Vulnérabilité des motocyclistes par rapport aux autres usagers de la route
Les motocyclistes représentent une catégorie d’usagers vulnérables de la circulation routière. Contrairement aux occupants de voitures, ils disposent moins de structures de protections et ils sont plus exposés aux risques d’accidents ; surtout lorsqu’il s’agit d’accidents de chocs, ils sont les plus touchés. En effet en 2007 en Europe, les motocyclistes étaient 37 fois plus exposés au risque d’accidents avec suite mortelle que les occupants de voitures par distance parcourue lors des accidents de chocs [23]. Aux Royaumes-Unis et aux USA, ce chiffre était respectivement de 56 [63] et 30 [47]. Les chiffres rapportés par l’Observatoire Nationale de la Sécurité Routière (ONISR) en 2006 [50], en France confirment cette tendance : les motocyclistes qui ont perdu la vie sur les routes françaises représentaient environ 16% de tous les accidents mortels alors que les motocyclistes ne représentaient qu’une part de 2% des usagers de la route. Bien avant l’année 2006, sur la période de juillet 1995 à juin 1998, le COST 327 [22] révèle que sur une moyenne de 8.6 millions de motocycles enregistrés par an dans quinze pays d’Europe, il y aurait près de 5000 décès annuels de motocyclistes et 55000 décès d’usagers de la route ; soit un taux de mortalité moyen de 9% de motocyclistes sur les décès d’usagers enregistrés. Encore plus récemment, un rapport publié en 2012 [13] sur 27 pays de l’Union européenne (dont la France) et la Suisse, révèle que de 2001 à 2010 les accidents de motocycles représentaient en moyenne 13.5% des accidents avec suite mortelle par moyen de transports impliqués, soit le troisième groupe derrière celui des voitures et des piétons (figure 1.1). Comme l’illustre la figure 1.2, en France et dans la plupart des pays de l’occident, le taux d’accidents de motocycles avec suite mortelle est largement au-dessus de la moyenne européenne sur l’année 2009 [41]. Les statistiques d’une étude européenne [23] sur la mortalité des motocyclistes révèlent également que le risque de mourir à moto est considérablement plus important (en moyenne plus de 30 fois) que le risque de mourir en voiture (à kilomètres parcourus équivalents) ; de même le risque de contracter une blessure sérieuse à moto est 44 à 56 fois supérieur au risque de contracter une blessure sérieuse en voiture.
Nature des accidents avec suite mortelle des motocyclistes
La sécurité des motocyclistes lors des accidents de chocs avec les dispositifs de retenue est l’une des problématiques de ce travail de thèse. Cette partie s’intéresse à la nature des accidents avec suite mortelle des motocyclistes, plus particulièrement aux accidents de chocs avec les dispositifs de retenue, ainsi qu’à la classification des blessures (les plus fréquentes et surtout les plus mortelles) par parties du corps des motocyclistes victimes d’accidents de chocs. L’analyse de l’étude réalisée permettra de choisir de critères recevables d’évaluation de blessures à analyser lors d’essais d’évaluations de performances d’écrans motards. Les accidents avec suite mortelle des motocyclistes peuvent se présenter de différentes natures : soit par collision avec des objets à proximité des voies de circulation (barrières, arbres, poteaux d’éclairage etc.), soit par collision avec d’autres véhicules. D’après le COST 327 [22], en 1998 sur le plan européen les motocyclistes ont plus fréquemment des accidents impliquant des voitures (53.9%). Même si la part des collisions avec les véhicules poids lourds représentent une faible proportion (9%), elles seraient plus sévères et fatales aux motocyclistes. L’étude MAIDS [3] réalisée de 1999 à 2000 dans cinq pays européens (France, Espagne, Italie, Allemagne, Pays-Bas) aboutira aux mêmes résultats que le COST 327. Le MAIDS présente également les voitures de tourisme comme «les partenaires de collisions» les plus fréquents (60%), suivis par la chaussée (9%). Les objets fixes dont les glissières de sécurité sont quatrième du groupe et représentent 8% des partenaires de collisions des motocycles (cf. tableau 1.2).
Synthèse sur les blessures typiques du motard
La synthèse sur les blessures typiques du motard s’inscrit dans la démarche à mettre en place pour l’évaluation des performances des écrans motards. L’étude bibliographique réalisée a permis de montrer dans un premier temps la vulnérabilité des motocyclistes par rapport aux autres usagers de la route. Malgré la faible fréquence des accidents de la route impliquant les motocycles, le risque de décès des motocyclistes lors des accidents de circulation routière est plus élevé que le risque de décès des usagers de voitures. En s’intéressant mieux au cas des accidents de chocs avec les dispositifs de retenue routiers (équipées de système de protection motards ou non), il ressort que les blessures à la tête et au torse sont les blessures les plus graves et conduisant au décès des motocyclistes. L’analyse des données d’accidentologie sur les blessures au tronc a révélé que les blessures au thorax sont de gravité sévères par rapport aux blessures contractées aux autres parties du corps par le motocycliste victime d’accidents de chocs sur dispositifs de retenue routiers. Toutefois, malgré leur degré de sévérité mineur les membres inférieurs et supérieurs sont les parties du corps du motocycliste fréquemment atteintes de blessures lors d’accidents de chocs avec les dispositifs de retenue routiers (équipées de système de protection motards ou non). Pour les motards, il faut donc protéger la tête et le thorax pour éviter des lésions graves et sauver des vies humaines lors d’accidents de chocs contre dispositifs de retenue routiers. L’agressivité de l’écran motard (dispositif de retenue pour motocyclistes) vis-à-vis du motard peut donc être caractérisée par le degré de sévérité des blessures contractées par ce dernier à la tête et au thorax. Les critères d’évaluation de blessures sont les outils adéquats pour quantifier le degré de sévérité des blessures. Ils serviront donc de critères d’évaluation de performance des écrans motards dans ce travail.
