Fonctions exécutives
Concept général et modèle du système de superviseur attentionnel
Les fonctions exécutives peuvent être définies comme les processus decoordination et de contrôle des opérations cognitives pour atteindre des objectifs spécifiques dans des situations non habituelles (Logan, 1985). Cette proposition de définition est permise par une vision issue du modèle du Supervisor Attentional System (SAS) que ses auteurs décrivent comme un système ayant des ressources limitées et étant impliqué dans la genèse d’actions volontaires (Norman et Shallice, 1986). Il serait nécessaire au traitement de certaines situations, comme les situations nouvelles quand les réponses habituelles ne sont plus satisfaisantes ou dans les situations où les réponses prépondérantes habituelles doivent être inhibées (Shallice & Burgess, 1991). Ces auteurs considèrent que le SAS est responsable des fonctions classiquement dévolues au lobe frontal.
Le modèle de Baddeley – notion d’administrateur central
Pour Baddeley (1974, 2000), le modèle attentionnel proposé par Norman et Shallice (1986) peut aider à comprendre le fonctionnement de l’administrateur central, dans son modèle de la mémoire de travail (MdT), via le système superviseur attentionnel (SAS). Le SAS, qui peut interrompre ou modifier un comportement en cours, est nécessaire à la planification de situations complexes. Cette fonction serait donc impliquée dans de nombreuses activités du quotidien : dans des activités d’organisation nécessitant de retenir et de manipuler en même temps de l’information, dans des activités de hiérarchisation et de coordination de tâches lorsque l’on réalise plusieurs tâches simultanément, etc. Le parallèle avec la notion de fonctionsexécutives est évident, on trouve dans la littérature anglaise les termes suivants pour désigner l’administrateur central : Central Executive ou Executive Control. D’un point de vue neuroanatomique, les régions préfrontales, cingulaires et pariétales seraient impliquées dans l’administrateur central (Broggard et al, 2007).
Le modèle de Miyake
De nombreuses études ont tenté de mettre en évidence des composants cognitifs distincts appartenant à ces fonctions exécutives (Miyake, Friedman, & Emerson,2000). La faible corrélation entre différentes tâches de tests exécutifs largement utilisés va dans le sens de cette hypothèse (Lowe & Rabbit, 1998 ; cité dans Delaloye et al., 2008). Cependant, dans ces tests, l’implication systématique de processus cognitifs non exécutifs tels que la vitesse de traitement reste une limite à l’interprétation de ces résultats (Miyake et al., 2000 ; Salthouse, 2005). Dans une expérimentation réalisée sur un échantillon d’étudiants, Miyake et al. (2000) ont recherché l’existence de trois composants exécutifs souvent nommés dans la littérature : inhibition, flexibilité mentale ou shifting, et mise à jour ou updating. Pour ces auteurs, ces trois composants peuvent se définir comme suit : l’inhibition serait la capacité à supprimer les réponses dominantes, automatiques et prépondérantes lorsqu’elles sont inappropriées, la flexibilité mentale serait la capacité à diviser son attention entre deux ou plusieurs sous tâches ou différents éléments d’une même tâche, et enfin, la mise à jour correspondrait à la capacité à évaluer l’information entrante et à réviser les contenus existants de la
mémoire de travail en effaçant ce qui n’est plus pertinent, et en les remplaçant par de l’information pertinente. Avec ce modèle issu de leurs observations, ils concluent que les fonctions exécutives montrent à la fois « une unité et une diversité ». En effet, ces trois composants exécutifs sont des construits séparés qui présentent entre eux des corrélations modérées au niveau latent (Fisk & Sharp, 2004). Or, justement, la validité d’un construit est établie quand toutes les variables qui y sont associées ont des corrélations de modérées à fortes entre elles (validité convergente) et de faibles corrélations avec des variables associées aux autres construits (validité discriminante) (Salthouse, Atkinson, & Berish, 2003). Cependant, les preuves par validité discriminante sont encore rares dans le cas des fonctions exécutives et de nombreuses études rapportent une plus basse corrélation entre différentes tâches exécutives qu’entre les tâches exécutives et non exécutives (Della Sala, Gray, Spinnler, & Trivelli, 1998).
