Evolution de la capacité des systèmes de transmission sur fibre optique
Modulation d’intensité et détection directe
Les très bonnes caractéristiques de transmission de la fibre optique monomode permettent la transmission de données à très haut débit sans faire appel à des techniques sophistiquées. Les schémas de modulation et démodulation sont restés très simples, mettant en oeuvre des modulations à deux niveaux. Le format de modulation NRZOOK (On-Off Keying) et la détection directe à la réception constituent aujourd’hui le schéma de transmission dominant. Celui-ci consiste en une modulation d’intensité en « tout-ou-rien » de la porteuse optique à l’émission, associée à une détection d’enveloppe par une photodiode à la réception. Le schéma de principe de la modulation d’intensité et de la détection directe (Intensity Modulation/Direct Detection ou IM/DD).
La bande passante des composants électroniques et opto-électroniques actuels (amplificateurs « drivers », modulateurs externes et photodiodes) permet désormais d’atteindre un débit de 40 Gb/s avec cette technique. Cependant, les systèmes IM/DD à 40 Gb/s n’ont pas eu un déploiement massif en raison d’une sensibilité accrue aux différents effets de propagation, rendant les ingénieries d’autant plus délicates. En effet, la tolérance à la dispersion chromatique résiduelle (i.e. non compensée optiquement) est inversement proportionnelle au carré du débit. L’amplitude de la plage de tolérance à la dispersion chromatique du récepteur IM/DD à 40 Gb/s est donc réduite d’un facteur 16 par rapport au récepteur à 10 Gb/s. L’ingénierie d’une liaison à 40 Gb/s nécessite alors une compensation plus fine de la dispersion chromatique à la longueur d’onde considérée .
La tolérance à la dispersion modale de polarisation (PMD) est quant à elle inversement proportionnelle au débit : tandis qu’un récepteur IM/DD à 10 Gb/s peut tolérer une PMD de 10 ps (10% du temps symbole), le récepteur à 40 Gb/s ne pourra tolérer qu’une PMD de 2,5 ps. Les dispositifs optiques de compensation de la PMD sont coûteux à déployer (un par longueur d’onde) et n’offrent qu’une tolérance très limitée. La PMD est donc un facteur limitant de la montée en débit. D’autre part, le spectre occupé par le signal NRZ-OOK à 40 Gb/s étant 4 fois plus large que celui à 10 Gb/s, le filtre électrique passe-bas après détection doit disposer d’une bande passante 4 fois plus large, et laisse ainsi passer une puissance de bruit d’autant plus importante. Pour obtenir un même taux d’erreurs binaires en réception, le rapport signal-à-bruit optique (OSNR) doit donc être supérieur de 6 dB à 40 Gb/s. Il s’ensuit que la portée du système de transmission à 40 Gb/s est réduite d’un facteur 4, toutes choses étant égales par ailleurs. Enfin, la pénalité de transmission induite par les effets non-linéaires d’automodulation de phase (SPM pour Self Phase Modulation) et de modulation de phase croisée entre canaux optiques voisins (XPM pour Cross Phase Modulation) augmente avec le débit . Ces effets non-linéaires, interagissant avec l’effet de la dispersion chromatique, constituent une sévère limitation pour les systèmes IM/DD longues distances à 40 Gb/s. Une ingénierie minutieuse par la gestion de la dispersion chromatique le long de la ligne de transmission est nécessaire pour réduire au mieux l’impact des effets non-linéaires [3,4].
En résumé, l’augmentation du débit par l’augmentation de la rapidité de modulation se heurte à un problème de gestion de la propagation des impulsions en ligne. La mise à niveau de liaisons de 10 Gb/s vers 40 Gb/s n’est possible que si l’ingénierie conçue pour la liaison à 10 Gb/s a prévu une marge OSNR suffisante pour supporter le débit de 40 Gb/s. Dans le cas contraire, l’amélioration de l’OSNR par l’augmentation de la puissance des canaux s’accompagne d’une influence accrue des effets non-linéaires fortement pénalisants pour la transmission. D’autre part, une telle mise à niveau ne pourrait se faire que sur des fibres de très bonne qualité (PMD faible), ce qui n’est pas le cas de la majorité des fibres déjà déployées dans les infrastructures existantes.
