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Analyse critique des résultats de l’enquête exploratoire
L’enquête exploratoire menée a exploré avec deux modalités différentes les expériences de terrain des ergothérapeutes. Cependant, elle ne prend en compte au total que 15 expériences professionnelles ne parvenant pas à une saturation des données qui permettraient de généraliser les pratiques. Les entretiens ont tout de même apporté des informations très denses. L’analyse du contenu des 5 entretiens a été fastidieuse et nécessité un long travail afin d’y repérer tous les éléments, d’éviter l’omission de certains sujets et certains avis.
En lien avec la revue de littérature, l’enquête exploratoire corrobore de nombreux éléments concernant la dimension psychoaffective de ces enfants. La résonance du thème confrontant l’enquête exploratoire par les entretiens et la revue de littérature effectuée précédemment est présentée en annexe (Cf. Annexe 11 p. 109-125).
L’enquête exploratoire vient mentionner que l’ergothérapeute a une place dans sa pratique sur cette dimension de l’enfant, élément qui n’était pas théorisé ou mentionné dans des articles d’ergothérapie en pédiatrie, et ouvre un champ nouveau en pratique, s’ajoutant à la technicité par l’outil informatique ou les aménagements pédagogiques, intervention considérée comme principale dans les représentations collectives de l’ergothérapie en pédiatrie pour les troubles des apprentissages. Elle met aussi en tension la pratique de l’ergothérapeute par rapport à d’autres professionnels, selon la structure et le pays d’exercice, qui influencent la collaboration avec d’autres professionnels, ou même le champ d’intervention de l’ergothérapeute (dans quel milieu de la vie de l’enfant intervient-il ? sur quelles activités de sa vie quotidienne ? en prenant en compte quel milieu ?). Certains questionnent la légitimité de l’ergothérapeute à intervenir sur cette dimension de l’enfant en comparant son champ d’expertise à celui d’autres professionnels, comme les psychologues ou les psychomotriciens. D’autres, justement, mettent en exergue la possibilité de collaborer avec ces autres disciplines pour une approche encore plus globale. Cependant, tous s’accordent sur le fait que l’’approche auprès de l’enfant présentant des troubles des apprentissages implique une intervention auprès de son environnement humain. Ce dernier est multiple : famille, professeurs, classe … avec différentes possibilités d’y intervenir. Pour ce qui est de l’environnement classe, seuls deux ergothérapeutes en ont parlé en présentant une et même modalité d’intervention : la sensibilisation par la simulation mettant en situation les autres élèves, soit en prévention systématique soit de manière ponctuelle. Ce type d’intervention ne semble pas répandu au regard du nombre d’ergothérapeutes l’ayant évoqué. On peut donc questionner cette modalité d’intervention en ergothérapie et son intérêt.
La question initiale de recherche est la suivante :
Quels sont les effets d’une intervention de sensibilisation du groupe classe par l’ergothérapeute sur l’enfant présentant des troubles des apprentissages ?
Cadre de référence
Pour faire face aux différentes difficultés rencontrées dans le milieu scolaire par les enfants présentant des troubles des apprentissages, ces derniers ont besoin de développer une force pour agir. Celle-ci dépend d’eux mais nous avons aussi vu qu’elle est dépendante de leur environnement. En psychologie, il s’agit de l’action des forces conscientes ou inconscientes qui déterminent le comportement. Dans cette dernière discipline, les théories de la motivation sont fort nombreuses et l’ergothérapie y puise les siennes. En ergothérapie, cette force est appelée la motivation. Elle est décrite par Sylvie Meyer sous les termes de motivation extrinsèque et intrinsèque (70).
La motivation, extrinsèque et intrinsèque, et ses facteurs
Motivation extrinsèque:
La motivation extrinsèque est une incitation externe à la personne ou la poussant à l’action comme la perspective d’un gain ou l’évitement d’un inconvénient, ou encore les attentes des tiers. Par exemple, les étudiants sont encouragés à travailler leurs cours pour éviter l’échec aux examens. Elle peut revêtir des aspects négatifs pour l’acteur lorsqu’elle est associée à des obligations, comme s’engager dans les activités scolaires demandées par le maitre. Elle peut être vécue comme une contrainte, générer de la frustration, de la colère ou de l’anxiété (70). Dans un livre en neuropsychologie, évoquant la motivation spécifiquement dans le champ des TA, il est dit que les forces externes de la motivation sont dépendantes de récompenses externes (notes, prix, médailles…) et des punitions (exclusions, devoirs supplémentaires…). Elles sont à double tranchant car elles augmentent les forces externes mais diminuent les forces internes nécessaires pour la persévérance (71).
Motivation intrinsèque:
Dans les pratiques pédagogiques et en neuropsychologie, il convient donc de renforcer les forces internes de la motivation en favorisant un sentiment de compétence, un sentiment d’autodétermination, un état d’esprit dynamique. Chez l’enfant présentant des TA, les facteurs affectifs et psychologiques, de l’image de soi de l’enfant et son autonomie (autodétermination, prise de choix) sont décrits comme partie prenante des forces internes génératrices de la motivation. En ergothérapie, la motivation intrinsèque est illustrée par la satisfaction de besoins physiologiques ou psychologiques, faire plaisir aux autres, éviter un sentiment de culpabilité, ou encore le plaisir de faire. L’autonomie, l’autodétermination, le sentiment de compétence sont les moteurs autant que les bénéfices de la motivation intrinsèque (70). Susan M. Arnsten estime cependant que la motivation intrinsèque n’est pas innée mais qu’elle se développe au travers des expériences et qu’elle peut être altérée par des déficiences (72). Les troubles dys- et cognitifs peuvent entrainer une baisse de motivation, mais un manque de motivation ne saurait expliquer les troubles dys- (71).