Au delà de ces dernières considérations qui alimentent encore les débats dans la recherche actuelle sur les fonctions exécutives, nous retenons pour la présente étudel’idée d’une unité et d’une diversité des fonctions exécutives en nous rapportant principalement au concept du SAS comme cadre de notre réflexion, tout en ignorant pas que des sous composants exécutifs distincts peuvent être identifiés et doivent être évalués, pour une compréhension optimale des processus cognitifs en jeu dans le fonctionnement exécutif normal ou dans ses dysfonctionnements.
Syndrome dysexécutif et traumatisme crânien
Notion de syndrome dysexécutif
Historiquement, les premiers travaux cliniques en lien avec les fonctions exécutives furent le fait de chercheurs qui s’intéressaient aux blessés de guerre et à leur capacité à programmer des séries d’actions ou à résoudre des problèmes. Les travaux de Luria (1966) notamment ont posé les jalons de l’étude des dysfonctionnements d’ordre exécutif.
Le terme « syndrome dysexécutif » est un terme d’emploi récent. Il est introduit par Baddeley en 1986 pour caractériser, sur le plan fonctionnel, un déficit du « Système de Superviseur Attentionel » proposé par Shallice. Il était initialement dénommé « syndrome frontal » car les déficits auxquels il renvoie étaient souvent observés lors de lésions du lobefrontal. Mais, comme des déficits semblables ont pu être constatés chez des patients présentant d’autres types de lésions (Stuss & Benson, 1984), comme des lésions postérieures, le terme syndrome dysexécutif l’a par la suite remplacé, mettant l’accent sur l’aspect fonctionnel plutôt que sur la localisation de la lésion.
Plus récemment, les travaux de Damasio notamment, ont apporté de nouveaux éléments qui viennent enrichir le concept de syndrome dysexécutif. A travers l’étude de cas rétrospective de Phineas Gage, le tristement célèbre patient du docteur Harlow (1848), victime d’une importante lésion cranio-cérébrale, et l’étude de cas du patient EVR -ablation du cortex ventromédian suite à une tumeur- (Eslinger & Damasio, 1985), les chercheurs montrent qu’à l’aspect jusque là surtout cognitif du syndrome exécutif, s’ajoutent souvent les aspects comportemental (notamment l’adaptation sociale) et émotionnel. Des difficultés pour faire des choix, pour prendre en compte des feedbacks négatifs sur leurs choix, et pour planifier des activités sur une journée ou s’organiser dans le temps sont observées chez certains patients présentant des lésions du cortex orbitofrontal (Wiederkehr et al., 2005) ou du cortex préfrontal ventromédian (Bechara et al., 1994 ; Bechara et al., 2000). Dans le deuxième cas, ces difficultés sont généralement associées à un comportement impulsif, un émoussement affectif et une diminution ou une absence d’empathie, de culpabilité, de remord (dimension émotions et théorie de l’esprit). Ces symptômes peuvent se manifester en l’absence de déficit intellectuel ou des fonctions exécutives dans leur acceptation classique (peut être dans le sens où les tests standards ne repèrent pas d’altération ?). Cette dissociation a amené Damasio (1995) à formuler l’hypothèse des marqueurs somatiques selon laquelle les états émotionnels participent à la prise de décision, tâche qui est, par définition, exécutive.
En neuropsychologie, les fonctions exécutives, et donc un éventuel syndromedysexécutif, sont évaluées à l’aide de tests standardisés, qui permettent de comparer les performances de la personne évaluée par rapport à une population de référence. La plupart de ces tests ont pour objectif de permettre au clinicien analysant leurs résultats d’inférer quels sont les processus ou les fonctions cognitives qui sont efficientes et celles qui sont déficitaires.
Si les habitudes de langage nous font associer une fonction à un ou plusieurstests, la plupart de ces tests font en réalité intervenir conjointement plusieurs fonctions exécutives et c’est par le croisement des différents résultats que l’on parvient à une interprétation pertinente.
