EVISCERATIONS TRAUMATIQUES DE L’ABDOMEN DANS LE SERVICE DE CHIRURGIE GENERALE DU CHU GABRIEL TOURE
L’éviscération abdominale traumatique (EAT) se définit comme l’extérioration des viscères à travers une plaie pénétrante de la paroi abdominale suite à une origine traumatique [1]. L’EAT reste une affection relativement fréquente [2]. Ceci est lié à l’augmentation des agressions, des conflits armés et de la criminalité .Elle engendre un choc hémorragique, un hémopéritoine ou une péritonite [3]. Elle pose des problèmes d’ordre diagnostique et thérapeutique. Au cours d’une EAT tous les organes peuvent être atteints. Plusieurs études ont été rapportées : Monneuse O J. En France a trouvé en 2004 une incidence annuelle de 11,3 cas par an d’éviscération abdominale sur une période de 7ans avec 15% de complications post opératoire, 8% de mortalité [4]. Da Silva M ; Afrique du Sud en 2009 a réalisé une étude sur 66 cas d’éviscérations abdominales par arme blanche, parmi lesquels 57 patients ont été opérés et 6 patients ont bénéficié d’un traitement non opératoire [5]. A.Ayite. En 1999 a trouvé 16 cas d’éviscérations abdominales traumatiques sur 44 cas de plaie pénétrante de l’abdomen et une laparotomie a été pratiqués chez 37 patients et 4 blesses n’ont pas été opérés. La mortalité était 15,9% et la morbidité 25%. Au Maroc les plaies abdominales avec épiplocèle ont représenté 28% des plaies abdominales en 2000, comportant 75 malades, parmi lesquels 18 patients ont bénéficié d’une laparotomie blanche et le reste n’a pas été opéré. La mortalité était nulle et la morbidité globale a été de 12% [7]. Au Mali une étude a été réalisée au CHU Gabriel Touré par Doumbia .M, cela a permis de colliger 42 cas d’éviscérations abdominales traumatiques en 2006 [2]. Ce travail a été réalisé sur les éviscérations traumatiques de l’abdomen en générale, donnant un nombre de fréquences et les problèmes que posent les éviscérations traumatiques de l’abdomen sur le plan diagnostic, des lésions sous jacentes et les indications thérapeutiques, nous avons initié cette étude afin d’apporter quelques éléments de réponses sur les éviscérations abdominales traumatiques au Mali.
L’EAT rencontré lors des plaies pénétrantes abdominales (PPA) reste une affection relativement fréquente ces dernières années ceci est lié à une augmentation de la criminalité et par conséquent des agressions en pratique civile. Elle pose des problèmes d’ordre diagnostique et thérapeutique, ainsi que médico-légale. [6] Au cours d’une EAT tous les organes peuvent être atteints. Le diagnostic de lésions viscérales sous-jacentes doit être rapidement posé, le bilan lésionnel dans le contexte de l’urgence doit être le plus complet et le plus précis possible sans pour autant retarder la prise en charge. [7] Classiquement toute éviscération traumatique de l’abdomen doit indiquer une laparotomie exploratrice ; mais la fréquence non négligeable de laparotomie blanche a conduit de nombreuses équipes chirurgicales à adopter une attitude plus nuancée ou « abstentionnisme sélectif »du moins pour les plaies par arme blanche [6].
Rappels anatomiques de la cavité abdominale
Sous le terme de cavité abdominale, il faut comprendre la cavité intrapéritonéale et la région retro-péritonéale. Cette cavité abdominale peut être atteinte de plusieurs manières.
Les parois de l’abdomen
La paroi antérieure de l’abdomen :
C’est la zone la plus exposée et cliniquement accessible, elle est formée par l’intrication des muscles droits de l’abdomen, obliques externes et internes, transverses. Ces muscles s’insèrent, au niveau du gril costal, au niveau des processus transverses des vertèbres dorsolombaires et sur la ceinture pelvienne. C’est ainsi que la partie inférieure du gril costal est partie intégrante de la paroi abdominale antérieure. L’effet de sangle de ces muscles permet de contenir la masse des viscères.
La paroi postérieure de l’abdomen :
Cette paroi est constituée par la colonne dorsolombaire, elle fait saillie dans la cavité abdominale, réalisant ainsi un billot solide. Au cours d’un choc direct, les viscères intra abdominaux vont s’écraser sur ce mur rigide. De chaque côté, les muscles psoas et carrés les lombes recouvrent les processus transverses et émoussent latéralement la saillie vertébrale. Ceci permet d’éviter certaines lésions viscérales.
La paroi supérieure :
Elle est formée par les deux coupoles diaphragmatiques séparant la cavité abdominale de la cavité thoracique, et latéralement, la partie inférieure de la cage thoracique.
La paroi inférieure de l’abdomen :
Cette paroi est constituée par le plancher pelvien et les releveurs de l’anus fermant le petit bassin. Elle est la plus résistante, il existe en son centre une zone fragile constituée par les muscles du périnée. Ce rappel conduit à distinguer trois étages topographiques :
– thoraco-abdominal,
– abdominal pur ou moyen ;
– abdomino-pelvien.
