Evolution de la disponibilité des polluants organiques au cours du compostage

Le compostage : des déchets organiques au compost

Un procédé de traitement biologique

Le compostage est un procédé contrôlé de décomposition et de transformation de constituants organiques biodégradables sous l’action d’une succession de populations microbiennes évoluant en milieu aérobie. Les produits formés sont essentiellement le dioxyde de carbone (CO2), de la vapeur d’eau et un produit stabilisé riche en composés humiques : le compost (Haug, 1993). L’évolution de la température au cours du compostage permet de distinguer 4 phases liées à l’activité des différentes populations microbiennes (Leclerc, 2001 ; Francou, 2003 ; Lemunier, 2006):
La phase mésophile initialise le procédé : la matière organique facilement biodégradable est rapidement décomposée par les microorganismes qui colonisent le milieu. Cette forte activité microbienne engendre une hausse de la température, un dégagement de dioxyde de carbone (CO2) et une consommation de dioxygène (O2) importants.
La phase thermophile suit lorsque les températures se stabilisent au dessus de 50°C. La matière organique est fortement dégradée et une part importante de l’eau est évaporée.
La phase de refroidissement se produit lorsque la diminution de la matière organique facilement biodégradable entraîne un ralentissement de l’activité microbienne. Elle prend fin au retour à la température ambiante. Les micro-organismes dégradent les constituants non dégradés en phase thermophile.
La phase de maturation est la dernière phase qui dure jusqu’à l’utilisation du compost. Les processus d’humification dominent et les composés résistants sont également lentement dégradés.

Les paramètres physico-chimiques du compostage

Les principaux paramètres du compostage sont ceux qui conditionnent le métabolisme microbien : l’oxygénation, l’humidité, la température, la quantité et l’accessibilité des nutriments (Mustin, 1987 ; Haug, 1993) .
La matrice du compost est un réseau de particules solides constitué de vides et d’interstices de tailles variables. Les vides entre les particules sont remplis d’air et / ou d’eau (Inbar et al., 1993). L’aération forcée ou les retournements du compost permettent l’oxygénation indispensable au métabolisme des microorganismes. Un espace lacunaire compris entre 30% et 36% du volume de la matrice est considéré comme optimal (Madejón et al., 2002). Lorsque les vides sont remplis d’eau, la diffusion d’O2 est impossible, les conditions deviennent alors anaérobies entraînant la modification des voies de dégradation de la matière organique (Mustin, 1987). La granulométrie, la porosité, la résistance au tassement et l’humidité du mélange de matières premières sont primordiaux pour assurer une bonne structuration du compost (Eftoda et McCartney, 2004). L’humidité du substrat organique est un paramètre majeur du compostage car l’eau est utilisée par le métabolisme microbien et sa présence conditionne l’espace lacunaire de la matrice (Madejón et al., 2002). L’humidité optimale du compostage se situe entre 50% et 70% du poids humide (Richard et al., 2002) avec des limitations potentielles de l’activité microbienne en dessous de 40% (Haug, 1993).
Lorsque la teneur en eau devient trop basse, seuls les champignons restent en activité (Leclerc, 2001). Au cours du compostage, il y a production de vapeur d’eau lors de la dégradation de la matière organique qui s’évapore sous l’action conjuguée de l’aération et des températures élevées conduisant à l’assèchement du compost. Globalement, l’humidité diminue et des pertes de l’ordre de 50% du taux d’humidité sont observées (Canet et Pomares, 1995). Pour compenser une perte excessive en eau qui limiterait l’activité microbienne, un apport d’eau sur les composts est régulièrement réalisé.

L’évolution de la matière organique au cours du compostage

La perte de matière et la réduction du volume

Le compostage s’accompagne d’une perte importante en matière brute (Leclerc, 2001). Cette réduction est provoquée d’une part par l’évaporation de l’eau sous l’effet de la chaleur ; des pertes de l’ordre de 50% du taux d’humidité sont fréquemment mesurées (Canet et Pomares, 1995). D’autre part, la perte de masse est due à la minéralisation de la matière organique, pouvant atteindre 20% à 60% de la matière organique initiale (Atkinson et al., 1996 ; Francou et al., 2008). La perte en volume peut être de l’ordre de 60% (Inbar et al., 1993). Elle s’explique par la perte en masse à laquelle s’ajoute une réduction de la taille des particules par fragmentation et décomposition des produits initiaux par les microorganismes.

