Évaluation ex ante des systèmes de culture innovants par modélisation agronomique et économique

Etat de l’art des méthodes d’évaluation ex ante de systèmes de culture innovants

Nous nous appuierons ici principalement sur les synthèses réalisées par Loyce et Wery (2006), et Meynard et al. (2006). Bien que le champ couvert par cette partie soit principalement celui des méthodes d’évaluation ex ante de systèmes de culture innovants, il recoupe aussi souvent le champ des évaluations ex post et le champ des méthodes de conception.

Cela se justifie car d’une part, il n’est pas exclu que des outils principalement utilisés ex post, soient aussi pertinents dans le cadre d’évaluations ex ante, bien qu’ils ne le soient pas aujourd’hui. Qui plus est la littérature sur les évaluations ex post semble bien plus abondante que la littérature sur les évaluations ex ante. C’est pourquoi, lors de notre bibliographie initiale, nous sommes aussi allés explorer le champ des analyses ex post. D’autre part conception et évaluation de systèmes innovants sont bien souvent indissociables car toute activité de conception fait usage d’étapes d’évaluation, et inversement on conçoit souvent des innovations à partir de résultats d’évaluation. Il est à souligner que les deux sont d’ailleurs souvent utilisés itérativement pour réaliser des boucles de progrès dans le cadre de programme d’amélioration des performances des systèmes de culture. La suite de cette section est décomposée selon trois niveaux d’échelle : parcelle, exploitation, territoire.

L’évaluation à la parcelle des performances du champ cultivé 

Ces méthodes permettent principalement d’évaluer les performances agronomiques et environnementales des systèmes innovants, et dans une moindre mesure les performances économiques. Pendant longtemps l’expérimentation a été le seul point d’appui de l’agronome pour l’évaluation des systèmes de culture innovants. Celle-ci consiste en des essais factoriels en station expérimentale sur des parcelles de taille réduite. Si ces méthodes se sont révélées efficaces pour tester un ou quelques facteurs en vue d’améliorer un ou quelques critères (le plus souvent le rendement seul), elle s’avèrent insuffisantes car trop longues et trop coûteuses pour tester des systèmes très innovants dans un climat variable et des sols diversifiés. Cependant certains systèmes très innovants peuvent être évalués expérimentalement sur de nombreux critères dans le cadre d’expérimentation « système ». Lançon et al. (2007) évaluent ainsi un itinéraire technique du cotonnier (Crop Management System ) très innovant qui permet de répondre à un ensemble cohérent d’objectifs et de contraintes, mais avec une grande adaptation par rapport à l’endroit où le prototype a été développé et évalué.

D’autres approches dites « participatives » ont été développées depuis le milieu des années 90 par des chercheurs de l’ICRAF (participatory research) et des chercheurs de l’université de Wageningen (prototyping). Elles comportent des méthodes impliquant évaluation expérimentales des innovations sur des exploitations réelles, on parle alors d’évaluation « on farm ». La plupart du temps ces méthodes incluent une phase préalable de conception de l’innovation par prototypage. Dans les approches participatives de l’ICRAF les agriculteurs participent au choix des innovations (Franzel et Scherr, 2002) alors que dans l’approche hollandaise le prototypage se fait avec des experts (Vereijken, 1997 ; Stoorvogel, 2004). Ces approches ont l’avantage d’informer simultanément sur les performances biophysiques, les performances économiques et le « potentiel d’adoption » des innovations par les agriculteurs. Cependant ces méthodes restent coûteuses et partielles, en ce sens qu’elles ne portent que sur une partie de l’exploitation et sont limitées à des panels d’agriculteurs restreints (pour le moins à ceux qui acceptent de participer), ce qui augmente le risque de biais dans la conception et l’évaluation du système.