Dans ces régions frontières thoraco-abdominale et abdomino-pelvienne, outre la fréquence des lésions associées, le problème éventuel est d’affirmer ou non la lésion intra abdominale, notamment en cas de plaie abdominale dont l’orifice d’entrée siège très à distance de la cavité abdominale.
Cavité péritonéale et espace conjonctif
La cavité abdominale contient la cavité péritonéale tapissé de péritoine, l’espace rétro péritonéal situé en avant du rachis et l’espace sous- péritonéal, espace conjonctif situé dans le petit bassin sous le péritoine .La cavité péritonéale est tapissée tout autour par le péritoine pariétal ; celui-ci recouvre l’espace retro péritonéal sur sa face antérieurs et le sépare de cette façon de la cavité péritonéale Au niveau de la lineaterminalis ;plan d’entrée dans le petit bassin ,le péritoine pariétal tapisse certaines parties des organes pelviens :le rectum, l’utérus, et vessie et se réfléchit ensuite sur la paroi abdominale antérieure .Il sépare ainsi également l’espace sous –péritonéal de la cavité péritonéale proprement dit .les espaces rétro et sous péritonéaux sont en continuité et constituent des partis de l’espace extra péritonéal .
Etiologie mécanisme
Les EA par arme blanche :
Elles sont majoritaires dans la plus part des statistiques [12]. La longueur de l’arme étant souvent inconnue, le trajet à reconstituer, doivent amener à reconsidérer la réputation de bénignité de ces plaies. Actuellement des controverses persistent quant à l’attitude chirurgicale à adopter. Les plaies par arme blanche ne sont pénétrantes que dans 2/3 à ¾ des cas [13]. En cas pénétration péritonéale les lésions viscérales sont présentes dans 50 à 70% des cas [14]. Dans les plaies abdominales par arme blanche les lésions d’organes creux sont présentes chez 50% des blessés .
Les EA par armes à feu :
Les plaies par arme à feu dépendent du calibre et du type de projectile [15]. Ainsi les armes civiles (à cinétique lente) sont à distinguer des armes de guerres (à cinétique rapide). Ces plaies sont d’autant plus graves que la distance séparant l’arme de la cible est courte, que la masse et surtout la vitesse initiale du projectile sont grandes, ou qu’il s’agit de projectiles multiples [14, 16,17]. Les dégâts importants résultent d’effets d’ondes de choc responsables d’un cône d’attraction autour de leur trajectoire. Les lésions constatées directement sur le trajet du projectile, mais également à distance, en raison de la trajectoire intraabdominale parfois aberrante. Les plaies faisant suite à des explosions associent les lésions par contusion (effet blast) et les traumatismes directs par projection d’éclats ou de corps étrangers. Les plaies par armes à feu [18] s’accompagnent dans 92 à 98% des cas de lésions viscérales intra abdominales. Les atteintes sont le plus souvent multi viscérales [19].
A l’opposé des plaies par arme blanche, les lésions vasculaires sont 2,5 fois [20] plus fréquentes dans les plaies par arme à feu viscérales intra abdominales. Les atteintes sont le plus souvent multi viscérales [18].
Les agents divers : on distingue :
– les encornements ;
– les bris de verre ;
– les accidents de la voie publique ;
– les empalements qui peuvent être :
➧ Directs, par orifice naturel du périnée, difficiles à reconnaître ;
➧ Indirects avec pénétration périnéale cutané souvent minime.
Les lésions iatrogènes au cours d’examen radiologique ou endoscopique à l’origine des plaies rectales coliques.
Anatomie pathologique
Les lésions pariétales :
Les lésions sont très variables et dépendent de l’agent vulnérant.
-les lésions par armes blanches :
Elles posent le problème de leur caractère pénétrant ou non. Elles sont linéaires, à bords régulier, ou punctiformes. La profondeur et l’étendue dépendent de l’énergie mise en œuvre. Les lésions engendrées sont d’importance variable
-lésions par armes à feu :
La reconstitution du trajet projectilaire théorique, à partir des orifices d’entrée et de sortie, est capitale, elle permet de prévoir les organes lésés. Mais le bilan lésionnel définitif n’est fait qu’a la laparotomie. En effet nous savons que certaines balles à haute vélocité ont une trajectoire qui peut être modifiée par la rencontre d’élément de forte densité ( os), et qu’elles peuvent donner des lésions à distances même de leur trajectoire, par effet de cavitation.
L’orifice d’entrée (multiple en cas de poly calibrage) est classiquement plus petit que l’orifice de sortie. Les orifices peuvent échapper à un examen sommaire s’ils siègent au niveau de la région lombaire ou de l’aisselle. L’étude du siège précis des orifices du projectile permet de différencier :
– la plaie transfixiante, avec orifice d’entrée et un orifice de sortie ;
– les plaies borgnes, caractérisée par la présence d’un orifice d’entrée et l’absence d’orifice de sortie (l’agent vulnérant est inclus). Au niveau de la paroi, on peut aussi rencontrer :
– des lésions superficielles (excoriations ou brulures) qui peuvent se voir au niveau de la peau, surtout en temps de guerre.
