prise d’assaut des personnages de morts sur les spectateurs est le premier acte en réponse à l’annonce de Yolande : « je déclare devant vous et en face de l’humanité que quiconque ne veut prendre connaissance du calvaire du peuple rwandais est complice des bourreaux. » . Donner la parole aux morts est le premier stade de la « tentative de réparation symbolique envers les morts, à l’usage des vivants ».
Ce débordement vient bousculer le spectateur dans sa place. Tout comme pendant le spectacle de Beaucoup de bruit pour rien, le déplacement des codes de représentation change la réception du spectacle. On vient chercher la personne qui se loge en nous, les masques sociaux tombent, les morts sont là à cinq mètres de nous, ils nous regardent dans les yeux, nous ne sommes plus anonymes dans cette grande salle du Piccolo Teatro de Milan. La proximité ainsi créée nous implique directement. Les morts alternent entre une parole collective, sur scène et une parole individuelle, dans la salle. Une fois qu’ils ont parcouru l’ensemble de la salle, ils remontent sur scène pour former un choeur et scander : « je suis mort, ils m’ont tué, je ne dors pas je ne suis pas en paix ». Le retour des morts sur scène, dans un rapport frontal est chargé de toutes ces vies croisées et se conclut par une parole collective.

Sur les écrans de télévisions: brouillage de toutes les ondes

Un mur de terre rouge se déploie sur le fond de la scène sur lequel apparaît un écran. Des images d’archives de télévisions sont perturbées par des images d’africains parlant une langue inconnue. Nous assistons à une émission de télévision animée par une journaliste vedette madame Bee Bee Bee assistée de Paolo Dos Santos, un collaborateur portugais. Ces « fantômes électroniques» envahissent les antennes télévisions du monde entier.
Ils parlent une langue que personne ne comprend et font leur apparition aussi bien dans la sphère privée, téléphone portable, ordinateur, que dans la sphère publique radio, télévision. Monsieur Kamali, linguiste rwandais participe à l’émission depuis Butare, une ville rwandaise. Il dirige une équipe de chercheurs qui enquête sur la traduction des messages envoyés aux quatre coins de la planète. L’invasion sur les ondes de messages incompréhensibles nous rappelle le film de Jean Cocteau Orphée où la mort incarnée par Maria Casarès reçoit ses ordres de mission via la radio par des messages codés. Ces messages dans le contexte historique de l’après-guerre renvoient à ceux émis par Radio Londres pendant la guerre. C’est donc le signe d’une menace qui gronde. Menace d’autant plus forte qu’elle vient toucher : « tous les moyens de communication » . Le thème de la menace qui vient frapper une communauté, ici internationale, remonte aux tragédies antiques.
Tout d’abord lorsque Créon consulte l’oracle au sujet de la peste qui ravage Thèbes, la réponse du dieu Appolon est une énigme. Œdipe s’entretient avec Tirésias « le divin interprète » pour comprendre les paroles de l’oracle. C’est la même démarche qui pousse Bee Bee Bee à inter viewer le professeur Kamali au sujet du fléau qui s’abat sur les moyens de communication du monde entier. Cependant les messages envoyés ne proviennent pas des dieux mais des morts.

Qu’est-ce que les morts ont à dire de si important aux vivants?

Lorsque le linguiste identifie le kynyarwanda comme la langue parlée par les fantômes, il explicite la particularité de la langue rwandaise qui répugne à nommer clairement les choses, préférant l’utilisation de la métaphore : « mais la culture rwandaise préfère l’allusion à l’expression directe […]le mot « viol »n’existe pas dans notre langue » . L’analyse de la séquence filmique a pu être faite grâce à la recherche de l’identité des personnes filmées. Autrement dit pour comprendre ces messages, il faut identifier les morts, il y en a un million, ce n’est pas une tâche facile. Monsieur Kamali termine son intervention par la révélation de l’état de colère dans lequel se trouvent les morts.

