Evolution de la considération de la nature en ville

L’idée de nature peut se retrouver aussi bien dans le terme «paysage», en tant que contexte, décor avant tout passif et contemplatif que dans le terme «environnement» qui se réfère au milieu dans lequel les êtres vivants évoluent et avec lequel ils interagissent. Elle se rattache donc aussi bien au domaine de l’art, l’abstrait, le mystique que celui des sciences, le concret, le rationnel. Cette nature, d’après la Genèse, Rousseau, Descartes ou encore Marx apparaît comme une donnée brute qui, par définition, s’oppose à l’homme, la culture et par extrapolation la ville. Pourtant et plus que jamais à notre époque, les questions de biodiversité urbaine, de trame écologique, ou d’urbanisme environnemental semblent être des sujets très actuels. Récemment à Nantes, des programmes de réflexion tels que le Projet 2030 pour Ma Ville de Demain ou encore la 10ème édition d’Ecocity sur la ville durable, montrent cet intérêt pour l’élaboration de nouveaux modes de planification et de gestion urbaine, prônant la place de la nature en ville. On peut alors se demander de quelle manière la nature est finalement compatible avec le milieu urbain et comment elle stimule l’émergence et le développement de nos villes occidentales d’hier et d’aujourd’hui ?

Evolution de la considération de la nature en ville 

Les civilisations paysagères 

Approche philosophique d’Augustin Berque

Bien que mon étude se limite à la partie occidentale du monde, je souhaite, en guise d’entrée en matière, faire une exception à cela en parlant de la Chine qui selon Augustin Berque, géographe, orientaliste et philosophe français, est la plus grande et la plus ancienne civilisation paysagère. Mais qu’est-ce qu’une civilisation paysagère ? Augustin Berque, dans l’ouvrage Cinq propositions pour une théorie du paysage.1994, explique que certaines civilisations sont dites non paysagères : «[…] On ne savait pas ce que c’est que le paysage : pas de mots pour le dire, pas d’images qui le représentent, pas de pratiques témoignant qu’on l’apprécie… Bref pas de paysage.» Pour déterminer si une civilisation est paysagère ou non, il relève quatre critères, le premier impliquant les trois autres :
– l’usage d’un ou plusieurs mots pour dire « paysage »
– une littérature décrivant les paysages ou chantant leur beauté
– des représentations picturales de paysages
– des jardins d’agrément .

Il souligne que deux grandes civilisations dans l’Histoire de l’humanité ont présenté l’ensemble des quatre critères : La Chine au IVème siècle, et l’Europe au XVIème siècle. En Chine, le paysage s’enracine dans la religion et dans la morale. Il est né dans les mots et la littérature avant même de se manifester en peinture. Le paysage à la chinoise associe l’homme à la nature. Le Feng shui, ou l’art de bien disposer en générant harmonieusement l’énergie environnementale d’un lieu (le Qi) pour favoriser la santé, le bien-être et la prospérité de ses occupants, présente certaines vertus pour gérer les paysages qui selon A.Berque: « […] leur conférait une harmonie qui valait bien des règlements d’urbanisme  ».

En Europe, la notion de paysage apparaît à la Renaissance, première période de l’époque moderne et correspond à la révolution copernicienne qui engendre un changement de représentation de l’univers : on passe du modèle géocentrique, la Terre se trouvant immobile au centre de l’univers, au modèle héliocentrique, la Terre tournant autour du soleil.

Cette révolution scientifique engendre une nouvelle considération du paysage. La civilisation européenne moderne objective l’environnement par un dédoublement du monde d’une part centré sur l’homme et d’autre part centré sur l’objet. Cette dissociation engendre une triple séparation du sujet (l’homme) par rapport au monde :
– son environnement physique (envisagé comme un objet),
– son environnement social (individualisme désintégrant l’ancienne communauté),
– son propre corps (toisé par la science au même titre que les objets de l’environnement).

Au sein de ces deux grandes civilisations, orientale et européenne, s’observe une évolution de l’interprétation de la nature par l’homme. Pour la civilisation chinoise du IVème siècle, l’homme est en harmonie physique et spirituelle avec la nature, tandis qu’en Europe de l’époque moderne s’opère une dissociation de l’homme et la nature. Ce sera le point de départ de mon étude de la nature dans les villes occidentales.

« Les sociétés interprètent leur environnement en fonction de l’aménagement qu’elles en font, et réciproquement, elles l’aménagent en fonction de l’interprétation qu’elles en font. » .

La nature « ressource » 

Il me semble dans un premier temps nécessaire d’aborder succinctement le sujet de la nature du temps d’avant l’urbanisation, une nature que je choisis de nommer « ressource » pour ses potentiels propices à la survie de l’homme et dans lesquels il vient puiser pour générer les premiers établissements urbains.

La nature engendrant les premiers établissements humains 

« On oublie la plupart du temps que les établissements humains ont commencé par le choix d’un site et leur forme en découlent. Pas de ville sans un fleuve, une confluence, une jonction de vallées ou un abri du littoral, pour ne citer que les plus évidentes occasions adoptées pour installer un village, un bourg et engager la naissance d’une ville. » EVENOS Claude .