Le rôle de l’ergothérapeute est de procurer à l’usager des opportunités d’accomplir l’action dans la réalisation desquelles il pourra constater qu’il est en mesure de produire des effets ou de faire en sorte que les choses adviennent. Persiste la problématique de l’absence de motivation pré existante à la réalisation d’une occupation. Par exemple, un écolier ne s’engage pas à participer à un concours de mathématiques s’il pense n’avoir aucune chance de résoudre les problèmes posés. En cause alors des facteurs personnels de la représentation de soi vis-à-vis de la capacité à accomplir certaines tâches (70).
Facteurs intra et inter personnels liés à la motivation
Confiance en soi et estime de soi:
Croire en son potentiel et ses capacités, c’est avant tout se connaître et avoir confiance en soi d’après la psychothérapeute Isabelle Filliozat. Particulièrement importante au cours des premières années de l’enfant mais aussi pendant la période de l’adolescence, la confiance en soi se développe et évolue tout au long de la vie d’un individu. La famille et les parents jouent alors un rôle déterminant. La philosophe, psychanalyste et écrivaine Anne Dufourmantelle écrit en effet que « le manque de confiance en soi n’existe pas, ce qui manque en réalité c’est la confiance en l’autre ». Pour Jacques Salomé, « la confiance en soi, ça se crée ; [inscrite] très tôt chez un enfant, [elle] se structure ensuite par la qualité des relations, par des messages positifs, valorisants, reçus de personnes significatives de son existence. Elle naît alors de la rencontre avec des personnes structurantes. Pour cet auteur, la confiance en soi, et au-delà l’estime de soi sont liées à la confirmation que nous avons été acceptés tels que nous sommes reconnus, aimables, c’est-à-dire susceptibles d’être aimés. Pour Nathaniel Branden, psychothérapeute américain spécialiste de l’estime de soi (self-esteem), l’estime de soi est alors l’évaluation que nous faisons de notre propre valeur. Nous n’avons pas un degré d’estime de soi figé pour le restant de notre vie. Ce qui le détermine, c’est ce que nous faisons au quotidien : l’estime de soi se travaille, se pratique et implique une certaine discipline dans l’action, de manière régulière.), La confiance en soi est avant tout une expérience : percevoir que l’on peut faire face aux défis du quotidien, avoir confiance en sa capacité à penser, apprendre, faire des choix, prendre des décisions, s’adapter aux changements … (73)
Sentiment d’efficacité, de compétence, de performance:
Avoir conscience de ces compétences, c’est aussi avoir un sentiment de compétence, d’efficacité. Concept emprunté à Bundara en 1977, le sentiment d’efficacité est repris en ergothérapie par Gary Kilehofner dans le modèle de l’occupation humaine (MOH) car le sentiment d’efficacité est un élément clé de la motivation (Stone, 2005). Dans le MOH, il est perçu comme la perception que l’individu a de sa maitrise de soi, soit des aspects émotionnels, et celle de la mesure de sa capacité à parvenir à ce qu’il veut, soit ses aspects physiques et cognitifs. L’anxiété de performance et la peur des examens sont des troubles fréquemment rencontrés chez les enfants âgés de 9 à 21 ans et tendent à persister à l’adolescence. Elles peuvent s’accompagner de comportements d’évitement et avoir des conséquences non négligeables sur la scolarité de l’enfant (70).
Comportements oppositionnels et gestion des émotions:
Il existe trois comportements qui ont un effet négatif sur la motivation, la cognition et les émotions : l’abandon (fuite lors d’un sentiment d’incompétence), la rébellion (opposition à un sentiment de contrainte et d’incompétence), la résignation (construite face aux échecs répétés). Le TDA/H est souvent associé, à un plus jeune âge, avec un comportement oppositionnel, une tolérance limitée à la frustration, des réactions agressives, parfois un comportement antisocial et des capacités d’empathie limitées. Dans le TDA/H, il peut être mis en avant une atteinte des fonctions exécutives, reconnues comme participant à la gestion et à la régulation des émotions, notamment dans des situations de stress. Or, la gestion des émotions a un rôle essentiel pour : l’épanouissement et le bien-être, l’atténuation des difficultés de comportement, les relations sociales, la motivation, la mémorisation. Les émotions peuvent donc avoir un effet négatif ou positif sur le sentiment de compétence. De plus, les enfants avec TDA/H ont souvent des difficultés dans leurs relations sociales (74). En raison de leur comportement intrusif, ils sont souvent rejetés et isolés. Il peut être utile de travailler leur position sociale et leurs compétences relationnelles. Des évaluations existent en pédagogie ou en psychologie, qui prennent en compte des critères pouvant se rapprocher. Les bilans psychoéducatifs (PEP 3, Vineland II, profil psychoéducatif pour enfant) ont pour objectif de déterminer les compétences et capacités adaptatives de l’enfant (74). Les bilans psychoaffectifs permettent de déterminer l’image et l’estime de soi, le niveau d’anxiété, les difficultés émotionnelles, ce qui fait souffrir l’enfant, sa façon d’entrer en lien avec les autres (75,76). 1.10.3 La motivation comme état dynamique, dans la scolarité.