Les modalités de l’écriture

Incendies est jouée dans un rapport frontal, les morts ne descendent pas sur scène comme dans Rwanda 94, ils cohabitent dans le même espace que les vivants. Pendant quelques instants les deux espaces temps existent ensemble sans se rencontrer. Ce sont deux images posées l’une à côté de l’autre. Le glissement temporel se fait sans effet scénique spectaculaire. Le procédé du retour en arrière raconte le passé de Nawal, les étapes importantes de sa vie. L’ordre chronologique n’est pas complètement respecté. Ces retours en arrière font avancer l’intrigue et augmentent la tension dramatique. La scène, où les bruits de marteaux-piqueurs du quartier du notaire au Canada deviennent des mitraillettes qui déchargent leurs munitions sur un bus au Liban, est particulièrement explicite de la juxtaposition des temps.
Chez le notaire, un jet d’eau arrose le jardin, Jeanne apprend par Hermille que sa mère avait la phobie des autobus, on entend un son de marteaux piqueurs. Puis l’ échange continue entre Simon et Jeanne. La tension monte, Jeanne demande au notaire de lui rapporter ce que sa mère lui a dit au sujet de sa phobie des autobus. A ce moment là, Sawda, l’amie de Nawal, entre en scène en hurlant “Nawal !“, Jeanne hausse la voix pour couvrir le bruit des marteaux piqueurs et continue sa demande auprès du notaire. Il raconte l’histoire du mitraillage du bus, Sawda et Nawal la jouent.
Le jet d’eau du jardin du notaire devient sous nos yeux les mitraillettes qui tuent les civils dans le bus, le son des marteaux piqueurs se transforme en coup de feu de mitraillettes. Les morts revivent le passé qui est raconté par les vivants. Personnages du passé et du présent sont côte à côte pour raconter l’histoire de la tuerie du bus, sans jamais se voir ni se parler ni se rencontrer. Pourtant ils racontent ensemble le même moment .
Les morts d’Incendies ne débordent jamais du cadre de la scène, mais au contraire une fois l’action lancée trouvent une place en s’y insérant et participent à l’action . La révélation de l’identité du bourreau de Nawal est progressive, l’auteur retarde et prépare ce moment. Simon part avec le notaire chercher son frère Nihad est guidé par l’esprit de sa mère jusqu’à Chamseddine, personne « connue comme Caracas dans la Passion » , la scène suivante Simon est immobile, sans un mot, visiblement choqué par les révélations de Chamseddine. Il finit par raconter à sa soeur ce qu’il a appris et Nihad apparaît lors de son procès pour confirmer son identité et sortir son nez rouge, preuve irréfutable de son origine. Il lui a été donné dans ses langes par sa mère c’est le seul indice familial qu’il possède (scène 8). La scène suivante Jeanne remet la lettre à Nihad, Nawal la lit à haute voix. En trois scènes, on passe du Liban au Canada, de la tente de Chamseddine au procès de Nihad. La scène du procès commencée avec la lecture du cahier rouge six scènes plus tôt se termine ici avec la chute finale où Nihad sort son nez rouge. Chaque scène est une pièce du puzzle qui s’assemble dans une chronologie décousue.
Pourtant l’auteur égrène des signes qui mènent les personnages à vivre un « incendie ». Ainsi le cahier rouge et le nez rouge sont les détonateurs des incendies vécus par Nawal et Simon. La place des morts dans Incendies modifie la place des vivants. Jeanne tente d’appliquer la théorie de graphe qu’elle enseigne pour résoudre l’énigme posée par le testament de sa mère: « Nous appartenons tous à un polygone. Je croyais connaître ma place dans le polygone auquel j’appartiens. Je croyais être ce point qui ne voit que son frère Simon et sa mère Nawal. Aujourd’hui, j’apprends qu’il est possible que du point de vue que j’occupe, je puisse voir aussi mon père […] Quelle est ma place dans le polygone? »

