Évaluation gériatrique Standardisée Courte à dix items
ANALYSE STATISTIQUE
Les caractéristiques de la population étaient décrites avec les prévalences et les pourcentages des marqueurs de l’EGS-c. Le modèle des réseaux neuronaux artificiels (RNA), a été utilisé afin de rechercher une association entre les marqueurs de l’EGS-c 10-items et une durée d’hospitalisation prolongée, c’est-à-dire plus de 13 jours. Les réseaux neuronaux constituent une approche statistique, basée sur l’intelligence artificielle et inspirée de la structure et du fonctionnement du cerveau animal. Ce modèle est fondé sur un système interconnecté, organisé en différentes couches qui communiquent entre elles et s’avère plus adapté que les modèles linéaires classiques dans la prédiction d’évènements multifactoriels qui peuvent être considérés comme chaotiques. Deux RNA ont été utilisés : multilayer perceptron (MLP) et MLP modifié. Pour réaliser l’analyse statistique avec les RNA, l’ensemble des patients de l’échantillon a été randomisé en deux sous-groupes : un groupe test et un groupe d’entrainement.
La comparaison des deux groupes était basée sur le t-test non apparié ou le test du Chi-deux. Les critères de performance statistiques étaient la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive (VPP), la valeur prédictive négative (VPN), le rapport de vraisemblance positif (LR+), le rapport de vraisemblance négatif (LR-) et l’aire sous la courbe ROC. Une stratification selon l’âge a été faite en 5 classes d’âge : moins de 70 ans, entre 70 et 75 ans, entre 75 et 80 ans, entre 80 et 85 ans et enfin 85 ans et plus.
RESULTATS
Du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, 2370 patients ont été inclus. Les caractéristiques des participants sont présentées dans le tableau I. Parmi les 2370 patients inclus, près d’un quart (24,3%) étaient hospitalisés plus de 13 jours. 2 patients avaient moins de 70 ans. 26 patients avaient entre 70 et 74 ans. 19% des patients avaient entre 75 et 79 ans, 26% entre 80 et 84 ans. Plus de la moitié (54%) des patients avait au moins 85 ans. 41% des patients étaient de sexe masculin. Près de trois quarts des patients (73%) consommaient au moins 5 médicaments différents par jours et 50% consommaient des psychotropes. La moitié des patients (48%) avaient un antécédent de chute dans les 6 derniers mois. Plus d’un quart (28%) des patients étaient isolés et plus de deux tiers (70%) vivaient dans leur domicile. Près de deux tiers des patients (62%) étaient hospitalisés pour une défaillance d’organe. Les principales défaillances d’organe étaient cardio-vasculaires (12%), respiratoires (11%), digestives (9%) et neuropsychiatriques (10%). Il n’y avait pas de différence significative entre le groupe test et le groupe d’entrainement en comparant les caractéristiques précédemment citées.
Les patients hospitalisés plus de 13 jours présentaient plus souvent une désorientation temporelle que les patients hospitalisés 13 jours au plus (47,3% contre 30,7% avec p< 0,001). Le type de RNA utilisé comme méthode d’analyse statistique obtenant les meilleures performances statistiques de l’EGS-c 10-items pour prédire une hospitalisation de plus de 13 jours, en stratifiant selon l’âge, était le modèle MLP modifié. Ce modèle permettait d’obtenir (tableau II) une sensibilité de plus de 88% quelle que soit la classe d’âge : 88,2% pour les 70 ans et plus, 88,3% pour les plus de 75 ans et plus, 88,9% pour les 80 ans et plus et 88,6% pour les 85 ans et plus. La spécificité, la valeur prédictive positive (VPP), la valeur prédictive négative (VPN) et le rapport de vraisemblance positif (LR+) étaient d’autant plus élevés que la classe d’âge augmentait. Ainsi, les patients âgés de 85 ans ou plus avaient les valeurs maximales : une spécificité à 97,6%, une VPP à 92,2%, une VPN à 96,5%, un LR+ à 37,6 et une aire sous la courbe à 95,5. La classe d’âge ≥ 70 ans avait une spécificité à 96%, une VPP à 87,7%, une VPN à 96,2%, un LR+ à 22,3 et une aire sous la courbe à 93,8.
DISCUSSION
Les résultats de cette étude ont montré que les performances de l’EGS-c 10-items dans la prédiction des parcours de soins compliqués étaient améliorées par la stratification selon l’âge. Ainsi la sensibilité (88,2%), la spécificité (96%), la VPP (87,7%), la VPN (96,2%), le LR+ (22,3) et l’aire sous la courbe (93,8) étaient élevés et permettaient d’utiliser l’EGS-c 10-items comme un outil de prédiction des parcours de soins compliqués des plus de 70 ans. Plusieurs outils de prédiction des évènements indésirables au décours d’une admission au SAU ont été précédemment développés. Ainsi le score ISAR (annexe 2), le TRST (annexe 3) sont utilisés de manière courante pour initier les prises en charge des personnes âgées dès les urgences et aider à choisir une orientation adéquate (15,22,33-38,44). La comparaison des performances de prédiction de ces outils et de l’EGS-c à 10-items mettait en évidence une meilleure précision de l’EGS-c dans la prédiction de parcours de soins compliqué.