Complexité de la motivation, elle est un mélange de nombreux facteurs. Et plus encore, étant un état dynamique, tantôt vite déclenchée, tantôt vite éteinte, elle reste très difficile à évaluer. En contexte scolaire, la motivation scolaire est définie telle que « La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but. » selon Rolland Viau (1994) (77). Du point de vue socio cognitiviste, la motivation scolaire est traitée comme une entité complexe où se mêlent des perceptions de soi, des analyses cognitives du contexte d’apprentissage ainsi que des éléments d’ordre relationnel et affectif (78). Un article présente trois échelles d’évaluation de la motivation dont la validité est attestée par un modèle en pistes causales, qui met en évidence la position de la volonté d’apprendre en aval du processus motivationnel, celle des croyances attributionnelles et des orientations motivationnelles en amont, le sentiment de compétence, l’attrait des études et l’utilité perçue occupant une place intermédiaire. Cet élargissement du champ conceptuel de la motivation scolaire va de pair avec une approche componentielle8 de la mesure. L’évaluation de la motivation pour le travail scolaire ne peut plus se faire au travers d’une mesure unique, mais en identifiant les différentes pièces du puzzle, leurs fonctions respectives et leurs relations les unes avec les autres. Différents critères peuvent ressortir de ces trois évaluations : la volonté d’apprendre, le sentiment de compétence, l’attrait pour l’école, l’utilité perçue dans les activités scolaires ; l’orientation vers soi, l’orientation vers le travail scolaire, la tendance au moindre effort, les croyances de l’enfant, les causes internes et les causes externes de sa motivation (79). 1.10.4 Compétences psychosociales et enjeux de sensibilisation Ces éléments peuvent s’identifier aux compétences psychosociales mentionnées par l’OMS. Elles jouent un rôle essentiel chez l’enfant et l’adolescent dans son adaptation sociale, son engagement et sa réussite scolaires. A l’oeuvre également chez leurs parents, elles ont un impact sur les enfants et adolescents : amélioration de l’estime de soi, des capacités de résilience, des compétences sociales et des résultats scolaires ; moindre association à des pairs déviants, diminution des niveaux d’anxiété et de dépression. En 1993, ce concept a été défini comme « la capacité d’une personne à répondre avec une efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne [et] à maintenir un état de bien-être subjectif lui permettant d’adopter un comportement approprié et positif dans les interactions avec les autres, sa culture et son environnement ». Divisée en trois catégories, elle comprend : les compétences sociales, de communication, de collaboration, de négociation et de plaidoyer ; les compétences cognitives avec la prise de décision, la résolution de problèmes, la pensée critique et l’autoévaluation, et enfin, les compétences émotionnelles ou d’autorégulation avec la régulation émotionnelle, la gestion du stress, les compétences favorisant la confiance en soi, l’estime de soi, et l’auto-évaluation (80). Evaluer ces dimensions chez l’enfant ou adolescent dans sa scolarité sont intéressants, mais comment intervenir dessus, et notamment chez ceux présentant des troubles des apprentissages, en situation de handicap ?
Pédagogie en sensibilisation et approche psychoéducative
Dans les types d’approches pour favoriser le changement, mentionnées par le livre Action contre l’inertie, la sensibilisation est mentionnée. Faisant partie de l’approche psychoéducative, cette dernière vise à fournir à des individus les connaissances nécessaires concernant leur état de santé afin qu’ils soient plus à même de comprendre leurs expériences sur le plan de la santé, de participer aux interventions en tant que partenaire à part entière, de prendre des décisions importantes quant à leur état de santé et de mieux connaître leurs propres points forts, leurs stratégies d’adaptation et de résilience afin de les développer (Mueser et coll., 2002) (90). Sensibiliser les populations concernées, oui, mais comment sensibiliser l’environnement humain aussi ?
De nombreux travaux ont mis en évidence l’inefficacité voire les effets délétères (augmentation de la consommation de substances, banalisation du suicide …) des actions d’éducation à la santé basées sur l’information. L’information ne modifie pas nos attitudes et nos comportements. La raison en est que ces derniers ne dépendent pas uniquement de nos connaissances : ils résultent aussi et surtout d’influences et de facteurs divers : émotions, expériences passées, facteurs situationnels, contextes socioculturels … (80) Agir sur les compétences psychosociales peut donc se faire par l’éducation à la santé, mais en dehors de l’information pure, quel dispositif peut être mis en place ?
Prévention et éducation en ergothérapie
Intervenir auprès du groupe classe, c’est intervenir auprès d’un groupe autour de l’enfant. Pour Sylvie Meyer, une intervention de groupe est « indiquée lorsque le thérapeute souhaite entrainer ou développer la socialisation. […] Ainsi l’ergothérapeute propose fréquemment d’abord une prise en soins individuelle puis une prise en soins en groupe; tout au moins si l’organisation de l’ergothérapie dans l’institution qui l’emploie le permet.» (91) (p. 69). Actuellement, en relation avec la réinterprétation de quelques idées à la base de l’ergothérapie et à la recherche d’une approche plus globale, le groupe redevient à la mode. Il est aussi mieux théorisé (Howe, 1986) (91). Il est donc intéressant de repérer cette intervention dans le processus d’intervention en ergothérapie. En 2009, Fisher a développé un modèle d’intervention en anglais: l’OTIPM, qui a été récemment traduit en français. Ce modèle de processus d’intervention en ergothérapie présente dans sa phase d’intervention 4 modèles de pratique. Parmi les 4 modèles, celui « d’éducation et d’enseignement » est décrit comme l’ensemble des programmes éducatifs ciblant l’occupation pour les groupes. L’ergothérapeute intervient donc auprès du groupe autour de l’enfant, c’est l’approche partenariale, mais qui dans sa définition est plutôt centrée sur l’action auprès et avec l’environnement familial (Townsend & Polatajko, 2013) (92). L’approche concernant la classe et comprenant le milieu scolaire en général n’y est pas expressément décrite. Dans L’ergothérapie auprès des enfants par l’ANFE en 2019, une section des missions de l’ergothérapeute recense « les actions d’information, de formation et de prévention pour une société inclusive ». Différents exemples mentionnent l’intervention de l’ergothérapeute dans ce champ de pratique sous le terme d’actions de « prévention » auprès des « partenaires » de l’enfant. « Ces actions sont organisées à la demande d’institutions, d’associations d’usagers, de professionnels, d’organismes de formation, lors de réunions à thèmes, de colloques ou de congrès (associations de parents, associations de professionnels, réunions d’experts, conférences scientifiques). » Un exemple d’intervention en classe lors d’une journée de sensibilisation, qui s’adresse aux enfants de l’école, mentionne l’utilisation d’un dispositif de « simulation de la dyspraxie » (92) (p. 28).