Barrière équipée d’écran motard
Les barrières en bordure de route sont nécessaires lorsque les obstacles au bord de la route ne peuvent pas être retirés, ou lorsque le trafic est mixte (motards et voitures par exemple). Cependant, les dispositifs de retenue pour la plupart en acier (figure 2.3) ou en béton, sont initialement conçus pour les voitures. Ils sont constitués d’une partie supérieure fixée sur des poteaux solidement ancrés dans le sol tout au long de la route à des intervalles réguliers. Le rôle principal de ces dispositifs est de rediriger les voitures vers la chaussée en les empêchant de heurter éventuellement des obstacles se situant derrière les dispositifs de retenue. Lors d’accident de choc du motocycliste, ce dernier en glissant sur la chaussée peut passer sous la partie supérieure du dispositif de retenue ou impacter un poteau. Le motard risque également de se couper grièvement sur la glissière tranchante. Le traditionnel dispositif de retenue ne permet donc pas de protéger le motocycliste et de limiter ses blessures. La solution proposée par les constructeurs de dispositifs de sécurité est d’équiper le traditionnel dispositif de retenue (à sa partie inférieure) d’une structure qui pourra protéger le motard. Il s’agit d’un écran pouvant absorber l’énergie de chocs et permettant une lente décélération du motocycliste lors d’accidents de chocs. La figure 2.4 présente quatre variétés de dispositifs de retenue de véhicules équipés d’écrans motards : glissière en acier, glissière mixte acier-bois, glissière en béton et glissière mixte acier-tubes de polyéthylène. Un dispositif de retenue avec son plan détaillé choisi sur le site d’un constructeur sera modélisé pour les simulations numériques. Pour la validation numérique du modèle de barrière développé, on se contentera d’une validation globale du comportement de la barrière à partir du comportement d’une barrière de même type, recensé dans la bibliographie. Le choix fut donc porté sur le dispositif de type GS4 en acier développé par la société Solosar. La société Solosar est une société de fabrication des barrières disposant sur son site d’une «documenthèque» dont les plans des dispositifs de retenue routiers sont en libre accès. Les caractéristiques géométriques de la barrière choisie sont présentées à la figure 2.5. Le choix d’une barrière en acier est justifié par sa fréquence élevée d’utilisation en section courante de route par rapport aux glissières en béton. Les glissières métalliques conviennent à la plupart des situations routières et présentent un niveau de sécurité élevé (elles peuvent être équipées d’un écran moto permettant la protection des motocyclistes en cas de chute). Elles amortissent les chocs et sont peu agressives pour les véhicules légers et les passagers. Le dispositif présenté à la figure 2.5 montre l’écran motard accroché au dispositif de retenue traditionnel (pour voitures) par l’intermédiaire d’un bras(2) qui permet de rendre souple le système de protection en cas de chocs dans la partie basse pour un motard.
Configuration d’essais pour évaluation de performances des écrans motards
Suivant les procédures normative EN 1317-8 [17] et LIER [59] qui sont les procédures d’évaluation de performances d’écrans motards les plus couramment utilisées, on distingue deux principaux types de configurations d’impacts : la configuration parallèle et la configuration inclinée. On rappelle que lors d’accidents de choc de motocyclistes, la tête et le thorax sont les parties du corps dont les blessures engendrent plus de décès (voir chapitre 1). Ruiz et al. [56] ont réalisé des travaux afin de déterminer la configuration d’impact engendrant la plus grande sévérité entre les deux configurations. Pour les deux configurations d’impact les sévérités des blessures à la tête et au thorax ont été comparées. Les simulations numériques d’essais de chocs sur écrans motard ont été réalisées avec le mannequin HUMOS suivant les configurations parallèle et inclinée. Les déflexions maximales sur les nervures 4, 8 et 12 des cotes furent utilisées comme critères de comparaison. Les déflexions maximales des nervures 4, 8 et 12 sont respectivement de 40 mm, 35mm et 51.4mm dans le cas d’un choc parallèle à la barrière et de respectivement 52.2 mm, 49 mm et 33mm dans le cas d’un choc incliné. Les déflexions maximales sur les nervures des cotes sont semblables suivant les deux configurations d’essais : 51.4mm pour la configuration «inclinée» et 52.2 mm pour la configuration «parallèle». Cependant, il a aussi été démontré que la configuration «inclinée» est la plus préjudiciable pour les blessures à la tête lors d’accidents de chocs de motards sur barrières [18]. Ces résultats montrent que la configuration inclinée est suffisante pour évaluer la performance des écrans vis-à-vis des blessures relevées sur le mannequin lors d’essais d’évaluation de performances d’écrans motards. Il s’impose donc, comme dans la procédure normative EN 1317-8 d’appliquer seulement la configuration inclinée afin de limiter le coût des essais ; ce qui n’est pas le cas pour la configuration LIER qui recommande les configurations « inclinée »et « parallèle ».
