Le myélome multiple (MM) est une pathologie hétérogène, aussi bien en terme de présentation clinico-biologique qu’en terme de pronostic, avec notamment depuis 2012 une stratification des patients à risque selon leur cytogénétique (1). Avec 4888 nouveaux cas en France en 2012 selon l’Institut National de Veille Sanitaire, le myélome multiple représente 1 % de tous les cancers et 10 % des hémopathies malignes. Cette pathologie survient davantage chez les hommes avec un rapport homme/femme de 1,4. La médiane d’âge de survenue du MM est de 72 ans chez l’homme et 75 ans chez la femme (2). Dans le MM, de nombreux facteurs pronostiques ou influençant l’approche thérapeutique ont été décrits : liés aux patients, à l’hémopathie ou au clone tumoral. Concernant le patient, l’âge dicte la stratégie thérapeutique, notamment en égard à l’éligibilité à la réalisation d’une intensification thérapeutique avec support d’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (3) quand il est ≤65 ans. La présence ou non de co-morbidités et, surtout dans la population âgée, le profil de fragilité sont également de nature à limiter l’utilisation de certaines chimiothérapies. Pour les facteurs liés à la pathologie elle-même, ont été décrits les niveaux de β2-microglobuline, le taux de LDH, les cytopénies (anémie, thrombopénie), l’immunoparésie ou l’immunoplégie. L’International Staging System (ISS) est basé sur les niveaux de β2-microglobuline et d’albumine (4). Concernant le clone tumoral, plusieurs facteurs sont corrélés au clone lui-même dont les principaux sont aujourd’hui les anomalies cytogénétiques (6) (7) et l’index de prolifération. Les anomalies cytogénétiques principalement la translocation t(4;14) la délétion 17p ou encore la translocation t(14 ;16), ont été, avec le taux de LDH, intégrées au score ISS qui, ainsi révisé, a donné lieu au score Revised (R)-ISS (5). A l’ère des nouveaux traitements, ces anomalies à elles seules ne peuvent totalement expliquer l’hétérogénéité pronostique des patients atteints de myélome multiple. D’autres anomalies cytogénétiques semblent avoir un fort impact pronostic dans cette pathologie. Selon le Groupe Francophone de Cytogénétique Hématologique (GFCH), il est recommandé, dans le bilan de tout patient en intention de traitement, de rechercher par FISH (Fluorescent In Situ Hybridization) sur plasmocytes triés, les anomalies cytogénétiques suivantes: délétion 17p, translocation (4;14)(p13;q32), gain 1q21, délétion 1p32 (6) (figure 1). L’amplification du gène CKS1B, situé sur le chromosome 1 en position q21, est aujourd’hui démontrée comme un facteur de risque important, surtout chez les patients bénéficiant d’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (7) (8). Les délétions situées sur le chromosome 1p, en particulier la délétion 1p32, concernant le gène CDKN2C, sont également considérées comme un haut facteur de risque, surtout dans les populations de patients autogreffés. Cependant, les études semblent être parfois divergentes sur l’impact potentiel de ces deux facteurs de risque. Il existe dans le MM une instabilité de la région péri-centromérique 1q due à la déméthylation et résultant de la décondensation de l’hétéro-chromatine péri-centromérique, ce qui donne lieu à un déséquilibre de translocations et de duplications (9). Dans les anomalies du chromosome 1 décrites, de manière assez stéréotypée, les gains se concentrent sur le bras long 1q et les pertes sur le bras court 1p. CKS1B, dont le gène se situe en 1q21, est une kinase activatrice de CDK, les complexes CDKcyclines contrôlant positivement la progression du cycle cellulaire. CKS1B est responsable de l’ubiquitinylation et de la protéolyse de p27Kip1, qui est un inhibiteur de kinase dépendante des cyclines (CDK) et qui intervient dans la régulation de la transition de la cellule tumorale de la phase G1 tardive du cycle cellulaire vers la phase S de réplication de l’ADN. Par conséquent, la dégradation de p27Kip1 conduit à une perte de contrôle du cycle cellulaire du fait de la non-inhibition de l’activité des complexes CDK-cyclines. CDKN2C, dont le gène est en 1p32, est une molécule inhibitrice de CDK qui, elle, contrôle négativement la progression du cycle cellulaire, ce qui en fait une protéine suppressive de tumeur. Le gain de fonction du gène CKS1B et la perte de fonction du gène CDKN2C sont dans une convergence fonctionnelle qui favorise la prolifération de la cellule tumorale par dérégulation de son cycle cellulaire et rend, de ce fait, la maladie plus agressive.