La simulation comme outil pédagogique
Selon la Haute Autorité en Santé (HAS), la simulation est une « méthode pédagogique active innovante, basée sur l’apprentissage expérientiel et la pratique réflexive ». « Dans le champ de la santé, l’exercice de simulation est l’un des outils pédagogiques les plus puissants et les plus efficaces » (94). Pour la définir, c’est une reproduction d’une situation constituant un modèle simplifié mais injuste d’une réalité. Elle est constituée de trois parties : briefing (explication, objectifs, horaire), puis une interaction entre l’apprenant et un modèle de réalité ludique, et enfin, un débriefing systématique sinon la portée pédagogique de la simulation est compromise (95). Ce dispositif pédagogique est utilisé dans le modèle de l’apprentissage et de l’enseignement contextualisé authentique a été développé par Frenay et Bedard, qui pourrait favoriser le transfert des apprentissages (96). « Le concept de transfert des apprentissages rend compte de la capacité des apprenants à appliquer des savoirs, savoir-faire et savoirs-être dans des situations différentes de celles dans lesquelles elles ont été apprises ». « La simulation paraît aujourd’hui incontournable dans les programmes de formation en sciences de la santé », afin de comprendre les situations vécues les plus proches de la réalité, cela pourrait être aussi le cas pour former les personnes qui ne sont pas professionnelles de la santé dans la compréhension de pathologies comme le handicap (97).
Mais mettre en place la pédagogie par la simulation n’est pas simple (98). Dans la simulation, le formateur a un rôle particulier et complexe. C’est donc tout un exercice que d’animer un temps d’enseignement ayant comme outil pédagogique la simulation. L’intervenant est facilitateur guide et soutien des apprenants, il est un régulateur, il se doit de gérer la didactique, la simulation comme un environnement dynamique ouvert et modifiable et la gestion de l’activité propre, en visant à conduire ses interventions en référence au modèle du réel (99). Ainsi, des compétences en pédagogie semblent nécessaires pour animer ce type d’intervention. Depuis 2010, avec la réforme de la formation en ergothérapie, la pédagogie est inscrite au programme avec un versant sur la prévention et l’éducation à la santé, et un sur la compétence de former et informer (100).
C’est ainsi que l’on peut identifier la possibilité dans la pratique de l’ergothérapeute de mener de telles actions de sensibilisation, tant ses compétences et ses connaissances sont en lien avec le dispositif utilisé mais aussi le champ d’intervention portant sur l’environnement humain.
Population, matériel, éthique des données recueillies
La population ciblée comprend des ergothérapeutes exerçants ou ayant exercé auprès d’enfants ayant des troubles des apprentissages. Une question est dédiée à confirmer sa pratique auprès de cette population pour assurer ce critère d’inclusion. Il n’y a pas de critères d’exclusion. Les sites d’exploration sont une communication via mail personnel d’ergothérapeutes en pédiatrie et via le réseau social Facebook ® sur 6 groupes dédiés soit aux mémoires en ergothérapie soit à l’ergothérapie en pédiatrie de France, Belgique, Québec. (Cf. Annexe 13 p. 127-131).
Le matériel utilisé est un questionnaire intuitif en ligne comprenant 10 à 15 questions, c’est-à-dire que l’enchainement des questions dépend de la réponse effectuée. En effet, le questionnaire se divise dans sa partie principale en deux sous-parties selon si l’ergothérapeute intervient ou non en sensibilisation dans des groupes classes d’enfants qu’il accompagne. L’ergothérapeute qui n’intervient pas en classe n’est pas informé de la présence de cette partie ce qui évite un biais de vouloir y répondre même s’il ne fait pas l’intervention.
Le questionnaire a été réalisé sur le logiciel en ligne gratuit Tripetto.com ®. Il comprend un corps de texte identique au départ pour chaque personne y répondant, et mentionne le respect des données suivant la loi RGPD. L’anonymat y est possible.
Ce dispositif vise à développer des connaissances biologiques ou médicales dans les sciences humaines et sociales, il relève donc de la loi Jardé issue du décret de mai 2017 du Code de la Santé. C’est un projet de recherche impliquant la personne humaine (RIPH) de catégorie 3 – Recherche non interventionnelle (RNI) sans risque ni contrainte pour la personne humaine impliquée.
Construction de l’outil
La matrice de questionnement a été réalisées préalablement à la construction du dispositif, en s’appuyant sur les concepts évoqués lors du cadre conceptuel (Cf. Annexe 12 p. 126). L’ordre des questions a été mis en place suivant des conseils sociologiques avec la partie questionnant les informations personnelles en dernier. Une matrice de questionnaire a été élaborée avant sa construction afin d’identifier les variables recherchées, les types de questions choisies et l’objectif de chaque question (Cf. Annexe 13 p. 127-131) (105).
Le dispositif de recherche a été relu à 4 reprises sur une intervalle de 2 semaines par l’étudiant chercheur avec sa référente professionnelle afin d’éviter toute faute de syntaxe, des problématiques dans l’enchainement des questions et des formulations difficilement compréhensibles ou manquant de neutralité, et au regard de techniques de questionnement (106). Une cohorte d’entrainement auprès d’un ergothérapeute et d’une personne non-ergothérapeute a été menée avant le lancement du questionnaire, avec relecture. La question centrale concerne la dimension psychoaffective et ses facteurs. Dix éléments de la dimension psychoaffective de l’enfant ont été retenus pour la recherche à la suite du cadre conceptuel. Tout d’abord, la motivation interne et la motivation externe comme concepts sous-tendant différents facteurs. Puis des facteurs issus de la motivation intrinsèque comme le sentiment de performance (ou d’efficacité), l’estime de soi, la confiance en soi, la gestion des émotions et le comportement oppositionnel ; et dans le concept de motivation extrinsèque, les relations sociales, l’acceptation du sentiment de différence et l’attrait pour l’école, plutôt en lien avec l’environnement humain et le regard de l’autre. Ils ont permis de balayer les différentes thématiques sans être exhaustifs. Des éléments tels que l’autodétermination, la prise de décision ou l’autonomie auraient pu être inscrits parmi les éléments à analyser. Le choix de s’arrêter à 10 facteurs était arbitraire.