La modélisation numérique du fonctionnement du champ cultivé est une méthode alternative à l’expérimentation au champ en plein développement. Le développement de ces méthodes est récent, car il a été rendu possible, notamment par l’amélioration de la capacité de calcul et de stockage des ordinateurs. De tels modèles permettent d’évaluer de grands nombres de systèmes de culture innovants, sur de nombreux critères ou indicateurs, dans une gamme de contextes biophysiques variés (Keating et al., 2003 ; Tixier et al., 2008a). On parle d’expérimentation « in silico ». Certains modèles permettent même la génération automatique et en grand nombre de combinaisons innovantes qui sont ensuite automatiquement évaluées et triés en fonction des objectifs recherchés (Loyce et al., 2002a ; 2002b ; Dogliotti et al., 2004). Ces modèles sont de plus en plus souvent couplés à des modèles décisionnels et permettent d’optimiser des règles de décision et d’en tester de nouvelles (Bergez et al. 2001; Bergez et al. 2002; Maton et al. 2007). Ces approches possèdent néanmoins quelques limites : d’une part elles prennent peu en compte la diversité des contextes économiques et techniques dans lesquels devront s’insérer les innovations, et d’autres part, elle sont le plus souvent limitées aux capacités du modèle biophysique et donc restreintes à des gammes d’innovations de moindre ampleur que celles pratiquées par les agriculteurs pionniers. Toutes ces approches sont basées sur des indicateurs qui correspondent soit à des valeurs mesurées directement (par exemple le rendement, ou la teneur en nitrate des eaux de drainage), ou bien sur des indicateurs plus sophistiqués qui combinent plusieurs type de données qui peuvent être mesurées au champ, simulées avec des modèles, ou fournies par des experts (Bockstaller et al., 2008 ; Pervanchon et al., 2005 ; Tixier et al., 2007c).

L’évaluation à l’échelle des exploitations 

Les analyses du type « coût-bénéfice » (cost benefit analysis) réalisées à l’échelle de l’exploitation (voir par exemple Addy, 1984, Current et al., 1995) constituent la base incontournable de toute évaluation ex ante, mais utilisées seules elles sont insuffisantes car elles ne permettent pas de tenir compte des conditions d’adoption des innovations, qui dépendent d’autres critères que le revenu, comme par exemple la compatibilité entre l’innovation et les contraintes des agriculteurs et l’adéquation avec leurs objectifs personnels.