La stabilisation de la matière organique

La stabilisation de la matière organique correspond à la diminution de sa biodégradabilité (Francou, 2003). La méthode de référence pour évaluer la stabilité d’un compost est le suivi de l’activité respiratoire, généralement mesurée par le dégagement de CO2, lors d’incubations en conditions contrôlées du compost mélangé à du sol. Les quantités de C organique total (TOC) minéralisées au cours de ces incubations diminuent lorsque la durée du compostage augmente, traduisant la stabilisation de la matière organique au cours du compostage (Fig. 1.7). En 70 jours d’incubation, Bernal et al. (1998a) mesurent des pourcentages de minéralisation de 40% à 90% du C organique initial pour des composts de déchets ménagers échantillonnés en début de compostage, et de 10% à 40% pour les mêmes composts échantillonnés en fin de compostage. La stabilisation de la matière organique dépend de la nature des déchets organiques, de la durée et du procédé de compostage.
Francou et al. (2005) montrent que 3 à 4 mois de compostage suffisent à la stabilisation de composts de déchets verts, de biodéchets et de boues d’épuration alors que 6 mois sont nécessaires pour obtenir un compost d’ordures ménagères stabilisé. De plus, un même mélange de déchets initiaux compostés selon des procédés différents peut mettre 3 ou 6 mois pour atteindre le même niveau de stabilité (Francou et al., 2005).

Les teneurs en polluants organiques dans les déchets organiques et les composts

Propriétés des polluants organiques

Les polluants organiques sont des substances organiques communément définies à partir de quatre propriétés (protocole internationale d’Aarhus ratifié le 24 juin 1998) : la toxicité, la persistance dans l’environnement, le potentiel de bioaccumulation dans les tissus vivants et l’augmentation des concentrations le long de la chaîne alimentaire, le transport sur de longues distances, loin du lieu d’émission. La prise de conscience de la généralisation des problèmes de contamination par des polluants organiques s’est traduite par l’établissement de «listes prioritaires» des substances dangereuses à surveiller. C’est par exemple la « liste noire » de la Directive de l’Union Européenne n°76/464/CEE de 1976 qui regroupe 132 OPs et qui vi se à limiter les rejets et les émissions de ces polluants. Cette liste a été traduite en droit français dans la circulaire n°90-55 du 18 mai 1990. Par mi les 132 OPs de cette liste, on trouve des composés tels les polychlorodibenzo-dioxines et -furanes (PCDD/Fs), les polychlorobiphényles (PCB), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), ainsi que 40 pesticides. Par ailleurs, de nouvelles classes de composés toxiques ou persistants s’ajoutent périodiquement pour le suivi de la qualité de l’environnement, c’est le cas par exemple des retardateurs de flamme polybromés (BRF) (Jansson et al., 1987). Cependant, en plus de la seule considération de la toxicité aigüe, les effets carcinogènes, les potentiels de perturbation du système hormonal, de la reproduction, ou encore du système nerveux commencent à être pris en compte (Brändli, 2006). C’est le cas par exemple des polluants dits «émergeants», tels les nonylphénols, les phtalates et les résidus de médicaments, dont la pollution diffuse dans l’environnement peut poser des problèmes de santé publique sur le long terme.

Principaux polluants organiques détectés dans les déchets organiques et les composts