Concernant leur ordre de présentation dans la question, il a été pensé dans une volonté de diminuer les biais par le non-regroupement de catégories identiques (par exemple, l’estime de soi et la confiance en soi ne se suivent pas ; la motivation interne et la motivation externe au contraire se suivent pour en faire ressortir la différence ; le facteur « attrait pour l’école » a été positionné en dernier afin de maintenir l’intérêt de l’ergothérapeute jusqu’à la fin de sa réponse. Les termes des dix facteurs de la dimension psychoaffective ont été repérés et choisis suivant des évaluations psychoaffective /relationnelles /motivationnelles /scolaires déjà existantes (Cf Cadre conceptuel). Une échelle impaire (a des effets bénéfiques/possibles/pas d’effets) a été choisie afin d’éviter des biais de résultats proches de la moyenne ne mettant pas en évidence des impacts ou effets existants (105).
Anticipation des biais
Il peut exister des biais ou écarts entre ce que prend en compte le dispositif de recherche et la réalité. La multiplicité de facteurs interrogés prenant part à la dimension psychoaffective induit un manque de précision. L’échelle utilisée concernant les effets n’expose qu’un avis superficiel et les réponses textuelles des questions précédent la question matricielle (échelle d’effets – facteurs de la dimension psychoaffective) n’apporte pas forcément tous les compléments d’information. L’échelle peut aussi manque de précision ou de résonance pour les ergothérapeutes qui y répondent : les trois niveaux de réponses peuvent selon les ergothérapeutes être moins appropriés (105). Les ergothérapeutes répondent selon leurs propres représentations et ainsi, les effets observés peuvent être différents des effets ressentis par les enfants et leur environnement humain. Il y a donc une limite à n’interroger que les ergothérapeutes dans cette pratique car elle a un lien avec une multiplicité d’acteurs donc les enfants du groupe classe, l’enfant suivi en ergothérapie, l’équipe scolaire … Les dix facteurs sélectionnés ont été choisis par le chercheur en essayant de couvrir un maximum de champs de la dimension psychoaffective mais tous ne sont pas les plus prépondérants. Ensuite, il n’y a pas de comparaison entre ce dispositif et un autre dispositif pour les mêmes facteurs ce qui ne permet pas de mettre en avant ce dispositif comme principal répondant aux difficultés de la sphère psychoaffective. La sensibilisation est considérée comme étant des mises en situation ou des simulations du handicap proposé par l’ergothérapeute mais le questionnaire n’interroge pas l’organisation pratique de ce type d’intervention, comment elle est réellement réalisée et si elle respecte les principes d’une intervention pédagogique basée sur la simulation.
Déroulement
Le questionnaire a été partagé le 1er mai 2021 et la récupération des résultats s’est arrêtée le 7 mai 2021. Les réponses ont donc été récoltées sur un délai d’une semaine. La date de diffusion tardive dans l’année scolaire peut avoir un intérêt concernant la possibilité de mettre en place ces actions. Mais l’intervention en classe dans sa proportion peut avoir été biaisée par la crise sanitaire et les fermetures ponctuelles des écoles sachant que la majorité des ergothérapeutes ayant répondu à l’étude sont des jeunes diplômés.
Présentation de la population étudiée
L’échantillon se compose des réponses de 80 ergothérapeutes qui sont tous déjà intervenu auprès d’enfants ayant des troubles des apprentissages. Ils sont diplômés entre 1980 et 2020, dont 34 ergothérapeutes avant 2010 et 43 après 2010. Certains ergothérapeutes n’ont pas renseigné leur année de diplôme. Les ergothérapeutes sont majoritairement français, 74 exercent en France, 5 en Belgique et 1 au Québec. Concernant la structure d’exercice, 10 ergothérapeutes exercent dans deux ou trois structures. Le reste des ergothérapeutes occupe un poste dans un seul service. Parmi les structures de travail, les cabinets libéraux sont les plus représentés avec 41 ergothérapeutes sur 80. Puis ce sont les écoles avec 5 ergothérapeutes sur 80 et les CMPP avec 4 ergothérapeutes sur les 80 de l’échantillon. (Figures 1, 2 et 3).
L’intervention auprès de l’environnement humain
Les ergothérapeutes ont pu répondre auprès de quel environnement humain de l’enfant ils interviennent (Figure 4). Parmi les réponses, les ergothérapeutes peuvent intervenir sur tous les champs présentés : parents, famille, professeur des écoles/enseignant, accompagnant d’enfant en situation de handicap (AESH), classe et école. On remarque une intervention importante et presque généralisable auprès des parents (70/80), des professeurs (70/80) et AESH (64/80), et de l’école (65/80). S’en suit l’intervention prenant en compte la famille incluant parents et fratrie (39/40). L’intervention auprès de l’environnement classe est la moins fréquente (29/80). (Figure 4). Pour préciser la donnée, il y a 29 ergothérapeutes qui interviennent en classe sur 80 soit un équivalent de 36%. (Figure 5).
La question comportait 6 propositions de réponses pour différents niveaux de l’environnement humain. En moyenne, 4.2125 sur les 6 environnements humains proposés sont considérés par les ergothérapeutes. Le mode (réponse la plus fréquente) calculé et la moyenne ont pour valeur 4. Aucun ergothérapeute n’a coché aucune réponse. 4 ergothérapeutes n’interviennent que sur un environnement humain ; 6 ergothérapeutes interviennent auprès de 2 environnements humains ; 11 ergothérapeutes auprès de 3 environnements humains, 22 ergothérapeutes auprès de 4 environnements humains et 22 ergothérapeutes auprès de 5 environnements humains ; enfin, 15 ergothérapeutes ont une intervention sur les 6 différents environnements humains (totalité des réponses à la question cochée).