Le syndrome dysexécutif peut avoir de multiples étiologies. Il peut être observé à la suite d’une tumeur des régions frontales, dans des pathologies vasculaires comme une rupture d’anévrisme de l’artère communicante antérieure, un infarctus de l’artère cérébrale antérieure ou de l’artère cérébrale moyenne, dans les syndromes démentiels comme la démence de type Alzheimer ou la démence fronto-temporale ou encore à la suite d’un traumatisme crânien (Godefroy & GREFEX, 2010).
Définition et épidémiologie du traumatisme crânien
Le traumatisme crânio-encéphalique ou traumatisme crânien (TC) est un ébranlement en masse du cerveau induit par un coup direct à la tête, une accélération ou une décélération rapide. Le « TC sévère » s’accompagne d’un coma caractérisé par une abolition temporaire de la vie de relation, avec une conservation au moins partielle des fonctions de la vie végétative. La gravité du coma est généralement évaluée avec l’échelle de Coma de Glasgow (Jennet & Teadale, 1974).
Selon cette échelle, pour que le TC soit considéré comme sévère, un score de Glasgow égal ou inférieur à 8 doit être présent pendant au moins 8 heures durant les 24 heures suivant l’accident. La durée de l’amnésie post-traumatique doit être égale ou supérieure à une journée (Mazaux & Joseph, 2000). Le TC sévère induit des lésions cérébrales primaires (focales ou diffuses), directement imputables à l’impact, et des lésions secondaires, conséquences de l’évolution de ces lésions et du développement de phénomènes vasculaires et métaboliques réactionnels (Mazaux & Joseph, 2000).
Ces lésions seront souvent à l’origine de déficits ou de troubles pouvant avoir des répercussions cognitives, comportementales ou émotionnelles, certaines perdurant à distance du traumatisme.
La prise en charge des traumatisés crâniens est un grand problème de santé publique. En effet, dans la majorité des pays européens, le traumatisme crânien demeure la principale cause de mortalité et de handicap chez les jeunes (Vuadens & Bellmann, 2011).En France, les principales causes de traumatisme crânien sont les accidents de la voie publique, qui concernent l’ensemble de la population -avec un pic de fréquence chez les 19/25 ans-, mais les chutes des personnes âgées tiennent également une place non négligeable. Dans le monde, des disparités s’observent cependant en fonction des pays, l’Afrique du Sud ou encore certains états des USA enregistrant par exemple un plus grand nombre de traumatismes crâniens liés à l’utilisation d’armes à feu qu’à des accidents de la voie publique (Cohadon et al., 2008).
On dénombre en France environ 150 000 traumatisés crâniens (TC) chaque année. Ce sont à peu près 8 000 décès et 4000 comas annuels. Il y a actuellement en France plus de 30 000 personnes ayant été victimes de TC et vivant avec des séquelles graves (Mathé et al., 2005). La prise en charge de ces blessés fait appel à des compétences très spécifiques et variées et le parcours des patients de l’accident à la réinsertion comprend généralement plusieurs étapes,au sein de différents services et institutions qu’il convient de coordonner au mieux (urgences, neurochirurgie, médecine physique, centre d’aide à la réinsertion professionnelle…), des progrès sont encore à faire dans ce sens.