Lorsque les hommes se sédentarisent c’est au sein d’une nature sauvage: l’homme s’adapte à ses contraintes mais choisit le site en fonction des services  qu’il lui propose en faveur de sa survie, notamment la proximité d’un point d’eau, les hauteurs d’un plateau offrant un champ de vision dégagé pour repérer l’ennemi éventuel, un sol fertile propice à la culture, la proximité de matériaux servant pour les constructions… La configuration d’une ville, tout du moins celle de son noyau originel, est conditionnée par cette géographie sur laquelle elle s’insère : les tracés viaires suivent les courbes de niveau, les découpages parcellaires s’inscrivent sur des trames agraires préexistantes et en réutilisent les dessins. On verra par la suite, que la présence de l’eau, en plus d’être un critère de choix pour l’implantation d’une urbanisation, est un élément jouant en faveur de la sauvegarde et du développement d’une biodiversité au sein du tissu urbain en extension.

La nature « objet» 

A la base des premiers établissements humains, sous forme de « nature ressource», à l’état brut, celle-ci va devenir un « objet » manipulé et détaché de tout contexte, soumis à la technique humaine. Elle est manipulée telle une matière malléable et passive, tel un outil de construction du paysage, et façonnée comme une forme d’art, transformée par la main de l’homme, le but étant de la magnifier tout en la contrôlant.

La soumission de la nature par la technique

Période de la Renaissance, Classicisme et Romantisme 

« Le paysage est à l’image du pouvoir absolue de l’homme sur la nature. » En effet, le contexte de la Renaissance correspond à une révolution scientifique remettant en cause la posture de l’homme face à la nature. Alors que science et religion, dimensions physique et spirituelle, étaient intimement liées, voilà que l’homme se détache de la nature et cherche à prouver sa domination au sein des villes (opposition nature et culture) à travers notamment la création de nombreux grands parcs paysagers. « Un jardin est la représentation de la nature et l’homme représente la nature comme il pense le monde. » Baridon .

Dans ce contexte, il me semble intéressant d’aborder ce que Martin Heidegger (1889-1976) grand philosophe allemand, appelle l’arraisonnement. Il entend par ce terme, la domination de la technique, dans les temps modernes, en tant que manifestation ultime de la puissance. Alors que Friedrich Nietzsche de 50 ans son ainé, y voit la manifestation de la domination de l’homme sur la nature, Heidegger perçoit au contraire la dernière étape de sa dépossession et les dangers que cela engendre.

« Plus l’homme se prend pour le « seigneur de la terre » plus il devient une pièce du dispositif technique ».

Cette pensée renvoie au temps de la renaissance, des jardins de Le Nôtre (1613- 1700) où déjà la nature est asservie par une philosophie, une technique très sophistiquée. L’orangerie de Versailles de Le Nôtre, me semble d’ailleurs être une bonne illustration de cette considération de la nature totalement maitrisée, « à la brindille près », et ce jardin est d’autant plus « contre nature » du fait de l’importation d’une espèce exotique, l’oranger, qui n’a rien à voir avec le contexte versaillais. Cet asservissement continue d’exister avec l’évolution des techniques et l’on peut citer, brièvement, l’exemple contemporain qu’est celui du mur végétal du quai Branly de Patrick Blanc (2004) qui rend la nature totalement dépendante de la technique. Ce système en circuit fermé composé de polyamide qui s’imprègne par capillarité d’une solution nutritive use d’une technique très sophistiquée permettant à des plantes provenant de trois continents différents de survivre hors sol, à Paris.

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Table des matières

Introduction
1 évolution de la considération de la nature en ville
– Les « civilisations paysagères » : approche philosophique d’Augustin Berque
La nature « ressource »
– La nature engendrant les premiers établissements humains
La nature « objet »
– La soumission de la nature par la technique
– La progressive démocratisation des jardins urbains
> Hydepark, Tiergarten et el Parque del Retiro
La nature « programme »
– La nostalgie des campagnes liée à l’exode rural : réaction des urbanistes
– La nature comme facteur d’un bien-être sanitaire dans les villes hygiénistes
> Le Central Park de Manhattan 1858
– La tapisserie programmatique d’OMA, le parc de la Villette
– Inversement de la hiérarchie programme-site
La nature « écosystème »
– Nouvelle considération de la nature dans sa diversité et sa complexité
– La montée de la notion d’écologie environnementale
– Les principes de base de l’écologie du paysage
– De la nature en ville à la biodiversité urbaine
2 La nature, son influence sur la ville et ses acteurs
L’exemple de Nantes : la nature en ville, une nature de ville
– Un riche patrimoine naturel initial
Réseau hydrographique, de la structure paysagère à l’infrastructure urbaine
– Un confluent, source de ville
– Traumatismes et rôle compensatoire
– Valorisation et développement
– « Cours naturel » et « cours artificiel » un double support de ville
Le jardin des Plantes, de l’aventure botanique à la biodiversité urbaine
– De la réserve horticole au jardin public
– Le parc sort de ses grilles, gestion centralisée et cohérence territoriale
> Claude Figureau et la biodiversité urbaine
> Romaric Perrocheau et le rôle de l’arbre en milieu urbain
– Intégration de la gestion différenciée
– Impact sur les processus d’aménagement urbain
L’île de Nantes, terrain expérimental d’un urbanisme « paysager »
– Des îles de Loire à l’île de Nantes
– Une approche paysagère de l’aménagement urbain
– Révéler les strates du passé qui deviennent supports d’avenir
– Penser la ville par le territoire
– La nature, comme lien spatial et identitaire au-delà de l’échelle urbaine
Conclusion

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