Intervenir en classe n’est pas toujours pour de la sensibilisation, la question peut être comprise comme exercer une séance individuelle dans l’environnement classe par exemple. Nous avons donc requestionné la proportion d’ergothérapeutes intervenant en classe pour de la sensibilisation. L’intervention de sensibilisation en classe s’adresse pour près d’un quart des ergothérapeutes de l’étude au groupe classe (donc des camarades de classe de l’enfant suivi en ergothérapie pour ses troubles des apprentissages). Environ la moitié des venues en classe de l’ergothérapeute s’adresse uniquement à l’équipe enseignante et aux adultes de l’école. Et encore un quart des ergothérapeutes n’interviennent pas du tout dans la classe de l’enfant.
Données qualitatives et quantitatives sur les effets de la sensibilisation
L’analyse statistique peut être mise en lien avec l’analyse par fréquence lexicale des réponses aux questions sur les effets sur l’environnement humain (classe, enseignant) et l’enfant lui-même. Dans les effets repérés par les ergothérapeutes -avant que ces derniers ne soient directement questionnés sur les effets sur certains facteurs de la dimension psychoaffective- certains aspects psychoaffectifs ont été mentionnés. On recense l’amélioration dans les relations sociales : « amis, copains, tolérance, intégration » ; qui justifient aussi le facteur « acceptation du sentiment de différence » par l’expression « meilleure compréhension des difficultés » qui était la plus fréquente dans les réponses, et la diminution de la stigmatisation, des moqueries, et l’acceptation des aménagements. Aussi, certains ergothérapeutes ont mentionné la confiance en soi, l’estime de soi, la valorisation qui sont des facteurs psychoaffectifs, et qui soutiennent aussi le sentiment de performance (ou d’efficacité).
Pédagogie dans la formation et la pratique en ergothérapie
Sensibiliser est une action pédagogique nécessitant des compétences. Les ergothérapeutes interrogés disent pour 67 sur 80 développer leurs compétences de pédagogie dans leur pratique actuelle en ergothérapie. Cependant, cela n’est pas forcément lié à leur formation puisque seulement 32 ergothérapeutes déclarent avoir eu des cours de pédagogie dans leur cursus en ergothérapie. Certains disent ne pas s’en souvenir. D’autres diplômés avant 2010 mentionnent en avoir eu, cela pourrait dépendre des instituts de formation mais cette donnée n’a pas été questionnée dans le dispositif de recherche. (Figure 18)
Nous avons ensuite cherché à savoir si les ergothérapeutes développaient la compétence de pédagogie dans leur pratique. 67 ergothérapeutes ont mentionné développer cette compétence. Dans les apprentissages en pédagogie qu’ont fait les ergothérapeutes ressort :
– Les différentes théories d’apprentissage (behaviorisme, cognitivisme, constructivisme, socio-constructivisme …) et l’histoire de leurs courants.
– Les différents outils pédagogiques, la variété des supports possibles, des canaux d’apprentissage (kinesthésique, auditif, visuel …) .
– La pédagogie participative, susciter la réflexion .
– Qui répond aux besoins de l’enfant, qui part des connaissances existantes (exemple : approche CO-OP) .
– Et ludique, créatif pour plaire à l’enfant (exemple : Montessori, pédagogie positive …).
Peu d’ergothérapeutes se souviennent de contenu précis, en revanche, ils s’accordent sur le fait d’utiliser une multiplicité de modalités pédagogiques, adaptées, et qui rendent l’enfant acteur de son apprentissage. Pour ce qui est du contenu de la formation en ergothérapie, les projets de groupe en pédagogie, avec la rédaction d’un déroulé pédagogique (plan de formation), et le module d’éducation thérapeutique du patient sont ressortis. On peut faire l’hypothèse que les cours dispensés sur la pédagogie dans la formation initiale en ergothérapie n’ont pas spécialement été retenus dans les détails, et qu’il y a peut-être un réaménagement à réaliser, ou alors que c’est une compétence qui se développe difficilement avec des cours lors de la formation par la pratique.
Quatre ergothérapeutes ont pu renforcer cette compétence en côtoyant ces enfants, par des formations de l’ANFE ou des diplômes universitaires, et ou encore par une maitrise en éducation après un bachelor en ergothérapie en Belgique.
Compétences en pédagogie des ergothérapeutes selon l’année d’étude
Qu’ils aient reçu des cours de pédagogie ou non, les ergothérapeutes tendent à développer la compétence de pédagogie dans leur pratique. (Figure 19) On peut constater que les ergothérapeutes formés à partir de 2005 sont plus nombreux à mentionner la présence de cours sur la pédagogie dans leur formation initiale. Aussi, des ergothérapeutes diplômées d’après la réforme 2010 qui a inclu la pédagogie dans les programmes n’ont pas toujours le souvenir d’avoir bénéficié de cours de pédagogie. (Figure 20).
Structure de travail et possibilité d’intervenir en sensibilisation
Il peut être identifié que certaines structures d’exercice de l’ergothérapie ne sont pas favorables à la mise en pratique d’interventions de sensibilisation. Cette hypothèse pourrait être vérifiée. Pour ce qui est des SESSAD, des cabinets libéraux, des interventions en classe d’intégration, à l’école, ou en centre hospitalier, ce sont les 5 types sur les 12 structures de travail identifiées qui sont celles où les ergothérapeutes ont déjà pu exercer des actions de sensibilisation.
Discussion des résultats, critique du dispositif de recherche
Limites méthodologiques
En prenant en compte la durée de diffusion du questionnaire (une semaine) et le nombre de réponses au dispositif de recherche (80 réponses), l’échantillon obtenu est satisfaisant. Cependant, l’analyse statistique concernant la corrélation des certaines variables n’a pas pu être menée à bien du fait d’un échantillon trop petit ne permettant pas l’application de la loi du calcul du Khi 2 sauf pour la situation des effets de la sensibilisation sur la dimension psychoaffective de l’enfant. En effet, le Khi 2 peut être utilisé sur de petits échantillons mais ses effectifs attendus calculés théoriquement doivent être supérieurs ou égaux à 5 ce qui n’a pas permis dans les autres situations d’aller au bout des calculs.