Présentation de la BADS
La Behavioural Assessment of the Dysexecutive Syndrome(BADS) est une batterie de tests destinée à prédire les difficultés de la vie quotidienne consécutives au syndrome dysexécutif. Sa version originale est issue du travail de Wilson, Alderman, Burgess, Emslie et Evans (1996) normée en anglais sur un groupe de 216 sujets contrôles répartis équitablement en sous groupes contrôlés sur l’âge, le sexe, et le QI. Le groupe expérimental se composait de 92 patients présentant un syndrome dysexécutif d’étiologies diverses, avec cependant une majorité de traumatisés crâniens (59%). La validité écologique de cet outil associée à ses bonnes qualités psychométriques ont incité une équipe française composée d’Allain, Roy, Kefi, Pinon, Etcharry-Bouyx et Le Gall (2004) à entreprendre sa traduction en français et à en évaluer l’intérêt. Leur population d’étude se compose d’un groupe de 28 sujets contrôles et de 28 personnes ayant subi un traumatisme crânien sévère. Bien que leur population d’étude soit nettement plus réduit que dans sa version originale, leurs résultats répliquent assez fidèlement ceux de l’étude princeps. Dans ces deux versions, la BADS est composée de 6 subtests alliant tâches de manipulation ou de réflexion sur des situations concrètes, et d’un questionnaire. Une description des subtests est présentée ci-dessous (une description complète peut être trouvée dans le manuel de Wilson et al.,1996). Un scorede profil allant de 0 à 4 est obtenu pour chacun des 6 subtests et l’ensemble de ces scores est additionné pour obtenir le score de profil total (sur 24 points).
La BADS, de par son positionnement à mi chemin entre évaluation écologique multifactorielle et test papier crayon standard, représente sans douteun compromis intéressant entre ces deux niveaux d’évaluation.
Test d’Alternance de règles
Pour ce test, on utilise un jeu de 21 cartes à jouer qui se présente sous la forme d’un carnet à spirale. Dans la première partie du test, le sujet est invité à répondre « Oui » si la carte est de couleur rouge et « Non » si elle est de couleur noire. Cette règle est laissée à portée de vue du sujet afin de réduire la charge mnésique. Les cartes à jouer sont présentées une à une. Cette première partie du test est souvent bien réussie et rares sont les patients qui commettent des erreurs. Elle permet cependant de mettre en confiance les sujets et d’établir un pattern comportemental qui multiplie les chances de voir apparaître des erreurs persévératives dans la seconde partie du test, lorsque la règle change. Dans cette deuxième partie, on demande en effet aux sujets de répondre « Oui » si la carte qui vient d’être retournée est de la même couleur que la précédente et »Non » si elle est de couleur différente. La seconde partie incite donc les sujets à « oublier » la première règle et à se concentrer sur l’application de la nouvelle règle qui également laissée à portée de vue du sujet. Les paramètres mesurés sont le temps total de réalisation et le nombre d’erreurs commises. Le test d’alternance de règles explore la capacité du sujet à répondre en se conformant à une règle, à passer d’une règle à l’autre et à garder en mémoirela couleur de la carte précédente (mise à jour) et la règle en cours.
Test du programme d’action
Le Test du Programme d’Actions confronte le sujet à une tâche pratique qui requière la mise en place d’un plan d’actions afin de résoudre un problème concretsimple. Il nécessite cinq étapes successives pour être résolu. Afin d’atteindre le but qui lui est assigné, le sujet doit œuvrer de manière rétroactive, c’est-à-dire qu’à partir de la connaissance de l’objectif final, il doit reconstruire les étapes qui lui permettront de l’atteindre. Dans ce test, le sujet est mis face à un matériel inédit: un socle rectangulaire sur lequel est posé un grand récipient transparent rempli au 2/3 d’eau et surmonté d’un couvercle amovible percé en son centre. De l’autre côté du socle, est fixé un tube à essai transparent dans le fond duquel se trouve un petit bouchon de liège. Une tige de métal (ayant la forme d’un L), ainsi qu’un petit flacon (fileté à l’une de ses extrémités) dont le bouchon à visser est placéà côté, complètent l’ensemble. Le sujet a pour consigne de récupérer le bouchon de liège se trouvant dans le tube à essai en utilisant les objets placés devant lui mais sans soulever le socle, le tube à essai ou le récipient et sans toucher le couvercle de la main. La résolution du problème implique de comprendre que l’eau du récipient peut faire remonter et flotter le bouchon de liège au sommet du tube aessai. Il faut donc trouver le moyen d’atteindre l’eau du récipient et de la transvaser dans le tube à essai. Pour ce faire, il est nécessaire d’enlever le couvercle du récipient avec le crochet métallique, de visser le bouchon du petit flacon, de remplir d’eau ce flacon, de verser cette eau dans le tube, et de répéter l’opération jusqu’à ce que le bouchon flotte au sommet du tube à essai.