En effet, la sensibilité avec l’ISAR et le TRST était comprise entre 74% et 89% (22,36,37) associée à une spécificité variant de 31% à 62% alors qu’elles étaient respectivement égales à 88-89% et 96-97,6% dans notre étude. De plus, le LR+, ou rapport de vraisemblance positif, était compris entre 22,3 et 37,6 ce qui confirme la puissance du résultat donné par l’EGS-c. Ainsi, un patient hospitalisé plus de 13 jours a entre 22 et 37.6 fois plus de chance d’avoir un score positif qu’un patient avec une courte durée d’hospitalisation. En comparaison, le LR+ le plus élevé (13) déjà obtenu était égal à 18,2 avec l’EGS-c 10-items en utilisant des RNA comme méthode d’analyse statistique sans stratification selon l’âge et à 5,5 (12) avec l’EGS-c en utilisant une régression logistique linéaire. Par ailleurs, la stratification selon l’âge a permis d’améliorer nettement les performances de notre outil.
En effet, les performances statistiques de précédentes études réalisées avec une dichotomisation de l’âge (≤85ans versus > 85 ans (10,12,13) ou <80 ans versus ≥80ans (33)) étaient moindres. Ceci peut être lié au poids de l’âge sur des variables telles que l’état de santé global des patients, l’apparition d’évènements indésirables et ainsi les parcours de soins compliqués. La perte d‘autonomie et la dépendance sont fortement associées avec l’avancée en âge du fait de l’accumulation des effets des maladies chroniques multiples combinée à l’altération des capacités physiologiques d’adaptation au stress chez les personnes âgées qui ont pour conséquence un déclin des performances fonctionnelles (Annexe 1). Ainsi, il est admis que la fragilité augmente avec l’avancée en âge et qu’il existe une forte association entre la fragilité et l’existence d’une dépendance pour les activités de la vie quotidienne (5,19,45). De plus, il est reconnu que les pathologies, le recours aux soins ainsi que la durée d’hospitalisation varient selon l’âge (4).
Le poids de cette variable démographique est notamment confirmé par une récente étude de Sourial et al. (46) qui comparait les capacités prédictives de 129 combinaisons de 7 marqueurs de fragilité chez des personnes âgées et quantifiait leur contribution dans la prédiction du déclin fonctionnel. Une stratification en 4 classes d’âge permettait une augmentation de la contribution des marqueurs de fragilité. Outre les données démographiques (âge et sexe), les maladies aiguës et les pathologies chroniques (polymédication, antécédent de chute dans les 6 derniers mois et désorientation temporelle), l’EGS-c 10-items prend en compte des données socio-environnementales (présence d’aide formelles et/ou informelles, lieu de vie). Ces deux dernières variables sont importantes puisqu’elles peuvent contribuer à la prédiction de risque de survenue d’évènements de santé indésirables (47) des personnes âgées.
En effet, de nombreuses études (10,12,13,35) associent la polymédication à un risque d’hospitalisation prolongée. De même, un antécédent de chute dans les 6 derniers mois et la désorientation temporelle entrainent une vulnérabilité et exposent donc à un risque d’hospitalisation prolongée (12,13,16). Par ailleurs, les troubles cognitifs sont une variable importante pour la prédiction de risque d’hospitalisation prolongée (10,12,13,16,48). L’utilisation d’un auto-questionnaire peut, certes, avoir des avantages mais en ce qui concerne les troubles cognitifs, son utilisation peut sembler moins pertinente. Le score ISAR (annexe 2) dépiste le déclin cognitif avec la question « Dans la vie quotidienne souffrez-vous de problèmes de mémoire ? ». La subjectivité des réponses à cette question associée à la fréquence de l’anosognosie induit un biais dans le recueil des variables. Une hétéro-évaluation, comme c’est le cas pour l’EGS-C à 10 items, semble par conséquent plus pertinente.
Comme nous l’avons dit précédemment, l’EGS-c 10 items est un test de prédiction de risque. L’enjeu est de repérer précocement les personnes âgées fragiles à risque d’hospitalisation prolongée afin de limiter ses conséquences comme le déclin fonctionnel. Il est indispensable de limiter au maximum le nombre de faux négatifs. En effet, il est plus dommageable de ne pas dépister un patient vulnérable que de le dépister à tort puisqu’il serait alors mal orienté et ne bénéficierait pas de l’EGS ni du plan de soins adapté nécessaires. De plus, la positivité de ce test n’engendre pas de prise en charge invasive. Une sensibilité élevée est donc essentielle. Cependant, la spécificité doit être élevée elle aussi, pour limiter les faux positifs aboutissant à la réalisation inutile d’une EGS et à une prise en charge multidisciplinaire d’un patient non fragile. Dans notre étude la précision statistique requise est atteinte avec une sensibilité, une spécificité, une VPP, une VPN et un LR+ plus élevés que dans les précédents travaux.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
RESULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX
TABLEAUX
Tableau I:Caractéristiques des participants séparés en groupe d’entrainement et groupe test (n=2370)
Tableau II : Critères de performance statistique de l’évaluation gériatrique standardisée courte à 10 items pour prédire le risque d’hospitalisation prolongée en utilisant les réseaux neuronaux artificiels (i.e.; multilayer perceptron modifié) avec une stratification des patients selon l’âge (n=2368
LISTE DES FIGURES
FIGURES
Figure 1 : Pyramide des âges en 2007 et 2060
Figure 2 : Vieillissement JP Bouchon
LISTE DES ANNEXES
ANNEXES
Annexe 1. Evaluation gériatrique Standardisée Courte à dix items.
Annexe 2. Score ISAR (Identification of Senior At Risk)
Annexe 3. TRST (Triage Risk Screening Tool)
TABLE DES MATIERES
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