Les déchets organiques soumis à des procédés de compostage et les composts finaux peuvent être contaminés par des OPs suivant plusieurs voies de contamination : l’air (déposition atmosphérique), l’eau (rejet des substances dans les eaux usées et sorption de ces substances sur les boues de station d’épuration pendant le traitement des eaux), ou par application directe (application de pesticides sur des couverts végétaux devenant des déchets verts, administration de médicaments vétérinaires au bétail). Bien que certains composés considérés comme OPs soient présents dans l’environnement à l’état naturel, leur origine est principalement anthropique (Schauer et al., 2003). Les principaux OPs détectés dans les composts sont présentés ici:
Les polychorobiphényls (PCB) sont formés par la substitution de 1 à 10 atomes de chlore sur la structure biphényle. Ils sont caractérisés par une faible volatilité, une haute stabilité thermique et une forte résistance à l’oxydation. Il s’agit des produits de synthèse de fabrication industrielle qui ont commencé à être utilisés dans les années 1930 dans les encres d’imprimerie, dans les peintures, en tant qu’isolants dans les transformateurs électriques (Borja et al., 2005). Bien que leur production industrielle ait été arrêtée dans les années 1980, ils sont toujours détectés dans l’environnement et l’élimination des anciens résidus demeure un problème non entièrement résolu (Barriuso et al., 1996).
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) constituent un groupe de composés comportant plusieurs noyaux benzéniques fusionnés entre eux. Ces composés peuvent être émis naturellement (feux de forêt, éruptions volcaniques) mais la principale source d’émission provient des activités humaines (combustion à haute température, produits pétroliers, combustion des carburants des véhicules et de chauffage).
Les polychlorodibenzo-dioxines (PCDD) et polychlorodibenzo-furanes (PCDF) sont deux groupes de composés possédant trois cycles aromatiques, oxygénés et chlorés. Ces composés ont en commun la propriété d’être très stables chimiquement, très peu solubles dans l’eau, fortement lipophiles, entraînant leur bioaccumulation dans la chaîne alimentaire (Lemière et al., 2008). Ils ne sont pas intentionnellement produits mais peuvent se former lors de phénomènes thermiques à partir de produits organiques chlorés (incinération de déchets, agglomération de minerai, aciérie électrique, industrie papetière).
Les retardateurs de flamme bromés (BFR) forment un groupe varié de composés organiques bromés utilisés pour prévenir la combustion et/ou retarder la propagation des flammes dans une large gamme de produits industriels ou de consommation (appareils électriques et électroniques, véhicules, éclairage et câblage, textiles, matériaux d’isolation). Ils se caractérisent par un fort potentiel de bioaccumulation (de Wit, 2002).
Les alkylbenzènes sulfonates linéaires (LAS) sont des surfactants anioniques caractérisés par des propriétés à la fois hydrophiles et hydrophobes. Leur structure comprend un noyau benzénique portant un groupement sulfonate (partie hydrophile) et une chaîne aliphatique (partie hydrophobe). Les LAS sont les surfactants anioniques les plus utilisés au monde dans les détergents et les produits de nettoyage. Ils sont également utilisés comme émulsifiants et entrent notamment dans la composition des engrais et des pesticides (Jensen, 1999).
Les nonylphénols éthoxylates (NPE) et leur produit de dégradation, le nonylphénol (NP), sont des surfactants anioniques comportant des propriétés hydrophiles et hydrophobes. Leur structure comprend un noyau benzénique portant un groupement phénol (partie hydrophile) et une chaîne aliphatique (partie hydrophobe). Ils entrent dans la composition des détergents, cosmétiques, émulsifiants, lubrifiants et pesticides (Soares et al., 2008).
Les phtalates sont des composés constitués d’un noyau benzénique portant deux groupements carboxylates dont la taille de la chaîne alkyle peut varier. Le plus couramment utilisé d’entre eux est le di(2-éthylhexyl)phtalate (DEHP). Ils sont utilisés comme additifs assouplissants dans les matières plastiques (en particulier dans le polychlorure de vinyle, PVC). Ils peuvent également entrer dans la composition des peintures, colles et encres.
Les pesticides regroupent les composés qui sont utilisés pour contrôler le développement d’organismes nuisibles pour les cultures comme les insectes (insecticides), les champignons (fongicides) ou les plantes adventices (herbicides). Ils sont également utilisés en milieu urbain. Plus de 2000 substances actives sont connues et plus de 600 sont couramment utilisées (Tomlin, 1997).