Le multiplexage en longueur d’onde
La démocratisation de l’Internet au milieu des années 1990 entraîna un changement profond dans la nature et dans le volume du trafic supporté par les réseaux d’opérateurs. L’augmentation significative et nécessaire de la capacité des réseaux se fit alors par le déploiement massif du multiplexage en longueur d’onde (Wavelength Division Multiplexing ou WDM), équivalent dans le domaine optique du multiplexage fréquentiel (Frequency Division Multiplexing ou FDM). Associée à l’amplification optique à fibre dopée à l’erbium (EDFA), la technologie WDM a permis d’augmenter conjointement la capacité des systèmes de transmission ainsi que leur portée, permettant d’atteindre des distances de plusieurs centaines à plusieurs milliers de kilomètres sans régénération opto-électronique. De plus, cette combinaison du WDM et de l’EDFA a permis une réduction considérable du coût par unité de trafic écoulé grâce à l’amplification simultanée de l’ensemble des canaux par un même amplificateur optique. Pour ce faire, les systèmes WDM longues distances fonctionnent dans la bande C, bande de fonctionnement des amplificateurs EDFA, s’étendant de 1530 nm à 1565 nm. L’ITU-T a défini dans cette bande des grilles de longueurs d’onde pouvant être occupées par des canaux optiques. Pour le multiplexage dense en longueur d’onde (DWDM), ces grilles sont définies avec un espacement spectral de 50 ou 100 GHz entre canaux successifs. Dans la bande C, il est ainsi possible de transporter environ 80 canaux espacés de 50 GHz. Enfin, il est possible d’augmenter le nombre de canaux en utilisant la bande L (1565-1610 nm) et des amplificateurs EDFA adaptés, mais la transmission en bande L est assez peu utilisée en pratique.
Nécessité d’exploiter d’autres degrés de liberté
Les nouveaux services et usages tels que la diffusion TV haute définition, la vidéo à la demande, le partage de documents multimédias et les jeux en ligne ont un impact direct sur la croissance du trafic Internet. En 2011, l’équipementier télécoms Cisco prévoyait une croissance annuelle de 32% du trafic Internet à l’échelle mondiale entre 2010 et 2015. Cette croissance rapide a désormais lieu dans un contexte de saturation de la bande C sur nombre de liaisons des réseaux coeur des opérateurs. Pour augmenter la capacité des systèmes de transmission optique, il est alors nécessaire d’augmenter l’efficacité spectrale de la transmission. La contrainte de robustesse aux distorsions apportées par la propagation est également très importante afin de minimiser le coût d’investissement des opérateurs pour la mise à niveau de liaisons existantes. L’état de l’art actuel de la microélectronique permet maintenant d’envisager le traitement numérique du signal à très haut débit à la réception, ouvrant la voie aux modulations à plus grand nombre d’états ainsi qu’à la compensation électronique des effets de propagation du canal optique. L’augmentation de l’efficacité spectrale peut alors se faire en utilisant les deux leviers suivants : le nombre d’états de la modulation et le multiplexage en polarisation.
Principe des émetteurs/récepteurs optiques avancés
Les systèmes de transmission considérés dans le cadre de cette thèse utilisent le multiplexage en polarisation et portent l’information conjointement sur l’amplitude et la phase du champ optique. Ainsi, la détection d’enveloppe par photodiode (détection directe) est rendue inexploitable pour notre application. La struture des émetteurs et récepteurs optiques permettant d’exploiter des modulations avancées (M-PSK/QAM) et le multiplexage en polarisation est sensiblement plus complexe que celle des émetteurs/récepteurs IM/DD. Cette section décrit le principe de fonctionnement de ces transpondeurs optiques avancés.