LE CHANT

La partie musicale de Rwanda 94est très importante, elle comporte un orchestre occidental (Piano, clarinette, violon, alto, violoncelle) sous la direction de Garrett List, des musiciens rwandais sous la direction de Muyango, et deux chanteuses. Musique rwandaise et musique occidentale s’allient pour nous conter « l’épopée » du Rwanda. On peut distinguer deux types de chants: le chant narratif et le chant vocal (sans contenu narratif, émission de sons articulés, proche de l’improvisation). Le chant peut être composé à la fois d’une partie narrative et d’une partie vocale. La parole et le chant se mélangent, la musique constitue le lien qui se promène librement de l’un à l’autre. La distinction entre les deux types de chant est claire mais ne structure pas l’intervention du chant dans Rwanda 94. Tandis que notre esprit est sans cesse en éveil par l’acquisition de connaissances de faits historiques inédits, notre état émotif est sollicité et soulagé par le chant. Dès la conception de Rwanda 94 Jacques Delcuvellerie a souhaité mettre en scène un Chœur : « la présence d’un Chœur semble donc s’imposer, jouant les mêmes contradictions par rapport à “l’action“ que chez les Grecs , ou différemment chez Brecht . Il nous paraît évident que ce Chœur sera un protagoniste majeur et que certaines parties de la pièce lui seront entièrement dévolues. »
La création est conforme aux vœux de départ, les chants portent l’action. Nous avons classé par thèmes les différents types de chant que nous avons rencontrés dans Rwanda 94. La première partie regroupe le thème de la plainte. La première action chantée est celle du deuil. Pour Incendies le chant est devenu une légende que nous analyserons dans la dernière partie du chapitre.

La plainte

Le chant de deuil

Après le témoignage de Yolande Mukagasana, le maître musicien Muyango chante en rwandais, il est accompagné par le Chœur qui le rejoint pour chanter le refrain. Le chant écrit en 1966 par Twahirwa Ladislas témoigne des pogroms de 1959. Nous ne comprenons pas le sens des paroles mais nous nous laissons bercer par cette mélodie très harmonieuse qui apaise la douleur éprouvée par le témoignage. Les manifestations émotives de la douleur (la plainte, les pleurs, les cris) sont transposées dans le chant. Il a la même fonction que le thrène antique, le chant de lamentations donné lors des funérailles. Nicole Loraux a analysé les liens entre le chant de deuil et la tragédie grecque antique et nous dit: « …renonçant à la distinction homérique entre lamentation et gémissement, la tragédie a fait des pleurs, en eux-mêmes, une sorte de chant. Mais il en est ainsi parce que, dans la musique qui est sienne, celle de l’aulos, la tragédie entend une voix qui pleure. »
La voix de Muyango sonne comme une plainte au milieu des voix enregistrées, du Chœur des morts et de l’orchestre. L’ensemble reste intelligible, la composition musicale voix et orchestre fait entendre les pleurs dont parle Nicole Loraux.
Pour cette partie, on retrouve l’alternance entre le texte et le chant, propre à la tragédie antique, le témoignage de Yolande, le texte et le chant de deuil interprété en rwandais par Muyango.

La mélopée

La plainte revêt aussi la forme d’une mélopée. Ce chant mélancolique intervient après la conférence qui tente d’expliquer la question Hutu-Tutsi. La responsabilité des européens dans le génocide a été démontrée, c’est maintenant la responsabilité des Rwandais qui est interrogée dans la scène Naho se Bene wacu?(Et les gens de chez nous?). Contrairement à la Litanie des Questions où le chant rwandais est repris en français par le Chœur des morts, ici le chant interprété par un des morts du Chœur, est simplement sous titré, personne sur scène ne reprend les paroles de ce chant. Le Chœur formule dans d’autres termes la question de la responsabilité rwandaise. Un mort s ‘exprime en français, l’autre en rwandais, le couplet en rwandais n’est pas la traduction du français et inversement, il a son propre contenu.

La révolte

La dénonciation

La « Litanie des questions » est une prière qui ne s’adresse pas à dieu mais aux hommes. Ce sont les sept « péchés capitaux » qui ont contribué à l’impossible paix et réconciliation des morts et des vivants. Dans la « Litanie », RTLM (la radio des mille collines), L’ONU, 1959 (date des premiers massacres de Tutsi), les colons, le Rwanda pré-colonial, l’église, le deuil sont les sept parties qui forment le chapitre. La « Litanie des Questions » est un chant qui, dans une adresse directe dénonce. Le Chœur des morts pose des questions et accuse. La frontalité de l’adresse rappelle l’adresse civique du théâtre grec. La « Litanie » commence par le refrain qui est composé de trois couplets, les deux premiers sont identiques, le troisième concerne directement le thème traité dans  la partie. Il est d’abord chanté en rwandais par Jean-Marie Muyango et repris en français par le Chœur des morts à tour de rôle. Le premier couplet du refrain met en garde les spectateurs des dangers des médias.