Les conclusions effectuées concernent finalement une pratique de l’ergothérapie en France du fait de la répartition des ergothérapeutes selon leur pays d’exercice. Il n’est pas possible d’effectuer de comparaisons avec d’autres pays où l’ergothérapie est exercée.
Si on considère le nombre d’ergothérapeutes au 1er janvier 2020 (soit 13 644) et la répartition selon les modes d’exercice, avec 14.4 % exerçant en libéral ou mixte, soit 1910 ergothérapeutes. Alors, cette recherche a possiblement interrogé 3.9% de la population d’ergothérapeutes qui aurait pu être concernée par notre questionnaire. Cela en retirant les quelques 6 réponses d’ergothérapeutes exerçant dans d’autres pays (109).
Concernant le recueil des données, quelques biais sont présents concernant les réponses sachant que l’outil utilisé pour le questionnaire ne comportait pas la modalité permettant de rendre toutes les questions obligatoires, il y a de temps en temps quelques ergothérapeutes qui ont sauté des questions, cela peut ressortir dans certaines réponses où l’effectif total est inférieur à 80 ou à 21 lorsque la population étudiée était les 21 ergothérapeutes ayant déjà fait de la sensibilisation par simulation en classe.
Une autre méthodologie aurait pu être adoptée comme une méthodologie clinique afin d’obtenir des réponses directes par l’entourage des enfants, et non pas seulement par l’intermédiaire des ergothérapeutes. Bien que les données récoltées sur des « effets » puissent être considérées comme irréductiblement qualitatives, il est possible et justifié d’en extraire des résultats (110). Analyser les résultats aurait pu impliquer d’autres professionnels issus des autres disciplines convoquées par le champ disciplinaire, plutôt que seulement l’étudiant en ergothérapie. Aussi, l’intérêt perçu ne dépend que de l’observation faite par les ergothérapeutes interrogés et ayant déjà réalisé ce type d’intervention.
L’intervention de sensibilisation en elle-même menée par les ergothérapeutes n’a pas été questionnée dans l’enquête, et donc n’a pas été décrite. Ainsi, il est difficile d’extraire des implications théoriques à ce sujet uniquement. Les objectifs de l’ergothérapeute quant à la mise en place de ce type d’intervention manquent d’avoir être interrogés. Ils auraient pu être comparés aux réponses sur les effets, ce qui permettrait de définir des objectifs ergothérapiques et de justifier de la sensibilisation dans la pratique comme moyen ou non de répondre aux objectifs en ergothérapie. Par exemple, les ergothérapeutes auraient pu être questionnés sur « A quels objectifs en ergothérapie répond l’intervention de sensibilisation en classe ? ».
Limites théoriques
Certains éléments qui ont été relevés par l’étude n’ont pas été considérés dans la construction du cadre conceptuel. Concernant la dimension psychoaffective telle qu’elle a été définie, celle-ci ne trouve encore dans le cadre conceptuel pas de consensus entre les différents champs disciplinaires malgré qu’ils s’emploient à employer des expressions parfois similaires. L’implication des différents facteurs et leurs interactions n’est pas explicitement décrite. Notamment, on relève l’environnement humain comme objet de question du dispositif de recherche sans qu’il soit explicité par le cadre conceptuel. Aussi, le concept de sensibilisation peut manquer d’explicitation quant à ses enjeux, l’approche dans laquelle il est employé, et ici, l’environnement « classe d’école » dans lequel il est mis en place. Le champ de compétences de l’ergothérapeute aurait aussi pu être relevé pour justifier de ce type d’intervention dans sa pratique ou celle d’autres professionnels si cela existe. Eléments de réponse à la problématique pratique. Les concepts étant issus de champs disciplinaires autres que l’ergothérapie comme la psychologie, la psychanalyse, la pédagogie, la santé publique et la psychiatrie, il aurait été intéressant d’associer à la recherche un autre chercheur ou une équipe afin d’expliciter au mieux les concepts mais également de vérifier la formulation des questions et des réponses. Une recherche sur les concepts supplémentaires pourra être effectuée.
De plus, en lien avec les concepts présentés dans le cadre conceptuel, les questions ne traitent pas de tous les concepts et indicateurs évoqués, notamment ceux de la sensibilisation et de la simulation. Le questionnaire aurait pu interroger des variables complémentaires comme : les objectifs en ergothérapie d’une intervention de sensibilisation par la simulation en classe, les corrélations avec les effets exprimés sur la dimension psychoaffective (est-ce réellement cette dimension de l’enfant qui est visée en premier lieu par cette intervention ?), les raisons pour intervenir auprès de l’environnement, les modèles et approches qui sous-tendent cette pratique pour les ergothérapeutes, la place de la sensibilisation dans les compétences/rôles/missions des ergothérapeutes et leur considération vis-à-vis de cela, la place de ce type de dispositif dans la dynamique et politique actuelle de « l’école inclusive ».
Apports, limites et intérêts pour la pratique professionnelle
Notre étude montre que l’ergothérapeute peut par la sensibilisation en classe intervenir sur la dimension psychoaffective et que c’est une dimension de la personne qui peut voire devrait être prise en compte dans la pratique. Elle sous-tend énormément le concept de motivation qui est central en ergothérapie. Intervenir en sensibilisation en classe paraît être encore un champ de pratique peu exploré, mais possible. Il serait intéressant de convenir d’un consensus quant à la mise en oeuvre de ce type d’intervention. Dans les textes, les professionnels paramédicaux sont présents pour sensibiliser la famille et l’enseignant, mais aucune recommandation n’est faite quant à la sensibilisation en classe. La généralisation de cette intervention est à questionner. A quel point ses effets sont-ils importants ? sont-ils plus efficaces que d’autres dispositifs ? et donc, dans quelle mesure faudrait-il ou non généraliser cette pratique en ergothérapie pédiatrique auprès des troubles des apprentissages ?
