Listeria monocytogenes, espรจce du genre Listeria, a รฉtรฉ dรฉcrite pour la premiรจre fois en 1926 par Murray et al. Elle est l’agent responsable de la listรฉriose: maladie rare mais grave ร lโorigine d’avortements, de septicรฉmies et de mรฉningites. Sa transmission est essentiellement alimentaire. Le genre Listeria comprenait, jusque trรจs rรฉcemment, outre L. monocytogenes, cinq autres espรจces non pathogรจnes pour l’homme: L. innocua, L. ivanovii, L. seeligeri, L. welshimeri et L. grayi. Par contre, L. ivanovii est pathogรจne chez lโanimal sous forme dโavortement chez les bovins et les caprins. Deux nouvelles espรจces viennent dโรชtre signalรฉes: L. rocourtiae (Leclercq et al., 2010) et L. marthii (Graves et al., 2010).
L. monocytogenes se prรฉsente sous la forme de petits bacilles ร Gram positif, non capsulรฉs et non sporulรฉs. Ces bacilles sont des bรขtonnets rรฉguliers de 0,5-2,0 ยตm de longueur sur 0,4-0,5 ยตm de diamรจtre, aux extrรฉmitรฉs arrondies, associรฉs en courtes chaรฎnes, en palissades ou par paires sous forme de V. Des filaments de 6 ร 20 ยตm peuvent รชtre observรฉs dans les cultures รขgรฉes. Elle se dรฉveloppe en aรฉrobiose ou anaรฉrobiose et forme, sur gรฉlose nutritive incubรฉe 24 ร 48 h ร 37ยฐCelsius (C), des colonies de 0,5 ร 1,5 mm de diamรจtre ร reflets bleutรฉs en lumiรจre oblique. Les conditions de croissance de L. monocytogenes ont รฉtรฉ dรฉmontrรฉes expรฉrimentalement entre -2ยฐC et +45ยฐC, avec une croissance optimum pour des tempรฉratures comprises entre 30 et 37ยฐC. Par ailleurs, elle peut se multiplier pour des valeurs de pH comprises entre 4,6 et 9,6. Elle peut croรฎtre avec des teneurs en eau libre (aw) comprises entre 0,92 et 0,99. La bactรฉrie est halophile: elle se dรฉveloppe en prรฉsence de 10% de sel, certaines souches tolรจrent mรชme des concentrations en sel de 20%. La catalase est positive tandis que le test oxydase est nรฉgatif. La fermentation des sucres permettant de diffรฉrencier les diffรฉrentes espรจces de Listeria ne s’accompagne pas de production de gaz. Aprรจs 24h dโincubation sur gรฉlose contenant 5% de sang, une hรฉmolyse de type _ est observรฉe avec les espรจces L. ivanovii, L. monocytogenes et L. seeligeri. La mobilitรฉ est assurรฉe par une ciliature pรฉritriche lui donnant des mouvements ยซ en pirouette ยป reconnaissable ร lโรฉtat frais. La bactรฉrie est toujours mobile lorsqu’elle est cultivรฉe ร 20-25ยฐC, en revanche, elle est immobile ou faiblement mobile ร 37ยฐC.
L. monocytogenes est sensible ร plusieurs antibiotiques dont lโampicilline, la gentamicine, le chloramphรฉnicol, la novobiocine. Elle est rรฉsistante, entre autres, ร lโacide nalidixique et ร la polymixine B. Elle est rapidement dรฉtruite ร 60ยฐC. (Afssa, 2000, Wagner & McLauchlin, 2008) L. monocytogenes est une bactรฉrie ubiquitaire largement rรฉpandue dans lโenvironnement. On la retrouve ainsi dans le sol, les ensilages, les eaux usรฉes des รฉgouts, les aliments, sur les vรฉgรฉtaux (principalement sur ceux en dรฉcomposition), les tapis convoyeurs. Elle est retrouvรฉe dans les excrรฉments dโun grand nombre dโanimaux en bonne santรฉ (herbivores, porcs, volailles, chevaux, chiens, chats). Elle a รฉtรฉ mise en รฉvidence dans les รฉpandages et les effluents, rendant alors possible la contamination des eaux de lacs, riviรจres et ruisseaux.
Beumer et al. (1996b) ont montrรฉ la contamination des environnements domestiques par L. monocytogenes qui a รฉtรฉ isolรฉe dans 21% des 213 foyers enquรชtรฉs. La bactรฉrie a รฉtรฉ retrouvรฉe au niveau des salles de bain (tour du siphon des douches), des brosses ร dents, des rรฉfrigรฉrateurs, des รฉviers, des torchons et des brosses ร vaisselle.
L. monocytogenes est prรฉsente dans les diffรฉrentes filiรจres agro-alimentaires: en รฉlevage industriel de porcs et de volailles, dans lโindustrie de transformation des viandes (abattage, dรฉcoupe, salaison), en production laitiรจre (lait, fromage), dans la filiรจre des fruits et lรฉgumes, dans la filiรจre des produits de la pรชche (fruits de mer, poissons) (Chasseignaux et al., 2001, Aguado et al., 2004, Kells & Gilmour, 2004, Thevenot et al., 2006, Beaufort et al., 2007, Da Silva et al., 2007, MideletBourdin et al., 2007, Brito et al., 2008, Jalali & Abedi, 2008, Parihar et al., 2008a) .