La dissipation des polluants organiques au cours du compostage

Des références récentes apparaissent dans la littérature sur la dissipation des OPs au cours du compostage (sans utilisation de 14C). Les études portant sur l’évolution des HAP, PCB, PCDD/F, phtalates, LAS et NP au cours du compostage (avec des substrats organiques seulement, i.e. sans sol) ont été recherchées et analysées pour cette synthèse bibliographique. Ces données portent sur tous les types de composts, sur des expériences de compostage conduites en pilotes ou en plates-formes, sur l’évolution réelle des OPs ou celle de déchets organiques artificiellement contaminés. Les études ne présentant pas de façon suffisamment claire les conditions de compostage, celles pour lesquelles le compostage n’a pas réussi (e.g. une température ne dépassant pas 45°C pendant la phase thermophile, conditions anaérobies) et celles pour lesquelles les données sont reportées dans des graphiques sans commentaires détaillés dans le texte ne sont pas considérées. Cette sélection réduit les 25 références initialement trouvées à 16. Dans ces études, la dissipation des OPs peut être exprimée sur la base de l’évolution de la concentration en OP, faisant référence à la différence entre la concentration initiale et finale en OP. Il faut souligner que dans ce cas, lorsque la dégradation de la matière organique est plus rapide que la dissipation du OP, la concentration en OP augmente au cours du compostage, le pourcentage de dissipation est alors négatif. Dans quelques études, le pourcentage de dissipation des OPs fait référence à la différence entre les quantités initiale et finale en OP (la diminution de la masse de matière organique au cours du compostage est prise en compte).
Enfin, en considérant l’évolution de la température reportée dans chaque étude, le pourcentage de dissipation des OPs est attribué à la phase thermophile ou à la totalité du compostage. Dans la plupart des cas, la dissipation des HAP est observée. La dissipation médiane est seulement négative pour le benzo[k]fluoranthène à la fin du compostage (-2%) et varie de 10% pour le chrysène, à 100% pour l’acénaphthène et le dibenzo [a,h] anthracène. Les pourcentages de dissipation sont généralement plus élevés lorsque l’on considère la totalité du compostage plutôt que la seule phase thermophile. Moins de références portent sur le devenir des PCDD/F et PCB au cours du compostage. Pour ces OPs, les concentrations augmentent fréquemment au cours du compostage car la matière organique est dégradée plus rapidement. Pour le LAS, la valeur médiane de dissipation au cours du compostage est de 85% à la fin de la phase thermophile. La dissipation est de 87% pour le NP, 62% pour le DEHP et 46% pour le DEHP à la fin du compostage.
Dans la plupart des cas, les concentrations en OPs diminuent au cours du compostage, l’intensité de la dissipation variant avec la nature des OPs. Cependant, la distinction entre les différents processus de minéralisation, volatilisation et formation de résidus liés nécessite l’utilisation de 14C. De plus, il serait intéressant de disposer de plus d’information sur l’influence des paramètres de compostage, comme la température, sur le devenir des OPs.

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Table des matières

NTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Le compostage : des déchets organiques au compost
1.2. Les déchets organiques compostés en France
1.3. L’évolution de la matière organique au cours du compostage
1.4. Les polluants organiques détectés dans les déchets organiques et les composts
1.5. Le devenir des polluants organiques au cours du compostage
1.6. La modélisation du devenir des polluants organiques au cours du compostage
1.7. Objectifs et démarche du travail de thèse
1.8. Références
Partie I. Dispositif de compostage en pilotes de petit volume – caractérisation expérimentale du devenir de la matière organique au cours du compostage 
CHAPITRE 2. MINIATURISATION DU PROCEDE DU COMPOSTAGE 
2.1. Abstract
2.2. Introduction
2.3. Materials and Methods
2.4. Results and Discussion
2.5. Conclusions
2.6. References
Partie II. Caractérisation expérimentale du comportement des polluants organiques au cours du compostage
CHAPITRE 3. SORPTION ET MINERALISATION DES POLLUANTS ORGANIQUES AUX DIFFERENTS STADES DU COMPOSTAGE 
3.1. Abstract
3.2. Introduction
3.3. Materials and Methods
3.4. Results and Discussion
3.5. Conclusions
3.6. References
CHAPITRE 4. EVOLUTION DE LA DISPONIBILITE DES POLLUANTS ORGANIQUES AU COURS DU COMPOSTAGE
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. Materials and Methods
4.4. Results
4.5. Discussion
4.6. Conclusions
4.7. Supporting information
4.8. References
Partie III. Modélisation du devenir de la matière organique et du comportement des polluants organiques au cours du compostage
CHAPITRE 5 : MODELISATION DE LA DYNAMIQUE DE LA MATIERE ORGANIQUE AU COURS DU COMPOSTAGE
5.1. Abstract
5.2. Introduction
5.3. Materials and Methods
5.4. Results and Discussion
5.5. Conclusions
5.6. References
CHAPITRE 6 : MODELISATION COUPLEE DU DEVENIR DE LA MATIERE ORGANIQUE ET DES POLLUANTS ORGANIQUES AU COURS DU COMPOSTAGE
6.1. Abstract
6.2. Introduction
6.3. Description of the COP-Compost model
6.4. Equations of the COP-Compost model
6.5. Data acquisition for the model calibration
6.6. Model calibration and evaluation
6.7. Results and Discussion
6.8. Conclusions
6.9. References
6.10. Appendix 1. Equations of the organic C module
Conclusion générale et perspectives
ANNEXES

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