Comme le suggèrent fortement Perrot et al en 2018, les anomalies du chromosome 1 doivent figurer dans les critères d’évaluation pronostique des patients avec MM (11). Prenant en compte cette suggestion, nous avons donc décidé d’étudier, sur une cohorte de patients pris en charge au CHRU de Brest entre 2012 et 2017, la valeur pronostique, en termes de survie sans progression et de survie globale, des gains de CKS1B et des délétions de CDKN2C et d’évaluer en même temps, au vu de la discordance entre les précédentes études et aussi de la convergence fonctionnelle entre les deux anomalies, la validité, toujours au plan pronostique, d’un critère composite représenté par le ratio CKS1B/CDKN2C établi selon le nombre de copies de CKS1B sur le nombre de copies de CDKN2C.
La cohorte des patients éligibles à une procédure d’intensification était constituée de 48 patients dont 27 hommes (56,25 %) et 21 femmes (43,75 %). L’âge moyen au diagnostic de ces patients était de 58,9 ans. Le perfomans status était supérieur à 2 pour seulement 2 patients. Seuls 7 patients avaient un antécédent de gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS). La majorité de la cohorte (95,83 %) présentait des critères CRAB au moment du diagnostic. Quarante patients étaient au stade III de la classification de Durie et Salmon, dont 33 de stade III A (68,75 %) et 7 de stade III B (14,58 %). Les scores ISS et R-ISS étaient majoritairement à 2 (45,83 % et 56,25 % respectivement).
Sur le plan biologique, il existait des cytopénies avec une hémoglobine moyenne à 10,7 g/dL, des neutrophiles à 3,9 G/L. Le taux de plaquettes moyen au diagnostic était normal, à 258 G/L. La calcémie corrigée moyenne au diagnostic était de 2,44 mmol/L. Cependant, on note que la fonction rénale était globalement altérée pour notre cohorte de sujets éligibles à la greffe avec une créatininémie moyenne au diagnostic de 154 µmol/L; 26 patients présentaient une néphropathie au diagnostic (11 patients avec une atteinte glomérulaire, 15 patients avec une atteinte tubulaire). Vingt-sept patients (56,25 %) présentaient une protéinurie de Bence Jones au diagnostic. La bêta 2 microglobuline était élevée au diagnostic avec une moyenne de 6,4 mg/L.
Sur le plan morphologique, 37 patients (77,08 %) présentaient une atteinte osseuse au moment du diagnostic, 5 ayant une compression médullaire ou une épidurite sur des lésions osseuses vertébrales. Neuf patients présentaient une maladie extra médullaire au diagnostic, objectivée sur le TEP scanner.
Les patients non éligibles à l’autogreffe étaient au nombre de 56, avec 26 hommes pour 30 femmes. L’âge moyen au diagnostic était de 76,4 ans. Le perfomans status était ≥ 2 au moment du diagnostic chez 7 patients. Vingt patients présentaient un antécédent de gammapathie monoclonale de signification (GMSI) (35,71 %). Cinquante-deux patients avaient des critères CRAB au diagnostic, soit 92,86 % de la cohorte. Concernant le score de Durie et Salmon, il était de stade II pour 19 patients (33,93 %) et de stade III pour 37 patients, avec 25 patients en stade III A (44,64 %) et 12 patients en stade III B (21,43 %). Les scores ISS et R-ISS étaient majoritairement à 2 (46,43 % et 58,94 % respectivement).
Au niveau biologique, il existait également des cytopénies avec une hémoglobine moyenne au diagnostic de 10,1 g/dL, des neutrophiles moyens à 3,67 G/L, cependant un taux de plaquettes normal, avec une moyenne de 204 G/L. La calcémie corrigée moyenne au diagnostic était de 2,47 mmol/L. Parallèlement, on note une créatininémie moyenne au diagnostic de 144 µmol/L; 26 patients présentaient une néphropathie au diagnostic (3 patients avec une atteinte glomérulaire, 20 patients avec une atteinte tubulaire et 3 patients avec une atteinte mixte). Trente-trois patients (58,93%) présentaient une protéinurie de Bence Jones au diagnostic. Le taux de bêta 2 microglobuline était élevée au diagnostic avec une moyenne de 5,65 mg/L.
Sur le plan morphologique, 39 patients (69,94 %) présentaient une atteinte osseuse au moment du diagnostic, 7 ayant une compression médullaire ou une épidurite sur des lésions osseuses vertébrales. Un patient présentait une maladie extra-médullaire au diagnostic, objectivée sur le TEP scanner.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
1.1 Les patients
1.2 Méthodes statistiques
RESULTATS
2.1 Caractéristiques des patients
2.1.1 Patients éligibles à une autogreffe
2.1.2 Patients non éligibles à une autogreffe
2.2 Analyse statistique
2.2.1 Patients éligibles à une autogreffe
2.2.2 Patients non éligibles à une autogreffe
DISCUSSION
CONCLUSION
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