Le chant de guerre

La cinquième et dernière partie du spectacle comporte une partie chantée répétitive. La « Cantate de Bisesero » raconte la résistance d’un dizaine de milliers de personnes sur les collines de Muyira à Bisesero. Le coryphée et des témoins font le récit de ce moment historique. Les cinq parties qui la composent rappellent la structure de la tragédie. Le Coryphée relate les faits historiques, les témoins (hommes, femmes, enfants) parlent. Le chant encadre la parole et intervient comme refrain. Certains vers sont inversés en fonction de la scène qui précède, mais cette plainte chantée devient familière, nous savons comment va finir cette histoire, c’est à dire par la mort. La sonorité finale du nom de la colline « a », évoque la douleur. La répétition de « Muyira » en fin de refrain accentue la plainte. Par contre la syllabe « Mu » indique une volonté combative.

Le chant religieux

Lors de la première vision de Bee Bee Bee sur les pentes du Golgotha, le Choeur des morts chante une prière. Inspiré d’un proverbe rwandais « Même s’il passe ses journées ailleurs, Dieu revient chaque nuit au Rwanda. » le chant religieux est interprété en rwandais. Le Chœur des morts s’adresse à Dieu et lui demande quelles fautes il a commises pour endurer de telles souffrances. Ce chant exprime la souffrance des rwandais qui se sentent abandonnés par tout le monde, même par leur Dieu. Mais il apparaît dans une vision de Bee Bee Bee. Comme nous l’avons étudié, la mise en scène en donne une lecture parodique qui traite le lien entre la fable et l’histoire.
Une procession composée d’un évêque transformé en marionnette, d’un Christ noir et d’une vierge Marie noire se déplace en chantant. Ces personnages costumés selon l’iconographie religieuse occidentale symbolisent l’appropriation des figures catholiques de l’occident par les rwandais. Cette scène dénonce la manipulation des missionnaires qui ont profité de la crédulité  peuple pour d’une part leur « inoculer » la religion catholique et d’autre part pour les pousser au génocide.
La décapitation du Christ noir par un militaire, un Interahamwe, est un acte qui peut s’interpréter comme le résultat de l’enseignement catholique. La dénonciation n’est plus directe comme dans la« Litanie des Questions », elle est imagée. Le chant religieux exprime l’attachement des rwandais à la foi chrétienne.

EVOLUTION DE LA FIGURE TRAGIQUE DU HEROS

L’héroïne et son double

Les personnages féminins de Rwanda 94 et d’Incendies mènent l’action. Jacques Delcuvellerie a tenu à ce que le spectacle comporte le témoignage d’une femme celui de Yolande Mukagasana a été retenu après plusieurs entrevues. Le déroulement de la pièce se poursuit avec la journaliste, Madame Bee Bee Bee qui part à la cherche de la vérité après la promesse faite aux spectateurs . Elle est aidée de Jacob, un ébéniste. Madame Bee Bee Bee est à la fois un repère et un guide que le spectateur suit tout au long de la pièce. Incendies donne également aux femmes les rôles titres.
Dans notre questionnement sur le genre tragique nous n’avons pu nous empêcher de les mettre en lien avec les personnages féminins de la tragédie grecque. Bien que Nawal et Sawda passent plusieurs années côte à côte pour combattre les miliciens, Nawal décide d’agir seule pour tuer leur chef. Elle refuse que Sawda l’accompagne dans cet acte, elle choisit d’en assumer seule les conséquences. Electre et Antigone essuient le refus de leurs soeurs respectives qui ne veulent pas les aider à accomplir leur dessein. En effet, il est impossible pour Chrysotémis de venger la mort de son père Agamemnon au côté de sa soeur Electre en tuant sa mère Clytemnestre, tout comme il n’est pas envisageable pour Ismène de ne pas obéir aux ordres de Créon qui a interdit une sépulture à Polynice leur frère. Les héroïnes grecques choisissent d’aller au bout de ce qu’elles estiment être leur devoir mais elles auraient aimé être accompagnées dans ce choix. Madame Bee Bee Bee quant à elle va chercher un compagnon de voyage dans sa quête de la vérité « Je vous invite à recueillir avec moi la vérité »dit-elle àJacob, l’ébéniste juif rescapé de la seconde guerre mondiale.
Alors que les femmes de la tragédie grecque puisent leur héroïsme dans l’acceptation de leur solitude, les femmes d’Incendieset de Rwanda 94 sont aidées par un autre personnage.
Ce double ne fait pas partie du cercle familial, les auteurs ont mis en scène la rencontre entre le héros et son double. Il n’y a pas de rapport de subordination entre eux. Alors que Nawal et Sawda se confondent, la « femme qui chante » est tantôt l’une, tantôt l’autre, le rapport entre Bee Bee Bee et Jacob est distancié. Dès leur première rencontre le dialogue est brechtien, les personnages s’adressent au public qui devient un protagoniste de la pièce. Quand ils parlent aux spectateurs de leur partenaire, c’est à la troisième personne du singulier qu’ils le font.