Test du Zoo
Dans ce test, on présente le plan d’un zoo au sujet et on lui demande d’indiquer le parcours qu’il emprunterait pour visiter une série de lieux déterminés en fonction d’un certain nombre de contraintes (ne pas repasser par les mêmes allées par exemple). Le test comprend deux conditions.
La première condition, plus difficile, teste spécifiquement les capacités de planification du patient.
Pour minimiser les erreurs, le sujet doit anticiper l’ordre dans lequel il va se rendre aux différents endroits désignés. Dans la seconde condition, moins exigeante, le sujet doit simplement suivre les instructions pour réaliser une performance sans erreur.
La comparaison des performances dans les deux conditions permet une évaluation quantitative des capacités de planification spontanéedu sujet lorsque l’assistance cognitive est minimale. Elle autorise également une évaluation quantitative de sa capacité à suivre une stratégie concrète, imposée de l’extérieur, lorsque l’aide cognitive est maximale . La performance à ce test permet d’envisager les bénéfices éventuels qu’offrirait une assistance sous forme de « check-list » au patient dysexécutif.
Test modifié des six éléments
Basé sur l’épreuve originale de Shallice et Burgess (1991), ce test a été légèrement modifié afin de le rendre plus accessible à la plupart des sujets examinés par les neuropsychologues. Cette épreuve invite le sujet à effectuer trois types de tâches, une fois que des instructions précises lui ont été données. Chacune de ces trois tâches est divisée en deux parties A et B. Il y a ainsi deux séries d’additions, deux dictées à faire et deux séries d’images à dénommer, soit au total six sous-tâches à réaliser. Le sujet doit au moins débuter chacune des six sous-tâches au cours d’une période de dix minutes. De plus, il est averti qu’il existe une règle à ne pas transgresser : il n’est pas admis d’effectuer les deux parties d’une même tâche l’une à la suite de l’autre. Ici, la performance du sujet aux différentes sous-tâches importe peu. En revanche, ce test mobilise les capacités de planification, d’organisation et de contrôle comportemental. Il fait également beaucoup intervenir « la mémoire prospective » à savoir la capacité à se souvenir de mettre en œuvre telle ou telle intention à un moment précis dans le futur.
Le « questionnaire de fonctionnement exécutif » (DEX)
Il s’agit d’un questionnaire constitué de 20 items destinés à rendre compte des problèmes comportementaux habituellement associés au syndrome dysexécutif. Les questions abordent quatre grands registres dans lesquels des modifications sont susceptibles d’être relevées :
des modifications émotionnelles et de personnalité, des modifications de la motivation, des modifications comportementales et des modifications cognitives. Chaque item est apprécié sur une échelle de Lickert en cinq points (0 à 4), allant de « Jamais » à « Très souvent ». Le questionnaire DEX est présenté en deux versions, l’une est complétée par le patient lui-même et l’autre par un proche ou un soignant qui a de préférence des contacts quotidiens avec le patient.La comparaison des deux évaluations permet de repérer une éventuelle anosognosie du patient.
Traumatisme crânien léger
Étude de cas n°1 : Monsieur X
Présentation
Monsieur X. est un homme de 34 ans. Il est d’origine nord africaine et parfaitement bilingue.
Il a un niveau baccalauréat, a fait une formation dans la police et est devenu surveillant de prison. Il fait également une formation de technicien froid et climatisation. Il s’est ensuite marié avec une française et a travaillé plusieurs années comme frigoriste en France.
Il a été victime d’un traumatisme crânien léger suite à une chute de 4 mètres (accident de travail) avec un score à l’admission de 15 à l’échelle de Glasgow.Au scanner, il est observé une fracture du rocher droit, et une lésion frontale droite associée à une hémorragie sous arachnoïdienne traumatique homolatérale.