A cette fin, en France, des chercheurs du département SAD de l’INRA ont proposé un concept intéressant : le concept de « marge de manœuvre » des agriculteurs pour adopter des innovations. En utilisant le concept de modèle d’action (Cerf et Sebillotte, 1988), qui permet de reconstituer de manière systémique le processus de décision des agriculteurs qui a présidé à la genèse de leur système de culture, le concept de marge de manœuvre permet d’identifier des points de blocage organisationnels. Ces approches ont montré par exemple que la logique dont procède la suite des interventions culturales sur une parcelle ne résulte pas de seules considérations biophysiques de conduite de la parcelle, mais de niveaux supérieurs de gestion comme la sole et l’ensemble des cultures entre lesquelles l’agriculteur fait des arbitrages d’affectation des moyens de production à l’échelle de l’exploitation (Aubry, 1998, Papy et al., 2001). Ces approches peuvent être intéressantes car, une fois reconstitué le processus de décision des agriculteurs pour les décisions qui vont être affectées par l’introduction de l’innovation, elles permettent d’évaluer ex ante les marges de manœuvres des agriculteurs pour adopter ces innovations. Par exemple Joannon et al. (2005) évaluent les marges de manœuvres des agriculteurs en terme de calendrier de travail disponible pour semer une plante de couverture afin de limiter le ruissellement érosif entre les cycles de deux cultures. Cependant, cette approche a été principalement appliquée à des innovations incrémentales de faible magnitude, étant limitée par la complexité de la modélisation simultanée d’un grand nombre de décisions d’action (Aubry et Michel-Dounias, 2006).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1. PROBLEMATIQUE, OBJECTIFS ET METHODE
1.1. ETAT DE L’ART DES METHODES D’EVALUATION EX ANTE DE SYSTEMES DE CULTURE INNOVANTS
1.1.1. L’évaluation à la parcelle des performances du champ cultivé
1.1.2. L’évaluation à l’échelle des exploitations
1.1.3. L’évaluation à l’échelle des territoires
1.2. ANALYSE CRITIQUE DE L’ETAT DE L’ART ET DEFINITION DE L’OBJECTIF SCIENTIFIQUE DE LA THESE
1.3. PROPOSITION D’UNE METHODE TRANSDISCIPLINAIRE D’EVALUATION EX ANTE
1.4. APPLICATION DE LA METHODE AU CAS DES SYSTEMES DE CULTURE BANANIERS EN GUADELOUPE
1.4.1. Géographie et milieu physique de la Guadeloupe
1.4.2. La culture de la banane en Guadeloupe
1.4.3. Enjeux socio-économiques et environnementaux des systèmes de culture bananiers
1.4.4. Vers de nouveaux systèmes de culture
2. MODELISATION DE LA DIVERSITE DES EXPLOITATIONS ET PROTOTYPAGE DE SYSTEMES DE CULTURE INNOVANTS PLUS DURABLES
2.1. INTRODUCTION
2.2. THE PROPOSED METHODOLOGICAL FRAMEWORK
2.2.1. Overview
2.2.2. Step 1: designing a farm typology
Questionnaire design and sampling
Statistical analysis
2.2.3. Step 2: Prototyping innovative CMSs with experts
The approach
Working agenda and compatibility indicator
2.2.4. Application of the method to Guadeloupean banana’s CMS
2.3. RESULTS
2.3.1. Typology of banana farms in Guadeloupe
Characteristics of the farm typology
Characteristics of the different farm types in terms of CMSs, CMSCs, and CMSPs
2.3.2. Prototyping innovative banana crop management system
Objectives and biotechnical functions for prototyping more sustainable CMS
Defining a priori totally compatible prototypes
2.4. DISCUSSION
2.5. CONCLUSIONS
3. UTILISATION D’UN MODELE DE CULTURE POUR SIMULER LE FONCTIONNEMENT BIOPHYSIQUE DES PROTOTYPES ET LES EVALUER DANS CHAQUE TYPE D’EXPLOITATION
3.1. INTRODUCTION
3.2. MATERIALS AND METHODS
3.2.1. Current cropping systems and farm context
3.2.2. Soil and climate conditions of banana-cropping systems in Guadeloupe
3.2.3. Innovative cropping systems
3.2.4. The SIMBA model and its new features
3.2.5. Model calibration and testing
3.2.6. Evaluation of innovative cropping systems
3.3. RESULTS AND DISCUSSION
3.3.1. Impact of innovations on yield for different farm types
3.3.2. Impact of innovations on the pesticide uses for different farm types
3.3.3. Most promising innovation for each farm type and tradeoffs between yields and pesticide reduction
3.4. LIMITS AND PERSPECTIVES
3.5. CONCLUSION
4. MODELISATION BIO-ECONOMIQUE ET EVALUATION DES IMPACTS DE L’ADOPTION DES PROTOTYPES SUR LE FONCTIONNEMENT ET LES PERFORMANCES DES EXPLOITATIONS
4.1. INTRODUCTION
4.2. THE MODEL
4.2.1. Overview
4.2.2. Farm types
4.2.3. Innovations
4.2.4. Modelling farmer’s actions
4.2.5. Use of the SIMBA model to simulate biophysical processes
4.2.6. Crop management system model
4.2.7. Farming system integration model
4.2.8. Software structure
4.2.9. Model evaluation
4.3. RESULTS
4.3.1. Assessment of the performances of 4 innovative crop management systems in comparison to current system for farm type A at cropping system level
4.3.2. Assessment of the impacts, at farm level, of the adoption of the three types of banana rotation for farm type A
4.3.3. Assessment of two innovations across three farm types
4.4. DISCUSSION
4.4.1. Agronomic and policy recommendations for banana production in Guadeloupe
4.4.2. Model effectiveness and limits
4.5. CONCLUSIONS
CONCLUSION GENERALE

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