Maillage et formulations d’éléments de l’écran du dispositif de retenue modélisé
Pour avoir un modèle numérique optimal en temps de calculs tout en conservant une précision suffisante, il est important de déterminer la taille d’éléments ainsi que la formulation d’éléments convenables à utiliser sous LS DYNA pour l’écran(impacté) du dispositif de retenue modélisé. La tête casquée du mannequin Hybrid III est lancée sur l’écran d’une barrière équipée d’écran motard de portée 4 m, à une vitesse de 60 kmh−1 sous un angle de 90°. Quatre tailles d’éléments ont été testées pour l’écran motard : 5mm, 10 mm, 20 mm, et 40mm. Pour chaque taille d’éléments, un modèle de référence utilisant des éléments à intégration complète a été construit. Ensuite quatre autres configurations ont été testées en faisant varier les coefficients de contrôle d’hourglass (sans coefficient d’hourglass, 0.1%, 5% et 10%). Soit au total 20 configurations ont été testées. La qualité numérique de chaque configuration est évaluée par le critère de ratio d’énergie d’hourglass de l’écran : le rapport entre l’énergie d’hourglass et l’énergie interne pour l’écran doit être inférieur à 10% [5], conférant au modèle une bonne qualité numérique. La convergence du maillage est évaluée par la convergence de la déflexion maximale subie par l’écran motard impacté. Enfin, le coût en terme de temps de calcul passé sur le processeur par chacune des configurations testées est pris en compte ; la solution retenue devant permettre la réalisation d’études paramétriques avec un ratio de 2 à 3 calculs par jour. L’étude détaillée de la convergence de maillage et de formulation d’éléments de l’écran du dispositif de retenue modélisé est présentée à l’annexe A.2. En synthèse de l’étude de convergence de maillage et de formulations d’éléments de l’écran motard, pour chacune des configurations étudiées, les modèles à intégration complète sont d’une part caractérisés par une excellente qualité numérique (pas d’énergie d’hourglass) et d’autre part par un temps de calcul passé sur le processeur assez élevé (temps de calcul passé sur le processeur des modèles à intégration réduite multiplié par 1.5). Les modèles à intégration réduite avec contrôle d’hourglass sont meilleurs en termes de qualité numérique par rapport au modèle à intégration réduite sans contrôle d’hourglass en se référant au critère du ratio d’énergie d’hourglass. La précision des résultats est sensible à la taille des éléments et à la formulation d’éléments : en effet, des résultats précis sont obtenus pour le modèle à intégration complète et pour le modèle à intégration réduite avec contrôle d’hourglass de 0.1% pour des tailles d’éléments 5 mm, 10 mm, 20 mm (convergence du maillage est obtenu). Au final, la taille d’éléments 20mm avec la formulation d’éléments à intégration réduite avec contrôle d’hourglass à 0.1% ont été utilisées pour le modèle de barrière développé. La configuration retenue est un bon compromis entre la convergence de maillage et le temps de calcul passé sur le processeur.
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Table des matières
Introduction générale
1 Bibliographie : Accidentologie des motocyclistes
1.1 Introduction
1.2 Conditions d’accidents
1.3 Critères de blessures
1.4 Conclusion
2 État de l’art : Procédures d’essais pour évaluation des performances des écrans motards
2.1 Introduction
2.2 Entités physiques intervenant dans la réalisation d’essais motards
2.3 Procédures pour évaluation de performances des écrans motards
2.4 Étude préliminaire pour la définition des entrées du plan d’expérience
2.5 Choix de critères biomécaniques et du mannequin
2.6 Conclusion
3 Développement d’un modèle numérique pour simulation d’essais de chocs sur écran motard
3.1 Introduction
3.2 Description du modèle numérique de mannequin Hybrid III 50th percentile mâle
3.3 Casque
3.4 Barrière équipée d’écrans de protection motards
3.5 Conclusion
4 Analyse de sensibilité en simulation numérique d’essais de chocs sur écran motards
4.1 Introduction
4.2 Introduction à l’analyse de sensibilité
4.3 Plan d’expérience pour l’analyse de sensibilité
4.4 Influence des conditions d’essais
4.5 Influence des paramètres matériaux de l’écran motard
4.6 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
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