Actuellement, il ne présente pas de difficulté sur le plan de la gestion du quotidien. Il vit en couple et a une petite fille de 9 mois. Il reste cependant gêné par desdouleurs (dos et céphalées) qui accentuent des difficultés comportementales post traumatiques de type impulsivité, impatience, se répercutant sur sa vie personnelle. Malgré une évolution favorable et une bonne récupération, il évoque une fluctuation de l’humeur, marquée par des ruminations, des préoccupations concernant ses douleurs et son avenir. Il est bien conscient de ses difficultés et de sa fatigabilité. Il se plaint d’oublis (gaz, courses, rendez vous…) et d’impulsivité.
Traumatisme crânien sévère
Étude de cas n°2 : Monsieur T
Présentation
Monsieur T. est un homme de 36 ans. Il a fait un CAP de boulanger durant son adolescence, puis a été carreleur pendant 12 ans, métier qu’il a appris « sur le tas » au retour de son service militaire. Il est actuellement célibataire (séparé) et a deux enfants de dix et quinze ans. A 32 ans, il a été victime d’un accident de la voie publique (AVP)où il était passager d’une moto, entraînant un traumatisme crânien grave avec un hématome sous dural aigu en zones frontale et temporale (Glasgow < 9). Il a suivi une rééducation en neuropsychologie d’une durée d’un an cependant interrompue à plusieurs reprises en raison d’hospitalisations liées à son humeur dépressive et un état de stress post traumatique. L’humeur est maintenant meilleure mais une certaine fragilité psychologique demeure. Il n’a pas de traitement. Il fait beaucoup de sport en loisir.
Monsieur T. exprime des plaintes concernant sa mémoire, sa concentration, il cherche souvent ses mots et est très fatigable. Il a remarqué un changement dans son comportement, depuisl’accident il est plus renfermé et son humeur est changeante « en fonction du temps ».
Dossier médical – antécédents Son dossier indique un AVP dans l’enfance ayant nécessité une rééducation motrice, mais sans séquelle neurologique (trauma orthopédique).
Interprétations et discussion à propos du cas de Monsieur T
La BADS
Comme pour l’étude de cas précédente, notre première remarque est que le score global à la BADS de Monsieur T. (score déficitaire de 14/24) contraste avec les conclusions du bilan antérieur décrivant des fonctions exécutives plutôt bien préservées. Les résultats de Monsieur T. montrent également des dissociations importantes : on voit qu’il obtient d’unepart des scores maximum aux subtests alternance de régles, programme d’action et test modifié des 6 éléments, et d’autre part la note minimum aux tests de recherche des clés et de jugement temporel. Au subtest programmed’action (4/4) Monsieur T. a cependant fait preuve d’impulsivité et enfreint des règles, sans incidence sur le résultat. Malgré ces comportements inadaptés et unévident manque d’anticipation, il a pu réussir le test en procédant par tâtonnements. Le test des clés, échoué, met en évidence un net ralentissement dans l’organisation et l’exécution de la tâche,ainsi qu’un recours à une stratégie tout à fait inadaptée (il représente son parcours de recherche sous la forme d’une étoile). On remarque également une absence de contrôle et de critique de sa propre performance, et peut être même une difficulté à se représenter l’enjeu du subtest. Le jugement temporel montre une difficulté d’estimation, les ordres de grandeur sont cependant conservés dans l’ensemble. Monsieur T. a été très en difficulté au test du zoo : il n’a pas spontanément perçu l’intérêt de prendre un temps de préparation et d’anticipation pour planifier son parcours (notons qu’il obtient un score dans la norme à ce subtest). Le test des 6 éléments montre enfin qu’il a pu suivre plusieurs consignes simultanées et organiser efficacement son temps sur diverses tâches, pour ce faire il a en revanche eu recours à une stratégie plutôt peu adaptée (changer de tâche un très grand nombre de fois), stratégie considérée par Allain et al., (2004) comme renvoyant plutôt à un fonctionnement pathologique.