L’énigme, moteur tragique

Dans sa quête, Jeanne est guidée par des rencontres qui la conduisent à la vérité. Elle est tout comme Œdipe, connue sous une autre identité dans son pays natal. C’est par le bouche à oreille qu’elle approche le paysan qui détient le secret de sa naissance. Elle rencontre tout d’abord Abdessamad qui lui indique où se trouve Kfar Rayat, ensuite elle rencontre un guide de la prison devenue un monument historique, il lui donne le nom du gardien de la prison où a séjourné la femme qui chante, puis elle rencontre Fahim, le gardien de prison qui lui raconte l’épisode de l’incarcération de Nawal, les viols qu’elle a subis et l’enfant qui en est né. Il lui révèle qu’il était chargé de jeter les enfants dans la rivière mais que celui là il n’a pas pu, il l’a confié à un paysan. La rencontre suivante Jeanne apprend du paysan Abdelmalak son histoire dans son intégralité.
Le processus d’approche de la vérité est similaire à celui d’Oedipe, c’est par le bouche à oreille et par des gens simples : paysan, gardien de prison, guide que la vérité s’approche. Œdipe apprend par le messager venu lui annoncer la mort de son père Polybe qu’il n’est pas son fils et que ce même messager, autrefois berger nomade l’a découvert au milieu des taillis dans une gorge du Cithéron. Ce messager va chercher le vieux serviteur de Laïos qui lui apprend qu’il a désobéit aux ordres de son maître et n’a pas tué l’enfant mais qu’il l’a pendu par les pieds. On peut donc dire que Jeanne et Œdipe ont une position confortable dans la société, il est roi, elle est universitaire, ils ont tout deux fait les preuves de leur intelligence et sont reconnus pour cela. Pourtant ce sont les gens du peuple, modestes, peu reconnus dans l’échelle sociale : un berger, un paysan, un guide, un messager qui connaissent la vérité.
Jacob, l’ébéniste de Rwanda 94, représente l’homme du peuple alors que Bee Bee Bee, vedette de la télévision, est parvenue à obtenir une reconnaissance sociale nationale. L’aboutissement de la quête d’Incendies est déclenchée par des jeux de questions qui finissent par les révélations d’Adelmalak. On peut mettre en parallèle le dialogue entre Tirésias et Œdipe. Tirésias refuse de répondre aux questions d’Œdipe.

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Table des matières

Introduction
I.La place des morts
A.L’absence de sépulture
B.Les morts vivants
C.Irruption des morts dans l’espace des vivants
1.Dans la salle au milieu des spectateurs
2.Sur les écrans de télévisions : brouillage de toutes les ondes
3.Sur scène
a)Lien entre histoire personnelle et histoire collective
b)Lien entre fable et histoire
c)Les modalités de l’écriture
II.Le chant
A.La plainte
a) Le chant de deuil
b)La mélopée
B.La révolte
a) La dénonciation
b)Le chant de guerre
c)La parodie
d)Le chant religieux
C.La légende
III.Evolution de la figure du héros tragique
A.L’héroïne et son double
B.Le héros tragique face au savoir
C.L’énigme, moteur tragique
Conclusion
Annexes
Bibliographie

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