La prévention en ergothérapie, avec l’ergothérapeute ayant pour rôle d’éduquer, de sensibiliser, de conseiller émerge depuis 2010, avec l’ajout de la compétence 5 : « conduire une démarche d’éducation à la santé » dans le référentiel de compétences de l’ergothérapeute. Pourrait-elle être reconnue dans les actes CSARR en pédiatrie ?
Transférabilité et propositions pour la pratique professionnelle
Se questionner sur la sensibilisation en classe en ergothérapie permet aussi de conceptualiser et d’inscrire dans une étude ce champ d’intervention, de le rendre visible. Il serait notamment intéressant de faire connaître cette pratique dans la dynamique politique actuelle de l’école inclusive. Cette intervention amène une autre perspective de l’intervention en classe où l’ergothérapeute intervient pour l’élève au travers de sa classe, non seulement en restant assis à côté de lui pendant une séance, mais aussi en impliquant la compréhension de sa situation par les autres élèves de sa classe. Aussi, cela permet à l’ergothérapeute d’interagir avec une nouvelle modalité auprès de l’environnement humain de l’enfant, sans seulement le considérer d’un oeil extérieur, et en promouvant l’ergothérapie, les connaissances sur les situations de handicap et sur sa propre pratique professionnelle. Cela peut favoriser la collaboration entre l’ergothérapeute et les professionnels exerçant dans l’établissement scolaire (éducatifs, pédagogiques, médicaux, paramédicaux, administratifs …).
Cette modalité d’intervention pourrait être plus connue et reconnue dans les années à venir ; Elle permettrait alors d’exercer en lien avec les établissements scolaires, pouvoir proposer ce type d’intervention pour des enfants suivis en ergothérapie mais aussi lorsqu’ils ne sont pas suivis, car rappelons qu’il y a dans une classe de milieu ordinaire, en moyenne, 2 à 4 élèves ont besoin d’un suivi pour un trouble spécifique du langage ou d’apprentissage (TSLA). Un déroulé pédagogique avec un kit de simulation pourrait être construit afin de soutenir la pratique des ergothérapeutes souhaitant mettre en place ce type d’intervention. Une formation associée à l’utilisation de cet outil pourrait être mise en place pour les ergothérapeutes et autres professionnels qui collaboreraient avec l’ergothérapeute. La diffusion des résultats de cette recherche pourrait amener d’autres recherches plutôt cliniques à être mises en place afin d’évaluer l’efficience de cette pratique, qui pourrait être projetée comme un dispositif de prévention à inscrire au programme de l’Education Nationale. Cela permettrait d’impliquer des ergothérapeutes dans la participation aux actions de sensibilisation au handicap dans les écoles ; ou encore mettre en avant les enfants avec des troubles des apprentissages durant la semaine de persévérance scolaire, thématique importée du Canada en France depuis 2015.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Point de départ de la recherche : Contexte
1.2 Thème général et explicitation terminologique
1.3 Enjeux et intérêts
1.4 Méthodologie de la revue de littérature
1.4.1 Bases de données
1.4.2 Equation de recherche
1.4.3 Filtres, critères d’inclusion et d’exclusion
1.5 Analyse critique de la revue de littérature
1.5.1 Présentation de la revue de littérature
1.5.2 Evaluation multidimensionnelle des enfants TA
1.5.3 Intervention pour les enfants avec TA
1.5.4 Synthèse de la revue de littérature
1.5.5 Utilité sociale et professionnelle de la thématique
1.5.6 Résonance du thème et problématisation pratique
1.6 Enquête exploratoire
1.6.1 L’entretien semi-structuré
1.6.2 Le questionnaire en ligne
1.7 Choix des outils d’analyse de données
1.7.1 Pour la partie questionnaire de l’enquête exploratoire
1.7.2 Pour la partie entretiens de l’enquête exploratoire
1.8 Résultats de l’enquête exploratoire
1.8.1 Analyse des résultats du questionnaire
1.8.2 Analyse des entretiens
1.9 Analyse critique des résultats de l’enquête exploratoire
1.10 Cadre de référence
1.10.1 La motivation, extrinsèque et intrinsèque, et ses facteurs
1.10.2 Facteurs intra et inter personnels liés à la motivation
1.11 La sensibilisation au handicap
1.11.1 Expériences de sensibilisation au handicap
1.11.2 Pédagogie en sensibilisation et approche psychoéducative
1.11.3 Prévention et éducation en ergothérapie
1.11.4 La simulation comme outil pédagogique
1.12 Question et objet de recherche
2 Matériel et méthode
2.1 Choix de la méthode
2.2 Population, matériel, éthique des données recueillies
2.3 Construction de l’outil
2.4 Anticipation des biais
2.5 Déroulement
2.6 Traitement des données
3 Résultats
3.1 Présentation de la population étudiée
3.2 L’intervention auprès de l’environnement humain
3.3 Effets de la sensibilisation sur l’enfant et son environnement scolaire
3.4 Effets de la sensibilisation en classe sur la DPA de l’enfant
3.5 Données qualitatives et quantitatives sur les effets de la sensibilisation
3.6 Pédagogie dans la formation et la pratique en ergothérapie
3.7 Compétences en pédagogie des ergothérapeutes selon l’année d’étude
3.8 Structure de travail et possibilité d’intervenir en sensibilisation
4 Discussion
4.1 Confrontation des résultats
4.2 Eléments de réponses à l’objet de recherche
4.3 Discussion des résultats, critique du dispositif de recherche
4.3.1 Limites méthodologiques
4.3.2 Limites théoriques
4.4 Apports, limites et intérêts pour la pratique professionnelle
4.5 Transférabilité et propositions pour la pratique professionnelle
4.6 Perspectives de recherche
Bibliographie
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