– un large décollement sous cutané qui peut exposer à une dévitalisation secondaire ;
– une plaie sous-cutanée tangentielle, sans caractère pénétrant.
➧ Le diaphragme :
Le diaphragme peut être sollicité par les compressions violentes ou par un corps étranger. Il peut être le siège :
– d’une plaie punctiforme, linéaire ou à bords déchiquetés, réalisée par une arme blanche ou à feu, et souvent associée à des lésions de voisinage ;
– d’une rupture par hyperpression abdominale ;
– d’une désinsertion avec perte de substance par effet de souffle ou de rétraction. Le côté gauche est le plus souvent atteint ; à droite, le foie protège généralement la coupole.
➧ Les lésions viscérales :
Tous les organes intra abdominaux peuvent être atteints au cours d’une éviscération, les lésions des organes pleins (foie, rate, reins, pancréas) et la déchirure des vaisseaux (aorte, veine cave, mésentère) sont responsables d’une hémorragie interne. L’atteinte des organes creux aboutit à une péritonite.
physiopathologies
Les PPA avec EAT par une arme blanche ou à feu sont responsables de perturbations hémodynamiques importantes si un traitement adéquat (médicochirurgical) n’est pas instauré en urgence. Classiquement on distingue deux types de tableaux : l’hémopéritoine et la péritonite.
➧ Hémopéritoine
Les lésions des vaisseaux et des organes pleins ont une composante commune qui est l’hémorragie dont l’importance est fonction de la violence du traumatisme. La spoliation sanguine, quand elle dépasse 40% se traduit par un état de choc hypovolémie (hémorragie). Ce tableau d’hémopéritoine est souvent grave et peut compromettre le pronostic vital si des gestes de réanimation associés à un geste chirurgical d’hémostase n’ont pas été instaurés dans les minutes qui suivent l’accident.Q1A En effet, l’hypovolémie va retentir, non seulement sur l’état général, mais aussi sur les organes nobles où tout retard de traitement entraine des lésions irréversibles. Il s’agit :
– du cœur : défaillance myocardique par acidose, hypoxie et hypo perfusion coronarienne;
– des reins : par insuffisance rénale aigue fonctionnelle qui peut devenir organique ;
– du foie : hypoxie entraine des lésions tissulaires et des perturbations de certains métabolismes, protidique, lipidique, de la bilirubine et des facteurs de coagulations ;
– poumons : l’hypo perfusion peut entrainer une pneumopathie interstitielle évoluant vers l’insuffisance respiratoire ;
– Tube digestif : qui peut être le siège de lésion purpurique ou d’ulcère de stress ;
– Le pancréas : l’hypoxie peut entrainer une pancréatite aiguë ;
– Le cerveau : il est particulièrement sensible à l’hypoxie. Les lésions sont graves, car irréversibles, et peuvent laisser des séquelles importantes.
➧ Péritonite :
Toute perforation d’organe creux peut être à l’origine d’une péritonite. Les surfaces péritonéales, par leur pourvoir défensif s’organisent normalement en s’agglutinant autour de l’infection ou du corps. La PPA est plus exposé au risque infectieux plus qu’une contusion abdominale. En effet, aux germes déversés par la perforation digestive dans la cavité abdominale s’ajoutent à ceux ramenés par l’effraction de la paroi à travers la solution de continuité réalisée (souillure discrète par un corps étranger, un projectile et des débris telluriques et vestimentaires).La gravité de cette péritonite dépend de plusieurs facteurs :
-le siège de la perforation et son contenu Les perforations des organes de l’étage sus méso colique réalisent des péritonites chimiques (perforations gastroduodénales) et celles de l’étage sous méso colique sont responsables de péritonites stercorales hyper septiques de mauvais pronostic.
-Délai préopératoire : c’est le moment qui sépare la perforation du moment de l’intervention. Il faut théoriquement 6heures pour transformer une péritonite chimique en péritonite bactérienne septique massive.
– Lésions viscérales : le pronostic de ces péritonites dépend non seulement du risque septique, mais aussi des lésions viscérales associées, dont les défaillances s’intègrent pour retentir sur l’état général (défaillance cardio-circulatoire, atteintes de la membrane alvéolocapillaire, insuffisance rénale). Le retentissement local de la péritonite favorise la constitution d’un troisième secteur : ce sont les conditions du choc septique.
CONCLUSION
Les éviscérations traumatiques de l’abdomen sont en augmentation et concernent surtout l’adulte jeune de sexe masculin. Elles posent un problème de diagnostic des lésions sous jacentes et de prise en charge. L’insuffisance des moyens techniques conduit, dans la majorité des cas à pratiquer une laparotomie exploratrice avec un taux de laparotomie blanche élevé. Le développement de moyens diagnostiques plus précis (échographie, tomodensitométrie) permettra d’adopter un traitement non opératoire chez les malades stables et de diminuer les laparotomies inutiles et la morbi- mortalité.
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Table des matières
I- INTRODUCTION
II- OBJECTIFS
III- MALADES ET METHODE
IV- GENERALITES
V- RESULTATS
VI- COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VII- CONCLUSION
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