Le modulateur optique IQ
Le modulateur optique IQ (In-phase Quadrature-phase) permet d’appliquer des modulations vectorielles de type PSK ou QAM à une porteuse optique. Son principe est illustré à la figure 1.2 dans le cas d’une modulation 16-QAM. Il est constitué d’un coupleur séparant la porteuse en deux voies. Deux modulateurs de Mach-Zehnder, polarisés au point de transmission nul, modulent indépendamment chaque branche en utilisant un code PAM (Pulse Amplitude Modulation). Pour assurer la quadrature, une des deux voies est déphasée de π/2 par rapport à l’autre avant recombinaison par un coupleur. Grâce à la disponibilité de convertisseurs numérique/analogique très rapides, il est désormais possible d’appliquer des formes d’ondes spécifiques au signal modulant, par exemple un filtrage en racine de cosinus surélevé, pour bénéficier d’un spectre optique plus compact. La figure 1.3(a) illustre le spectre obtenu lorsque le signal modulant utilise une forme d’onde NRZ rectangulaire, tandis que la figure 1.3(b) illustre le cas d’une forme d’onde en racine de cosinus surélevé de facteur de retombée α (0 < α < 1). La technique du super-canal Nyquist-WDM est la technique se profilant pour la transmission au-delà de 100 Gb/s [5,6]. Elle consiste à répartir le signal tributaire sur plusieurs sous-canaux à spectre compact séparés d’environ 1/TS, où TS est le tempssymbole de la modulation. Dans le réseau optique, ce groupe de sous-canaux est traité comme une seule et même entité. En choisissant un facteur de retombée faible (α proche de 0,1), la pénalité due au chevauchement spectral des sous-canaux reste faible.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte de l’étude
1.1 Evolution de la capacité des systèmes de transmission sur fibre optique
1.1.1 Modulation d’intensité et détection directe
1.1.2 Le multiplexage en longueur d’onde
1.1.3 Nécessité d’exploiter d’autres degrés de liberté
1.2 Principe des émetteurs/récepteurs optiques avancés
1.2.1 Le modulateur optique IQ
1.2.2 La tête de réception optique cohérente
1.2.3 Détection cohérente vs. détection directe
1.2.4 Le multiplexage en polarisation
1.3 Modélisation du canal optique en régime linéaire
1.3.1 Propagation dans la fibre optique
1.3.2 Dispersion chromatique
1.3.3 Dispersion modale de polarisation (PMD)
1.3.4 Atténuation dépendante de la polarisation (PDL)
1.3.5 Rapport signal-à-bruit optique
1.3.6 Bruit de phase des lasers
1.4 Modèle de la chaîne de transmission
1.5 Conclusion
2 Etat de l’art des techniques de traitement numérique du signal pour les récepteurs optiques cohérents PDM-QPSK
2.1 Aperçu des différentes fonctions à réaliser
2.2 Egalisation de la dispersion chromatique
2.2.1 Egalisation dans le domaine temporel
2.2.2 Egalisation dans le domaine fréquentiel
2.2.3 Calcul comparatif de la complexité algorithmique
2.3 Egalisation adaptative des phénomènes dépendants de la polarisation
2.3.1 Principe de l’égalisation adaptative MIMO
2.3.2 L’algorithme LMS
2.3.3 L’algorithme du module constant
2.4 Synchronisation du résidu de porteuse et de la phase
2.4.1 Estimation et compensation du résidu de porteuse
2.4.2 Estimation et compensation du bruit de phase
2.5 Conclusion
3 Egalisation adaptative dans le domaine fréquentiel
3.1 Egalisation SC-FDE avec préfixe cyclique
3.1.1 Principe du SC-FDE
3.1.2 Comparaison structurelle avec l’OFDM
3.1.3 Dimensionnement du préfixe cyclique
3.1.4 Modèle du canal MIMO à convolution circulaire
3.1.5 Egaliseur fractionné et décimation dans le domaine fréquentiel
3.1.6 Algorithme de mise à jour adaptative
3.1.7 Résultats de simulations
3.1.8 Calcul de la complexité algorithmique
3.2 Egalisation adaptative « overlap-save »
3.2.1 Principe de l’égalisation adaptative par blocs
3.2.2 Implémentation fréquentielle de l’égalisation adaptative par blocs
3.2.3 Généralisation au cas fractionné
3.2.4 Calcul comparatif de la complexité algorithmique
3.2.5 Validation expérimentale de l’égaliseur adaptatif « overlap-save »
3.3 Conclusion
4 Le démultiplexage en polarisation
4.1 Le problème de la séparation de sources en CMA
4.2 Etat de l’art des solutions existantes au problème de singularité
4.2.1 Fonction de coût CMA modifiée
4.2.2 Méthode de la procédure d’initialisation
4.2.3 Egaliseur adaptatif à deux étages
4.3 L’égaliseur CMA contraint à basculement
4.3.1 Algorithme CMA contraint
4.3.2 Basculement vers un égaliseur standard
4.4 Conclusion
Conclusion
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