S’il convient de tenir compte du faible niveau scolaire de départ deMonsieur T. dans notre analyse, on pouvait cependant s’attendre à de plutôt bonnes performances auxépreuves pratiques et proches de la vie réelle (mettant en jeu des processus de raisonnement plus visuels que verbaux où il était plus en difficulté lors du précédent bilan : Matrices 9 par rapport aux Similitudes 6) de la part d’un ancien carreleur, or les résultats sont assez contrastés dans ces divers subtests.
Le DEX
Au questionnaire DEX, nous voyons que l’hétéro-évaluation rapporte plus de troubles que l’auto-évaluation (19 points contre 14). On peut donc faire l’hypothèse que Monsieur T. n’a que par tiellement conscience de ses propres troubles. Cependant, les résultats de l’hétéro-évaluation (comme ceux de l’auto-évaluation) ne mentionnent aucun trouble ou difficulté survenant « assez souvent » ou « très souvent ». Les scores totaux obtenus sont d’ailleurs relativement faibles que ce soit en auto-évaluation ou en hétéro-évaluation.
CONCLUSION
Nos résultats sont en faveur d’une atteinte des fonctions exécutives en situation écologique, avec notamment un score de profil total déficitaire. Monsieur T. a fait preuve d’impulsivité à plusieurs reprises, il présente des difficultés de contrôle et de prise de recul sur son comportement, que l’on peut mettre en lien avec la persistance d’une légère anosognosie. On note enfin un recours fréquent à des stratégies peu adaptées y compris en situation relativement concrètemalgré les aptitudes professionnelles anciennes. Nos résultats apportent plusieurs éléments nouveaux et sont relativement contrastés par rapport au bilan d’évaluation classique antérieur.
Étude de cas n°3 : Madame D
Présentation
Madame D. est une femme de 44 ans. Elle a été scolarisée jusqu’en 3e puis a travaillé avec son père à l’entraînement de chevaux de course. Elle était vendeuse –caissière en CDI au moment de l’accident.
Suite à un AVP sur le trajet domicile – travail elle a été victime d’un traumatisme crânien grave, avec un score de 8 sur l’échelle de Glasgow (coma = 72h), entraînant secondairement un hématome sous dural aigu droit avec effet de masse non chirurgical. Elle semble ne pas avoir bénéficié de prise en charge rééducative initiale. Le retour à la viepersonnelle a été difficile: séparation entraînant un syndrome anxio-dépressif nécessitant une hospitalisation en psychiatrie. Par la suite, elle retrouve son emploi aménagé en mi temps thérapeutique, qui se solde par un licenciement pour inaptitude. Deux tentatives de reconversions professionnelles entreprises par la suite n’aboutissent pas.
Ses plaintes concernent sa mémoire, une importante fatigabilité, des difficultés à gérer le stress et un manque d’envie.
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Table des matières
I/ Introduction
1.1. Présentation du lieu de stage
1.2. Intérêt de cette étude et notion de handicap
II/ Cadre Théorique
2.1. Fonctions exécutives
A. Concept général et modèle du SAS
B. Le modèle de Baddeley – notion d’administrateur central
C. Le modèle de Miyake
2.2. Syndrome dysexécutif et traumatisme crânien
A. Notion de syndrome dysexécutif
B. Définition et Épidémiologie du traumatisme crânien
2.3. Évaluation écologique et présentation de la BADS
A. Test d’Alternance de règles
B. Test du programme d’action
C. T est des clés
D. Test de jugement temporel
E. T est du Zoo
F. T est modifié des six éléments
G. Le « questionnaire de fonctionnement exécutif » (DEX)
2.4. Hypothèses
III/ Méthode expérimentale
3.1. Participants
3.2. Procédure
IV/ Traumatisme crânien léger
4.1. Étude de cas n°1
V/ Traumatisme crânien sévère
5.1. Étude de cas n°2
5.2. Étude de cas n°3
VI/ Discussion générale et limites
6.1. Synthèse des 3 études de cas
6.2. Discussion et limites
VII/ Conclusion
VIII/ Références Bibliographiques
Annexes
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