La voie alimentaire reprรฉsentant le principal mode de contamination chez l’homme, la porte dโentrรฉe de la bactรฉrie dans l’organisme est le plus souvent le tube digestif (Schlech et al., 1983, Farber & Peterkin, 1991). Aprรจs avoir traversรฉ la barriรจre intestinale, L. monocytogenes se retrouve dans les cellules phagocytaires de la lamina propria oรน elle survit et se multiplie. Par la suite via la lymphe et le courant sanguin elle infecte le foie et la rate. A ce stade, la majoritรฉ des bactรฉries est rapidement tuรฉe. Chez la souris, les expรฉrimentations montrent quโร ce niveau, 90% de l’inoculum est rapidement dรฉtruit. Les bactรฉries non รฉliminรฉes infectent alors les hรฉpatocytes et la suite du processus infectieux dรฉpend de l’รฉtat immunitaire de l’hรดte. Effectivement, si le systรจme immunitaire ne peut pas contrรดler lโinfection, les bactรฉries se dissรฉminent par voie sanguine pour gagner des parties du corps par ailleurs stรฉriles comme le systรจme nerveux central ou le placenta (Rocourt & Jacquet, 2000, Rocourt et al., 2000).
Le pouvoir pathogรจne de L. monocytogenes tient principalement dans sa capacitรฉ de parasitisme intracellulaire qui sโexplique par son caractรจre invasif et sa capacitรฉ rapide de dissรฉmination. Le cycle de prolifรฉration de L. monocytogenes dans lโorganisme sโeffectue en plusieurs รฉtapes :
– lโentrรฉe de la bactรฉrie se fait par lโinteraction de protรฉines de surface de la famille des internalines et des rรฉcepteurs de la cellule hรดte. Le gรจne InlA qui code pour lโinternaline A, a pour rรฉcepteur lโE-cadhรฉrine. Lโinternaline B, codรฉe par le gรจne InlB, se fixe sur le rรฉcepteur cellulaire Met ou RTK (Receptor tyrosine kinase),
– aprรจs son entrรฉe dans la cellule hรดte, L. monocytogenes se trouve dans une vacuole qui va รชtre lysรฉe par lโaction de la listรฉriolysine, codรฉe par le gรจne hly, couplรฉe ร deux phospholipases (phosphatidyl-inositol phospholipase C et phosphatidyl-choline phospholipase C), codรฉes respectivement par les gรจnes plcA et plcB. Cette lyse de la vacuole va permettre la multiplication intracellulaire,
– il se produit alors un phรฉnomรจne de polymรฉrisation de lโactine cellulaire liรฉ ร la prรฉsence dโune protรฉine bactรฉrienne ActA qui entraรฎne une propulsion de la bactรฉrie dans la cellule et lui permet de se dรฉplacer jusquโร la membrane de la cellule hรดte,
– il y a ensuite dรฉformation de la membrane, crรฉation dโune protusion cellulaire puis passage de cellule en cellule,
– la lyse de la vacuole ร double membrane se fait รฉgalement par lโaction de la listรฉriolysine couplรฉe aux phospholipases,
– puis cโest le dรฉbut dโun nouveau cycle.
L. monocytogenes รฉchappe aux dรฉfenses immunitaires de lโhรดte grรขce ร ce passage direct de cellule en cellule. (Cossart, 1995, Stavru et al., 2011) .
Jusquโaux annรฉes 2000, aucune rรฉglementation internationale nโexistait concernant la prรฉsence de L. monocytogenes dans les aliments. Chaque pays appliquait donc ses propres critรจres. Afin dโassurer la sรฉcuritรฉ alimentaire, une recommandation europรฉenne indiquait, en 2000, que le taux de L. monocytogenes ne devait pas รชtre supรฉrieur ร 100 ufc (unitรฉ formant colonie)/g dans les aliments (SANCO, 2005). Diffรฉrents pays appliquaient alors cette recommandation: le RoyaumeUni, la France, lโAllemagne, les Pays- Bas. Par contre, lโItalie et lโAutriche avaient une tolรฉrance zรฉro, cโest-ร -dire, absence de L. monocytogenes dans 25g dโaliment. Cette tolรฉrance zรฉro รฉtait dโailleurs en vigueur au niveau mondial: USA, Australie, Nouvelle-Zรฉlande. Le Danemark et le Canada appliquaient une politique mixte en fonction du risque reprรฉsentรฉ par lโaliment: tolรฉrance zรฉro pour certains aliments et infรฉrieur ร 100 ufc/g ร la consommation pour dโautres (F.S.A.I, 2005).
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Table des matiรจres
I- LISTERIA MONOCYTOGENES
I-1 Description, caractรจres gรฉnรฉraux, habitat
I-2 Pouvoir pathogรจne et virulence
I-2-1 Entrรฉe de la bactรฉrie dans lโorganisme
I-2-2 Le cycle infectieux
I-3 Rรฉglementation vis-ร -vis de L. monocytogenes dans les aliments
I-4 Tests permettant dโรฉvaluer la croissance bactรฉrienne
I-4-1 Tests de croissance
I-4-2 Tests de vieillissement
I-5 Dรฉnombrement, isolement et identification de L. monocytogenes dans les aliments
I-5-1 Dรฉnombrement et isolement de L. monocytogenes
I-5-2 Identification ou confirmation de l’espรจce L. monocytogenes
I-6 Prรฉvalence et niveau de contamination dans les aliments
I-7 Caractรฉrisation des souches de L. monocytogenes
I-7-1 Sรฉrotypage
I-7-2 Caractรฉrisation gรฉnotypique
II-LISTERIOSE
II-1 La listรฉriose
II-2 Transmission par voie alimentaire
II-3 Surveillance de la listรฉriose
II-4 Aliments et sรฉrotypes impliquรฉs dans les รฉpidรฉmies
III-LISTERIA MONOCYTOGENES DANS LES PRODUITS DE LA PECHE
III-1 Prรฉvalence en L. monocytogenes
III-2 Niveau de contamination
III-3 Voies de contamination
III-4 Croissance de L. monocytogenes dans les produits de la pรชche
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